Nations Unies

E/C.12/UKR/CO/6

Conseil économique et social

Distr. générale

13 juin 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Ukraine *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le sixième rapport périodique de l’Ukraine sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/UKR/6) à ses 3e et 4e séances, tenues le 29 avril 2014 (E/C.12/2013/SR.3 et 4), et a adopté, à sa 40e séance tenue le 23 mai 2014, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité se félicite que l’Ukraine ait soumis dans les délais son sixième rapport périodique (E/C.12/UKR/6). Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites détaillées à la liste des points à traiter (E/C.12/UKR/Q/6/Add.1) ainsi que pour le dialogue franc et constructif qui s’est tenu avec la délégation interministérielle de haut niveau.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que, depuis 2007, date du dernier dialogue, l’État partie a ratifié divers instruments relatifs aux droits de l’homme, ou y a adhéré:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 4 février 2010;

b)La Convention no 155 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la sécurité, la santé des travailleurs et le milieu de travail, le 4 janvier 2012;

c)La Convention no 176 (1995) de l’OIT concernant la sécurité et la santé dans les mines et la Convention no 174 (1993) de l’OIT concernant la prévention des accidents industriels majeurs, le 15 juin 2011;

d)La Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, le 25 mars 2013;

e)La Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (Convention Médicrime), le 20 août 2012;

f)La Convention de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, le 10 mars 2010.

Le Comité note avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels, notamment:

a)La forte diminution du taux de transmission du VIH de la mère à l’enfant, qui est passé de 27,5 à 6,8 % entre 2000 et 2009;

b)L’adoption du Plan national d’action stratégique pour la prévention du VIH chez les enfants et les jeunes à risque et pour les soins et l’assistance aux enfants et aux jeunes touchés par le VIH/sida, en mai 2010;

c)L’adoption de la loi relative au dialogue social en Ukraine, en décembre 2010;

d)L’adoption de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains, en octobre 2011, et du Programme national de lutte contre la traite des êtres humains pour la période allant jusqu’en 2015, en mars 2012.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Obligations de l’État partie en vertu du Pacte dans le contexte de la crise économique

Le Comité prend note de la fragilité de la situation politique et économique de l’État partie qui entrave l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Il se dit préoccupé par les effets négatifs qu’ont, sur l’exercice par la population des droits consacrés par le Pacte (art. 2, par. 1), plusieurs mesures adoptées pour faire face à la crise économique et se conformer aux conditions négociées avec le Fonds monétaire international (FMI) aux fins de l’obtention d’une aide financière internationale.

Le Comité rappelle à l ’ État partie l ’ obligation qui lui incombe en vertu du Pacte de respecter, protéger et mettre en œuvre progressivement les droits économiques, sociaux et culturels, au maximum de ses ressources disponibles. Le Comité est conscient que des ajustements sont parfois inévitables, mais il renvoie l ’ État partie à sa lettre ouverte , en date du 16 mai 2012, sur les droits économiques, sociaux et culturels, et sur les mesures d ’ austérité prises durant la crise économique et financière qui définit les conditions auxquelles tout changement de politique ou ajustement proposé par les États parties face à la crise économique doit satisfaire. L ’ État partie devrait également veiller à ce qu ’ aucune mesure adoptée pour stabiliser la situation économique ne pénalise de façon disproportionnée les individus et les groupes les plus défavorisés et marginalisés, pas plus qu ’ elle ne se traduise par une diminution de la protection sociale en deçà du seuil minimum. L ’ État partie devrait en outre veiller à tenir dûment compte des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte lorsqu ’ il négocie des projets et programmes d ’ assistance financière, notamment avec des institutions financières internationales telles que le FMI.

Lutte contre la corruption

Le Comité est préoccupé par l’étendue de la corruption dans l’État partie et par ses conséquences négatives pour l’exercice de tous les droits de l’homme, notamment des droits économiques, sociaux et culturels protégés par le Pacte (art. 2, par. 1).

L ’ État partie devrait, en priorité, s ’ attaquer aux causes profondes de la corruption et adopter toutes les mesures législatives et stratégiques nécessaires pour lutter efficacement contre la corruption et l ’ impunité qui y est associée, et pour garantir la transparence dans la conduite des affaires publiques, en droit et dans la pratique. L ’ État partie devrait également s ’ attacher à sensibiliser les responsables politiques, les parlementaires et les fonctionnaires nationaux et locaux au coût économique et social de la corruption, ainsi que les juges, les procureurs et les agents des forces de l ’ ordre à la nécessité d ’ une stricte application de la législation.

Cadre juridique concernant la lutte contre la discrimination

Le Comité note avec préoccupation que la loi de 2012 relative aux principes de prévention et de répression de la discrimination en Ukraine: a) n’inclut pas expressément tous les motifs prohibés de discrimination énumérés au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte; b) ne contient pas de définition de la discrimination directe et indirecte conforme aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte; c) ne prévoit pas le renversement de la charge de la preuve dans les procédures civiles; ou d) prévoit, pour les victimes de la discrimination, des recours insuffisants, se limitant à la réparation des préjudices matériels et moraux. Le Comité note que des modifications destinées à remédier aux lacunes du cadre législatif actuel contre la discrimination sont à l’examen au Parlement (art. 2, par. 2).

L ’ État partie devrait accélérer l ’ adoption de modifications à sa législation contre la discrimination pour assurer une protection adéquate, conformément au paragraphe  2 de l ’ article  2 du Pacte et compte tenu également de l ’ Observation générale n o 20 (2009) du Comité sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels, notamment:

a) En incluant expressément tous les motifs prohibés de discrimination énumérés au paragraphe  2 de l ’ article  2 du Pacte dans sa loi générale contre la discrimination;

b) E n alignant les définitions de la discrimination directe et indirecte sur les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte;

c ) En interdisant la discrimination dans les sphères publique comme privée;

d) En prévoyant le renversement de la charge de la preuve dans les procédures civiles ;

e) En ajoutant des dispositions prévoyant l ’ accès à des réparations en cas de discrimination, notamment dans le cadre de procédures judiciaires et administratives, et en offrant des recours utiles et appropriés aux victimes de discrimination.

Discrimination à l’égard des Roms

Le Comité demeure préoccupé par le manque de progrès réalisés pour remédier à l’exclusion sociale et à la discrimination dont les Roms font l’objet dans l’exercice de leurs droits au titre du Pacte et constate avec inquiétude que l’absence de documents d’identité exacerbe encore cette discrimination. Tout en se félicitant de l’adoption en 2013 de la Stratégie de protection et d’intégration de la minorité nationale rom dans la société ukrainienne à l’horizon 2020 et du Plan d’action national correspondant, le Comité s’inquiète de l’absence d’indicateurs permettant d’évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Stratégie et du Plan d’action au niveau national et de l’insuffisance des fonds budgétaires alloués pour assurer leur bonne application. Le Comité relève en outre que l’absence de données à jour sur les Roms et leur situation constitue un autre obstacle important pour l’évaluation de l’efficacité des différentes mesures destinées à lutter contre la discrimination à leur égard (art. 2, par. 2).

Renvoyant à ses recommandations précédentes (E/C.12/UKR/CO/5, par. 11 et 34), le Comité demande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la discrimination à l ’ égard des Roms en vue de donner pleinement effet dans la pratique aux droits qu ’ ils tiennent du Pacte et, à cet effet:

a) De réunir des données statistiques, sur la base de la déclaration volontaire, concernant le nombre de Roms vivant dans le pays et leur situation dans les domaines de l ’ emploi, de la sécurité sociale, du logement, de la santé et de l ’ éducation, en vue d ’ élaborer , d ’ appliquer et de suivre des programmes et politiques ciblés et coordonnés aux niveaux national et régional pour a méliorer leur situation socio économique;

b) De simplifier l es procédure s et de lev er les obstacles qui empêchent les Roms de se voir délivrer des documents comme les certificats de naissance qui leur sont nécessaires pour exercer leurs droits au titre du Pacte;

c) De faire en sorte que le Plan d ’ action sur l ’ inclusion des Roms comprenne des mesures visant spécialement à remédier aux problèmes qu ’ ils rencontrent dans l ’ accès à l ’ emploi, à la sécurité sociale, au logement, aux soins de santé et à l ’ éducation;

d) De définir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant de suivre l ’ application du Plan d ’ action à l ’ échelle nationale, et d ’ allouer des ressources financières suffisantes pour une bonne application de ce plan.

Discrimination à l’égard des Tatars de Crimée

Le Comité demeure préoccupé de constater qu’en dépit des mesures adoptées pour assurer la réinsertion des Tatars de Crimée dans la société et des progrès réalisés à cet égard, les Tatars de Crimée continuent d’être l’objet de discrimination et de rencontrer des difficultés dans l’exercice de leurs droits au titre du Pacte (art. 2, par. 2).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour améliorer encore la situation des Tatars de Crimée et faire en sorte qu ’ ils aient accès de facto à l ’ emploi, au logement, aux soins de santé, aux services sociaux et à l ’ éducation.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

Le Comité s’inquiète de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en matière d’emploi, de sécurité sociale, de soins de santé et d’éducation, et déplore l’absence d’informations sur les mesures prises pour combattre et prévenir une telle discrimination (art. 2, par. 2).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre et prévenir la discrimination à l ’ égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) et faire en sorte qu ’ elles puissent exercer leurs droits au titre du Pacte sur un pied d ’ égalité avec les autres personnes.

Écart de rémunération entre hommes et femmes

Le Comité demeure préoccupé par l’écart de rémunération important qui persiste entre les femmes et les hommes, de l’ordre de 30 % en moyenne, malgré les mesures prises pour promouvoir l’égalité entre les sexes. Il observe que les causes profondes de ce problème résident dans l’existence de stéréotypes bien ancrés sur le rôle des hommes et des femmes dans la famille et la société en général (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie, compte tenu de son Observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels:

a) De prendre des mesures pour éliminer l ’ écart persistant entre les salaires des hommes et ceux des femmes, en luttant contre la ségrégation verticale et horizontale sur le marché de l ’ emploi qui fait que les femmes occupent des emplois moins bien rémunérés et se heurtent à des obstacles qui les empêchent de jouir des mêmes possibilités de carrière que les hommes;

b) De prendre des mesures pour modifier la perception qu ’ a la société du rôle des hommes et des femmes, notamment en menant des campagnes de sensibilisation au partage des responsabilités des hommes et des femmes au sein de la famille et à l ’ égalité des chances professionnelles dont ils peuvent bénéficier en poursuivant des études et en suivant une formation dans des domaines autres que ceux où l ’ un ou l ’ autre sexe est traditionnellement majoritaire.

Chômage

Le Comité relève avec préoccupation que, malgré les mesures prises pour réduire le chômage, les jeunes restent tout particulièrement touchés par ce phénomène. Il note en outre avec inquiétude que le quota de 4 % de personnes handicapées dans les entreprises et institutions publiques et privées a des effets limités car il est peu respecté par les employeurs. Le Comité observe également avec inquiétude que les Roms et les Tatars de Crimée continuent de rencontrer des difficultés pour accéder à l’emploi (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour réduire encore le chômage, en particulier le chômage des jeunes et des personnes handicapées, des Roms et des Tatars de Crimée, notamment:

a) En maintenant les incitations offertes aux employeurs qui créent des emplois pour les personnes se trouvant au chômage depuis au moins deux ans, notamment les personnes qui ont du mal à être compétitives sur le marché de l ’ emploi, et en faisant en sorte que les personnes ainsi employées gardent leur travail lorsque ces incitations ne sont plus en vigueur;

b) En revoyant le système d ’ éducation et de formation professionnelle de façon à ce qu ’ il tienne compte des besoins actuels du marché du travail;

c) En prenant des mesures ciblées spécifiquement conçues pour réduire le chômage des jeunes;

d) En faisant en sorte que les entreprises et institutions publiques et privées observent réellement le quota de 4 % pour l ’ emploi de personnes handicapées, notamment en prévoyant des sanctions dissuasives pour les employeurs qui ne le respecteraient pas;

e) En assurant aux Roms et aux Tatars de Crimée l ’ égalité des chances et de traitement dans le domaine de l ’ emploi et en leur offrant des possibilités de s ’ assurer durablement un revenu, notamment en améliorant leur formation professionnelle.

Emploi dans l’économie informelle

Le Comité note avec préoccupation que 4,6 millions de personnes, soit 22,9 % de la population active totale, travaillaient dans le secteur informel en 2010, et n’étaient donc pas couvertes par la législation du travail ni par le système de protection sociale (art. 6, 7 et 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire progressivement le taux d ’ emploi dans le secteur informel et permettre à davantage de personnes travaillant dans l ’ économie informelle d ’ avoir accès aux services essentiels, à la protection sociale et à d ’ autres droits protégés par le Pacte. Il recommande également à l ’ État partie d ’ étendre de façon systématique les services de l ’ inspection du travail au secteur informel, de s ’ attaquer aux obstacles réglementaires qui s ’ opposent à la création d ’ emplois dans l ’ économie formelle, et de sensibiliser la population au fait que les droits du travail et la protection sociale s ’ appliquent à l ’ économie informelle.

Arriérés de salaires

Le Comité constate avec préoccupation que le non-versement des salaires demeure un problème dans l’État partie, les arriérés de salaires se montant à 998 millions de hryvnias au 1er mars 2014 (art. 6 et 7).

L ’ État partie devrait renforcer les mesures destinées à régler le p roblème des arriérés de salaire , notamment:

a) En assurant un contrôle effectif sur le versement des salaires;

b) En prévoyant des sanctions appropriées et dissuasives en cas de violation;

c) En mettant en place un mécanisme de garantie salariale pour assurer que les employés reçoivent leur salaire lorsque leur employeur ne peut pas le leur verser pour cause d ’ insolvabilité;

d) En veillant à ce que des systèmes de recours permettent non seulement le paiement intégral des arriérés dus mais également le versement d ’ une indemnisation équitable pour les pertes encourues du fait des retards de paiement.

Sécurité sociale

Le Comité félicite l’État partie pour l’établissement de la notion de minima sociaux, comprenant le salaire minimum, la retraite minimum et le seuil de subsistance, et pour l’augmentation régulière de leur montant. Il constate toutefois avec préoccupation que les niveaux du salaire minimal, des indemnités de chômage et de la retraite minimale restent insuffisants pour permettre aux employés, aux chômeurs, aux retraités et à leur famille de mener une vie décente (art. 7, 9 et 11).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour aligner progressivement ses minima sociaux sur ses obligations fondamentales au titre des articles  7, 9 et 11 du Pacte et en augmenter progressivement les montants .

Régime d’assurance maladie

Notant que la possibilité d’établir un régime national d’assurance maladie contributif obligatoire a été envisagée, le Comité s’inquiète de l’absence de progrès dans ce domaine (art. 9 et 12).

L ’ État partie devrait accélérer le processus visant à établir un régime national d ’ assurance maladie contributif obligatoire dans le cadre de l ’ établissement d ’ un système public durable de sécurité sociale . L ’ existence d ’ un tel régime ne saurait porter atteinte au maintien des services garantis de santé universelle fournis gratuitement.

Pauvreté

LeComité note avec préoccupation qu’en dépit des mesures prises pour réduire la pauvreté, le taux de pauvreté relative est resté relativement stable à 24,7 % au cours des neuf premiers mois de 2013. Il note également avec préoccupation les niveaux de pauvreté élevés des individus et des groupes les plus défavorisés et marginalisés, notamment les Roms, les Tatars de Crimée, les familles comptant trois enfants ou plus, dont des enfants de moins de 3 ans, les familles comptant des chômeurs, les personnes handicapées, les ménages de retraités, les familles monoparentales et les familles immigrées. Le Comité s’inquiète en outre de constater que le taux de pauvreté dans les zones rurales est 1,7 fois supérieur à celui des zones urbaines et que le taux de pauvreté des employés s’est établi à 20,7 % pour les neuf premiers mois de 2013, ce qui montre que l’emploi ne suffit pas à assurer un niveau de vie suffisant (art. 9 et 11).

Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration concernant la pauvreté et sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2001/10). Il recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour lutter contre la pauvreté, en ciblant en particulier les individus et les groupes les plus défavorisés et marginalisés, et pour réduire les disparités qui existent entre les zones rurales et les zones urbaines. L ’ État partie devrait garantir que son système d ’ assistance sociale vise effectivement les pauvres. Il devrait en outre veiller à ce que des ressources financières suffisantes soient allouées pour permettre une mise en œuvre efficace des programmes visant à réduire la pauvreté et à ce qu ’ il soit procédé aux ajustements nécessaires lorsque les mesures prises ne donnent pas les résultats escomptés.

Droit à un logement suffisant et droit à l’alimentation

Le Comité demeure préoccupé par le fait que la majorité des Roms connaissent toujours des conditions de logement déplorables, sans eau potable ni installations sanitaires, électricité, chauffage ou système d’évacuation des déchets et des eaux usées, ou sans garantie juridique quant à la sécurité d’occupation de leur logement, d’où un risque d’expulsion. Il constate également avec préoccupation les piètres conditions de logement et d’alimentation dans les centres d’hébergement temporaire pour demandeurs d’asile et le nombre insuffisant de places d’accueil dans ces centres (art. 2, par. 2, et 11).

L ’ État partie devrait, compte tenu de l ’ Observation générale n o  4 (1991) du Comité sur le droit à un logement suffisant, adopter toutes les mesures propres à garantir l ’ accès des Roms à un logement suffisant, notamment en veillant à ce que des ressources suffisantes soient dégagées pour augmenter l ’ offre de logements sociaux et en prévoyant des formes d ’ aide financière appropriées, telles que des allocations logement. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que les communautés roms soient consultées tout au long du processus d ’ expulsion, bénéficient de toutes les garanties d ’ une procédure régulière et se voient offrir un logement de remplacement ou une indemnisation leur permettant d ’ acquérir un logement adéquat, ainsi que de tenir compte de l ’ Observation générale n o 7 (1997) du Comité relative aux expulsions forcées. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre des mesures effectives pour assurer aux demandeurs d ’ asile un accès à un logement et à une alimentation suffisants.

Système de santé

Le Comité est préoccupé par la faible part que les dépenses de santé représentent dans le produit intérieur brut. Il s’inquiète également de constater que, malgré les réformes mises en œuvre dans le système de santé, de nombreux problèmes subsistent qui ont des effets négatifs sur l’exercice par la population du droit à des soins de santé, à savoir: coût élevé des soins, paiements informels demandés aux patients, infrastructure insuffisante du système de soins de santé primaires, vétusté des installations médicales, qualité et disponibilité limitées des services de santé, en particulier dans les zones rurales et pour les individus et groupes défavorisés et marginalisés, pénurie de certains médicaments et diminution de la couverture vaccinale (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ augmenter progressivement la part des dépenses de santé dans le produit intérieur brut en vue de s ’ acquitter concrètement de l ’ obligation qui lui incombe, en vertu du Pacte et de sa Constitution, de garantir le droit à la santé;

b) D e prendre des mesures pour améliorer encore l ’ infrastructure du système de soins de santé primaires , y compris les soins dentaires ;

c) D e prendre des mesures spéciales pour remédier au problème du coût élevé des soins, de la pénurie de certains médicaments et de la disponibilité limitée des services de santé, en particulier dans les zones rurales, afin de permettre à toutes les couches de la population, y compris aux individus et groupes défavorisés et marginalisés , d ’ avoir accès de facto à des soins de santé et à des traitements médicaux modernes qui soient abordables, de bonne qualité et dispensés en temps utile;

d) D ’ inverser la tendance actuelle décroissante de la couverture vaccinale.

Taux de mortalité

Le Comité est préoccupé de constater que malgré les progrès réalisés pour réduire la mortalité infantile, postinfantile et maternelle, les taux demeurent élevés (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts en vue de réduire les taux élevés de mortalité infantile, postinfantile et maternelle, notamment en améliorant la qualité, la disponibilité et l ’ accessibilité de l ’ assistance médicale sur tout le territoire.

Accès des demandeurs d’asile à des soins médicaux d’urgence

Le Comité est inquiet de constater que les demandeurs d’asile n’ont pas accès à des soins médicaux d’urgence gratuits et ont rarement les moyens d’acquitter les coûts élevés de tels soins (art. 2, par. 2, et 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux demandeurs d ’ asile un accès sans restriction à des soins médicaux d ’ urgence gratuit s .

VIH/sida

Le Comité note avec préoccupation que, malgré les progrès réalisés pour prévenir et combattre le VIH/sida, la prévalence du VIH demeure élevée en raison de la couverture limitée des dépistages adéquats, des pénuries périodiques de médicaments antirétroviraux (ART), du manque de suivi de laboratoire et du faible taux de couverture antirétrovirale (47 % en 2012). Le Comité note que l’État partie s’est engagé à porter à 80 % ce taux de couverture d’ici à la fin de 2018 (art. 12).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour prévenir et combattre le VIH/sida, notamment grâce à la mise en œuvre effective du programme national sur le sida 2014-2018, en particulier:

a) E n renforçant sa stratégie de prévention nationale, notamment ses activités de sensibilisation, compte tenu de la propagation de l ’ infection par le VIH au ‑ delà des groupes initialement à risque, et en prévoyant des financements suffisants pour ses activités de prévention, en particulier pour les programmes d ’ écha nge d ’ aiguilles et de seringues ;

b) E n améliorant la couverture des dépistages confidentiels adéquats sur tout le territoire;

c) E n renforçant ses services de conseil et d ’ orientation;

d) E n remédiant aux pénuries de médicaments antirétroviraux;

e) E n assurant aux personnes séropositives l ’ accès à un suivi de laboratoire adéquat;

f) E n étendant progressivement la couverture antirétrovirale, notamment en envisageant d ’ introduire des médicaments antirétroviraux génériques.

Tuberculose

Le Comité s’inquiète de la prévalence de la tuberculose, notamment de la tuberculose multirésistante, de l’insuffisance de médicaments antituberculeux, ainsi que de la faiblesse des activités de lutte contre l’infection, du faible impact des efforts de dépistage et de la piètre qualité des services au niveau des soins de santé primaires (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer son action en vue d ’ améliorer ses politiques et stratégies de prévention et de dépistage des maladies, et de veiller à ce que les traitements et médicaments spéciaux contre la tuberculose soient disponibles en quantité suffisante et accessibles, et à ce que des services de qualité soient fournis aux patients au niveau des soins de santé primaires.

Consommation de drogues

Le Comité s’inquiète de l’approche punitive adoptée par l’État partie à l’égard des toxicomanes, qui se traduit par un nombre élevé d’incarcérations. Il s’inquiète également des réglementations existantes qui restreignent l’accès aux programmes de traitement de substitution aux opiacés et d’échange d’aiguilles et de seringues (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une approche fondée sur les droits de l ’ homme pour lutter contre la toxicomanie , notamment:

a) En menant des programmes de sensibilisation aux risques élevés que la consommation de drogue s présente pour la santé;

b) En luttant contre la discrimination à l ’ égard des toxicomanes;

c) En assurant aux toxicomanes des services médicaux et d ’ appui psychologique, ainsi que des services de réadaptation, notamment des traitements de la toxicomanie efficaces tels que la théra pie de substitution aux opiacés;

d) En allouant des ressources financières permettant un bon fonctionnement des programmes de traitement de substitution aux opiacés et d ’ échange d ’ aiguilles et de seringues et en étendant la couverture de ces programmes, ainsi qu ’ en en facilitant l ’ accès en milieu carcéral.

Éducation inclusive pour les Roms

Le Comité est préoccupé par la ségrégation des enfants roms dans l’éducation, le fait que certaines écoles dans les régions de Transcarpatie et d’Odessa soient fréquentées exclusivement par des enfants Roms, ainsi que par leur surreprésentation dans les écoles spéciales (art. 2, par. 2, 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de combattre la ségrégation des enfants roms à l ’ école et leur surreprésentation dans les écoles spéciales en veillant à l ’ application effective de la législation antidiscrimination et en sensibilisant le corps enseignant et le reste de la population à ces lois. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ adopter une approche inclusive de l ’ éducation pour l es enfants roms.

Droits linguistiques des minorités nationales ou ethniques

Le Comité note avec préoccupation la tentative faite pour abroger la loi relative aux principes de la politique linguistique de l’État, adoptée le 3 juillet 2012. Il note également avec préoccupation que toutes les minorités concernées ne sont pas consultées dans le cadre de l’élaboration d’une loi révisée (art. 15).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les minorités concernées participent activement et pleinement à l ’ élaboration de la nouvelle loi en vue d ’ exprimer la diversité linguistique des différentes minorités. L ’ État partie devrait également veiller à ce que la nouvelle loi soit conforme aux normes internationales et régionales relatives à la protection des droits linguistiques des minorités nationales ou ethniques.

Droits culturels des Tatars de Crimée

Le Comité constate avec préoccupation que malgré les mesures prises en faveur de la préservation et de la promotion de la langue, de la culture, des traditions et des coutumes des Tatars de Crimée, la langue de ces derniers est sur le point de disparaître (art. 2, par. 2, et 15).

Le Comité recommande à l ’ État partie, compte tenu de son Observation générale n o  21 (2009) relative au droit de chacun de participer à la vie culturelle, de renforcer les mesures visant à créer des conditions qui permettent aux Tatars de Crimée de préserver, de développer et de promouvoir leur identité, leur langue et leur culture . Il recommande à l ’ État partie, entre autres mesures, de fournir un appui financier suffisant pour que les organisations culturelles puissent mener leurs activités et d ’ offrir aux Tatars de Crimée davantage de possibilités de promouvoir et d ’ utiliser leur langue maternelle dans le système éducatif et dans la vie de tous les jours.

D.Autres recommandations

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un système de collecte de données statistiques permettant d ’ évaluer le niveau d ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels par les individus et les groupes défavorisés et marginalisés, notamment, mais pas uniquement, par les Tatars de Crimée, les personnes handicapées, les personnes viv ant avec le VIH/sida et les non - ressortissants . Ce faisant, l ’ État partie devrait respecter pleinement les principes de la confidentialité, du consentement éclairé et de la déclaration volontaire, par l ’ individu, de son appartenance à un groupe déterminé.

Le Comité engage l ’ État partie à signer et ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il l ’ encourage aussi à envisager de signer et de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ainsi qu ’ à accepter les mécanismes d ’ examen des plaintes de particuliers au titre des principaux instruments relatifs aux droits de l ’ homme que l ’ État partie n ’ a pas encore acceptés, afin de renforcer la protection des droits de l ’ homme en donnant aux titulaires de droits des possibilités supplémentaires de faire valoir leurs droits au niveau international lorsque les recours internes ont été épuisés.

Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès des agents de la fonction publique , des membres du Verkhovna Rada et de l ’ appareil judiciaire, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique de toutes les mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre les présentes observations finales . Il l ’ engage aussi à associer les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile aux débats tenus au niveau national avant la soumission de son prochain rapport périodique.

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de ce type de document ( HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I ).

Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre, le 30 mai 2019 au plus tard, son septième rapport périodique conformément aux directives que le Comité a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2).