Nations Unies

E/C.12/MLI/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

6 novembre 2018

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial du Mali *

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Mali (E/C.12/MLI/1) à ses trente-troisième et trente-quatrième séances (voir E/C.12/2018/SR.33 et 34), le 26 septembre 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa cinquante-huitième séance, le 12 octobre 2018.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, bien que ce dernier ait été soumis avec beaucoup de retard. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et des informations fournies lors de celui-ci. Le Comité accueille également avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour assurer la présence d’une délégation et initier un dialogue, d’autant plus qu’à sa onzième session, en novembre 1994, il avait examiné la mise en œuvre du Pacte par le Mali en l’absence d’un rapport.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures adoptées qui contribuent à la réalisation des droits contenus dans le Pacte, telles que : a) la création d’une nouvelle Commission nationale des droits de l’homme avec un mandat large en matière de protection et de promotion des droits de l’homme en 2016 ; b) la loi contre l’enrichissement illicite de 2014 ; c) l’adoption du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable, ainsi que l’adoption de la politique nationale des droits de l’homme et de son plan d’action 2017-2021, ayant comme axe important la lutte contre la pauvreté et l’accès aux soins de santé.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Conflits armés et accord de paix

4.Le Comité est préoccupé par l’impact négatif des conflits et affrontements armés dans les régions du nord et du centre du pays sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité est également préoccupé par le grand nombre de personnes déplacées en raison de ces conflits. Le Comité regrette que très peu de progrès aient été faits dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé en 2015.

5. Tout e n reconnaissant les difficultés auxquelles l’ État partie fait face, le Comité lui recommande  :

a) De redoubler d’efforts pour assurer la jouissance des droits énoncés dans le Pacte par les populations vivant dans les régions touchées par les conflits armés, notamment, dans le nord et le centre du pays ;

b) D e veiller à la mise en œuvre effective de l’Accord pour la paix et la réconciliation signé en 2015, en assurant la protection de la population, ainsi que la participation active, ouverte et transparente de la société et en particulier d es victimes et d es groupes les plus touchés par le s conflit s , notamment l es femmes , dans les mesures de mise en œuvre  ;

c) D e prendre des mesures législatives et administratives raisonnablement propres à prév enir les déplacements forcés de la population et de fournir une protection efficace aux personnes déplacées afin qu’elles aient accès à un logement convenable, aux soins de santé, à l’éducation et à la protection sociale ;

d) D e veiller, dans toute la mesure du possible, à ce que les personnes déplacées à l’intérieur du pays puissent retourner dans leur région d’origine en toute sécurité et dans la dignité, ou de leur proposer des solutions alternatives appropriées .

Applicabilité du Pacte

6.Le Comité regrette que les dispositions du Pacte n’aient jamais été invoquées devant les juridictions internes, ni appliquées par celles-ci, bien que l’article 116 de la Constitution accorde au Pacte une autorité supérieure à celle des lois nationales.

7. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les droits économiques, sociaux et culturels puissent être invoqués à tous les niveaux du système judiciaire et de faciliter l’accès des personnes dont ces droits ont été violés à des recours effectifs. Il le prie notamment de dispenser des formation s régulières , en particulier aux juges, aux avocats, aux membres des f orces de l’ordre, aux membres de l’Assemblée n ationale et à d’autres acteurs, sur la teneur des droits visés dans le Pacte et la possibilité de les invoquer devant les tribunaux , et de mener des campagnes de sensibilisation auprès des titulaires de droits . Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o  9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national.

Défenseurs des droits de l’homme

8.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 2018-003 du 12 janvier 2018 relative aux défenseurs des droits de l’homme, mais regrette que son décret d’application n’ait pas encore été adopté et que le mécanisme de protection prévu n’ait pas encore été mis en place.

9. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à la bonne application de la loi relative aux défenseurs de s droits de l’homme , notamment en adoptant le décret fixant les modalités pour son application , et de créer le mécanisme de protection prévu . Le Comité encourage l’ État partie à mener des campagnes d’information et de sensibilisation sur l’importance de l’action menée par les défenseurs des droits de l’homme , y compris les droits économiques, sociaux et culturels afin d’instaurer un climat de tolérance leur pe r mettant de s’acquitter de leur mission sans avoir à craindre aucune forme d’intimidation et de prévenir les actes de violence à leur encontre . Le Comité renvoie l’État partie à la d éclaration concernant les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels qu’il a adoptée en 2016 (E/C.12/2016/2) .

Corruption

10.S’il prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite en 2014, le Comité s’inquiète de la persistance de la corruption dans l’État partie et note avec préoccupation le manque de renseignements concernant l’effectivité des mesures prises pour lutter contre la corruption (art. 2, par. 1).

11. Le Comité recommande à l’État partie de s’attaquer à titre prioritaire aux causes profondes de la corruption et d’adopter toutes les dispositions législatives et administratives nécessaires pour garantir la transparence dans l’administration publique, tant en droit que dans la pratique, afin de combattre la corruption et de lutter efficacement contre l’impunité des coupables.

Agir au maximum des ressources disponibles

12.Tout en reconnaissant les facteurs et les difficultés d’ordre sécuritaire, climatique, et de pauvreté auxquels l’État partie est confronté, le Comité est préoccupé par la mobilisation limitée de ressources internes destinées à financer des programmes visant à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

13. Le Comit é recommande à l ’É tat partie de veiller à augmenter les ressources internes, y compris en continuant la révision des exemptions fiscales accordées , y compris celles dues à l’exploitation des ressources naturelles , notamment les ressources minérales afin de relever le niveau des dépenses publiques destinées à la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels . Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à ce que tout projet de budget soit élaboré de mani è re transparente et sur une base participative , en vue d’assurer progressivement la réalisation des droits inscrits dans le Pacte.

Non-discrimination

14.Le Comité est préoccupé par l’absence d’une loi générale de lutte contre la discrimination, s’étendant à l’ensemble des domaines couverts par le Pacte (art.2, par.2).

15. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une loi générale contre la discrimination, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte et prenant en compte l’observation générale n o  20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, interdisant la discrimination directe et indirecte pour tout motif dans l’ensemble des domaines couverts par le Pacte ;

b) De garantir des recours effectifs aux victimes de discrimination, incluant la possibilité d’obtenir réparation ;

c) De prévenir et combattre efficacement la discrimination dont font l’objet les personnes ou groupes défavorisés ou marginalisés tels que les minorités ethniques et les personnes handicapées, y compris par des campagnes de sensibilisation et le recours à des mesures temporaires spéciales , afin de leur garantir l’exercice effectif de l ’ ensemble des droits reconnus dans le Pacte.

Égalité entre hommes et femmes

16.Le Comité regrette qu’en dépit de la consécration de l’égalité des hommes et des femmes par la Constitution de l’État partie, plusieurs dispositions législatives sont encore discriminatoires à l’égard des femmes. Le Comité est préoccupé par la persistance de stéréotypes, pratiques et traditions coutumières qui renforcent cette discrimination dans tous les domaines, particulièrement en ce qui concerne leur accès à la terre et aux ressources (art. 3).

17. Le Comité recommande à l’ État partie de réviser les dispositions législatives discriminatoires à l’égard des femmes et de renforcer l’application des mesures visant à combattre cette discrimination. Il lui recommande également d e prendre les mesures d’ordre législatif et autre s nécessaires pour mettre fin à l’inégalité persistante entre les sexes et de promouvoir l’accès plein et entier des femmes à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et à la sécurité sociale . L e Comité recommande également à l’ État partie de veille r à promouvoir l’accès égal des femmes à la terre et aux ressources .

Droit au travail

18.Le Comité relève avec préoccupation qu’en dépit des efforts de l’État partie, le taux de chômage demeure élevé, particulièrement parmi les jeunes et les femmes, et de façon plus prononcée parmi les jeunes et les femmes qui ont un niveau d’études supérieures (art. 3 et 6).

19. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la mise en œuvre de sa politique nationale de l’emploi en y introduisant des objectifs précis, en ciblant ses efforts en particulier sur les jeunes et les femmes et en allouant les ressources financières et techniques nécessaires pour garantir sa mise en œuvre effective et sa pérennité. Il lui recommande également de renfor cer la qualité d es programmes scolaires et de formation technique et professionnelle et de les adapter pour qu’ils permettent l’accès et l’insertion au travail. Le Comité se réfère à cet égar d à son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail .

Secteur informel

20.Le Comité note avec préoccupation qu’environ 96 % des travailleurs sont employés dans l’économie informelle et ne sont pas couverts par la législation du travail ni par le système de protection sociale (art. 6, 7 et 9).

21. Le Comité recommande à l’ État partie d e veiller à ce que les travailleurs employés dans l’économie informelle bénéficient de la protection de la législation du travail et aient accès à la protection sociale . Il lui recommande en outre de continuer ses efforts pour réduire progressi vement le nombre de travailleurs dans ce secteur de l’économie, en les intégrant dans l’économie formelle .

Salaire minimum

22.Le Comité est préoccupé par le fait que le salaire minimum n’est pas suffisant pour assurer des conditions de vie décentes aux travailleurs et à leur famille et regrette qu’aucune information n’ait été fournie sur les mécanismes existants ou prévus pour sa révision et son actualisation (art. 7).

23. L e Comité recommande à l’État partie d’augmenter le salaire minimum national en concertation avec les partenaires sociaux et de l’ index er à l’évolution du coût de la vie afin de garantir progressivement à tous les travailleurs et aux membres de leurs familles des conditions de vie décentes .

Inégalité salariale entre hommes et femmes

24.Le Comité relève avec préoccupation l’important écart salarial qui existe entre hommes et femmes dans l’État partie. Même si le Code du travail établit le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de même valeur, le Comité note avec préoccupation que celui-ci n’est pas appliqué de manière effective (art. 7).

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour combler l’écart de rémunération persistant au détriment des femmes, en luttant contre la ségrégation dans l’emploi qui fait que les femmes occupent des emplois mal rémunérés et se heurtent à des obstacles les empêchant d’avoir les mêmes possibilités de carrière que les hommes . Il lui recommande également de promouvoir l’application effective du principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes et du principe d’une rémunération égale pour un travail de même valeur , notamment auprès des employeurs, des services d’inspection du travail, ainsi que des juges.

Travail forcé

26.Le Comité prend note avec préoccupation des renseignements concernant la persistance des pratiques du travail forcé, malgré son interdiction dans la législation. Il s’inquiète du fait que, dans certaines régions du nord du pays, la servitude pour dettes est toujours pratiquée (art. 7).

27. Le Comité engage l’État partie à prendre sans délai des mesures concrètes pour venir à bout du travail forcé et de la servitude pour dettes , y compris par des campagnes d e sensibilisation . Le Comité prie l’ État partie de veiller à ce que les auteurs de ces pratiques soient traduits en justice et condamnés à des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes, et à fournir une protection effective et une réhabilitation aux victimes.

Droits syndicaux

28.Le Comité note avec préoccupation que l’exercice des droits syndicaux, notamment la négociation collective et le droit de grève, n’est pas pleinement garanti en droit et en pratique. Le Comité s’inquiète des renseignements concernant des licenciements abusifs de travailleurs ayant exercé des activités syndicales, ainsi que le défaut d’exécution des décisions de justice ordonnant leur réintégration (art. 8).

29.Le Comité engage l’État partie à mettre sa législation concernant les droits syndicaux en conformité avec l’article 8 du Pacte , tout en prenant en compte la Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n o  87) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Convention de 1949 sur le droit d’organisation et de négociation collective (n o  98) de l’OIT . En particulier , il encourage l’État partie à définir la liste des services, emplois et catégories de personnel strictement indispensables à l a fourniture d’un service minimum en cas de grève dans les services publics et à déterminer clairement les critères nécessaires pour la formation d’un syndicat. Le Comité recommande , en outre, à l’ État partie de veiller à ce que l’exercice des droits syndicaux soit pleinement respecté, de mener une enquête approfondie et indépendante sur les allégations de licenciements abusifs liés à des activités syndicales et d’appliquer les décision s de justice ordonnant la réintégration des travailleurs concernés .

Sécurité sociale

30.Le Comité constate avec préoccupation que le système de protection sociale de l’État partie ne couvre que les travailleurs du secteur formel, ce qui exclut du système un large nombre de personnes, notamment les travailleurs du secteur informel, ainsi que les individus et les groupes plus défavorisés et marginalisés. Par ailleurs, bien qu’une loi portant institution du régime d’assurance maladie universelle soit en cours d’adoption, le Comité s’inquiète des informations sur les dysfonctionnements de l’assurance maladie obligatoire et du régime d’assistance médicale du système actuel de sécurité sociale concernant l’accès, la couverture et les prestations de soins médicaux, qui laissent sans protection un grand nombre de personnes surtout les plus défavorisées (art. 9).

31.Le Comité recommande à l’État partie d ’ étendre l a co u verture du système de sécurité sociale visant à garantir une couverture sociale universelle et à offr ir des prestations suffisantes à tous, en particulier aux groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés, de manière à leur garantir de s conditions de vie dignes. Il l’exhorte à redoubler d’efforts pour créer un socle de protection sociale compren ant des garanties sociales universelles élémentaires pour toutes les personnes, y compris les travailleurs du secteur informel . Le Comité invite également l’ État partie à accélérer l’adoption de l a loi portant institution du r égime d’ a ssurance m aladie u niverselle, en veillant à ce qu’elle corrige les dysfonctionnement s du système actuel , et le renvoie à son observation générale n o  19 ( 200 7 ) sur le droit à la sécurité sociale, ainsi qu’à sa déclaration intitulée « Les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des objectifs de développement durable », adoptée en 2015 ( E/C.12/2015/1) .

Pratiques néfastes à l’égard des femmes et des filles

32.Le Comité constate avec préoccupation que des pratiques néfastes à l’égard des femmes et des filles, telles que la polygamie, les mariages précoces et les mariages forcés, ainsi que les mutilations génitales féminines, demeurent largement répandues dans l’État partie. Le Comité relève avec préoccupation que ces pratiques ne sont pas interdites par la loi et que les efforts menés par l’État partie pour les combattre restent insuffisants (art. 3 et 10).

33. Le Comité recommande à l’État partie de s’attacher prioritairement à prendre des mesures globales pour éliminer toutes les pratiques néfastes à l’égard des femmes et des filles. À cette fin, il engage l’État partie :

a) À i ntroduire dans la législation une interdiction explicite des mutilations génitales féminines, ainsi que des mécanismes d’application effecti fs afin que les auteurs soient traduits en justice et condamnés à des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes, et que les victimes aient accès à des recours effectifs, ainsi qu’à des mesures de compensation ;

b) À p rendre des mesures efficaces pour abolir la pratique de la polygamie, notamment en organisant, en collaboration avec la société civile, des campagne s nationale s de sensibilisation s’adressant à toutes les composantes de la société, afin de promouvoir une culture de l’égalité entre les hommes et les femmes susceptible de créer les conditions voulues pour qu’un instrument juridique interdisant la polygamie soit adopté ;

c) À r elever l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons , à faire en sorte que toutes les lois, y compris les lois coutumières, soient conformes à ces dispositions et à veiller à leur mise en œuvre effective ;

d) À p rendre des mesures efficaces pour prévenir les mariages précoces, les mariages forcés et les mutilations génitales féminines, y compris par l’organisation de vastes campagnes d’éducation sur le urs effets préjudiciables .

Protection des enfants

34.Le Comité s’inquiète du nombre élevé d’enfants âgés de 5 à 14 ans qui travaillent dans l’État partie. Il s’inquiète en outre de ce qu’en dépit des mesures prises par l’État partie, des enfants continuent à être utilisés et recrutés par des groupes armés dans les zones de conflit dans le nord et le centre du pays. Le Comité note également avec préoccupation qu’environ 15 % des enfants de moins de 5 ans ne disposent pas d’acte de naissance (art. 10).

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De m ettre en place un système de protection intégrale des enfants, en particulier pour ceux qui sont dans une situation de vulnérabilité particulière ;

b) D e renforcer la mise en œuvre effective du p lan d’action national pour l’élimination d u travai l des enfants au Mali 2011-2020, en veillant à ce que les dispositions législatives relatives au travail des enfants soient appliquées avec fermeté, en renforçant les mécanismes d’inspection du travail et en apportant un soutien aux familles pauvres afin que les enfants puissent rester à l’école ;

c) De renforcer ses efforts pour prévenir de manière effective l’utilisation d’enfants par des groupes armés illégaux et de prendre les mesures voulues pour que tous les enfants démobilisés soient considérés comme des victimes et aient accès à l’éducation, à la santé , à la sécurité sociale et aux soins psychosociaux  ;

d) De veiller à ce que tous les cas d’exploitation économique et d’enrôlement d’enfants par des groupes armés illégaux fassent l’objet d’une enquête approfondie et que les respons ables soient dûment sanctionnés ;

e) D ’intensifier ses efforts pour garantir l’enregistrement universel des naissances, y compris par l’adoption de la stratégie nationale sur la modernisation de l’état civil , et pour faciliter les inscriptions des enfants, notamment dans les régions touchées par les conflits armés internes.

Pauvreté

36.Le Comité est préoccupé de ce que, malgré la mise en œuvre des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, les taux de pauvreté demeurent très élevés et touchent de manière disproportionnée les personnes vivant dans les zones rurales et les régions reculées, notamment les plus touchées par les conflits armés (art. 11).

37. L e Comité recommande à l’État partie de redoubler d’ efforts pour combattre la pauvreté, en particulier l’extrême pauvreté, notamment par le biais de l’élaboration et la mise en œuvre d’un nouveau cadre stratégique de lutte contre la pauvreté qui soit assorti d’ objectifs précis et mesurables , doté des ressources nécessaires , et de prévoi r , dans le nouveau contexte de décentralisation, la mise en place de mécanismes efficaces de coordination entre les différents acteurs . Le Comité en cour age l’ État partie à assurer que ce cadre stratégique soit mis en œuvre conformément aux normes et aux principes relatifs aux droits de l’homme et tienne dûment compte des disparités régionales existant es et des besoins réels de la population, notamment des groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés et des victimes d es conflit s armé s . Le Comité renvoie l’ État partie à l a d éclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiqu es, sociaux et culturels qu’il a adoptée en 2001 (E/C.12/2001/10) .

Droit à l’alimentation

38.Le Comité constate que malgré l’adoption de la loi d’orientation agricole et des mesures prises dans ce domaine, l’insécurité alimentaire et l’état nutritionnel de la population de l’État partie demeurent très préoccupants : 25,6 % des ménages maliens se trouvent en situation d’insécurité alimentaire dont 3,6 % en insécurité alimentaire très sévère, d’après l’enquête nationale de février 2017 sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et la prévalence nationale de malnutrition chronique est d’environ 38 % (art.11).

39. Le Comité prie instamment l’ État partie :

a) D’a dopter un e stratégie intégrale pour garantir le droit à une alimentation adéquate et lutte r contre la faim et la malnutrition chronique , en particulier dans les zones rurales , y compris en envisageant l’incorporation du droit à l’alimentation dans la Constitution et en veillant au f onctionnement effectif du Fond s national des risques et calamités agricoles  ;

b) D’a ccroître ses efforts pour améliorer la productivité des petits producteurs agricoles en favorisant leur accès aux technologies appropriées, conformément à leur droit de bénéficier du progrès scientifique, et en facilitant leur accès aux marchés locaux, afin d’améliorer les revenus en zone s rurale s  ;

c) D’e nvisager de mener des campagnes de sensibilisation pour prévenir dans l’agriculture l’utilisation de pesticides et produits chimiques nuisibles pour la santé .

40. Le Comité renvoie l’ État partie à son observation générale n o  12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en 2004 par le Conseil de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Droit au logement

41.Le Comité prend note avec préoccupation qu’une proportion élevée de la population habite dans des logements précaires, dans des conditions peu adéquates, sans accès à l’électricité, à l’eau potable ni à un système d’assainissement. Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour élargir l’offre de logement sociaux ; il est néanmoins préoccupé par le fait que, selon des renseignements reçus, ces logements sont souvent inabordables pour les personnes et les familles les plus défavorisées et marginalisées (art. 11).

42. L e Comité recommande à l’État partie d’adopter une stratégie intégrale de logement visant à améliorer l’offre de logements a bordables , en particulier pour les personnes et les familles défavorisé e s et marginalisé e s. Il recommande à l’État partie de veiller à ce que chacun bénéficie de la fourniture sûre et abordable de services d’ électricité, d’ eau potable et d’assainissement. Le Comité renvoie l’ État partie à s on observation générale n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et à son observation générale n o  15 (2002) sur le droit à l’eau, ainsi qu’à l a d éclaration sur le droit à l’assainissement qu’il a adoptée en 2010 (E/C.12/2010/1) .

Exploitations minières

43.Le Comité prend note avec préoccupation des informations faisant état des conséquences négatives des exploitations minières qui causent des dommages irréversibles à l’environnement et portent atteinte au droit à la santé et au droit à un niveau de vie suffisant des communautés touchées (art. 11 et 12).

44. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D ’élaborer des directives et des règles claires permettant d’évaluer l’impact sur les droits de l’homme et sur l’ environnement que peuvent avoir les projets d’exploitation minière sur l’ensembl e du territoire de l’État partie  ;

b) D e garantir que les communautés touchées par d es activités liées à l’exploitation minière obtiennent des indemnisations pour les dommages ou pertes subis et bénéficient d’une partie des recettes tirées desdites activités  ;

c) D’exiger que les soci é t é s mini è res pren nent des mesures efficaces pour é viter la pollution de l ’ air et de l ’ eau , ainsi que la d é gradation des sols r é sultant de leurs activit é s, et pour r é habiliter les zones endommag é es par leurs activit é s.

Droit à la santé

45.Bien qu’il reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès aux soins de santé, le Comité demeure préoccupé par le grand nombre de personnes qui n’ont pas accès à des services de santé abordables. Il est également préoccupé par les limitations importantes concernant l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des services de santé physique et mentale dans l’État partie, dues notamment au manque d’infrastructures et de matériel médical adéquat, la pénurie de médicaments et le manque de personnel médical. Le Comité note que ces problèmes deviennent plus graves dans les zones rurales reculées et les zones touchées par les conflits armés (art. 12).

46. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) D e prendre les mesures nécessaires pour la mise en place d’ une assurance maladie universelle ;

b) D’allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé pour la mise en œuvre de sa politique nationale de promotion de la santé  ;

c) D e poursuivre ses efforts pour garantir l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des soins de santé dans toutes les régions, en particulier dans les zones rurales et reculées, notamment en améliorant l’infrastructure du système de soins de santé primaires, et de veiller à ce que les hôpitaux disposent du personnel médical, des infrastructures et du matériel médical adéquats, en quantité suffisante, ainsi que d’un approvisionnement régulier en médicaments  ;

d) D’a dopter une législation et une politique générale en matière de santé ment ale, ainsi que d es mesures pour renforcer l’offre des services de santé mentale, notamment des services communautaires , et pour augmenter le nombre de professionnels dûment formés exerçant dans ce domaine .

47. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint .

Santé sexuelle et procréative

48.Le Comité constate avec préoccupation que :

a)Les taux de mortalité maternelle et de mortalité infantile demeurent très élevés dans l’État partie ;

b)Des services appropriés de santé sexuelle et procréative sont très souvent inaccessibles et indisponibles ;

c)L’accès à des informations sur la santé sexuelle et procréative, y compris la planification familiale, et aux moyens de contraception est très limité (art. 12).

49. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) D ’intensifier ses efforts afin de réduire les taux de mortalité maternelle et de mortalité infantile en amélior ant la prise en charge tout au long de la grossesse et lors de l’accouchement dans les structures de soins de santé primaire , et en prenant en considération le Guide technique concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables (A/HRC/21/22) ;

b) De r edoubler d’ efforts afin d’ assurer , sur la base de l’égalité entre hommes et femmes , la disponibilité et l’accessibilité des services de santé sexuelle et procréative, notamment l’accès à des moyens de contraception abordables, sûrs et efficaces, et aux contraceptifs d’urgence, y compris pour les adolescents, en particulier dans les zones rur ales ;

c) De renforcer l’accès à l’information sur la santé sexuelle et procréative, y compris la planification familiale, et de développer des programmes d’ éducation sur la santé sexuelle et procréative pour les filles et les garçons, adaptés à chaque tranche d’âge .

50. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Droit à l’éducation

51.Le Comité prend note des efforts fournis par l’État partie pour améliorer le taux de scolarisation et promouvoir la parité entre les sexes à l’école primaire. Il demeure néanmoins préoccupé par :

a)Le grand nombre d’enfants qui n’ont pas accès à l’éducation, en particulier dans le nord et le centre du pays en raison de l’instabilité et de l’insécurité dans ces régions ;

b)La faible qualité de l’enseignement dans les écoles publiques, l’absence de ressources suffisantes, le nombre insuffisant d’enseignants ;

c)Les disparités croissantes concernant l’accès à un enseignement de qualité, qui sont, en partie, la conséquence de coûts cachés, ainsi que les frais élevés de l’enseignement privé, une situation qui touche de façon disproportionnée les enfants de familles à bas revenus ;

d)Le taux élevé d’abandon scolaire dans l’enseignement primaire et secondaire, en particulier chez les filles ;

e)Le grand nombre de madra s sas ou écoles coraniques qui échappent à l’autorité du Ministère de l’éducation et à ses directives ;

f)Le manque d’accès des enfants en situation de handicap à l’éducation inclusive (art. 13 et 14).

52. L e Comité recommande à l’État partie d’assumer la responsabilité principale de fournir un enseignement de qualité à tous les enfants et, à cette fin :

a) De prendre d’urgence des mesures pour assurer que les enfants dans le nord et le centre du pays aient accès à l’éducation ;

b) D ’ améliorer la qualité de l’enseignement, notamment en y consacrant des ressources suffisantes, en augmentant le nombre d’enseignants qualifiés et leur rémunération, et en améliorant les infrastructures et le matériel pédagogique ;

c) D’assurer l’application effective de la gratuité des frais de scolarité au niveau de l’enseignement primaire et de renforcer les règles et les mécanismes de contrôle et de supervision des établ issements d’enseignement privé  ;

d) D’élaborer et d’appliquer efficacement des mesures visant à dissuader les enfants, et plus particulièrement les filles, d’abandonner leurs études ;

e) De placer les madras s as ou écoles coraniques sous l’autorité du Ministère de l’éducation  ;

f) D e veiller à ce que les enfants en situation de handicap soient intégrés dans le s ystème d’enseignement ordinaire .

Droits culturels

53.Le Comité note avec préoccupation l’absence de mesures suffisantes pour promouvoir la diversité culturelle et encourager la diffusion de la culture, des langues et des traditions des différents groupes ethniques dans l’État partie. Le Comité regrette également que le cadre légal n’ait pas encore fait l’objet d’une révision visant à renforcer la protection des victimes d’attaques dirigées contre le patrimoine et les expressions culturelles (art. 15).

54. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir la prise de conscience du patrimoine culturel des différents groupes ethniques et de créer les conditions favorables à la protection, au développement, à l’expression et à la diffusion de leur histoire, de leur culture, de leurs langues, de leurs traditions et de leurs coutumes. Le Comité engage l’ État partie à renforcer son cadre juridique en vue de garantir une meilleure protection des victimes d’attaques dirigées contre le patrimoine et les expressions culturel les .

D.Autres recommandations

55. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

56. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec l’aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu’ils peuvent faire valoir. La réalisation des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé à l’écart.

57. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l’évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (voir HRI/MC/2008/3).

58. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons national et régional, en particulier auprès des membres de l’Assemblée nationale , des responsables publics et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l’encourage à associer la Commission nationale des droits de l’homme , les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

59. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptée par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité aux paragraphes  5 ( c onflits armés et accord de paix) , 9 ( d éfenseurs des droits de l’homme) et 4 4 ( e xploitations minières) ci-dessus.

60. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre, le 31 octobre 2023 au plus tard, son deuxième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l’invite aussi à mettre à jour, selon qu’il conviendra, son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap.  I).