NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.83

19 décembre 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,

SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt‑neuvième session

11-29 novembre 2002

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

GÉORGIE

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la GÉORGIE sur la mise en œuvre du Pacte (E/1990/6/Add.31) à ses 35e et 36e séances, tenues les 14 et 15 novembre 2002 (voir E/C.12/2002/SR.35 et 36), et a adopté à sa 56e séance, tenue le 29 novembre 2002, les observations finales suivantes.

A. INTRODUCTION

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie qui, de façon générale, a été établi conformément à ses directives.

3.Le Comité prend note avec satisfaction des réponses écrites détaillées données par l’État partie à la liste des points à traiter, ainsi que du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation.

B. ASPECTS POSITIFS

4.Le Comité prend acte des efforts qu’a faits l’État partie pour s’acquitter des obligations découlant pour lui des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie, en particulier pour adopter différents plans d’action sur un certain nombre de questions de droits de l’homme, par exemple les droits des enfants, les femmes (selon la recommandation contenue au paragraphe 27 des observations finales faites par le Comité en mai 2000) et la lutte contre la violence.

5.Le Comité prend note avec satisfaction de la déclaration de la délégation selon laquelle la tendance générale de faible croissance économique a été inversée pendant la période 2000‑2002: le PIB est passé de 6 milliards de larigéorgiensen 2000 à 6,6 milliards en 2001. La croissance de la production agricole a eu un effet positif sur la sécurité alimentaire nationale.

C. FACTEURS ET DIFFICULTÉS ENTRAVANT L’APPLICATION DU PACTE

6.Le Comité prend acte du fait que l’État partie est confronté aux difficultés que rencontrent en général les pays en transition, et que ces difficultés continuent à entraver ses efforts pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels inscrits dans le Pacte.

D. PRINCIPAUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION

7.Le Comité note avec regret que, malgré l’aide internationale qu’il reçoit, l’État partie n’a pas pu se conformer à la plupart des recommandations contenues dans les observations finales sur son rapport initial.

8.Le Comité note aussi avec regret que, malgré le rapport de l’État partie et ses réponses à la liste de points à traiter dressée par le Comité, un grand nombre des demandes du Comité en ce qui concerne les renseignements détaillés et les statistiques comparatives désagrégées pour de nombreux droits inscrits dans le Pacte restent sans réponse.

9.Le Comité s’inquiète de la distance qui sépare la législation dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels et son application pratique.

10.Le Comité est également préoccupé par la méconnaissance des dispositions du Pacte au sein de l’État partie.

11.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore réussi à s’attaquer efficacement au problème de la corruption qui est omniprésente et qui est l’une des principales causes de la baisse et de la répartition inadéquate des ressources, ce qui ne fait qu’ajouter à la situation économique, sociale et culturelle extrêmement difficile existant dans l’État partie. Le Comité est particulièrement préoccupé par le peu d’efficacité de l’utilisation des fonds étrangers reçus dans le cadre de la coopération internationale.

12.Le Comité est profondément préoccupé par la situation déplorable des personnes déplacées à l’intérieur de l’État partie. Les efforts de l’État partie pour fournir des services de base à ce groupe défavorisé, et les lois spéciales qu’il a adoptées à cette fin, n’ont permis de répondre que partiellement aux besoins les plus fondamentaux de ces personnes, en particulier en ce qui concerne l’emploi, les assurances sociales, un logement convenable, et l’accès à l’eau, à l’électricité, aux services sanitaires de base et à l’éducation.

13. Le Comité note avec préoccupation que le Médiateur national ne peut pas exercer ses fonctions comme il le devrait parce que ses ressources sont très restreintes.

14.Le Comité est gravement préoccupé par le taux élevé de chômage existant dans l’État partie, en particulier dans les régions urbaines et chez les jeunes, malgré les mesures prises pour créer des emplois et encourager la création d’entreprises dans le pays. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas de renseignements ou de chiffres sur le secteur informel de l’économie et sur le nombre de travailleurs indépendants dans le pays. Le Comité est également préoccupé par la lenteur du rétablissement des mesures incitant la maind’œuvre à rechercher du travail.

15.Le Comité est en outre vivement préoccupé par le niveau extrêmement bas des salaires dans l’État partie, y compris le salaire minimum qui est bien inférieur au minimum vital. De plus, le Comité note avec préoccupation que dans différents secteurs de l’économie les travailleurs ne sont souvent pas payés ponctuellement.

16.Le Comité regrette que lalégislation existante ne donne pas suffisamment de pouvoirs aux inspecteurs du travail pour leur permettre d’exercer leurs fonctions comme ils le devraient, en particulier dans le secteur privé. Le Comité déplore également le fait que l’Inspection du travail ne dispose pas de ressources suffisantes.

17.Le Comité est préoccupé par le faible niveau des prestations de sécurité sociale, qui est bien inférieur au minimum vital, et le fait que ces dernières sont souvent versées avec retard.

18.Le Comité se dit gravement préoccupé de l’insuffisance ou même de l’absence de législation et de politiques concernant les violences familiales, le viol ou le harcèlement sexuel, et l’impunité dont ces actes jouissent de fait. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que les violences familiales ne constituent pas des infractions pénales.

19.Le Comité est gravement préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas adopté de mesures ou de politiques significatives pour s’attaquer au problème de la traite des personnes, en particulier des femmes.

20.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé des enfants qui vivent ou travaillent dans la rue, qui sont souvent victimes de diverses formes d’exploitation, y compris aux fins de prostitution et de pornographie.

21.Le Comité se dit à nouveau gravement préoccupé par la progression constante de la pauvreté dans l’État partie et par l’insuffisance des mesures prises pour la combattre. Il réitère aussi ses observations selon lesquelles il semble y avoir un manque d’efficacité, de transparence et de responsabilité dans la gestion au stade de l’élaboration des politiques et de leur mise en œuvre (par. 7 et 8 des observations finales adoptées par le Comité en mai 2000).

22.Le Comité redit aussi sa préoccupation concernant le manque de clarté dans les analyses et évaluations du niveau de la pauvreté dans le pays, et dans la définition du véritable seuil de pauvreté (ibid., par. 9).

23.Le Comité exprime son inquiétude au sujet des mauvaises conditions dans lesquelles vit la plus grande partie de la population de l’État partie, y compris l’approvisionnement insuffisant en eau et l’approvisionnement irrégulier en électricité et en chauffage, qui touchent particulièrement les groupes les plus désavantagés de la société comme les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes déplacées, les détenus et les pauvres.

24.Le Comité se dit profondément préoccupé par l’insuffisance des ressources matérielles et techniques, des médicaments, de l’hygiène, de la situation sanitaire et de la nourriture dans les hôpitaux, ainsi que par les bas niveaux de salaire du personnel médical, qui font qu’il est de pratique courante d’imposer une rémunération officieuse pour des services de santé de base officiellement gratuits. Un effet particulièrement néfaste de cette pratique est qu’elle éloigne encore les soins de santé de base de la portée des groupes de la société les plus pauvres et les plus désavantagés.

25.Le Comité est particulièrement préoccupé par le sort des malades mentaux qui, outre qu’ils souffrent de stigmatisation sociale, résident souvent dans des établissements psychiatriques pour des séjours de longue durée, où ils vivent dans des conditions et reçoivent un traitement et des soins de qualité inférieure.

26.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations détaillées sur la situation de l’enseignement primaire. Il est préoccupé par le fait que, bien que l’enseignement primaire soit officiellement gratuit, comme le veulent la loi et l’article 14 du Pacte, les parents aient à faire face à des dépenses diverses.

27.Le Comité est également préoccupé par le taux élevé d’abandon scolaire, en particulier dans l’enseignement secondaire.

E. SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS

28.Le Comité recommande que l’application de la législation dans les domaines des droits économiques, sociaux et culturels soit améliorée et que les divers plans et programmes relatifs aux droits de l’homme soient mis en œuvre de manière cohérente.

29.Le Comité recommande en outre à l’État partie d’améliorer l’éducation en matière de droits de l’homme et de donner aux membres de l’appareil judiciaire et du Gouvernement une formation aux droits de l’homme appropriée.

30.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces pour combattre la corruption, et notamment à accroître la transparence et la consultation dans la prise de décisions à tous les niveaux et dans l’évaluation de la distribution des fonds, en particulier du point de vue du choix des objectifs d’aide, de la surveillance de la distribution des fonds et de l’évaluation des incidences.

31.Le Comité recommande instamment à l’État partie de prendre des mesures efficaces, en consultation avec les organisations concernées de la société civile, pour améliorer la situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays, et notamment d’adopter un programme d’action global et complet visant à mieux garantir leurs droits à un logement convenable, aux aliments et à l’eau, aux services de santé et installations d’assainissement, à l’emploi et à l’éducation, ainsi que la régularisation de leur statut dans l’État partie.

32.Le Comité recommande que des ressources suffisantes soient accordées au Médiateur national. Le Comité suggère aussi que l’État partie demande une assistance internationale pour le fonctionnement efficace du Bureau du Médiateur.

33.Le Comité recommande instamment à l’État partie d’intensifier les mesures pour garantir le droit au travail et le droit à des conditions d’emploi justes et favorables, en particulier en ce qui concerne le paiement plus ponctuel des salaires et la fixation du salaire minimum à un niveau suffisant pour assurer le minimum vital.

34.Le Comité prie instamment l’État partie d’améliorer la législation concernant l’inspection du travail, en particulier en ce qui concerne le secteur privé, et d’accorderdavantage de ressources à l’Inspection du travail.

35.Le Comité recommande instamment à l’État partie d’entreprendre la réforme du système de sécurité sociale, notamment en établissant une relation plus claire entre les retraites et l’activité antérieure, en relevant les prestations de sécurité sociale jusqu’à un niveau plus proche du minimum vital et en payant les prestations plus ponctuellement, en particulier aux groupes les plus désavantagés et vulnérables qui n’ont pas d’autres moyens de subsistance.

36.Le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre ses plans d’action nationaux pour la promotion de la femme et la lutte contre la violence familiale, et d’adopter des lois et politiques adéquates pour lutter contre la violence familiale, le viol et le harcèlement sexuel, et de garantir aux victimes de ces actes l’accès à des réparations effectives. Le Comité encourage l’État partie à établir des programmes pour sensibiliser à ces problèmes et informer le personnel des services de la police et de la justice, ainsi que le public.

37.Le Comité engage instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces pour combattre la traite des personnes, y compris en offrant une formation appropriée au personnel des services de la police et de la justice, en poursuivant les coupables conformément à la loi et en mettant sur pied des programmes de réinsertion pour les victimes de la traite des personnes.

38.Le Comité invite l’État partie à prendre d’urgence des mesures pour s’attaquer aux problèmes que connaissent les enfants vivant ou travaillant dans la rue, et pour les protéger contre toutes les formes d’exploitation.

39.Le Comité encourage l’État partie, lorsqu’il élaborera ses stratégies de réduction de la pauvreté, en particulier le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté destiné à la Banque mondiale, à s’assurer la participation réelle et efficace des membres de la société civile. L’État partie voudra peut-être aussi tenir compte de la Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/2002/22‑E/C.12/2001/17, annexe VII) adoptée par le Comité et du projet de directives du Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme pour l’intégration des droits de l’homme dans les stratégies de réduction de la pauvreté.

40.Le Comité engage instamment l’État partie à poursuivre ses efforts pour améliorer les conditions de vie de la population, en particulier en veillant à ce que l’infrastructure d’approvisionnement en eau et en énergie et de chauffage soit améliorée, et en accordant une attention prioritaire aux besoins des groupes les plus désavantagés de la société comme les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes déplacées, les détenus et les pauvres.

41.Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la réforme agraire, et en particulier sur tous les coûts imposés aux nouveaux propriétaires fonciers sous forme de droits ou d’impôts.

42.Le Comité engage l’État partie à prendre des mesures efficaces pour améliorer les conditions de vie et de travail dans les hôpitaux, pour garantir des salaires suffisants au personnel médical et combattre activement la pratique des rémunérations informelles.

43.Le Comité recommande d’accorder une attention particulière et un financement adéquat à l’amélioration du traitement et des soins des personnes souffrant de maladie mentale.

44.Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures préventives contre le VIH/sida, en particulier à entreprendre des campagnes de sensibilisation, pour empêcher l’épidémie de se répandre dans le pays.

45.Le Comité recommande que l’État partie prenne des mesures pour garantir que l’accès gratuit à l’enseignement primaire ne soit pas entravé dans la réalité par des dépenses supplémentaires en matériel et en rémunérations informelles. En outre, le Comité suggère que l’État partie poursuive la réforme du système d’enseignement visant, notamment, à diminuer l’abandon scolaire.

46. Le Comité demande que l’État partie fournisse dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la qualité de l’enseignement supérieur.

47.Le Comité recommande que, dans ses efforts pour favoriser la réalisation des droits garantis par le Pacte, l’État partie continue à rechercher l’assistance internationale et engage des activités de coopération internationale avec les donateurs et les organisations internationales compétentes, y compris le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que ses obligations internationales en matière de droits de l’homme soient pleinement prises en compte lorsqu’il conclura des accords de coopération technique et autres.

48.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès des agents de l’État et des membres de l’appareil judiciaire, et d’informer le Comité dans son prochain rapport périodique de toutes les mesures qu’il aura prises pour les appliquer. Il encourage aussi l’État partie à continuer à associer les organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile à l’établissement de son rapport périodique.

49.Enfin, le Comité prie l’État partie de soumettre son troisième rapport d’ici au 30 juin 2007 et de faire figurer dans ce rapport des informations détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales.

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