NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.10314 décembre 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSTrente‑troisième session8‑26 novembre 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

ITALIE

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport périodique de l’Italie sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/4/Add.13) à ses 38e, 39e et 40e séances, les 15 et 16 novembre 2004 (E/C.12/2004/SR.38 à 40), et a adopté, à sa 56e séance, tenue le 26 novembre 2004 (E/C.12/2004/SR.56), les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction de la présentation du quatrième rapport périodique de l’État partie, qui a été établi conformément à ses directives, ainsi que des réponses écrites complètes à la liste des points à traiter.

3.Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, qui comprenait des représentants du Gouvernement spécialisés dans les domaines visés par le Pacte.

B. Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi du 30 mai 2003 portant modification de l’article 51 de la Constitution italienne, qui énonce le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’accès aux charges publiques.

5.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour combattre le phénomène de la traite des personnes, notamment de l’adoption de la loi no 288/8 d’août 2003 sur la traite des êtres humains.

6.Le Comité prend note avec satisfaction de la création en novembre 2004, sous les auspices du Ministère de l’égalité des chances, de l’Ufficio Nazionale Antidiscriminazioni Razziali (Bureau national pour l’élimination de la discrimination raciale) chargé de la promotion de l’égalité et de l’élimination de la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique.

7.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie en vue de réduire le chômage.

8.Le Comité se félicite de la régularisation de la situation de 700 000 travailleurs migrants dans l’État partie.

9.Le Comité se réjouit de constater que le taux de mortalité infantile a continuellement baissé au cours des dernières périodes couvertes par le rapport.

10.Le Comité se félicite également de l’extension de la couverture du plan sanitaire national (PSN 2003-2005) aux immigrants illégaux, afin qu’ils puissent bénéficier de traitements médicaux préventifs ainsi que de soins urgents et courants.

11.Le Comité salue la participation dynamique de la société civile à la surveillance de l’application du Pacte, notamment en communiquant de nombreuses informations au Comité.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

12.Le Comité constate qu’il n’existe pas de facteurs ou de difficultés majeurs entravant l’application effective du Pacte en Italie.

D. Principaux sujets de préoccupation

13.Le Comité juge préoccupant que l’État partie continue de penser que certains droits économiques, sociaux et culturels, notamment le droit à un logement convenable, ne sont pas des droits justiciables puisqu’ils entraînent une charge financière pour l’État. Le Comité note à cet égard la rareté des décisions judiciaires dans lesquelles le Pacte a été invoqué.

14.Le Comité s’inquiète de l’absence d’institution nationale des droits de l’homme qui soit indépendante conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale du 20 décembre 1993, annexe). Il est également préoccupé par d’éventuelles initiatives qui viseraient à placer ces institutions sous la responsabilité du Cabinet du Premier Ministre ou du Président.

15.Le Comité note que l’État partie s’est engagé à porter le montant de l’aide publique au développement (APD) qui constitue actuellement 0,23 % de son produit intérieur brut (PIB) à 0,33 % du PIB d’ici 2006, mais constate toutefois avec préoccupation que ce montant reste inférieur à l’objectif de 0,7 % du PIB fixé par l’ONU.

16.Tout en se félicitant des mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre le racisme et la discrimination, le Comité demeure préoccupé par l’application limitée de ces mesures, et en particulier par le fait qu’aucun organe régional ou local n’a été créé en vue de suivre l’évolution de la situation en matière de racisme et de discrimination, comme le prévoit l’article 44 du décret-loi no 286 du 25 juillet 1998.

17.Le Comité craint que la loi no 189 de 2002 sur l’immigration, en instaurant un lien étroit entre le contrat de travail et la durée du permis de séjour, n’empêche les travailleurs migrants et leur famille de jouir des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte. Il craint également que le temps excessif mis par les autorités à renouveler les permis de séjour dans l’État partie ait notamment pour conséquence de réduire la liberté de mouvement et l’accès aux services sociaux des travailleurs migrants et de leur famille.

18.Le Comité juge préoccupante l’explication donnée par l’État partie à propos de certaines décisions de justice (no 6030 du 25 mai 1993 et no 4570 du 17 mai 1996) d’où il ressort que le principe d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale ne peut être pleinement appliqué dans l’ordre juridique italien.

19.Le Comité est préoccupé par le maintien dans l’État partie d’une économie parallèle importante dans laquelle les droits économiques, sociaux et culturels de ceux qui y travaillent, notamment des enfants, ne sont pas pleinement respectés.

20.Le Comité exprime à nouveau les préoccupations que lui inspirent la persistance des inégalités régionales et l’ampleur de la pauvreté, en particulier dans les régions méridionales du pays. Il prend acte de la décision prise par l’État partie de prolonger la période d’évaluation pour le Reddito Minimo d’Inserimento (revenu minimum d’insertion) appliqué actuellement par 306 municipalités.

21.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de législation portant sur tous les aspects du problème des demandeurs d’asile dans l’État partie.

22.Le Comité constate avec préoccupation qu’en dépit des mesures pertinentes adoptées pour lutter contre la violence dans la famille dans l’État partie, dont l’adoption de la loi no 154 d’avril 2001 édictant des «mesures de lutte contre la violence exercée dans le cadre des relations familiales», le nombre de plaintes déposées, en particulier par des femmes, est peu élevé.

23.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes ayant des enfants ont de plus en plus de difficultés à trouver et à garder un emploi, en partie à cause du manque de services pour les enfants en bas âge.

24.Tout en réitérant ses observations finales de mai 2000 (E/C.12/1/Add.43), le Comité demeure préoccupé par le sort des immigrants roms qui vivent dans des camps, dans de mauvaises conditions de logement et d’hygiène, avec peu de perspectives d’emploi et sans structures scolaires adaptées pour leurs enfants.

25.Le Comité est préoccupé par les difficultés croissantes rencontrées par les groupes défavorisés et marginalisés, en particulier les immigrants et les Roms, pour louer ou obtenir un logement social, du fait de la discrimination dont ils font l’objet.

26.Le Comité est également préoccupé par l’augmentation constante des loyers et de la privatisation du logement ainsi que par la rareté des logements sociaux destinés aux familles à faible revenu alors que, parallèlement, les crédits du fonds social mis en place pour fournir une aide au logement ont été réduits.

27.Tout en relevant que dans son rapport et dans ses réponses l’État partie indique que les maladies chroniques, la vieillesse et le handicap sont des réalités auxquelles il faut faire face avec de nouveaux moyens et des stratégies nouvelles et présente certaines composantes de ces stratégies, le Comité demeure préoccupé par l’absence de données factuelles et chiffrées qui lui permettraient d’évaluer la situation sanitaire dans l’État partie.

28.Le Comité note que l’État partie a fixé les actions prioritaires à mener face à l’incidence des infections par le VIH/sida et que celles‑ci sont conformes aux objectifs de l’OMS, mais demeure préoccupé par le fait qu’aucune donnée factuelle et chiffrée sur ces actions prioritaires n’a été fournie.

E. Suggestions et recommandations

29.Affirmant le principe de l’interdépendance et de l’indivisibilité de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à reconsidérer sa position en ce qui concerne la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels. En outre, il considère que l’État partie demeure tenu de donner pleinement effet au Pacte dans son ordre juridique interne et d’offrir des voies de recours judiciaires et autres en cas de violation de tous les droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité appelle à cet égard l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 9 sur l’application du Pacte au niveau national.

30.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce qu’une formation appropriée soit dispensée aux juges, procureurs et autres personnes responsables de l’application des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte, afin que les tribunaux fassent toujours respecter ces droits.

31.Le Comité se félicite de la mise en place du nouveau programme d’éducation à la citoyenneté annoncée par la délégation et encourage l’État partie à intensifier ses efforts pour qu’une éducation dans le domaine des droits de l’homme soit dispensée à tous les niveaux du système scolaire et pour faire connaître au public en général le Pacte et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

32.Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre avec un large éventail de représentants de la société civile et avec l’appui de l’Équipe des institutions nationales du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme les consultations nécessaires sur la création éventuelle d’une institution nationale des droits de l’homme indépendante.

33.Le Comité invite instamment l’État partie à établir, dès que possible, un plan d’action national intégré dans le domaine des droits de l’homme conformément au paragraphe 71 de la partie II de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne de 1993.

34.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses activités dans le domaine de la coopération internationale et d’augmenter son aide publique au développement pour qu’elle atteigne 0,7 % de son PIB comme le recommande l’ONU. Il invite également instamment l’État partie à tenir compte des dispositions du Pacte dans les accords de projet bilatéraux qu’il conclut avec d’autres pays.

35.Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer effectivement la législation et les programmes visant à lutter contre le racisme et la discrimination, notamment en mettant en place sur l’ensemble du territoire des organes de suivi, comme le prévoit l’article 44 du décret‑loi no 286 du 25 juillet 1998, et en dotant ces organes de ressources humaines et financières suffisantes.

36.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour accélérer le processus de renouvellement des permis de séjour des travailleurs migrants de façon à leur permettre d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité recommande également à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

37.Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer la procédure de ratification de la Convention no 174 de l’Organisation internationale du Travail sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993.

38.Le Comité réaffirme que le principe d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale énoncé à l’article 7 (par. 2) du Pacte doit être immédiatement appliqué et que l’État partie ne peut déroger à cet article sans manquer à ses obligations en vertu du Pacte.

39.Le Comité recommande que le projet de loi sur les règles judiciaires que l’État partie envisage de modifier, s’il est adopté, garantisse le respect du droit qu’a toute personne, y compris les juges, de former des syndicats, et de s’y affilier, et de participer à des activités syndicales, conformément aux dispositions de l’article 8, paragraphe 1 a), du Pacte.

40.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour régulariser effectivement le secteur du travail non organisé.

41.Le Comité invite instamment l’État partie à intégrer les droits économiques, sociaux et culturels dans son plan d’action contre la pauvreté et l’exclusion sociale. À cet égard, il le renvoie à sa déclaration sur «La pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels» adoptée le 4 mai 2001 (E/C.12/2001/10). Le Comité exhorte également l’État partie à instaurer un Reddito Minimo d’Inserimento (revenu minimum d’insertion) au niveau national pour combattre la pauvreté.

42.Le Comité demande à l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent pour adopter une législation détaillée concernant les demandeurs d’asile et de veiller à ce que leurs droits économiques, sociaux et culturels soient dûment pris en compte.

43.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour lutter contre la violence dans la famille, en particulier à l’égard des femmes, et à mener des campagnes d’information pour sensibiliser la population aux conséquences de cette violence. Le Comité lui demande de lui fournir des informations sur les résultats obtenus et les difficultés rencontrées dans l’application de la législation pertinente dans son prochain rapport périodique.

44.Le Comité recommande vivement à l’État partie de développer le réseau de services de garderie abordables et accessibles.

45.Le Comité invite instamment l’État partie à accroître ses efforts visant à construire davantage de logements permanents pour les immigrés roms et à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour favoriser leur intégration dans les communautés locales, pour leur offrir des emplois et pour mettre en place des structures scolaires adaptées pour leurs enfants.

46.Le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures correctives nécessaires pour lutter contre la discrimination en matière de logement à l’égard des groupes défavorisés et marginalisés, en particulier des immigrés et des Roms.

47.Le Comité prie instamment l’État partie de prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que les expulsions forcées de Roms et de locataires qui ne peuvent pas payer leur loyer se fassent conformément aux directives établies par le Comité dans son Observation générale no 7 et de fournir davantage de logements pour répondre aux besoins des groupes défavorisés et marginalisés, notamment des personnes âgées, des personnes handicapées et des immigrés.

48.Le Comité prie aussi instamment l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur la portée et l’ampleur du phénomène des sans-abri qui touche particulièrement les immigrés.

49.Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données de référence sur les maladies chroniques, la vieillesse et le handicap, ainsi que des données désagrégées qui serviront de base de comparaison pour l’ensemble de la période visée par le rapport, de façon à lui permettre d’évaluer comment, eu égard à son Observation générale no 14, le droit à la santé a été réalisé.

50.Le Comité recommande également à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations plus détaillées sur les mesures prises en ce qui concerne le VIH/sida, ainsi que des statistiques détaillées et ventilées par sexe, par zone urbaine/rurale, par groupe social défavorisé ou marginalisé de la société et selon tout autre critère mentionné dans l’Observation générale no 14.

51.Le Comité recommande à l’État partie de développer les services de soins à domicile et d’autres services individuels ou collectifs en tenant compte des besoins en matière de soins de santé et de services sociaux des personnes âgées.

52.Le Comité prend note du fait qu’un projet de loi sur la réforme du régime des retraites a été approuvé par le Sénat en mai 2004. Il souhaite être informé, dans le prochain rapport périodique, des mesures prises pour assurer son application et savoir, notamment, si les pensions minimales garantissent un niveau de vie suffisant aux retraités et à leur famille.

53.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société et, en particulier, parmi les fonctionnaires et les agents de l’appareil judiciaire, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage également l’État partie à associer des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son cinquième rapport périodique.

54.Enfin, le Comité demande à l’État partie de présenter son cinquième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2009.

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