NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.9512 décembre 2003

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSTrente et unième session10‑28 novembre 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

République populaire démocratique de Corée

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le deuxième rapport périodique de la République populaire démocratique de Corée sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1990/6/Add.35) à ses 44e à 46e séances, tenues les 19 et 20 novembre 2003 (voir E/C.12/2003/SR.44 à 46), et a adopté, à sa 56e séance, le 28 novembre 2003, les observations finales ci‑après (voir E/C.12/2003/SR.56).

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie, qui a été établi conformément aux directives du Comité, et remercie l’État partie pour les réponses écrites qu’il a fournies à la liste des points à traiter. Le Comité regrette toutefois que l’État partie n’ait pas fourni d’informations précises, à savoir de données et de statistiques à jour, notamment dans le domaine de la sécurité sociale, de la santé et de l’éducation.

3.Le Comité se félicite du dialogue instauré entre ses membres et la délégation de l’État partie.

B. Aspects positifs

4.Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie et le peuple de la République populaire démocratique de Corée pour surmonter les effets des catastrophes naturelles survenues depuis le milieu des années 90, et notamment pour reconstruire les moyens de production alimentaire.

5.Le Comité prend note avec satisfaction de la volonté de l’État partie de continuer à coopérer avec lui.

6.Le Comité prend note également avec satisfaction de l’étendue de la couverture des soins de santé gratuits dans l’État partie.

7.Le Comité prend note enfin avec satisfaction de la mise en œuvre complète d’un système éducatif gratuit et universel d’une durée de 11 ans.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

8.Le Comité est conscient des problèmes rencontrés par l’État partie à de nombreux niveaux et dans divers domaines, y compris celui de la sécurité alimentaire et du coût élevé de la reconstruction des infrastructures détruites par les catastrophes naturelles depuis le milieu des années 90.

D. Principaux sujets de préoccupation

9.Le Comité partage les préoccupations exprimées par le Comité des droits de l’homme dans ses observations finales, à propos des dispositions de la Constitution et d’autres lois, en particulier l’article 162 de la Constitution, qui compromettent sérieusement l’impartialité et l’indépendance du judiciaire et ont un effet négatif sur la protection de tous les droits de l’homme consacrés par le Pacte.

10.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe aucune jurisprudence relative à l’application du Pacte et que ce dernier n’a pas été directement invoqué devant les tribunaux nationaux, bien que l’État partie affirme que les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, quand bien même ils n’ont pas encore été intégrés dans l’ordre juridique interne, sont directement applicables par les tribunaux.

11.Le Comité regrette le manque d’informations sur le fonctionnement exact du système de plaintes émanant de particuliers prévu par la loi sur les plaintes et les requêtes, s’agissant notamment des plaintes ayant trait aux droits économiques, sociaux et culturels.

12.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

13.Le Comité exprime sa préoccupation devant la persistance, au sein de la société de la République populaire démocratique de Corée, de comportements et de pratiques ancrés dans la tradition qui empêchent les femmes de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il est préoccupé par l’absence de législation nationale sur la non‑discrimination à l’égard des femmes et par l’inégalité de fait qui persiste entre les hommes et les femmes aux postes de décision, tant au sein des organes politiques et administratifs que dans le secteur industriel dans son ensemble.

14.Le Comité note avec inquiétude que le droit au travail n’est peut‑être pas pleinement garanti dans le système actuel d’attribution par l’État d’emplois obligatoires, ce qui va à l’encontre du droit de chacun de choisir librement sa profession et/ou son lieu de travail.

15.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les ressortissants nord‑coréens qui se rendent à l’étranger sans passeport en espérant y trouver du travail et de meilleures conditions de vie sont envoyés dans des camps de travail lorsqu’ils regagnent leur pays.

16.Le Comité note avec préoccupation que la législation nord‑coréenne s’est dotée d’une structure syndicale unique, contrôlée par le parti au pouvoir. Il note également que l’exercice du droit de fonder des syndicats dépend d’une autorisation délivrée par les organes de sécurité de l’État. Il prend également note avec inquiétude de ce que la législation nationale ne reconnaît pas le droit de grève.

17.Le Comité regrette le peu d’informations sur la couverture du système de sécurité sociale qui ne lui permet pas de savoir si cette couverture est universelle.

18.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles certains groupes de population se trouvent toujours dans une situation difficile découlant de la période de reconstruction et de réformes et peuvent avoir besoin d’un appui supplémentaire de la part des autorités publiques.

19.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’y a dans la législation de l’État partie aucune disposition spécifique qui érige en infraction et punisse la violence au sein de la famille.

20.Le Comité note avec préoccupation que les politiques d’éducation et les politiques sociales que l’État partie a instaurées en faveur des orphelins maintiennent ces derniers dans un milieu à part, ce qui peut aboutir à des situations d’exclusion sociale.

21.Le Comité s’inquiète des conséquences de la famine généralisée qui règne sur le pays depuis le milieu des années 90 et du fait que certains groupes, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées, sont plus sévèrement touchés que d’autres et ne bénéficient pas de l’aide appropriée qui améliorerait leur sort.

22.Le Comité constate avec une vive inquiétude le taux élevé d’enfants de moins de 5 ans qui sont atteints de malnutrition chronique (45 %, d’après les statistiques gouvernementales), ainsi que l’incidence élevée des maladies liées à la pauvreté.

23.Le Comité est préoccupé par la hausse alarmante du taux de mortalité maternelle.

24.Le Comité reste préoccupé par la baisse du taux de scolarisation − qui est passé de 99 % à 85 % et que l’État partie impute aux catastrophes naturelles.

25.Le Comité reste préoccupé par le fait que les enfants handicapés ne sont pas intégrés dans le système scolaire traditionnel chaque fois que cela est possible.

E. Suggestions et recommandations

26.Le Comité invite l’État partie à mettre en place un mécanisme chargé de la surveillance efficace de la mise en œuvre progressive du Pacte.

27.Le Comité recommande à l’État partie, dans le cadre de ses efforts visant à mettre en œuvre les droits consacrés par le Pacte, de continuer à solliciter l’assistance de la communauté internationale et à s’impliquer dans la coopération internationale et dans les activités régionales entreprises par les institutions régionales et internationales, y compris le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

28.Le Comité recommande de réviser sans délai les dispositions constitutionnelles et législatives qui peuvent compromettre ou limiter l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire afin que le rôle crucial que joue ce dernier dans la protection des droits consacrés par le Pacte soit garanti.

29.Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son troisième rapport périodique des renseignements sur la manière dont les dispositions du Pacte ont été intégrées dans le droit interne et de fournir des exemples d’application directe, par les tribunaux nationaux, des dispositions du Pacte.

30.Le Comité demande à l’État partie de fournir des informations plus précises sur le fonctionnement exact des procédures du système de plaintes émanant de particuliers prévu par la loi sur les plaintes et les requêtes, notamment sur les procédures ayant trait aux droits économiques, sociaux et culturels, et d’exposer certains éléments de la jurisprudence qui montrent comment cette loi est appliquée.

31.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

32.Le Comité recommande à l’État partie de devenir membre de l’OIT à part entière puis de ratifier les principales conventions de l’OIT en temps voulu. Afin de faciliter cette adhésion, le Comité recommande à l’État d’accélérer la réforme législative qui s’impose pour répondre aux critères régissant le système de représentation tripartite de l’OIT.

33.Le Comité suggère à l’État partie de réviser sa législation nationale en vue de donner pleinement effet au principe de non‑discrimination à l’égard des femmes et d’adopter et de mettre en œuvre un programme comprenant des mesures spécifiques de sensibilisation, en vue de promouvoir les droits des femmes et le progrès de ces dernières dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale.

34.Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures législatives pour garantir le droit de chacun de choisir sa profession et son lieu de travail.

35.Le Comité recommande à l’État partie de réviser sa législation nationale en vue de supprimer les peines imposées aux personnes parties à l’étranger à la recherche d’un emploi ou de meilleures conditions de vie.

36.Le Comité recommande à l’État partie de réviser sa législation nationale afin de l’harmoniser avec les dispositions de l’article 8 du Pacte relatives aux droits syndicaux, y compris au droit de former un syndicat indépendant et au droit de grève.

37.Le Comité encourage l’État partie à fournir dans son troisième rapport périodique des informations sur les conditions à remplir pour être admis au bénéfice du système de la sécurité sociale, y compris des allocations familiales, des pensions d’invalidité et des pensions de retraite.

38.Le Comité invite l’État partie à envisager la possibilité d’accroître, le moment venu, les allocations budgétaires consacrées aux dépenses sociales ainsi que l’aide publique aux personnes dans le besoin et de permettre aux personnes à la recherche d’un emploi, et en particulier aux femmes, de trouver un emploi sur le territoire de la République populaire démocratique de Corée.

39.Le Comité recommande à l’État partie de modifier sa législation afin d’y inclure des dispositions spécifiques qui pourront servir de base à la lutte contre la violence au sein de la famille.

40.Le Comité appelle l’État partie à poursuivre ses efforts en vue d’aider les enfants qui souffrent des conséquences des catastrophes naturelles à réintégrer le système scolaire.

41.Le Comité demande instamment à l’État partie de redoubler d’efforts en vue de fournir aux orphelins une protection de remplacement et de les intégrer dans le système scolaire traditionnel.

42.Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place les mécanismes appropriés pour garantir aux groupes les plus vulnérables l’accès, dans des conditions d’égalité, à l’aide alimentaire internationale et pour donner à ces derniers la priorité dans le cadre des programmes alimentaires.

43.Le Comité recommande aux autorités compétentes d’accorder davantage d’importance à la fourniture d’une alimentation appropriée aux enfants souffrant de malnutrition chronique ainsi qu’à celle de soins de santé adéquats, et de prendre en charge, le cas échéant, les graves problèmes de santé qui en découlent.

44.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour améliorer les soins puerpéraux, y compris les services de soins de santé prénatals et l’aide médicale à la naissance.

45.Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une stratégie globale de prévention du VIH/sida, y compris des campagnes de sensibilisation et un programme de sécurité transfusionnelle. Il invite l’État partie à poursuivre et à améliorer sa collaboration avec les programmes et les institutions spécialisées des Nations Unies tels que le PNUD, l’OMS et l’ONUSIDA. Il recommande en outre à l’État partie d’inclure dans son troisième rapport périodique des données statistiques sur l’incidence du VIH/sida et des informations sur les mesures prises pour prévenir une épidémie.

46.Le Comité recommande à l’État partie de changer le système actuel d’enseignement pour les enfants handicapés en les intégrant dans le système scolaire traditionnel. En outre, l’État partie devrait prendre des mesures pour sensibiliser davantage les étudiants, les enseignants et les familles aux besoins spéciaux de ces enfants et pour former les professeurs de manière qu’ils puissent leur être d’une aide efficace dans les classes traditionnelles.

47.Le Comité est prêt, s’il y est invité, à envoyer une délégation en République populaire démocratique de Corée afin d’évaluer la situation ainsi que les efforts entrepris par l’État partie pour donner effet aux dispositions du Pacte ainsi qu’à prodiguer des conseils et à apporter son aide à l’État partie pour qu’il puisse s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

48.Tout en notant avec satisfaction que l’État partie s’est engagé à diffuser largement les présentes observations finales, le Comité encourage ce dernier à les communiquer à toutes les institutions et autorités publiques s’occupant des droits consacrés par le Pacte ainsi qu’à de nombreux acteurs de la société civile.

49.Enfin, le Comité demande à l’État partie de présenter son troisième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2008.

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