Comité des droits économiques, sociaux et culturels
Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la Belgique *
1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de la Belgique (E/C.12/BEL/5) à ses 6e et 7e séances (voir E/C.12/2020/SR.6 et 7), les 19 et 20 février 2020, et adopté les présentes observations finales à sa 30e séance, le 6 mars 2020.
A.Introduction
2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission par l’État partie de son cinquième rapport périodique à partir d’une liste de points préalable établie par le Comité (E/C.12/BEL/QPR/5). Il sait gré à l’État partie d’avoir accepté de soumettre son rapport conformément à la procédure simplifiée, qui permet de mieux cibler l’examen du rapport ainsi que le dialogue avec la délégation. Le Comité est reconnaissant du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation interministérielle de haut niveau de l’État partie.
B.Aspects positifs
3.Le Comité se félicite de l’engagement de l’État partie et des efforts qu’il a déployés pour continuer à assurer la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, tels que l’adoption du Plan d’action national « Entreprises et droits de l’homme » le 23 juin 2017, la création d’une institution nationale des droits de l’homme par la loi du 12 mai 2019, et l’adoption du Plan national d’adaptation au changement climatique 2017-2020. En outre, le Comité salue l’appui de l’État partie dans les négociations climatiques pour une approche basée sur les droits de l’homme, notamment dans le contexte du plan d’action pour l’égalité des sexes, de la plateforme des communautés locales et des peuples autochtones, ainsi que de l’Action pour l’autonomisation climatique.
4.Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que de la reconnaissance de la compétence du Comité concernant la procédure d’enquête prévue à l’article 11 du Protocole facultatif, le 20 mai 2014.
C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
Place du Pacte dans l’ordre juridique interne
5.Le Comité note que le droit interne de l’État partie ne reconnaît pas l’applicabilité du Pacte et de l’ensemble de ses dispositions. Il note avec préoccupation que le Pacte est très rarement invoqué devant les tribunaux.
6. Le Comité renouvelle ses recommandations effectuées dans des observations finales antérieures demandant à l ’ État partie de garantir l ’ application des dispositions du Pacte dans l ’ ordre juridique interne (E/C.12/BEL/CO/3, par. 24 et 25 ; E/C.12/BEL/CO/4, par. 7 ). Il recommande également à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts en vue de faire connaître le Pacte et son p rotocole facultatif aux avocats, aux juges et aux magistrats ainsi qu’à la population en général. Il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale nº 9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national .
Institution nationale des droits de l’homme
7.Tout en prenant note de la création de l’Institut fédéral des droits de l’homme en 2019, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que son mandat est, pour l’instant, limité au plan fédéral par l’absence de compétence à recevoir des plaintes individuelles et par l’absence d’un accord de coopération avec les institutions nationales de droits de l’homme existantes, telles qu’Unia.
8. Le Comité recommande à l ’ État partie d’élargir le mandat d e l’ institution nationale des droits de l ’ homme , en conform ité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme ( Principes de Paris ), afin que celui-ci s’applique à l ’ État fédéral et aux r égions. Il le prie de garantir la coordination entre les différentes entités en charge des droits de l ’ homme. Le Comité encourage également l ’ État partie à examiner la possibilité de doter ladite institution de la capacité de recevoir et d ’ examiner des plaintes et requêtes relatives à des situations individuelles , en particulier concernant les droits économiques, sociaux et culturels.
Changement climatique
9.Le Comité se félicite de l’adoption d’un plan national d’adaptation au changement climatique. Il constate cependant avec préoccupation que l’État partie n’est pas en voie d’atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 15 % jusqu’en 2020 et de 35 % jusqu’en 2030, par rapport aux émissions enregistrées en 2005.
10. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier son action pour atteindre les objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l ’ année 2020 et de revoir à la hausse l ’ objectif fixé pour l ’ année 2030, afin qu ’ il soit compatible avec l ’ engagement de limiter la hausse des températures à 1,5 °C. Il lui recommande d ’ adopter les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la s tratégie de l ’ Union e uropéenne qui vise à assurer d ’ ici à 2050 la transition vers une économie à zéro émission nette de gaz à effet de serre. Il lui recommande en outre d ’ actualiser son plan national d ’ adaptation de fa ç on régulière avec la pleine participation des r égions et des c ommunautés. À ce propos, il le renvoie à sa déclaration sur les changement s climatiques et le Pacte (E/C.12/2018/1), adoptée le 8 octobre 2018, et à la déclaration conjointe effectuée le 16 septembre 2019 par le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille , le Comité des droits de l ’ enfant et le Comité des droits des personnes handicapées sur les droits de l ’ homme et les changements climatiques.
Entreprises et droits de l’homme
11.Le Comité prend note de l’adoption du premier Plan d’action national « Entreprises et droits de l’homme » le 23 juin 2017. Tout en reconnaissant les 33 mesures de mise en œuvre qui y sont listées, le Comité est toutefois préoccupé par le caractère exclusivement volontaire du Plan d’action, ainsi que par l’absence d’un système de plainte efficace et d’un mécanisme d’appui aux victimes de représailles.
12. En plus de la mise en œuvre du Plan d’action national « Entreprises et droits de l’homme », l e Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un cadre normatif et réglementaire de nature contraignante qui :
a) Impose aux entreprises établies dans l ’ État partie d ’ exercer une diligence raisonnable en matière de droits de l ’ homme dans leurs activités et dans leurs relations commerciales, dans l ’ État partie comme à l ’ étranger ;
b) Prévoi t que les entreprises soient tenues responsables en cas de violation des droits économiques, sociaux et culturels ;
c) Permet aux victimes , y compris aux victimes de représailles , de demander réparation par des voies judiciaires ou non judiciaires.
13. Le Comité invite l ’ État partie à inclure ces éléments dans son prochain plan d ’ action national sur les entreprises et les droits de l ’ homme. Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises.
Coopération internationale
14.Le Comité note avec satisfaction l’attention portée par l’État partie au changement climatique, notamment par le financement de fonds internationaux tels que le Fonds pour les pays les moins avancés et le Fonds pour l’adaptation, et le financement d’activités de mitigation et d’adaptation dans les pays récipiendaires. Le Comité regrette néanmoins que l’objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’assistance au développement n’ait pas été atteint par l’État partie (art. 2).
15. Le Comité réitère sa recommandation à l ’ État partie , effectuée dans ses précédentes observations finales, d ’ accroître ses efforts afin de réaliser l ’ objectif international de 0,7 % du revenu national brut pour l ’ aide publique au développement ( par. 9 ). Il l ’ encourage aussi à maintenir ses contributions financières au Fonds pour l’ adaptation visant à faire face à l’impact du changement climatique dans les pays récipiendaires .
Fiscalité
16.Le Comité est préoccupé par la taxation avantageuse de certains types de revenus par rapport à la taxation des revenus salariaux. Il note également avec préoccupation que la fiscalité des entreprises a été réduite. Le Comité est en outre préoccupé par le niveau estimé très élevé du manque à gagner résultant de l’évasion et de la fraude fiscale (art. 2).
17. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que son système de fiscalité permet te la mobilisation d ’ un maximum de ressources pour la réalisation progressive des droits économiques et sociaux, en particulier pour les populations marginalisé e s. À cet égard, il lui recommande de réexaminer la fiscalité des entreprises afin d’éviter un nivellement par le bas qui réduirait sa capacité à mobiliser les revenus internes et contribuerait à l’accroissement des inégalités. Le Comité recommande également à l ’ État partie de renforcer les mesures contre l ’ évasion et la fraude fiscale.
Non-discrimination
18.Le Comité prend note de la création en 2016 de la Commission d’évaluation de la législation fédérale relative à la lutte contre les discriminations, dont le mandat est d’évaluer les lois fédérales relatives à la lutte contre la discrimination, au racisme et à la discrimination de genre. Le Comité est néanmoins préoccupé par la mise en œuvre insuffisante des 33 recommandations contenues dans le premier rapport de 2017 publié par cette commission, et par l’absence de mécanisme de plainte concernant la discrimination fondée sur la langue (art. 2).
19. Le Comité demande à l ’ État partie de m ettre en œuvre l es recommandations émises par la Commission d ’ évaluation de la législation fédérale relative à la lutte contre les discriminations. Il lui recommande également de désigner un organe responsable de traiter les plaintes de discrimination fondée sur la langue . À ce propos, le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 20 (2009) sur la non ‑discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.
Roms
20.Le Comité note avec préoccupation les manquements à la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’intégration des Roms ainsi que l’absence de mesures spécifiques de lutte contre les discriminations à l’encontre des Roms, en particulier les femmes et les enfants. Le Comité est aussi préoccupé par la persistance de l’antitsiganisme (art. 2).
21. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à la mise en œuvre effective de la Stratégie nationale pour l ’ intégration des Roms, par l ’ adoption d ’ un plan d ’ action interfédéral qui inclu rai t des mesures spécifiques pour les femmes et les enfants , et serait doté d ’ un budget spécifique et suffisant. Il lui recommande également d ’ adopter un plan d ’ action interfédér al de lutte contre l ’ antitsiganisme.
Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile
22.Le Comité est préoccupé par la persistance de la discrimination à l’encontre des migrants, en particulier ceux qui ne sont pas ressortissants de l’Union européenne, s’agissant de leur accès à l’emploi, au logement, à la santé et à une alimentation adéquate. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’exploitation au travail des personnes migrantes et réfugiées dans les secteurs de travail intense et peu qualifié (art. 2).
23. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures prises pour prévenir la discrimination contre les personnes migrantes, r é fugiées et demandeu se s d ’ asile dans l ’ exercice de leur s droits économiques et sociaux. Il lui recommande également de veiller à l’effectivité des lois de lutte contre la discrimination sur le lieu de travail, notamment dans le secteur privé, et dans l ’ accès au logement. En outre, i l lui recommande de garantir un niveau de vie digne aux demandeurs d ’ asile, y compri s en cas de demande ultérieure ou de sanction disciplinaire. À ce propos, le Comité renvoie l’État partie à sa déclaration concernant les devoirs des États envers les réfugiés et les migrants au titre du Pacte (E/C.12/2017/1) , adoptée en 2017.
Personnes handicapées
24.Le Comité est préoccupé par le manque de données statistiques ventilées concernant les personnes handicapées dans le domaine de l’emploi. Il est également préoccupé par le très faible taux de personnes handicapées en emploi et le faible taux d’emploi des personnes handicapées dans le secteur public, bien en dessous des quotas et objectifs chiffrés par les administrations publiques (art. 2).
25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour faciliter l ’ accès à l ’ emploi par les personnes handicapées : a) en garantissant un aménagement raisonnable pour les personnes handicapées dans le marché du travail ; b) en faisant respecter les quotas fixés par les administrations publiques ; et c ) en souten ant les entreprises privées pour favoriser le recrutement de personnes handicapées. Le Comité recommande également à l’État partie de collecter des données statistiques ventilées sur les personnes handicapées dans le marché du travail.
Égalité entre les hommes et les femmes
26.Le Comité est préoccupé par la discrimination contre les femmes dans les sphères économiques et sociales, en particulier la persistance de l’écart de salaire entre les hommes et les femmes, et les obstacles que les femmes rencontrent pour accéder aux postes de décision dans le secteur public et le secteur privé. Le Comité est aussi préoccupé par le manque de reconnaissance des situations d’intersectionnalité des femmes dans les segments les plus marginalisés de la population (art. 3).
27. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour parvenir à une réelle égalité entre hommes et femmes, et notamment :
a) De mettre en œuvre de façon effective la loi du 22 avril 2012 visant à lutter contre l ’ écart sala rial entre hommes et femmes, et son amendement du 12 juillet 2013 ;
b) De continuer à promouvoir une plus grande représentation des femmes à tous les niveaux de l ’ administration publique, en particulier aux postes de décision, ainsi que leur participation aux fonctions de direction dans le secteur privé ;
c) De garantir un congé parental équitable et d ’ adopter les mesures nécessaires pour augmenter l a capacité d ’accueil d e s services de garde des enfants ;
d) De prendre en compte son observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels , en particulier dans les situations d’intersectionnalité .
Droit au travail et droits syndicaux
28.Le Comité est préoccupé par : a) le chômage et le sous-emploi des jeunes, des personnes de plus de 55 ans et des personnes handicapées ; b) les difficultés d’accès à des emplois permanents pour les femmes, notamment celles qui ont des enfants ; c) l’annulation des mesures de promotion de l’emploi pour les personnes de plus de 50 ans ; et d) l’écart disproportionné du taux de chômage entre les différentes catégories d’emploi selon le niveau de compétence. Le Comité est également préoccupé par l’absence de reconnaissance légale du droit à la grève (art. 6 et 8).
29. Le Comité recommande à l ’ État partie : a ) d ’ intensifier ses efforts pour remédier aux défis que rencontrent certains groupes de la population, notamment les jeunes, les personnes âgées et les travailleurs migrants, pour accéder à l ’ emploi ; b) d ’ adopter les mesures nécessaires afin d ’ éliminer les obstacles d ’ accès à l ’ emploi en raison du niveau de compétence ; et c) d ’ intensifier et de coordonner ses efforts avec l ’ ensemble des entités fédérées pour adopter des mesures efficaces permettant de remédier au chômage des personnes de plus de 55 ans. Le Comité recommande également à l ’ État partie de garantir en droit et en pratique l ’ exercice du droit de grève , en pleine conformité avec le Pacte . Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail et le renvoie à sa déclaration commune avec le Comité des droits de l ’ homme sur le droit de s ’ associer librement avec d ’ autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d ’ y adhérer ( E/C.12/66/5-CCPR/C/127/4 ), adoptée en 2019 .
Travail domestique
30.Le Comité note les mesures prises par l’État partie concernant le travail domestique, notamment leur inclusion dans la couverture offerte par la loi de sécurité sociale de 2014. Il reste néanmoins préoccupé par le manque de mesures spécifiques de protection du travail domestique (art. 7).
31. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les travailleurs domestiques, recrutés principalement pour fournir des services de soins et d’accompagnement de personnes, jouissent des mêmes conditions que les autres travailleurs en matière de rémunération, de repos et de loisirs, de limitation du temps de travail et de protection contre les licenciements abusifs. Il lui recommande également de protéger ces personnes contre toutes les formes d ’ exploitation et de mauvais traitements , notamment en amélior ant les mécanismes de plainte afin de les rendre facilement accessibles à cette catégorie de travailleurs , et en veillant à l’efficacité des services d ’ inspection dans le contrôle de leurs conditions de travail . À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.
Travailleurs indépendants
32.Le Comité note avec préoccupation que les contributions sociales pour les travailleurs indépendants sont inférieures à celles des salariés. En outre, il est préoccupé par le risque de pauvreté plus élevé parmi les indépendants, notamment en raison du fait qu’ils n’ont pas droit aux prestations de chômage (art. 7).
33. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les travailleurs indépendants puissent bénéficier des prestations de chômage et que le niveau de ces prestations soit propre à assurer aux bénéficiaires un niveau de vie suffisant. Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 19 (200 7 ) sur le droit à la sécurité sociale.
Violence fondée sur le genre
34.Tout en notant le rapport intermédiaire du Plan d’action national de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre 2015-2019 ainsi que la déclaration reconnaissant la violence sexuelle et domestique comme thème prioritaire de sécurité, le Comité est préoccupé par le manque d’évaluation de l’efficacité des mesures de lutte contre la violence fondée sur le genre. En outre, il est préoccupé par le manque de protection effective pour les femmes migrantes, notamment celles en situation irrégulière, qui s’abstiennent souvent de dénoncer cette violence par peur d’être expulsées (art. 10).
35. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à la mise en œuvre des recommandations de l ’ évaluation du P lan d ’ action national de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre , de maintenir le financement des centres de prise en charge des victimes , et de renforcer la prévention de nouvelles formes de violence fondée sur le genre, comme le cyberharcèlement. Il lui recommande également de mettre en place des mécanismes permettant aux femmes migrantes en situation irrégulière de dénoncer la violence dont elles sont victimes , sans crainte d ’ être expulsées .
Pauvreté
36.Le Comité prend note du troisième Plan fédéral de lutte contre la pauvreté ainsi que des plans de lutte contre la pauvreté des communautés et des régions. Il est néanmoins préoccupé par le fait que le Plan fédéral n’a pas été entièrement mis en œuvre, puisque l’État partie n’a pas atteint son objectif de réduire de 380 000 le nombre de personnes vivant en situation de pauvreté. Le Comité est par ailleurs particulièrement préoccupé par le taux élevé de la pauvreté infantile (art. 11).
37. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le quatrième P lan fédéral de lutte contre la pauvreté : a) soit centré sur les personnes et les groupes les plus marginalisés, en particulier les enfants ; b) soit développé avec la participation des personnes en situation de pauvreté et de leurs associations ; et c) tienne compte de l ’ évaluation du troisième P lan fédéral de lutte contre la pauvreté. Il lui recommande également d’augmenter l es minima sociaux au-dessus du seuil de risque de pauvreté et de garantir l ’ accès à des services publi c s de qualité pour les enfants en situation de pauvreté. À ce propos, le Comité renvoie l ’ État partie à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte adoptée le 4 mai 2001 (E/C.12/2001/10).
Droit à un logement adéquat
38.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance de logements sociaux, malgré les efforts déployés par les régions, et par le manque de coordination entre l’État fédéral et les régions concernant la politique de logement (art. 11).
39. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir une offre plus large de logements abordables et de meilleure qualité, notamment par l ’ augmentation des offres de logements sociaux , la lutte contre l ’ inoccupation d ’ immeubles privés et publics , et l’ encadrement des loyers sur le marché locatif privé. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant.
Expulsions forcées
40.Le Comité est préoccupé par l’augmentation des expulsions forcées et l’invisibilité du phénomène, notamment en raison de l’absence de données agrégées à cet égard au niveau fédéral. Le Comité est aussi préoccupé par les expulsions de familles de Roms et l’absence de protection adéquate des caravanes en tant que lieu de logement (art. 11).
41. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que, dans les trois r égions , les expulsions soient effectuées uniquement en derniers recours, même en cas d ’arrêté d’insalubrité , à l ’ exception de s situation s de risque imminent pour la santé ou la sécurité. Il lui recommande également : a ) d’interdire les expulsions forcées sans l ’ attribution d ’ un logement de substitution ; b) d ’ intensifier s es efforts d ’ aménagement de sites résidentiels pour les familles de Rom s ; c) de veiller à la protection effective des caravanes en tant que lieu de logement ; et d ) d’ enregistre r systématique ment tous les cas d’expulsions. Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 7 (1997) sur les expulsions forcées .
Accès à l’électricité et au gaz
42.Le Comité est préoccupé par l’impact de la facture énergétique sur le budget des ménages, en particulier ceux à faible revenu. Il est en outre préoccupé par les coupures de gaz et d’électricité en raison de factures impayées (art. 11).
43. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires afin de garantir une fourniture minimale en énergie, y compris lors de la mise en place de compteur s . Il lui recommande aussi d ’ élargir la couverture des bénéficiaires du tarif social, par l ’ augmentation des ressources financière s du Fonds g az et é lectricité .
Droit à l’eau et à l’assainissement
44.Le Comité est préoccupé par l’augmentation de la facture d’eau dans l’ensemble des régions de l’État partie. Il est en outre particulièrement préoccupé par les coupures d’eau ou limitations de la fourniture en eau des ménages, notamment par le recours au limiteur de débit d’eau dans la Région flamande et la Région wallonne (art. 11).
45. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que l’eau reste abordable pour les ménages et de considérer la création d ’ un tarif social pour l ’ eau . Il recommande également que la fourniture d’une quantité minim ale d’ eau et de services d ’ assainissement , tenant compte de la taille des ménages, soit garantie, y compris lors du recours au limiteur de débit d ’ eau introduit dans la Région wallo n ne et la Région flamande. Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 15 (200 2 ) sur le droit à l ’ eau.
Personnes sans abri
46.Le Comité est préoccupé par la persistance du sans-abrisme dans l’État partie et par l’absence de données nationales sur les personnes sans abri. Le Comité est également préoccupé par le manque de mise en œuvre de l’Accord de coopération concernant le sans‑abrisme et l’absence de chez-soi, conclu en 2014 entre les entités fédérées (art. 11).
47. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à la coordination effective des efforts de l ’ État fédéral et des régions afin de garantir le suivi de l ’ Accord de coopération concernant le sans-abrisme et l ’ absence de chez soi . Il lui recommande également de collecte r de s données sur les personnes sans abri sur le plan national.
Droit à une alimentation adéquate
48.Le Comité salue l’introduction de l’étiquetage d’information nutritionnelle sur les emballages de produits alimentaires. Il est néanmoins préoccupé par la prévalence accrue du surpoids et de l’obésité, et par le fait que l’État partie n’a ni pris des mesures suffisantes pour réduire la consommation de boissons sucrées, ni adopté de réglementations restreignant la publicité pour des aliments peu compatibles avec une alimentation saine (art. 11).
49. Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De se doter d ’ un cadre normatif reconnaissant expressément le droit à l ’ alimentation, destiné à guider les politiques de promotion d ’ une alimentation saine, nutritive et suffisante, en axant ses efforts sur les groupes défavorisés ;
b) De prendre des mesures effectives pour décourager la consommation de boissons et d ’ aliments mauvais pour la santé, en considérant l ’ augmentation des taxes sur les boissons sucrées ;
c) D ’ instaurer des restrictions applicables aux publicités pour les boissons et aliments nocifs ou malsains, en particulier ceux qui sont destinés aux enfants.
Paysannerie
50.Le Comité réitère sa préoccupation concernant la réduction significative de la petite agriculture et les difficultés qu’elle rencontre (art. 11).
51. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures existantes et d ’ adopter toutes les mesures supplémentaires nécessaires pour protéger et soutenir le développement de la petite agriculture.
Accès à la santé
52.Le Comité est préoccupé par les inégalités d’accès aux soins de santé selon le niveau de revenu, au détriment des personnes aux revenus les plus bas. Il est aussi préoccupé par les difficultés pratiques rencontrées par les migrants en situation irrégulière pour accéder aux services de santé d’urgence. Le Comité regrette par ailleurs le manque d’information concernant l’accès aux services de santé par les personnes handicapées (art. 12).
53. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforce r les mesures spécifiques pour garantir l ’ accès aux services de santé par les personnes les plus marginalisées, y compris l ’ attention d ’ urgence aux migrants . Il lui recommande également de renforcer les capacités de son système de santé pour garantir son accès aux personnes handicapées.
Personnes intersexes
54.Le Comité est préoccupé par la situation des personnes intersexes mineures, notamment par la pratique d’interventions chirurgicales, souvent irréversibles, en l’absence de nécessité ou d’urgence médicale, et préjudiciables à l’intégrité physique et mentale des personnes concernées (art. 10 et 12).
55. Le Comité recommande que, dans le cadre du Plan d ’a ction interfédéral contre la discrimination et la violence à l’égard des personnes LG B TI, l ’ État partie :
a) Veille à ce que, dans la pratique, il ne soit pas procédé à des intervention s en l’absence de nécessité ou d’urgence médicale sur les caractéristiques sexuelles d ’ enfants intersexes, jusqu ’ à ce qu ’ ils soient capables de former leur propre point de vue et de donner leur consentement éclairé ;
b) Renforce les mesures d ’ information sur la condition d ’ intersexualité et assure la formation du personnel de santé aux besoins de santé et aux droits fondamentaux des personnes intersexes, y compris leur droit à l ’ autonomie et à l ’ intégrité physique ;
c) Veille à ce que les personnes intersexes et les organisations qui les représentent continuent d ’ être consultées pour les travaux de recherche et l ’ élaboration de lois et de politiques qui concernent leurs droits, et d ’ y être associé e s.
Accès à l’éducation
56.Le Comité est préoccupé par : a)la ségrégation de fait basée sur l’origine sociale des enfants et les difficultés rencontrées dans les établissements scolaires par les enfants handicapés ; b)la fréquentation irrégulière de l’enseignement maternel et les disparités selon les régions et les groupes socioéconomiques ; c)le manque de données sur les enfants roms, notamment pour évaluer l’efficacité des mesures prises pour faciliter leur accès à l’éducation ; d)l’accès insuffisant de la minorité francophone à une éducation en langue française dans la Région de Bruxelles-Capitale ; et e)le risque de décrochage scolaire causé par l’interdiction du port de symboles religieux dans les établissements scolaires publics (art.13).
57. Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D’ intensifier ses efforts, en coopération avec les r égions, pour combattre l e décrochage scolaire, notamment des enfants socialement défavorisés et marginalisés ;
b) De garantir une éducation inclusive afin de contrer la ségrégation socioéconomique et les fortes inégalités scolaires , en facilit ant l ’ accès des groupes sous ‑ représentés dans les établissements scolaires primaire s , secondaire s et supérieur s ;
c ) De g arantir l ’ accès à une éducation préscolaire de qualité pour tous les enfants, en particulier ceux issus de familles défavorisées ;
d) De prévenir tout effet négatif sur l’accès à l’éducation de l’interdiction du port de symboles religieux dans les établissements scolaires publics et privés.
D.Autres recommandations
58. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s ’ il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non ‑discrimination permettrait de garantir que nul n ’ est laissé de côté. À ce propos, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration sur l ’ engagement de ne laisser personne de côté (E/C.12/2019/1).
59. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l ’ évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HRI/MC/2008/3).
60. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, au niveau fédéral comme à celui des communautés et des régions, en particulier auprès des membres du Parlement, des responsables publics et des autorités judiciaires. Il l ’ encourage à associer toutes les institutions nationales de droits de l ’ homme, les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.
61. Conformément à la procédure concernant la suite à donner aux observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt ‑quatre mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des informations sur l ’ application des recommandations faites par le Comité aux paragraphes 31 (travail domestique), 37 (pauvreté) et 41 (expulsions forcées) ci ‑dessus.
62. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre, le 31 mars 2025 au plus tard, son sixième rapport périodique. À cette fin, et compte tenu du fait que l ’ État partie a accepté d ’ établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui adressera en temps voulu une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront son sixième rapport périodique soumis en application de l ’ article 16 du Pacte.