Nations Unies

E/C.12/ALB/CO/2-3

Conseil économique et social

Distr. générale

18 décembre 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant les deuxième et troisième rapports périodiques de l’Albanie, soumis en un seul document *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques de l’Albanie, soumis en un seul document, sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/ALB/2‑3) à ses 33e et 34e séances (E/C.12/2013/SR.33 et 34), le 6 novembre 2013, et a adopté, à sa 68e séance, le 29 novembre 2013, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité prend note de la soumission, en un seul document, des deuxième et troisième rapports périodiques de l’Albanie. Il prend note avec satisfaction des réponses écrites détaillées qu’il a reçues à sa liste des points à traiter (E/C.12/ALB/Q/2-3/Add.1) et se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

B.Aspects positifs

Le Comité note que conformément aux articles 5 et 122 de la Constitution albanaise, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme que l’Albanie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré, y compris le Pacte, sont devenus partie intégrante du droit interne et que leurs dispositions sont directement applicables et peuvent être invoquées devant les tribunaux nationaux et appliquées par ces derniers.

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie des instruments suivants ou de son adhésion à ces instruments:

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2007;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2013;

c)Les trois Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant;

d)La Convention no122 (1964) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la politique de l’emploi, en 2009.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour promouvoir l’application directe ou indirecte des droits économiques, sociaux et culturels dans l’ordre juridique interne, notamment de l’adoption:

a)De la loi relative à l’égalité des sexes, en 2008; de la loi relative à la protection des droits des enfants, en 2010; de la loi pour la protection contre la discrimination, en 2010; et de la loi sur la santé mentale, en 2012;

b)Des modifications du Code pénal intervenues en 2013, lesquelles ont étendu la protection contre la discrimination aux motifs fondés sur l’orientation sexuelle, ont incriminé le «trafic interne» (loi no144/2013) et ont ajouté un chapitre spécialement consacré à la responsabilité dans les délits de corruption;

c)Des modifications de la Constitution relatives à la levée de l’immunité parlementaire en cas de poursuites pénales contre des parlementaires, des magistrats et d’autres hauts fonctionnaires pour corruption, en 2012.

Le Comité se félicite également de l’adoption de stratégies et de plans nationaux d’action visant à prévenir et à combattre la corruption, à lutter contre la traite des êtres humains et à promouvoir l’égalité des sexes, ainsi que de l’action du Commissaire à la protection contre la discrimination.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité regrette l’absence d’informations sur les cas d’applicabilité directe du Pacte devant les tribunaux dans l’État partie et sur les recours disponibles. Il s’inquiète de ce que la Constitution de l’État partie protège les droits énoncés dans le Pacte dans deux chapitres distincts, alors que les tribunaux ne peuvent être saisis directement au titre de l’un d’eux (le chapitre 5).

Le Comité prie l ’ État partie de recueillir et de diffuser des informations sur la justiciabilité de tous les droits consacrés par le Pacte, notamment sur les cas d ’ application directe du Pacte devant les tribunaux nationaux, ainsi que des renseignements sur les recours dont disposent les particuliers qui dénoncent une violation de leurs droits économiques, sociaux et cultur els énoncés dans le Pacte. À ce  propos, il appelle l ’ attention sur son Observation générale n o 9 (1998) relative à l ’ application interne du Pacte. L ’ État partie devrait veiller à ce que la répartition des dispositions du Pacte entre différents chapitres de la Constitution n ’ influe pas sur l ’ applicabilité et la mise en application directes de ces dispositions par les tribunaux nationaux.

Le Comité est préoccupé par les divergences entre les statistiques et par l’absence de données ventilées qui permettraient d’évaluer avec précision la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De procéder, en se fondant sur un ensemble clair d ’ indicateurs, à des évaluations régulières et systématiques du degré d ’ exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels des différents secteurs de la population, notamment des groupes les plus défavorisés et marginalisés;

b) De mettre en place un système de collecte de données sur l ’ emploi, la pauvreté, la répartition des sexes à la naissance, la violence contre les enfants, les taux d ’ abandon scolaire et la rescolarisation des enfants ayant abandonné leurs études, et d ’ autres facteurs influant sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte, dûment ventilées par année, sexe, âge, population urbaine/rurale, origine ethnique, groupe défavorisé et marginalisé et autres critères pertinents, et de faire figurer les données statistiques correspondantes dans son prochain rapport périodique;

c) D ’ intégrer la collecte de données et l ’ utilisation des indicateurs des droits de l ’ homme, en particulier pour les droits économiques, sociaux et culturels, dans sa stratégie nationale de développement et d ’ intégration;

d) De prendre en compte dans ce domaine le cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homm e qui a été élaboré par le Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme.

Le Comité demeure préoccupé par le manque persistant d’indépendance et de formation des magistrats dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures juridiques, directives et autres voulues pour garantir l ’ indépendance et la formation des magistrats comme moyen de préserver l ’ exercice des droits de l ’ homme, notamment des droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité est préoccupé par l’efficacité limitée des mesures prises pour lutter contre la corruption.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures supplémentaires pour accroître l ’ efficacité des dispositions juridiques, structurelles et directives adoptées pour lutter contre la corruption dans le processus de décision au x niveau x des pouvoirs publics et de l ’ administration publique en général, notamment par la mise en place de structures d ’ appel d ’ offres dans l ’ administration publique, de mécanismes garantissant la transparence des décisions à tous les niveaux des pouvoirs publics et de moyens de contrôle, tout en enquêtant sur les comportements illicites et en les sanctionnant.

Le Comité est particulièrement préoccupé par l’absence d’informations quant à savoir si l’État partie a agi au maximum de ses ressources disponibles en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ évaluer régulièrement l ’ impact des mesures prises et des allocations budgétaires aux divers domaines d ’ application du Pacte afin d ’ apprécier si l ’ État partie a agi au maximum de ses ressources disponibles en vue d ’ assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte, en tenant compte de l ’ Observation générale n o  3 (1990) du Comité sur la nature des obligations des États parties et de sa déclaration de 2007 sur l ’ obligation d ’ agir «au  maximum de ses ressources disponibles» dans le contexte d ’ un protocole facultatif au Pacte.

Le Comité prend note avec préoccupation de la discrimination généralisée dont font l’objet les enfants et les familles marginalisés et de l’absence d’évaluation systématique des progrès accomplis dans la lutte contre la discrimination dont sont victimes les groupes minoritaires dans l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il est également préoccupé par l’absence de résultats dans la lutte contre la discrimination à l’égard des Roms en matière d’accès à l’emploi et de logement, comme l’a reconnu l’État partie, et par le fait que les priorités fixées au niveau national concernant la situation des Roms ne sont pas souvent appliquées à l’échelon local (art. 2, 6 et 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adapter sa stratégie d ’ intégration sociale, notamment de prévoir des allocations budgétaires spécifiques , assorties d ’ indicateurs et d ’ objectifs, pour assurer l ’ accès des enfants et des familles les plus marginalisés aux services sociaux, aux soins de santé et à l ’ éducation, et d ’ évaluer les nombreuses mesures d ’ inté gration −  i mpacts, résultats et problèmes − prises pour lutter contre la discrimination dont sont victimes les groupes minoritaires dans l ’ exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels. L ’ État partie devrait également prendre d ’ autres mesures pour remédier à la discrimination généralisée dont les Roms font l ’ objet en matière d ’ accès à l ’ emploi et de logement, et veiller à ce que les priorités fixées au niveau national concernant les Roms soient dûment communiquées aux autorités locales afin d ’ être bien appliquées.

Le Comité s’inquiète de ce que l’absence d’enregistrement à la naissance et de documents d’identité des enfants égyptiens et roms, en particulier des migrants, restreint l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, 9 et 12 à 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ accès des Égyptiens et des Roms aux procédures d ’ enregistrement des naissances et de délivrance de documents d ’ identité en adoptant des mesures telles que la gratuité de ces procédures pour les familles marginalisées et vivant dans la pauvret é. À ce propos, le Comité appelle également l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  20 (2009) sur la non ‑discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité s’inquiète de ce que les demandeurs d’asile, les réfugiés et les personnes bénéficiant de formes subsidiaires de protection n’ont pas accès à des programmes généraux d’intégration, à l’aide sociale, aux services sociaux et au logement (art. 2, 9 et 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de promulguer les décrets voulus et de prendre d ’ autres mesures pour faire en sorte que la loi sur l ’ intégration et la réunification familiale des personnes ayant obtenu l ’ asile en Albanie soit pleinement appliquée, ainsi que de modifier la législation relative à la protection sociale pour garantir l’accès des demandeurs d ’ asile, des réfugiés et d es personnes bénéficiant de formes subsidiaires de protection à des programmes complets d ’ intégration, ainsi qu’ à l’ aide sociale et aux services sociaux. Il recommande également que la loi sur le logement social s ’ applique aux réfugiés et aux bénéficiaires d ’ une protection subsidiaire.

Le Comité note avec préoccupation que le rôle de l’Avocat du peuple (Ombudsman) et du Commissaire à la protection contre la discrimination ainsi que leur coopération, dans le cadre de la promotion de l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, ne sont pas bien définis; que les recommandations de l’Ombudsman sont peu appliquées et suivies; et que les ressources humaines et financières allouées au Bureau de l’Ombudsman sont insuffisantes.

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De définir clairement les rôles respectifs de l ’ Avocat du peuple (Ombudsman) et du Commissaire à la protection contre la discrimination ainsi que leur coopération , afin de faciliter le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels;

b) D ’ appuyer la contribution du Commissaire à la mise en œuvre et au suivi des recommandations de l ’ Ombudsman;

c) De mettre en œuvre les recommandations de l ’ Ombudsman concernant le respect et la protection des droits économiques, sociaux et culturels;

d) D ’ allouer des ressources humaines et financières suffisantes à l ’ Ombudsman conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme ( Principes de Paris ) .

Le Comité est préoccupé par l’existence d’une ségrégation des sexes dans l’économie ainsi que par le taux de chômage anormalement élevé des femmes, qui procèdent d’une perception stéréotypée du rôle traditionnel des femmes. Il est aussi préoccupé par la sous‑représentation des femmes dans les organes publics nationaux et locaux (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De procéder à une réforme complète de la législation afin d ’ abolir les dispositions qui peuvent entretenir la discrimination entre les sexes et de rendre les femmes plus autonomes grâce à des politiques d ’ emploi intégrant une perspective de genre qui visent à favoriser l ’ embauche de femmes dans les professions non traditionnelles, à accroître leur accès à la formation professionnelle et à l ’ enseignement technique ainsi qu ’ à garantir l ’ égalité des conditions de travail;

b) D ’ entreprendre une étude pour déterminer et évaluer les facteurs qui rendent difficiles pour les femmes d ’ entrer et de se maintenir sur le marché du travail formel, notamment les facteurs socioculturels qui influent sur les choix éducatifs et professionnel s des femmes;

c) De prendre des mesures pour corriger les représentation s sociale s du rôle traditionnel des hommes et des femmes ainsi que les préjugés y afférents, notamment en matière d ’ emploi, tout en menant un travail de sensibilisation auprès des hommes comme des femmes , en particulier au sujet de la conciliation des obligations professionnelles et familiales;

d) De faire appliquer la législation relative à l ’ égalité des sexes, en par ticulier le respect du quota de 30 % fixé par l ’ État partie pour la représentation des femmes aux plus hauts postes de l ’ administration publique, des universités et des établissements de recherche.

Le Comité constate à nouveau avec préoccupation que le taux de chômage est relativement élevé dans l’État partie et touche de manière disproportionnée les groupes défavorisés et marginalisés, notamment les minorités ainsi que les personnes vivant dans les zones rurales. Il est également préoccupé par la faible proportion de personnes handicapées ayant un emploi, qui montre le faible impact de la loi sur la promotion de l’emploi. Il note en outre avec préoccupation l’absence d’informations émanant de l’État partie sur les politiques actives menées en faveur de l’emploi ainsi que de données sur le chômage de ces catégories de population, y compris dans les zones urbaines et les zones rurales (art. 6).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de réduire le chômage par des mesures actives en faveur de l ’ emploi telles que l’offre de possibilités de reconversion professionnelle, des initiatives locales en matière d ’ emploi, des incitations et des avantages fiscaux destinés aux employeurs, y compris des programmes visant à réduire le chômage des groupes défavorisés et marginalisés, en particulier dans les zones rurales. Il exhorte également l ’ État partie à fixer des objectifs annuels pour l ’ emploi des personnes handicapées, en veillant à ce que 30 % des salariés handicapés soient des femmes. Il recommande à nouveau à l ’ État partie d ’ envisager la ratification de la Convention n o 2 (1919) de l ’ OIT sur le chômage.

Le Comité est préoccupé par l’absence de système garantissant l’application du principe «une rémunération égale pour un travail de valeur égale» (art. 7).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire respecter les dispositions du Code du travail relatives à l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, notamment par des inspections du travail et l ’ imposition de sanctions, et de remédier aux causes de l ’ efficacité limitée de la législation relative à la rémunération, en  particulier en organisant des campagnes publiques et en dispensant des formations au sein des associations d ’ employeurs et de salariés de l’État partie .

Le Comité est préoccupé par le nombre extrêmement faible de salariés des secteurs public et privé percevant le salaire minimum, ce qui démontre que la législation en vigueur n’est pas bien appliquée (art. 7).

Le Comité demande à l ’ État partie de prendre des mesures pour faire appliquer la législation sur le salaire minimum, tout en veillant à ce que celui- ci soit régulièrement ajusté en fonction du coût de la vie et assure aux salariés et à leur famille une existence décente, conformément à l ’ article 7 a) ii) du Pacte.

Le Comité est préoccupé par la persistance, dans le Code du travail actuel, de l’interdiction de faire grève qui frappe les fonctionnaires, y compris ceux qui ne fournissent pas des services essentiels, et par le maintien de restrictions du droit de négociation collective consistant à imposer une procédure de médiation obligatoire d’une durée de trente jours avant le déclenchement d’une grève (art. 8).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que le projet de code du travail soit conforme au Pacte, afin de garantir à chacun le droit de former librement des syndicats et de s ’ affilier au syndicat de son choix, le droit de mener sans restriction des négociations collectives dans le cadre syndical pour promouvoir et protéger ses intérêts économiques et sociaux, ainsi que le droit de grève. Il  recommande à l ’ État partie de supprimer du projet de code du travail les restrictions au droit de grève et au droit de négociation collective qui y figurent, notamment en considérant la médiation comme un mode de règlement en soi, pouvant remplacer la grève, et non comme un préalable à cette dernière, et de veiller à ce que l ’ interdiction de grève dans la fonction publique ne concerne que les fonctionnaires fournissant des services essentiels au sens de la définition de l ’ OIT.

Le Comité regrette l’absence de données sur l’assistance sociale dans l’État partie et le manque d’informations sur la question de savoir si des ajustements sont opérés dans le système de sécurité sociale pour apporter aux personnes handicapées et aux personnes âgées, ainsi qu’aux personnes et aux familles défavorisées, une aide qui leur permette de vivre dans la dignité; il regrette aussi qu’il ne soit pas dit clairement si le montant des allocations sociales est suffisant pour couvrir le coût réel de la vie. Le Comité regrette en outre l’absence d’informations sur les garanties concernant l’égalité d’accès à l’assurance et à l’assistance sociales (art. 9).

Le Comité invite l ’ État partie à ajuster son système de sécurité sociale, en tenant compte de son Observation générale n o 19 (2008) sur le droit à la sécurité sociale, de façon à apporter aux personnes handicapées et aux personnes âgées , ainsi qu ’ aux personnes et familles défavorisées , l ’ aide dont elles ont besoin pour vivre dans la dignité, et à mettre en place un système efficace pour assurer que le montant des allocations sociales soit suffisant pour couvrir le coût réel de la vie. Le Comité encourage aussi l ’ État partie à envisager d ’ instaurer un revenu minimum qui regrouperait toutes les prestations sociales existantes et garantirait une existence digne à toutes les personnes vivant sur son territoire . Il recom mande à nouveau à l ’ État partie de songer à ratifier l a Convention n o 117 ( 1962) de l ’ OIT concernant les objectifs et les normes de base et l a Convention n o 118 ( 1962 ) de l ’ OIT concernant l ’ égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale .

Le Comité demeure préoccupé par le grand nombre de cas de traite intérieure, ainsi que transfrontière de personnes et par la «pratique» consistant à pénaliser les victimes de la traite en raison d’une disposition du Code pénal qui punit les personnes qui se livrent à la prostitution. Le Comité est également préoccupé par le manque de services d’assistance médicale, juridique et sociale, notamment de structures d’hébergement, pour les victimes de la traite (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer sa législation pour combattre la traite intérieure, ainsi que transfrontière de s personnes, en révisant son Code pénal afin d ’ établir des sanctions appropriées pour les aute urs de traite ainsi que d ’ exploitation de s victimes de cette pratique. Il lui recommande également de renforcer son système de communication de données et de prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes soient rapidement identifiées et que les agents de la force publique et le personnel judiciaire reçoivent la formation requise pour que des enquêtes efficaces puissent être menées et que les auteurs d ’ actes de traite soient dûment poursuivis. L ’ État partie devrait en outre veiller à fourni r aux victimes de la traite une assistance médicale, juridique et sociale appropriée et, notamment, mettre à leur disposition des foyers d ’ accueil et leur permettre d ’ accéder à des voies de recours judiciaire.

Le Comité est préoccupé par le faible nombre d’enquêtes ouvertes et de condamnations prononcées pour des faits de violence au foyer et de violence sexuelle, ainsi que par l’absence d’une stratégie cohérente d’aide aux victimes de la violence au foyer et de la violence sexuelle (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ enquêter dûment sur tous les actes de violence au foyer et de violence sexuelle et de poursuivre et punir leurs auteurs, d ’ élaborer une stratégie cohérente à l ’ appui des victimes de la violence au foyer et de la violence sexuelle, prévoyant notamment la création de centres d ’ aide d ’ urgence aux victimes pour leur permettre de bénéficier d ’ un logement sûr et de l ’ assistance dont elles ont besoin ; de dispenser une formation aux agents de la force publique et aux juges sur la gravité et le caractère criminel de la violence au foyer et de la violence sexuelle ; et d ’ entreprendre des campagnes d ’ information en vue de sensibiliser davantage le public à la forte incidence de cette violence.

Le Comité est préoccupé par la forte proportion d’enfants n’ayant pas atteint l’âge d’admission à l’emploi fixé par l’État partie (15 ans) qui travaillent dans des conditions dangereuses dans des secteurs tels que l’extraction minière, le bâtiment ou l’agriculture. Il est en particulier préoccupé par les informations concernant les enfants, dont bon nombre sont des Roms, qui travaillent dans les rues et sont particulièrement marginalisés et exposés à l’exploitation (art. 10).

L ’ État partie est prié instamment de renforcer les mécanismes de surveillance du travail des enfants, notamment en dotant l ’ I nspection publique du travail des moyens de détecter les cas de pires formes de travail des enfants, y compris des enfants des rues. L ’ État partie devrait en outre promouvoir les programmes de prévention et de réintégration axés sur le renforcement du rôle de la famille et l ’ élimination de l ’ exploitation économique des enfants, et élaborer des programmes d ’ éducation parentale constructive pour les communautés marginalisées en vue d ’ une meilleure sensibilisation à l ’ importance de la protection des enfants contre différentes formes de sévices et d ’ exploitation. À cet égard, l ’ État partie devrait prendre d ’ autres mesures pour assurer que la législation relative à la protection des enfants contre l ’ exploitation économique et autre soit strictement appliquée et faire en sorte que ceux qui violent cette législation soient sanctionnés, et revoir les mécanismes en place pour garantir le droit des enfants à l ’ éducation.

Le Comité se dit préoccupé par la stigmatisation des enfants handicapés et la discrimination à leur égard ainsi que par leur accès insuffisant aux services, qui est souvent dû au manque de collaboration entre les professionnels et les organismes publics, ainsi qu’à un problème d’accessibilité physique. Le Comité note en outre avec préoccupation l’absence de mécanismes de prévention permettant de repérer et de signaler très tôt les violations dont sont victimes les enfants handicapés (art. 2 et 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de développer son système de protection de l ’ enfance pour y intégrer des procédures d ’ identification, d ’ orientation et de prise en charge des enfants handicapés, sachant que ces enfants sont davantage exposés que les autres au risque de maltraitance, de stigmatisation et de discrimination . L ’ État partie devrait prendre des mesures supplémentaires pour améliorer l ’ accès des enfants handicapés aux services , en veillant à assurer une meilleure collaboration entre les professionnels et les organismes publics et à mettre en place les services de transport requis.

Le Comité note avec préoccupation que la loi sur le statut des orphelins ne garantit qu’une assistance et un appui limités aux enfants ayant vécu dans une institution publique, au moment de leur passage de l’institution à une vie adulte autonome, et que l’âge limite pour quitter les institutions, qui, selon l’État partie, a été porté à 18 ans, n’est pas systématiquement respecté (art. 10).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de modifier la loi sur le statut des orphelins pour garantir une assistance et un appui suffisants aux enfants ayant vécu dans une institution publique, au moment de leur passage de l ’ institution à une vie adulte autonome, et de veiller à ce que ces enfants bénéficient d ’ un accompagnement et quittent l ’ institution publique lorsqu ’ ils atteignent la majorité, c ’ est-à-dire à l ’ âge de 18  ans.

Tout en relevant les améliorations apportées au cadre législatif, le Comité note avec une vive préoccupation les résultats de la récente enquête sur l’incidence de la violence psychologique contre les enfants, de la violence sexuelle et de la violence physique dans la famille. Le Comité est également préoccupé par le manque d’accès aux groupes de protection de l’enfance, en particulier dans les zones rurales, s’agissant de dénoncer les abus et de solliciter un appui, et par le fait que ces groupes ne disposent pas des ressources budgétaires dont ils ont besoin pour opérer efficacement (art. 10).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre des mesures législatives, politiques et institutionnelles pour prévenir et combattre la violence psychologique à l ’ égard des enfants, la violence sexuelle et la violence physique dans la famille. À cet  égard, il l ’ engage aussi à assurer un accès suffisant aux groupes de protection de l ’ enfance, en particulier dans les zones rurales, aux fins de dénoncer les violations et de solliciter un appui, et d ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes à ces groupes pour leur permettre d ’ opérer efficacement.

Le Comité est vivement préoccupé par la forte incidence de la traite d’enfants, y compris vers les pays voisins, qui expose les enfants à la violence et à l’exploitation et les prive d’accès à l’éducation et au logement (art. 10).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à élaborer des programmes spécifiques de prévention visant les familles qui risquent de livrer leurs enfants à la traite et à apporter une assistance appropriée aux enfants victimes , notamment en assurant leur réinscription à l ’ école et en leur offrant un hébergement adéquat . Le Comité exhorte en outre l ’ État partie à prendre des mesures effectives pour poursuivre quiconque se livre ou collabore à la traite des enfants ou aux sévices et à l ’ exploitation qui en résultent, et d ’ organiser de vastes campagnes de sensibilisation du public .

Le Comité est préoccupé par les cas récents d’expulsions forcées et de démantèlement de campements illégaux égyptiens et roms, où des familles avec enfants ont été abandonnées à leur sort sans se voir proposer de relogement, d’indemnisation ou de protection, et sans possibilité d’accès à l’éducation ou aux services de santé (art. 11 à 14).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à prendre d ’ urgence des mesures pour consulter les communautés égyptiennes et roms touchées tout au long du processus d ’ expulsion, leur garantir une procédure équitable et une indemnisation , et leur fournir , en particulier, une solution de relogement convenable , en tenant compte de l ’ Observation générale n o 4 (1991) du Comité sur le droit à un logement suffisant et de son Observation générale n o 7 sur le droit à un logement suffisant: expulsions forcées . Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ interdire dans sa législation les expulsions forcées.

Tout en prenant acte du recul important de la pauvreté, le Comité est préoccupé par l’absence de stratégies pour faire face à l’extrême pauvreté qui touche en particulier les membres des groupes marginalisés, notamment les minorités, et par l’existence de disparités régionales dans l’exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels sans discrimination (art. 2 et 11).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à élaborer de nouvelles stratégies pour combattre l ’ extrême pauvreté parmi les membres des groupes marginalisés, notamment les minorités, et à prendre toutes les mesures correctives nécessaires pour remédier aux disparités dans la jouissance, sur un pied d ’ égalité, des droits économiques, sociaux et culturels. Il exhorte également l ’ État partie à allouer des ressources suffisantes pour la mise en œuvre de telles stratégies , en tenant compte de la d éclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés par le Comité en 2001 (E/C.12/2001/10) .

Le Comité note avec préoccupation l’absence de mesures appropriées pour fournir des logements sociaux aux familles à faible revenu (art. 11).

Le Comité invite l ’ État partie à prendre des mesures administratives et financières pour développer le réseau de logements sociaux destinés aux familles à faible revenu et en améliorer la qualité, et à faire en sorte que ces mesures soient intégrées dans le plan d ’ action national relatif au logement. Le Comité renouvelle également sa recommandation tendant à ce que l ’ État partie adopte des textes législatifs qui garanti s sent le droit au logement.

Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des ressources budgétaires consacrées aux soins de santé ainsi que par l’accès insuffisant aux services de santé, en particulier dans les zones rurales, par la forte mortalité infantile et par l’absence d’informations sur la place de la santé sexuelle et procréative dans les programmes scolaires (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour améliorer les soins et les services de santé, notamment en augmentant les allocations budgétaires au secteur de la santé et en développant les services de santé dans les zones rurales. L ’ État partie devrait continuer de lutter contre la forte mortalité infantile, faire une place à la santé sexuelle et procréative dans ses programmes d ’ enseignement , et fournir des renseignements sur les progrès accomplis dans l ’ exercice du droit à la santé dans son prochain rapport périodique, en tenant compte de l ’ Observation générale n o  14 (2000) du Comité sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint.

Le Comité est préoccupé par le déséquilibre du rapport garçons-filles à la naissance et par son lien possible avec la pratique des avortements sélectifs en fonction du sexe, qui s’explique par la discrimination dont sont victimes les femmes, notamment en matière de succession, et par la préférence pour les fils (art. 3 et 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour prévenir les avortements sélectifs en fonction du sexe, notamment en empêchant autant que faire se peut les avortements non médicalisés et en réduisant le recours à l ’ avortement par le développement et l ’ amélioration des services de planification familiale. Le Comité recommande également à l ’ État partie de recueillir des données fiables sur la répartition des sexes à la naissance, de prévenir toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, notamment en matière de succession, et de lutter contre les pratiques traditionnelles et les attitudes patriarcales et stéréotypées. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de s ’ attacher à mieux éduquer et sensibiliser le grand public sur les questions liées à l ’ égalité des sexes.

Le Comité demeure préoccupé par le manque de mesures visant à lutter efficacement contre les taux élevés d’abandon scolaire des filles (en comparaison des garçons) dans l’enseignement primaire, qui touche de manière disproportionnée les enfants roms. Le Comité est également préoccupé par le peu d’efficacité des mesures prises pour retenir les Roms à l’école (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attacher à remédier au problème des taux élevés d ’ abandon scolaire des filles dans l ’ enseignement primaire, en particulier parmi les Roms. Il lui recommande également de continuer de prendre des mesures concrètes en faveur du maintien dans la scolarité des enfants roms , et de renforcer la fréquentation scolaire au niveau secondaire, entre autres, par l ’ octroi de bourses, la fourniture de manuels scolaires et le remboursement des frais de déplacement pour se rendre à l ’ école, et par le recrutement d ’ un nombre plus élevé d ’ enseignants dans la communauté rom.

Le Comité regrette que l’accès à l’éducation dans les langues minoritaires soit apparemment limité dans les écoles publiques et que, selon certaines informations, les mesures prises pour préserver, protéger et promouvoir les langues et les cultures minoritaires soient insuffisantes (art. 13 à 15).

Le Comité prie l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir l ’ accès à l ’ éducation dans les langues minoritai res dans les écoles publiques, ainsi que pour préserver, protéger et promouvoir les langues et les cultures minoritaires en tant qu ’ éléments de la diversité culturelle et du patrimoine culturel. Il l ’ encourage aussi à songer à accroître les ressources budgétaires allouées au développement culturel et à la participation à la vie culturelle, conformément à l ’ article 15 du Pacte.

Le Comité note avec préoccupation que des communautés minoritaires, en particulier les Bosniaques et les Égyptiens, ne jouissent pas des droits garantis aux minorités et ne bénéficient pas de la protection de ces droits (art. 2).

L ’ État partie est encouragé à reconnaître les communautés ayant une identité distincte, en particulier les Bosniaques et les Égyptiens, en tant que minorités nationales, conformément aux normes internationales applicables, afin que leurs membres puissent jouir des droits garantis aux minorités et bénéficier de la protection de ces droits.

Le Comité encourage l’État partie à songer à signer et à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans toutes les couches de la société, en particulier auprè s des hauts fonctionnaires, des autorités judiciaires et des organisations de la société civile, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique de toutes les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite à ces observations. Il encourage aussi l ’ État partie à associer les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au processus de discussion qui sera mené au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique. Il encourage en outre l ’ État partie à faire en sorte que le site Web des organismes publics concernés fournisse des informations et des liens concernant le rapport de l ’ État partie, les réponses écrites à la liste des points à traiter, les observations finales du Comité et les progrès accomplis dans leur mise en œuvre , et de veiller à ce que ces informations et ces liens soient régulièrement mis à jour.

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son quatrième rapport périodique, conformément aux directives adoptées par le Comité en 2008 (E/C.12/2008/2), d ’ ici au 30 novembre 2018.