NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.97

7 juin 2004

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELS

Trente‑deuxième session

26 avril‑14 mai 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits

économiques, sociaux et culturels

Grèce

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial de la Grèce sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1990/5/Add.56) à ses 6e, 7e et 8e séances, tenues les 28 et 29 avril 2004 (E/C.12/2004/SR.6 à 8), et a adopté, à sa 29e séance, tenue le 14 mai 2004, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Grèce qui, de façon générale, a été établi conformément à ses directives, mais regrette le retard avec lequel il a été soumis et l’absence dans ce rapport de données comparatives et ventilées par sexe concernant l’état d’application de certaines dispositions du Pacte.

3.Le Comité prend acte avec satisfaction des réponses écrites détaillées de l’État partie à sa liste des points à traiter (E/C.12/Q/GRC/1), ainsi que du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation, qui comptait des représentants de différents ministères compétents dans les domaines touchant aux dispositions du Pacte.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que, conformément au paragraphe 1 de l’article 28 de la Constitution de la Grèce, le Pacte prime sur toute disposition du droit interne qui lui est contraire et que la Constitution, telle que révisée en 2001, garantit un grand nombre de droits sociaux.

5.Le Comité félicite l’État partie d’avoir créé, en 1998, la Commission nationale des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris − résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe) ainsi que le Bureau du Médiateur national, dont le champ de compétences englobe les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que l’instruction des plaintes déposées par les particuliers.

6.Le Comité se félicite des amendements législatifs introduits il y a peu qui interdisent la discrimination, en particulier sexiste, en matière d’emploi, et en particulier de la suppression des quotas restreignant l’accès des femmes aux écoles de police ainsi que du récent décret présidentiel faisant peser la charge de la preuve sur l’employeur lorsqu’un employé se plaint de pratiques discriminatoires.

7.Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national pour l’intégration sociale 2003‑2005, qui prévoit notamment l’attribution d’aides financières aux familles à bas revenu, des allocations‑logement et des prêts sans intérêts pour l’acquisition de logements.

8.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adopté un Plan d’action intégré pour l’insertion sociale des Roms grecs (2001‑2008), qui vise à améliorer la situation des Roms grecs en matière de logement et leur accès aux services de santé de base en créant de nouvelles installations et en améliorant les installations existantes, en ouvrant des centres médicaux sociaux et en envoyant des unités sanitaires mobiles dans les campements de la population rom itinérante, en particulier dans les zones reculées. Le Comité se félicite aussi de la mise en œuvre, depuis 2002, d’un programme de prêts au logement destiné aux Roms, qui a déjà permis d’accorder quelque 4 700 prêts d’un montant de 60 000 euros aux demandeurs.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

9.Le Comité note l’absence de facteurs ou difficultés notables susceptibles d’entraver l’application du Pacte en Grèce.

D. Principaux sujets de préoccupation

10.Le Comité note avec préoccupation qu’une seule minorité est officiellement reconnue en Grèce, alors que d’autres groupes ethniques aspirent à ce statut.

11.Tout en reconnaissant les efforts déployés par l’État partie pour promouvoir l’intégration sociale des Roms grecs, le Comité reste profondément préoccupé par la discrimination dont les Roms sont victimes dans les domaines du logement, de la santé et de l’éducation. Il s’inquiète particulièrement des cas relatés de violence policière à l’encontre de Roms, de rafles et de descentes de police arbitraires dans des campements de Roms.

12.Le Comité note avec préoccupation que certains droits économiques, sociaux et culturels, qui sont normalement garantis aussi aux non‑nationaux, tels que le droit à l’égalité ou le droit à l’éducation gratuite, sont réservés aux citoyens grecs dans la Constitution de l’État partie.

13.Tout en se félicitant des mesures prises par l’État partie pour instituer un cadre juridique propre à promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, le Comité constate avec préoccupation que les femmes demeurent sous-représentées au niveau de la prise de décisions dans les domaines politique, économique et universitaire.

14.Le Comité s’inquiète du fort taux de chômage, qui touche plus particulièrement les femmes et les jeunes des zones rurales.

15.Le Comité constate avec inquiétude que les personnes à faible revenu, les Roms, les migrants et leurs familles pourraient ne pas avoir accès aux services sociaux.

16.Tout en notant que l’État partie a mis en place un observatoire contre la discrimination à l’égard des femmes ainsi que des centres d’accueil pour femmes victimes de violence domestique à Athènes et au Pirée, le Comité est profondément préoccupé par le nombre élevé d’actes de violence familiale et de viols conjugaux, qui sont encore rarement signalés pour des motifs culturels et de dépendance économique des épouses à l’égard de leur mari.

17.Le Comité note avec préoccupation que les abus physiques et sexuels sur enfants semblent être chose relativement courante.

18.Le Comité est profondément préoccupé par le nombre élevé de femmes et d’enfants victimes de la traite qui sont soumis au travail forcé et à l’exploitation sexuelle et qui seraient bien souvent expulsés vers leur pays d’origine de manière expéditive et sans bénéficier des garanties procédurales nécessaires − au lieu d’être admis au bénéfice d’un permis de résidence lorsqu’ils se présentent à la police.

19.Le Comité note avec préoccupation que, selon les renseignements fournis par des ONG, 5 800 enfants n’ayant pas encore atteint l’âge minimum d’admission au travail (15 ans) travaillent illégalement dans la rue.

20.Le Comité regrette le manque de données statistiques sur la pauvreté en Grèce et l’absence de seuil de pauvreté dans ce pays, ce qui met l’État partie dans l’incapacité de déterminer l’ampleur du phénomène de la pauvreté et de suivre et évaluer les progrès accomplis dans la lutte contre la pauvreté.

21.Le Comité est extrêmement préoccupé par les nombreux cas signalés de démolitions illégales de logements et d’expulsions forcées des Roms par les autorités municipales, qui prétextent généralement les travaux réalisés dans le cadre des préparatifs des Jeux olympiques de 2004 et ne proposent souvent pas de dédommagement suffisant ni de solution de relogement aux personnes expulsées.

22.Le Comité est profondément préoccupé par les conditions déplorables dans lesquelles vivent de nombreux Roms, leurs campements étant souvent dépourvus d’eau courante, d’électricité, d’ouvrages d’assainissement et d’autres services de base.

23.Le Comité regrette l’absence dans le rapport de l’État partie de données statistiques sur l’ampleur du phénomène des sans-abri.

24.Tout en notant les efforts entrepris par l’État partie pour fournir des services de santé préventive et de santé mentale aux populations des zones reculées, le Comité regrette de ne pas avoir reçu de l’État partie suffisamment d’informations sur la fréquence des passages des unités mobiles de santé desservant les Roms nomades, et le nombre de personnes ainsi desservies, ni sur les équipes mobiles de santé mentale qui fournissent des services psychologiques de base aux personnes vivant dans des zones reculées.

25.Le Comité note avec préoccupation que dans l’État partie les taux de consommation de tabac et d’alcool chez les mineurs sont parmi les plus élevés d’Europe.

26.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations sur les indicateurs relatifs à la santé ou les critères nationaux connexes au regard desquels l’on pourrait mesurer les progrès accomplis par l’État partie dans certains domaines spécifiques du secteur de la santé.

27.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les résultats concrets des campagnes de vaccination menées dans l’État partie et les autres mesures de prévention visant à lutter contre l’hépatite B et C.

28.Le Comité relève avec inquiétude qu’un grand nombre d’enfants roms et d’enfants turcophones ne sont pas scolarisés ou abandonnent très tôt leur scolarité. Tout en notant qu’il est possible de recevoir un enseignement bilingue en turc et en grec dans les deux établissements secondaires de Thrace destinés aux minorités musulmanes, le Comité constate avec préoccupation que cette possibilité n’existe pas au niveau du primaire ni en dehors de Thrace, et que les membres des autres groupes linguistiques n’ont aucune possibilité d’étudier leur langue maternelle à l’école.

29.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les mesures prises par l’État partie en vue de préserver, protéger et promouvoir les cultures minoritaires.

E. Suggestions et recommandations

30.Le Comité recommande à l’État partie de mieux faire connaître les droits individuels consacrés par le Pacte et les éléments justiciables de tous ces droits, tels que définis dans ses observations générales, aux membres des professions juridiques, en particulier les juges et les avocats, ainsi qu’au grand public.

31.Le Comité engage l’État partie à revoir sa position concernant les autres minorités ethniques, religieuses ou linguistiques qui se trouvent sur son territoire, conformément aux normes internationales reconnues, et l’invite à ratifier la Convention‑cadre de 1995 pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe.

32.Le Comité demande instamment à l’État partie d’enquêter sur les affaires signalées de violence policière à l’encontre de Roms et de traduire en justice leurs auteurs. Il recommande en outre à l’État partie de poursuivre ses efforts de formation des fonctionnaires de police aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et de sensibilisation des autorités locales contre les pratiques discriminatoires à l’égard des Roms.

33.Le Comité recommande à l’État partie d’harmoniser les dispositions pertinentes de sa Constitution avec l’obligation de garantir l’exercice des droits consacrés dans le Pacte sans discrimination aucune fondée sur les motifs que proscrit le Pacte.

34.Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures efficaces pour accroître la proportion de femmes occupant des postes de décision à tous les échelons.

35.L’État partie est prié de fournir dans son prochain rapport des statistiques à jour sur l’emploi et les revenus − ventilées par âge, sexe et zone urbaine/rurale − ainsi que des informations sur les mesures adoptées pour remédier aux disparités régionales en matière de taux de chômage.

36.Le Comité demande instamment à l’État partie de garantir l’accès des personnes et des familles défavorisées et marginalisées aux services sociaux individuels et collectifs. À cet égard, le Comité prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, des données ventilées concernant l’utilisation de ces services, afin de l’aider à évaluer le pourcentage de la population qui y a effectivement accès.

37.Le Comité demande instamment à l’État partie de faire adopter le projet de loi incriminant la violence familiale et le viol conjugal par la voie de l’introduction de dispositions spécifiques dans le Code pénal, de renforcer son assistance aux victimes de la violence familiale et de viol conjugal, par exemple en ouvrant de nouveaux centres d’hébergement et d’accueil, de sensibiliser les agents des forces de l’ordre et le personnel médical, ainsi que le grand public, au caractère délictueux de tels actes, de recueillir des statistiques à jour sur le nombre de victimes, d’auteurs d’infractions et de condamnations et sur le type de sanctions imposées, et d’incorporer de telles statistiques dans son deuxième rapport périodique.

38.Le Comité recommande à l’État partie de remédier à la pénurie de travailleurs sociaux dans le souci d’améliorer l’assistance aux enfants victimes d’abus physiques et sexuels, et de fournir dans son prochain rapport périodique des statistiques à jour sur le nombre de victimes, d’auteurs d’infractions et de condamnations et sur le type de sanctions imposées.

39.Le Comité demande instamment à l’État partie de respecter les garanties procédurales et autres nécessaires lorsque des victimes du trafic d’êtres humains, en particulier des enfants, sont expulsées. L’État partie devrait aussi poursuivre et accroître sa coopération avec les pays voisins pour combattre le trafic d’êtres humains, apporter une assistance médicale, psychologique et juridique aux victimes, et fournir des informations détaillées sur les mesures prises à cet effet dans son deuxième rapport périodique.

40.Le Comité recommande à l’État partie, conformément à l’article 10 du Pacte, d’adopter des sanctions pénales et autres à l’encontre des parents ou de toute autre personne qui exploitent des enfants n’ayant pas encore atteint l’âge minimum d’admission au travail (15 ans) en les faisant travailler illégalement dans la rue. L’État partie devrait également prendre des mesures pour garantir la scolarisation de ces enfants, comme le dispose l’article 13 du Pacte.

41.Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son deuxième rapport périodique des données statistiques à jour sur l’ampleur de la pauvreté en Grèce et appelle son attention sur la Déclaration du Comité sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2001/10).

42.Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que les expulsions forcées soient effectuées en se conformant aux lignes directrices exposées dans son Observation générale no 7 et à ce que les personnes expulsées soient dûment dédommagées pour toute perte de biens meubles et immeubles et soient relogées dans des conditions qui répondent à leurs besoins culturels propres.

43.L’État partie est également prié de fournir dans son deuxième rapport périodique des renseignements détaillés sur le nombre de Roms expulsés, en particulier dans le contexte des préparatifs des Jeux olympiques de 2004, et sur les mesures prises pour que les victimes de ces actes illégaux obtiennent réparation.

44.Le Comité engage l’État partie à faire en sorte que tous les Roms, y compris les nomades et les non‑Grecs, aient accès à un logement adéquat d’un coût abordable et adapté à leurs besoins culturels spécifiques, tout en garantissant la sécurité d’occupation et l’accès à l’eau potable, à l’électricité et aux services d’assainissement et autres services de base. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que des représentants des Roms participent à l’évaluation du Plan d’action intégré pour l’insertion sociale des Roms grecs et d’inclure dans son deuxième rapport périodique des renseignements sur les effets concrets de la mise en œuvre de ce plan et sur la possibilité d’appliquer celui‑ci aux Roms non grecs résidant légalement sur son territoire.

45.Le Comité demande à l’État partie de s’attaquer au problème des sans-abri, de fournir des renseignements sur les progrès accomplis en la matière et d’inclure dans son prochain rapport des données statistiques à jour sur le nombre de sans‑abri dans le pays, ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique et zone urbaine/rurale.

46.L’État partie est prié d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements adéquats sur la fréquence des passages des unités sanitaires mobiles chargées de fournir des consultations aux Roms nomades et des unités sanitaires mobiles fournissant des services psychologiques de base aux personnes vivant dans les zones reculées, ainsi que sur le nombre de personnes bénéficiant de leurs services.

47.Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer rigoureusement l’interdiction de fumer dans les lieux publics et de vendre des boissons alcooliques fortes aux mineurs, d’adopter des mesures concrètes pour lutter contre les formes «subtiles» de publicité pour la cigarette et l’alcool, en plus des restrictions existantes, et de renforcer ses activités de sensibilisation aux méfaits du tabac et ses campagnes d’information dans ce domaine.

48.Le Comité invite l’État partie à définir des indicateurs et des critères relatifs à l’exercice du droit à la santé, conformément à son Observation générale no 14, et à inclure dans son deuxième rapport périodique des renseignements sur les mesures prises dans ce sens.

49.L’État partie est prié d’inclure dans son deuxième rapport périodique des informations sur les résultats concrets de ses campagnes de vaccination et les autres mesures de prévention visant à lutter contre l’hépatite B et C.

50.Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour renforcer le taux de scolarisation des enfants roms et turcophones, y compris dans le secondaire, pour donner, dans la mesure du possible, aux enfants appartenant à des groupes linguistiques minoritaires, la possibilité d’étudier à l’école leur langue maternelle − y compris les dialectes régionaux −, et pour recruter suffisamment d’enseignants possédant la maîtrise de l’éducation multiculturelle.

51.L’État partie est prié d’inclure dans son prochain rapport des renseignements sur les mesures prises par lui en vue de préserver, protéger et promouvoir les cultures minoritaires − mesures qui ne devraient pas se limiter à la minorité musulmane de Thrace.

52.Le Comité demande à l’État partie d’assurer une large diffusion de ses observations finales à tous les niveaux de la société et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures prises pour les appliquer. Il encourage également l’État partie à associer les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile au débat engagé au niveau national en vue de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

53.Enfin, le Comité demande à l’État partie de présenter son deuxième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2009.

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