Quarante-troisième session

19 janvier-6 février 2009

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Haïti

Le Comité a examiné le rapport unique de Haïti valant premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième rapports périodiques (CEDAW/C/HTI/7) à ses 873eet 874e séances, le 27 janvier 2009. La liste des questions suscitées par ce rapport est parue sous la cote CEDAW/C/HTI/Q/7 et les réponses de Haïti à ces questions sont consignées dans le document CEDAW/C/HTI/Q/7/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie de son rapport unique valant premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième rapports périodiques, qui suit ses directives pour l’établissement des rapports et fournit une image d’ensemble de la situation des femmes en Haïti, ainsi que des informations concrètes sur la mise en œuvre de la Convention, tout en regrettant qu’aucun rapport n’ait été soumis depuis 1982. Il rappelle qu’à sa trente-septième session, en 2007, il a invité l’État partie à soumettre un rapport en mars 2008 au plus tard, notant que, faute de quoi, il examinerait la mise en œuvre de la Convention en l’absence de rapport. Le Comité se félicite de l’assistance technique fournie par la Division de la promotion de la femme en vue de l’établissement du rapport. Il se félicite également des réponses écrites aux questions soulevées par le groupe de travail présession et de la présentation et des réponses orales apportées aux questions posées par le Comité.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par le Ministre à la condition de la femme et aux droits des femmes, qui comprenait le Président du Sénat, le ministre chargé de la réforme de la justice et le Directeur général du Ministère de la santé, ainsi que des représentants de divers ministères ayant des compétences dans toute une série de domaines abordés par la Convention. Il se félicite du dialogue franc et constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir indiqué qu’il était déterminé à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et avait la volonté politique pour ce faire. Il prend notamment note avec satisfaction de l’approche interministérielle adoptée par l’État partie pour l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques et plans sur l’égalité des sexes, y compris la création de la Direction de la prise en compte des sexospécificités, les protocoles de coopération avec d’autres ministères ainsi que la mise en place de chargés de liaison pour les sexospécificités dans chaque ministère.

Le Comité note avec satisfaction les récents efforts déployés par l’ État partie pour réviser la législation discriminatoire à l’égard des femmes et adopter de nouvelles lois, et prend acte notamment de trois projets de loi sur la reconnaissance des unions consensuelles, les conditions de travail des employés de maison et la filiation et la parenté responsable, que le Parlement examine actuellement.

Le Comité note en s’en félicitant que le rapport unique a été établi grâce à une assistance technique et dans le cadre d’un processus participatif faisant intervenir organes gouvernementaux et organisations non gouvernementales et ayant débouché sur un atelier de validation présidé par le Premier Ministre. Il note également avec satisfaction la coopération suivie et le partenariat avec les organisations non gouvernementales aux fins de la mise en œuvre de la Convention.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a fait part de son intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant que l’État partie a l’obligation systématique et continue de mettre en œuvre toutes les dispositions de la Convention, le Comité estime que les préoccupations et recommandations mentionnées dans les présentes observations finales exigent de la part de l’État partie une attention prioritaire d’ici à la soumission du prochain rapport périodique. Il appelle par conséquent l’État partie à axer ses efforts sur ces domaines dans ses activités de mise en œuvre et à rendre compte des mesures prises et des résultats obtenus dans ledit rapport. Il appelle également l’État partie à communiquer les présentes observations finales à tous les ministères concernés, aux entités gouvernementales à tous les niveaux, au Parlement et aux organes judiciaires afin d’en assurer la mise en œuvre effective.

Parlement

Tout en réaffirmant que c’est aux gouvernements qu’il incombe au premier chef de veiller au respect des obligations qui sont celles des États parties au titre de la Convention, le Comité souligne que la Convention lie les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et invite l’État partie à encourager son parlement, conformément à son mandat et à ses procédures, et selon que de besoin, à prendre les mesures nécessaires pour ce qui est de la mise en œuvre des présentes observations finales et de l’établissement du prochain rapport au titre de la Convention.

Principe de l’égalité, définition de la discrimination et lois discriminatoires

Tout en notant que la Constitution de l’État partie dispose que les instruments internationaux prévalent sur le droit national et peuvent être directement appliqués, le Comité demeure préoccupé par l’absence de législation nationale interdisant la discrimination à l’égard des femmes et sanctionnant ladite discrimination. Il prend acte à cet égard de l’intention du Ministère à la condition de la femme et aux droits des femmes d’établir un projet de loi sur l’égalité des sexes dans le cadre de la mise en œuvre de son programme d’action 2008-2009.

Le Comité appelle l’État partie à établir et à adopter ce projet de loi sur l’égalité des sexes dans les meilleurs délais et d’y faire figurer une définition de la discrimination à l’égard des femmes qui porte sur la discrimination aussi bien directe qu’indirecte, conformément à l’article 1 de la Convention, ainsi que le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes et la possibilité de sanctions pour les actes discriminatoires en application de l’article 2 de la Convention.

Tout en se félicitant de la déclaration faite par l’État partie au cours du dialogue, selon laquelle les trois projets de loi mentionnés au paragraphe 5 ci-dessus, déjà soumis au Parlement, seraient examinés entre mars et mai 2009, le Comité est préoccupé par le fait que leur adoption risque d’être retardée du fait de la résistance de certains parlementaires, comme l’a reconnu l’État partie. Tout en prenant acte d’autres projets de loi à l’examen, notamment celui sur la traite des êtres humains, ainsi que de l’intention de l’État partie d’établir un certain nombre d’autres projets de loi dans des domaines critiques tels que la violence contre les femmes pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, le Comité est préoccupé par la lenteur du processus de rédaction de certains textes législatifs essentiels et l’absence de calendrier précis pour l’élaboration de leur version finale.

Le Comité appelle l’État partie à accorder un rang de priorité élevé au processus de réforme législative et à établir un calendrier précis pour l’adoption de tous les projets de loi à l’examen, en particulier ceux qui portent sur la reconnaissance des unions consensuelles, les conditions de travail des employés de maison et la filiation et la parenté responsable, ainsi que sur la traite des êtres humains. Le Comité recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour sensibiliser les fonctionnaires, l’Assemblée nationale et le public à l’importance de la réforme législative pour l’instauration d’une égalité de jure entre les hommes et les femmes.

Mécanisme national de promotion de la femme

Tout en se félicitant du fait que le mécanisme national de promotion de la femme soit de niveau ministériel et ait un mandat très clair, le Comité constate avec préoccupation que le Ministère à la condition de la femme et aux droits des femmes ne dispose pas des ressources techniques et financières suffisantes pour s’acquitter efficacement de ses fonctions de promotion de la femme et de l’égalité des sexes et de mise en œuvre des politiques, stratégies et projets du Gouvernement concernant ladite égalité. Il se félicite de la mise en place de chargés de liaison pour les sexospécificités dans tous les ministères et de la création d’un bureau représentant le Ministère dans les 10 départements du pays mais note que l’État partie reconnaît la nécessité de renforcer et de redéfinir le rôle de ces chargés de liaison et d’asseoir la présence du Ministère au niveau local.

Le Comité appelle instamment l’État partie à accorder une attention prioritaire au mécanisme national de promotion de la femme et à lui fournir les ressources humaines et financières nécessaires de manière à mieux coordonner la mise en œuvre de la Convention et à œuvrer efficacement à la promotion des droits fondamentaux des femmes et de l’égalité des sexes à tous les niveaux. Le Comité recommande à l’État partie de demander une assistance technique à la communauté internationale à cet effet.

Visibilité de la Convention

Tout en se félicitant des efforts déployés par le Ministère à la condition de la femme et aux droits des femmes pour sensibiliser les autorités gouvernementales et le public à la Convention ainsi que de la publication de la Convention en créole, le Comité note avec préoccupation que les dispositions de la Convention ne sont pas suffisamment bien connues de tous les pouvoirs du Gouvernement et de l’administration publique, notamment les pouvoirs judiciaires. Il est également préoccupé par le fait que les femmes ne connaissent guère leurs droits, comme le reconnaît l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de faire de la Convention une partie intégrante de la formation juridique des fonctionnaires, notamment des juges et avocats, des procureurs et des agents de police, de façon à s’assurer que l’esprit, les objectifs et l es dispositions de la Convention sont bien connus et que cette dernière est régulièrement utilisée dans les procédures judiciaires. Il recommande en outre à l’État partie de prendre des mesures appropriées, notamment de mettre au point des programmes offrant des notions de droit et de fournir des supports d’information, en particulier en créole, pour que les femmes connaissent mieux leurs droits.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie comprend bien l’objectif des mesures temporaires spéciales, telles qu’elles sont définies au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et prend acte de l’utilisation régulière qu’il en fait.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à adopter des mesures temporaires spéciales conformément à la recommandation générale n o  25, notamment dans le domaine de l’emploi et de la participation des femmes à la vie politique, afin d’accélérer l’instauration d’une égalité de fond entre les hommes et les femmes. Ces mesures devraient comprendre des objectifs, buts ou quotas mesurables et des calendriers afin de permettre un suivi efficace de leurs incidences.

Stéréotypes, pratiques culturelles

Tout en se félicitant de l’adoption par l’État partie de certaines mesures destinées à éliminer les stéréotypes, telles que la révision des manuels scolaires et la formation des enseignants, le Comité est préoccupé par les attitudes patriarcales et les stéréotypes profondément ancrés concernant les rôles et responsabilités des hommes et des femmes dans la famille, au travail et dans la société, qui constituent un obstacle à la réalisation de fait de l’égalité entre hommes et femmes et empêchent la pleine application de la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à adopter une stratégie globale visant à promouvoir un changement de culture et à éliminer les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles des femmes et des hommes à tous les niveaux de la société, conformément à ses obligations en vertu des articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Il recommande d’incorporer dans cette stratégie des campagnes de sensibilisation des hommes et des femmes, des enseignants, des médias et de l’ensemble de la population, ainsi qu’une nouvelle révision des manuels et programmes scolaires.

Le Comité est gravement préoccupé par la pratique du viol ou de l’inceste par des pères, oncles ou autres proches parents masculins sous le prétexte d’écarter « d’autres mâles étrangers à la famille ».

Tout en prenant acte du fait que ces actes sont de plus en plus fréquemment dénoncé s et porté s devant les juridictions, le Comité demande à l’État partie d’intensifier ses efforts visant à encourager leur dénonciation et de veiller à ce que leurs auteurs soient punis. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour que les hommes comme les femmes prennent davantage conscience que de telles pratiques , qui sont inacceptables , constituent des actes de violence contre les femmes.

Violence contre les femmes

Tout en se félicitant du nombre d’études consacrées à la violence contre les femmes en Haïti, y compris à la prévalence de la violence, et de l’adoption du Plan national d’action pour lutter contre la violence domestique, actuellement mis en œuvre, le Comité est alarmé par la très forte incidence de la violence contre les femmes dans l’État partie, en particulier de la violence domestique, de la violence sexuelle, du viol et du harcèlement sexuel à l’école et au travail. Tout en notant que l’État partie a reconnu la gravité du problème, le Comité constate que jusqu’à présent il n’existe malheureusement aucune disposition législative faisant de la violence contre les femmes, y compris la violence domestique, un délit, même si l’État partie envisage de rédiger une telle loi en 2009. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que le viol et le harcèlement sexuel par le mari ne sont pas considérés comme des infractions pénales.

Le Comité, appelant l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o  19 relative à la violence à l’égard des femmes, exhorte l’État partie à accorder une attention prioritaire à l’application du Plan national d’action contre la violence domestique. Il recommande à l’État partie d’adopter des dispositions législatives spécifiques concernant la violence contre les femmes, y compris la violence domestique, d’ériger le viol et le harcèlement sexuel par le mari en délit et de veiller que les femmes et les filles victimes de violence aient accès à des moyens de recours et de protection. Le Comité recommande donc à l’État partie d’élaborer à l’intention des agents de l’État, notamment des personnels de police et de justice et des prestataires de services de santé, des programmes de formation afin de les sensibiliser à la question de la violence contre les femmes et de leur transmettre les connaissances nécessaires pour pouvoir réagir efficacement à toute forme de violence contre les femmes. Le Comité demande également à l’État partie de lancer une campagne nationale, conformément à l’initiative lancée par le Secrétaire général en février 2008, afin de modifier les attitudes sociales et culturelles qui sont la cause véritable de la plupart des actes de violence visant les femmes. Il prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations détaillées sur la législation et les politiques destinées à lutter contre la violence à l’égard des femmes et leur impact.

Traite

Le Comité constate avec préoccupation qu’en dépit du nombre inquiétant de femmes victimes de traite en Haïti, la législation érigeant la traite en délit n’en est toujours qu’au stade de projet et n’a pas encore été soumise au Parlement. De ce fait, les cas de traite de femmes et de filles ne font peut-être pas l’objet d’enquêtes suffisamment approfondies, avec pour conséquence l’impunité des auteurs. Le Comité est également préoccupé par le manque de centres d’accueil pour les femmes et les filles victimes de la traite.

Le Comité exhorte l’État partie à intensifier ses efforts de lutte contre toutes les formes de traite des femmes et des filles. Il lui demande également d’adopter rapidement le projet de loi sur la question et de veiller à ce que la nouvelle loi permette de poursuivre et de punir les responsables, de protéger véritablement les victimes et de leur offrir des moyens de recours appropriés, conformément au Protocole de Palerme et à l’article 6 de la Convention. Le Comité encourage l’État partie à effectuer des travaux de recherche sur les causes profondes de la traite et à renforcer la coopération bilatérale et multilatérale avec les pays voisins, notamment la République dominicaine, en vue de prévenir la traite et de traduire les responsables en justice.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité est préoccupé par le faible pourcentage de femmes élues, aux niveaux national et local, et présentes dans l’administration, ainsi que par les stéréotypes au sujet de leur rôle dans la société, qui les découragent de participer à la vie politique. Il prend note du fait que la loi électorale de 2005 n’a pas eu d’effets positifs quelconque sur l’élection de 2006 et que, ainsi que le reconnaît l’État partie, la nouvelle loi électorale de 2008, qui offre des incitations financières similaires aux partis politiques, n’a peut-être pas l’effet souhaité. Le Comité note avec satisfaction que l’État partie, afin d’essayer de remédier à cette situation, envisage de rédiger dans le cadre du Plan d’action du MCFDF pour 2008-2009 une nouvelle loi fixant de nouveaux quotas.

Le Comité exhorte l’État partie à rédiger rapidement la nouvelle loi sur les quotas électoraux et à prendre des mesures pour assurer la parité dans le processus électoral en encourageant les femmes à s’inscrire sur les listes électorales. Appelant l’attention sur sa recommandation générale n o  23 concernant la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures concrètes pour accroître le nombre de femmes élues dans les organes décisionnels, y compris en adoptant des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25. À cet effet, le Comité recommande à l’État partie de lancer une campagne de sensibilisation afin de faire prendre conscience de l’importance de la participation des femmes à la vie publique et à la vie politique, y compris aux organes décisionnels, de créer les conditions sociales d’une telle participation, et de mettre en place des programmes de formation et de développement des capacités des femmes.

Éducation

Tout en prenant note du fait que l’enseignement primaire est gratuit et obligatoire et en se félicitant des mesures du Plan d’action du MCFDF pour 2008-2009 visant à garder davantage les filles à l’école, y compris l’accord de coopération signé entre le MCFDF et le Ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, le Comité est préoccupé par le fort taux d’analphabétisme chez les femmes, en particulier en milieu rural, par l’importante disparité en matière d’accès à l’éducation entre habitantes des zones urbaines et habitantes des zones rurales, et par le fort taux d’abandon scolaire des filles à différents niveaux d’enseignement.

Le Comité exhorte l’État partie à poursuivre ses efforts de lutte contre l’analphabétisme des femmes et à continuer à offrir des possibilités d’éducation, formelles et informelles, à toutes les femmes et à toutes les filles, en particulier dans les zones rurales. Il exhorte en outre l’État partie à élaborer un programme spécifiquement destiné à réduire le taux d’abandons des filles et des jeunes femmes, notamment aux moyens d’incitations pour les parents. Il recommande à l’État partie d’adopter des mesures destinées à encourager les filles et les jeunes femmes à poursuivre leurs études au-delà de l’enseignement obligatoire de façon à ce qu’elles acquièrent les qualifications et les savoirs nécessaires pour participer au marché du travail à égalité avec les hommes.

Emploi

Le Comité est préoccupé par la situation générale des femmes sur le marché du travail, dont témoignent leur fort taux de chômage et le fait qu’un pourcentage élevé de femmes travaillent dans le secteur informel ou occupent des emplois de sous-traitance, mal payés et précaires et sont exposées à la violence et au harcèlement sexuel. Le Comité est également préoccupé par la ségrégation professionnelle – horizontale et verticale – et par le fait que les femmes ont du mal à accéder à des postes de décisions. Tout en tenant acte du fait que le Parlement est actuellement saisi d’un projet de loi sur les conditions de travail des travailleurs domestiques portant révision du Code du travail, le Comité est préoccupé par le fait que les femmes qui occupent des emplois domestiques ne jouissent toujours pas de l’ensemble des droits énoncés dans la Convention.

Le Comité prie l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures temporaires spéciales, en application du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, afin d’améliorer la situation des femmes sur le marché du travail et d’intensifier ses efforts pour éliminer la ségrégation professionnelle – horizontale et verticale. Il recommande la révision rapide du Code du travail afin d’assurer aux travailleurs domestiques les mêmes droits et les mêmes avantages qu’aux autres travailleurs. Il recommande également à l’État partie de renforcer les moyens financiers et techniques de l’Inspection générale du travail afin qu’elle puisse effectivement contrôler les conditions de travail des femmes.

Tout en notant l’existence de certains programmes privés d’assurance santé minimum, le Comité est préoccupé par le fait que les personnes qui travaillent dans le secteur informel, soit 90 % de la population active, et qui sont dans une large majorité des femmes, sont exclues du régime public de sécurité sociale.

Le Comité recommande l’adoption de mesures législatives, administratives et autres visant à garantir aux femmes qui travaillent dans le secteur informel l’accès à la sécurité sociale de base et à d’autres avantages, y compris les congés de maternité.

Santé

Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles est confronté l’État partie en raison de la situation socioéconomique générale du pays et tout en notant avec gratitude les efforts qu’il a déployés pour mettre au point certains programmes et services en matière de santé, le Comité est préoccupé par le fait que des groupes vulnérables de femmes, en particulier dans les zones rurales, ont difficilement accès aux soins de santé et que le taux de mortalité maternelle est trop élevé. Il s’inquiète également du recours fréquent à l’avortement comme mesure de planification familiale et du fait que l’avortement est illégal dans l’État partie.

Appelant l’attention sur sa recommandation générale n o  24 concernant les femmes et la santé, le Comité recommande que de vastes mesures ciblées soient élaborées pour améliorer l’accès des femmes aux soins de santé et, en particulier, faire reculer le taux de mortalité maternelle. Il recommande également que l’accès aux moyens de contraception soit largement ouvert à l’ensemble des femmes et des hommes, y compris les jeunes adultes, et préconise l’élaboration de programmes d’éducation sexuelle tant pour les filles que pour les garçons afin d’encourager un comportement sexuel responsable et d’éviter la nécessité pour les femmes de recourir aux avortements illégaux. Il encourage l’État partie à promulguer la loi sur la dépénalisation partielle de l’avortement, comme il en avait exprimé l’intention.

Femmes rurales et femmes chefs de ménage

Tout en saluant les initiatives et les programmes sociaux mis en place par l’État partie pour autonomiser les femmes vivant dans la pauvreté extrême, le Comité s’inquiète du fait que les femmes rurales et les femmes chefs de ménage continuent d’être en butte à des niveaux élevés de pauvreté, et que leurs taux d’analphabétisme et de chômage soient plus élevés que ceux des autres groupes de femmes, sans compter le fait que leur accès aux droits sociaux et culturels de base, en particulier l’éducation et les soins de santé, soit entravé.

Le Comité invite instamment l’État partie à renforcer les initiatives visant à consolider l’autonomisation économique des femmes rurales et des femmes chefs de ménage et à améliorer leur accès aux soins de santé et à l’égalité des chances sur le marché du travail et dans l’accès à ce marché. Il recommande que l’État partie se penche sur les droits et les besoins des femmes rurales en mettant en œuvre une politique de développement rural intégré et en garantissant la participation des femmes rurales à l’élaboration de politiques et à la prise de décisions en faveur des zones rurales. Il encourage l’État partie à solliciter un soutien financier et technique auprès de la communauté internationale afin d’appliquer les mesures s’attaquant à l’exclusion sociale de ces groupes particuliers de femmes.

Relations familiales

S’il prend acte du fait que l’adoption du projet de loi sur la reconnaissance des unions consensuelles (plaçage) qui est actuellement en instance devant le Parlement améliorera la situation des femmes membres de ces unions, le Comité reste préoccupé de constater qu’en attendant la promulgation de la loi, ces femmes continuent d’être privées de l’égalité de droits dans les relations familiales.

Le Comité exhorte l’État partie à accélérer l’adoption de cette nouvelle loi et à faire en sorte qu’elle prévoie les mêmes droits et les mêmes devoirs pour les deux parties, tant pendant la durée de l’union qu’après sa dissolution.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité prie instamment l’État partie, dans la mise en œuvre des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, de mettre pleinement à profit la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et il demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations à ce sujet.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne qu’une application pleine et entière de la Convention est indispensable pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. Il préconise l’intégration d’une perspective sexospécifique et la prise en compte explicite des dispositions de la Convention dans tous les efforts visant à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations à ce sujet.

Ratification des autres traités

Le Comité note que l’adhésion des États aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme renforce l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux et des libertés fondamentales en ce qui concerne tous les aspects de la vie. C’est pourquoi il encourage le Gouvernement haïtien à ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, instruments que Haïti a signés en 2007.

Diffusion des conclusions

Le Comité demande que le texte des présentes conclusions soit largement diffusé en Haïti, afin de faire prendre conscience aux Haïtiens, en particulier aux responsables de l’administration et aux hommes et femmes politiques ainsi qu’aux parlementaires et aux organisations féminines et de défense des droits de l’homme, des mesures à prendre pour assurer l’égalité de droit et de fait des femmes et des autres mesures requises à cet égard. Il demande également au Gouvernement de diffuser largement, en particulier auprès des organisations féminines et de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant, des recommandations générales du Comité, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing de même que du document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Protocole facultatif se rapportant la Convention et amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à accepter, le plus tôt possible, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, concernant la durée des réunions du Comité.

Assistance technique

Le Comité recommande que l’État partie mette à profit l’assistance technique pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un vaste programme visant à l’application des recommandations susmentionnées ainsi que des dispositions de la Convention tout entière. Il se déclare disposé à poursuivre le dialogue avec l’État partie, notamment par le biais d’une visite que ses membres effectueraient dans le pays afin de fournir des directives supplémentaires concernant l’application des recommandations susmentionnées et les obligations contractées par l’État partie en vertu de la Convention. Il demande également à l’État partie de renforcer davantage sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies, notamment le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l’Organisation mondiale de la Santé, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et la Division de statistique ainsi que la Division de la promotion de la femme relevant du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat.

Suivi des conclusions

Le Comité prie l’État partie de fournir, d’ici un an , des informations écrites sur les mesures prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 13 et 2 5 ci-dessus.

Date du prochain rapport

Le Comité demande à l’État partie de répondre aux préoccupations soulevées dans les présentes conclusions dans son prochain rapport périodique à établir au titre de l’article 18 de la Convention. Il invite l’État partie à soumettre un rapport unique valant huitième et neuvième rapport s périodique s en 2010.