Nations Unies

E/C.12/CAF/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

4 mai 2018

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial de la République centrafricaine *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la République centrafricaine (E/C.12/CAF/1) à ses 12e et 13e séances (voir E/C.12/2018/SR.12 et 13), les 19 et 20 mars 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa 28e séance, le 29 mars 2018.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, malgré le retard important avec lequel il a été soumis. Il se félicite de ce que l’État partie a pu envoyer une délégation de haut niveau pour dialoguer avec le Comité, malgré la situation de conflit interne à laquelle l’État partie fait face. Le Comité apprécie le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec cette délégation.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se réjouit de l’adoption par l’Assemblée nationale, au cours de sa session extraordinaire convoquée du 3 au 17 janvier 2017, des textes de loi sur le Conseil économique et social, le Conseil national de la médiation, le Haut Conseil de la communication et la Haute Autorité chargée de la bonne gouvernance. Il se réjouit également de la promulgation, le 20 avril 2017, de la loi portant création de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales, laquelle est à présent opérationnelle, bien que des budgets devraient être alloués pour lui permettre de fonctionner efficacement.

4.Le Comité relève avec satisfaction que, conformément à l’article 80 de la Constitution du 30 mars 2016, une loi sur la parité a été promulguée le 24 novembre 2016, prévoyant l’instauration d’un quota de 35 %pendant dix ans à compter de cette date, imposant que toutes les instances de décision à caractère nominatif et électif, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, comprennent un minimum de 35 % de membres de chaque sexe.

5.Le Comité se félicite de la signature par la République centrafricaine, le 23 juillet 2015, de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui a constitué un puissant encouragement à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine à protéger l’accès aux écoles en les préservant des groupes armés.

6.Le Comité note avec satisfaction l’engagement continu de la République centrafricaine en faveur de la protection des réfugiés en provenance d’États voisins affectés par des conflits armés et des violations massives des droits de l’homme, qui sont protégés contre le refoulementet ont accès à un ensemble de services sociaux, y compris à l’éducation gratuite.

C.Pertinence du Pacte dans un contexte de conflit armé

7.Le Comité examine le rapport initial de la République centrafricaine alors que celle‑ci est en situation de conflit depuis 2012 et que le gouvernement central ne parvient à exercer un contrôle effectif que sur un tiers environ du territoire national. Par ailleurs, à la date de cet examen, près d’un cinquième de la population du pays a subi un déplacement forcé : 688 700 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, et 540 000 personnes sont réfugiées dans les pays voisins. Enfin, la République centrafricaine est au dernier rang, sur un total de 188 pays, du classement selon l’indice de développement humain, et 2,5 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire, alors que le Plan de réponse humanitaire proposé n’est financé qu’à 39 %.

8.À cet égard, le Comité admet que le conflit armé entrave le contrôle effectif de l’État partie sur certaines parties de son territoire et que, par conséquent, l’État partie n’est pas en mesure d’assurer la pleine mise en œuvre des droits énoncés dans le Pacte sur l’ensemble de son territoire. Il rappelle néanmoins à l’État partie que les obligations relatives aux droits de l’homme s’étendent à l’ensemble du territoire national et qu’il lui incombe de protéger toutes les personnes s’y trouvant sans discrimination. À cette fin, l’État partie doit s’efforcer, autant que possible, de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, en recourant à toutes les mesures compatibles avec le droit international.

9.Le Comité relève également que, dans un contexte de conflit armé, certaines violations graves du Pacte peuvent également recevoir la qualification de crimes de guerre : c’est le cas, par exemple, des attaques contre les bâtiments ou les moyens de transport sanitaire, ou contre le personnel utilisant les signes distinctifs des Conventions de Genève ; des attaques délibérées contre des écoles ou des hôpitaux ; du viol ou de l’esclavage sexuel ; de la conscription ou de l’enrôlement d’enfants de moins de 15ans dans les forces armées ou dans des groupes armés ; ou du fait de faire participer ces enfants activement à des hostilités. Cependant, l’applicabilité du droit international humanitaire n’est pas exclusive de l’application du droit international des droits de l’homme, y compris du Pacte, lequel a une fonction autonome à remplir (voir CCPR/C/ISR/CO/4, par. 5).

10.Le Comité considère, en outre, que les droits de l’homme doivent être pleinement pris en compte dans les efforts qui s’inscrivent dans le cadre du processus de paix et de réconciliation actuellement en cours dans l’État partie. La reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels peut contribuer à écarter certaines des causes profondes du conflit, y compris les inégalités de traitement entre différentes parties du territoire national ou entre différents groupes de la population, ou l’accaparement des ressources par un petit nombre. Les droits économiques, sociaux et culturels ont une fonction à remplir dans les piliers de la justice transitionnelle qui concernent les réparations dues aux victimes et les garanties de non-répétition. La garantie due aux droits économiques, sociaux et culturels peut figurer dans les éventuels accords humanitaires conclus avec les groupes armés opérant dans le territoire en vertu de l’article 3 commun aux Conventions de Genève, ainsi que dans les accords de paix locaux. Les droits du Pacte doivent en outre guider la stratégie de restauration de l’autorité de l’État : cette stratégie devrait éviter d’accentuer encore les écarts entre les régions, et viser au contraire à garantir une cohésion territoriale permettant à l’ensemble de la population de s’y reconnaître.

Personnes déplacées

11.Le Comité est préoccupé par le fait que les droits économiques, sociaux et culturels des réfugiés ou des déplacés à l’intérieur de leur propre pays n’ont pas toujours été suffisamment garantis. Il rappelle que l’aide humanitaire doit être distribuée sans discrimination, en prenant en compte, notamment, les besoins spécifiques des personnes ayant un handicap dans l’accès à l’eau et à l’assainissement, à l’alimentation, au logement et aux services de santé. Le respect des droits économiques, sociaux et culturels des personnes déplacées ou réfugiées doit favoriser leur réintégration dans leur communauté d’origine, après qu’elles ont exercé leur droit à un retour librement consenti.

12 . Le Comité recommande dès lors à l ’É tat partie de veiller  :

a) Dans le cadre de l ’ assistance humanitaire, y compris dans le cadre du Projet d ’ appui au retour et à la réintégration des personnes déplacées en République centrafricaine, à ce que les personnes dé placées soient assurées de bénéficier au moins du contenu essentiel de leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment à travers des services de base tels que l ’ éducation, les s ervices de santé et un logement adéquat ;

b) À ce que l es personnes déplacées exerçant leur droit de retour aient accès à un logement adéquat et à la terre, ainsi qu ’ à des mécanismes adéquats de restitution , y  compris judiciaires, ce la afin d ’ assurer leur retour durable et leur réintégration dans leurs communautés ;

c) En consultation avec les partenaires humanitaires , à ce que les personnes déplacées ayant un handicap et vivant dans les camps bénéficient d ’ une protection et d ’ une assistance humanitaire adéquates dans des conditions d ’ égalité et aient accès à leurs besoins de base en particulier à l ’ alimentation, à l ’ eau et à l ’ assainissement, aux soins de santé et à l ’ éducation ;

d) À ce que l es enfants bénéficient d ’ espaces d ’ accueil ( child friendly spaces ) dans les camps , à ce que les enfants nés en situation de déplacement forcé à l ’ intérieur ou à l ’ extérieur du pays soient enregistrés dès la naissance, notamment par des audiences foraines visant à leur octroyer des actes de naissance, et à ce que les campagnes de sensibilisation sur cette question s’intensifient auprès de la population déplacée ; et

e) À se dote r sans tarder d ’ une stratégie coordonnée pour garanti r le respect des droits de l ’ homme des personnes déplacées .

Le Comité attire l ’ attention de l ’État partie sur les Principes d irecteurs sur les p ersonnes d éplacé es à l’intérieur de leur propre pays ( E.CN.4/1998/53/Add.2, annexe ).

Violences sexuelles dans le cadre du conflit

13.Le Comité est préoccupé par le très grand nombre d’incidents de violences sexuelles perpétrées contre des femmes et des filles dans le cadre du conflit en République centrafricaine, y compris des viols, par les membres de groupes armés, ainsi que par l’insuffisance de mesures adéquates de protection et d’assistance des victimes de violences sexuelles en dehors des zones contrôlées par l’État partie.

14. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De p rendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir les violences sexuelles de la part de tous les belligérants et de protéger les civils, en particulier les femmes et les filles ;

b) De p oursuivre les auteurs de violences sexuelles commises durant le conflit et de renforcer le déploiement des services de police et de justice dans les différentes parties du territoire ainsi que les moyens à la disposition de l ’ Unité mixte d ’ intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants et de veiller à ce que, dans les zones contrôlé es par l ’État partie, les femmes et les filles puissent porter plainte sans crain dr e de représailles ou de stigmatisation ;

c) De r enforcer les mesures de protection des victimes , notamment la fourniture d ’ abris, ainsi que l ’ accès aux soins de santé et d ’ aide psychologique.

Rappelant à cet égard la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, ainsi que les résolutions de suivi, le Comité demande à l’État partie d’adopter une démarche soucieuse de l’équité entre les sexes dans toutes les initiatives de paix et de faire participer les femmes à la mise en œuvre des accords de paix.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Corruption

15.Le Comité est préoccupé par la corruption généralisée qui existe dans l’État partie, le privant des ressources nécessaires à la réalisation des droits énoncés dans le Pacte. Il est également préoccupé par l’impunité dont jouissent les personnes impliquées, en dépit des dispositions des articles 368 à 370 du Code pénal (loi no 10.001 du 6 janvier 2010), qui criminalisent la corruption. Le Comité prend note de la création et de l’installation de la Haute Autorité chargée de la bonne gouvernance, mais s’interroge sur les moyens qui lui ont été alloués ainsi que sur l’efficacité de son action.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attaquer aux causes profondes de la corruption. Il recommande également à l ’État partie :

a) De lutter contre l ’ impunité en matière de corruption et de donner à la justice les moyens nécessaires à son action ;

b) De garantir la transparence et la traçabilité dans la gestion des revenus provenant de l ’ exploitation des ressources naturelles ou provenant de l ’ aide extérieure ;

c)D ’ a llouer à la Haute Autorité chargée de la bonne gouvernance les moyens financiers , techniques, matériels et humains nécessaires pour accomplir son mandat de manière efficace .

Non-discrimination

17.Tout en notant que l’article 6 de la Constitution interdit la discrimination fondée sur certains motifs et que les articles 10 et 222 du Code du travail (loi no 09.004 du 29 janvier 2009) interdisent la discrimination dans l’emploi au moins sur la base de certains motifs, le Comité est préoccupé par l’absence dans l’ordre juridique interne de l’État partie d’une loi générale contre la discrimination prohibant celle-ci dans l’ensemble des domaines couverts par le Pacte. Il relève également que la formulation de l’article 222 du Code du travail, qui limite le droit à un salaire égal à des conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement est susceptible de contredire le principe de l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de même valeur (art. 2, 3, 6 et 7).

18. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une loi générale contre la discrimination couvrant l ’ ensemble des domaines du Pacte, de réviser l ’ article 222 du Code du travail et d ’ y inscrire de manière explicite le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Il renvoie l ’ État partie à son observation générale n o  20 (2009) relative à la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels et à son observation générale n o  23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Personnes ayant un handicap

19.Le Comité regrette la prise en compte insuffisante des besoins spécifiques des personnes ayant un handicap dans les initiatives de paix et de réconciliation. Il regrette, en outre, que la Constitution de l’État partie ne fasse pas référence, en son article 6, au handicap parmi les motifs prohibés de discrimination, et que la loi no 00.007 du 20 mai 2000, portant statut, protection et promotion de la personne handicapée n’intègre pas le concept d’aménagement raisonnable. Le Comité est également préoccupé par la possibilité que suggère le paragraphe 2 de l’article 269 du Code du travail de réduire le salaire des personnes handicapées en cas de rendement professionnel moins élevé ; et par l’absence d’application effective de l’article 265 du Code du travail et de l’article 38 de la loi no 00.007 du 20 mai 2000, qui fixent des quotas pour l’emploi des personnes handicapées respectivement dans les secteurs privé et public (art. 2, 6 et 7).

20. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ intégrer la question des droits des personnes handicapées dans ses initiatives de paix et de réconciliation, notamment dans le Plan national de relèvement et de consolidation de la paix approuvé par l ’ État partie le 26 octobre 2016 ;

b) D ’ inscrire le handicap comme motif de discrimination à l ’ article 6 de sa Constitution , et d ’ intégrer le concept d ’ aménagement raisonnable dans la loi n o  00.007 du 20 mai 2000 ;

c) De réviser l ’ article 26 9 du Code du travail afin de garantir que les personnes handicapées bénéficient d ’ un salaire égal pour un travail de même valeur ;

d) D ’ assurer l ’ application effective des dispositions législatives relatives aux quotas d ’ emplois pour les personnes handicapées .

Populations autochtones

21.Le Comité est préoccupé par la marginalisation persistante, la pauvreté et l’extrême vulnérabilité des populations autochtones (Mbororo et Baka) qui continuent de se heurter à d’importants obstacles dans la jouissance des droits énoncés dans le Pacte, situation qui s’est détériorée dans le cadre du conflit en République centrafricaine. En particulier, le Comité est préoccupé par : les obstacles à l’obtention de documents d’identité et à l’enregistrement des naissances ; les difficultés d’accès aux services de santé équipés et dotés d’un personnel qualifié, notamment dans la préfecture de la Lobaye ; les obstacles dans l’accès à la terre ; le fait que ces populations occupent des emplois précaires et sous-payés, notamment dans l’agriculture, et sont parfois réduites à l’esclavage par d’autres groupes ethniques locaux ; et leur faible représentation et participation aux affaires politiques et publiques (art. 2, 6, 7, 11 et 12).

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de lutter contre la discrimination et la marginalisation des populations autochtones et de renforcer leur protection dans le cadre du conflit. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie nationale de promotion et de protection des droits des populations autochtones, avec la participation des communautés concernées, favorisant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et permettant :

a) D ’ accélérer la délivrance des documents d ’ identité et l ’ enregistrement des naissances ;

b) De garantir l ’ accès aux soins de santé ; et

c)D’éradiquer la pratique d’esclavage des populations autochtones.

Égalité hommes-femmes

23.Le Comité est préoccupé par le fait que l’article 252 du Code du travail, par sa référence à l’emploi « reconnu au-dessus [des] forces [de la femme] », est susceptible d’aboutir à une inégalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et à une ségrégation professionnelle (art. 3, 6 et 7).

24. Le Comité recommande à l’État partie d’amender l’article 252 de son Code du travail de manière à lutter contre la ségrégation professionnelle et les stéréotypes de genre.

25.Le Comité prend note du fait que le Code de la famille ne discrimine pas les femmes dans l’accès à la propriété foncière et à l’héritage. Il est cependant préoccupé par le fait que les normes coutumières et les pratiques sociales constituent des obstacles à ce que les femmes héritent de la propriété foncière, y compris lors d’une séparation ou du décès de leur époux. Les conséquences sont d’autant plus importantes dans le cadre du conflit actuel dans lequel de nombreuses femmes se retrouvent responsables de leurs ménages (art. 2, 3, 10 et 11).

26. Le Comité recommande à l ’État partie de mettre fin à toute discrimination envers les femmes dans l’accès à la propriété foncière, notamment en matière successorale.

Services d’inspection du travail

27.Le Comité est préoccupé par le manque de ressources dont disposent les services d’inspection du travail pour remplir efficacement leurs fonctions (art. 7).

28. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de doter les services d’inspection du travail des ressources financières, humaines et matérielles adéquates nécessaires à leur bon fonctionnement.

Pires formes de travail des enfants

29.Tout en regrettant que l’âge minimum de travail soit fixé à 14 ans, le Comité relève que les articles 259 à 263 du Code du travail et l’article 190 du Code minier visent à prévenir et à lutter contre les pires formes de travail, notamment l’exploitation économique des enfants. Néanmoins, il est préoccupé par l’enrôlement forcé d’enfants dans les groupes armés dans le cadre du conflit actuel et par le fait que les enfants sont victimes d’exploitation et de travail forcé dans l’agriculture, les mines et les travaux domestiques (art. 7 et 10).

30. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De relever l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi ;

b) De renforcer les mesures visant à prévenir et à lutter contre l ’ enrôlement d ’ enfants dans les groupes armés et à les en extraire, ainsi qu ’ à assurer leur réintégration, notamment en fournissant un accompagnement psychologique approprié ;

c) De garantir la protection des enfants contre la traite, le travail forcé et les pires autres formes de travail notamment dans l’agriculture, les mines et les travaux domestiques et d’accroître, à l’avenir, les inspections dans les activités visées ci-dessus.

Droits syndicaux

31.Le Comité est préoccupé par les dispositions des articles 17, 24 et 26 du Code du travail, qui discriminent les étrangers et les mineurs dans la jouissance de leurs droits syndicaux. Il est également préoccupé par le fait que l’article 11 de l’ordonnance no 81/028 définit des pouvoirs de réquisition en cas de grève de manière excessivement vague (art. 2, 7, 8 et 10).

32. Le Comité recommande à l ’État partie d ’ amender les articles 17, 24 et 26 de son Code du travail afin de les mettre en conformité avec l ’ article 8 du Pacte . Il  recommande également à l ’État p artie d ’ amender l ’ ordonnance n o  81/028 pour limiter les po uvoirs de réquisition en cas de grève aux seuls cas où il s ’ agit de maintenir les services essentiels à la population.

Protection de la famille

33.Le Comité est préoccupé par : a) le fait que le viol conjugal n’est toujours pas criminalisé ; b) la persistance des mutilations génitales féminines, notamment dans les zones rurales ; c) le taux important de mariages précoces en dépit de l’âge minimum fixé à 18 ans par la loi ; et d) les traitements cruels et inhumains, pouvant mener à la mort, infligés parfois aux femmes et aux veuves accusées de sorcellerie (art. 2, 3, 10 et 12).

34. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De c riminaliser le viol conjugal ;

b) D’i ntensifier les efforts visant à mettre fin aux mutilations génitales féminines ;

c) De v eiller à une application effective des dispositions sur l ’ âge minimum du mariage et de mener des campagnes de sensibilisation contre les mariages précoces ;

d) De p rendre des mesures visant à éradiquer la justice « populaire » conduisant à infliger des mauvais traitements à des femmes accusées de sorcellerie.

Châtiments corporels

35.Le Comité est préoccupé par le fait que l’article 580 du Code de famille paraît autoriser les châtiments corporels au sein de la famille et dans les structures de protection de l’enfance (art. 10).

36. Le Comité recommande à l ’État partie d ’amender sa législation afin d’ interdire explicitement les châtimen ts corporels dans tou te s les c irconstanc es , et d’assurer l’application effective de cette interdiction .

Droit à la santé

37.Le Comité est particulièrement préoccupé par : a) l’insuffisance et la baisse des dépenses de santé (représentant 9 % du budget de l’État partie, très en-dessous du seuil de 15 % recommandé dans la Déclaration d’Abuja) ; b) le taux de prévalence du VIH/sida qui reste élevé (4,9 % en 2010 chez des adultes de 15 à 49 ans) ; c) les taux élevés de la mortalité infantile (116 ‰ en 2010) et de la mortalité maternelle (890 pour 100 000 en 2010) ; et d) les difficultés d’accès, pour les femmes et les filles, à la santé reproductive et sexuelle, et les obstacles rencontrés pour l’accès aux centres de soins de santé en-dehors de certaines zones contrôlées par le Gouvernement. Le Comité est également préoccupé par le fait que les installations sanitaires et le personnel médical, y compris humanitaire, ont fait l’objet de pillages et d’attaques de la part de groupes armés empêchant ainsi les personnes d’avoir accès à des services de santé et entraînant la fermeture de centres de santé (art. 10 et 12).

38. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires afin de réhabiliter le système de santé en mettant en œuvre notamment le Plan de construction, réhabilitation et équipements de s structures sanitaires 2017 ‑ 2027. Il recommande également à l ’ État partie, en tenant compte de son observation générale n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint :

a) D ’ augmenter les dépenses de santé afin de permettre une plus grande accessibilité aux services et aux soins de santé ;

b) D ’ accroître ses efforts afin de faciliter l ’ accès du plus grand nombre de personnes aux médicaments antirétroviraux ;

c) De former et de recruter un personnel médical suffisant et de qualité en mettant en œuvre son Plan stratégique de développement des ressources humaines pour la santé 2017-2021 ;

d) De prendre des mesures pour améliorer la santé reproductive et sexuelle des femmes et des filles, en facilitant l ’ accès à l ’ information et à des services de santé reproductive et sexuelle, notamment l ’ accès gratuit à des contraceptifs, en prenant en compte l ’ observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative ;

e) De prendre toutes les mesures possibles pour protéger les installations sanita ires et le personnel médical, y  compris humanitaire, contre des pillages et des attaques , et d’envisager la réouverture, là où cela est possible, des centres de santé et des hôpitaux.

Droit à l’éducation

39.Tout en notant que le conflit a affecté durement le système éducatif de l’État partie, le Comité est préoccupé par les points suivants : a) le taux très élevé de l’analphabétisme dans l’État partie notamment parmi les femmes et les filles, les populations autochtones et en zone rurale, ainsi que l’exigence de participation financière à certaines dépenses de scolarité, qui est de nature à accroître la déscolarisation ; b) l’incapacité de l’État partie à assurer l’éducation inclusive en dépit des dispositions de l’article 28 de la loi no 00.007 du 20 mai 2000, et l’insuffisance d’enseignants qualifiés pour encadrer les élèves ayant un handicap ; c) le faible taux d’inscription dans les écoles et le taux élevé d’abandon scolaire notamment chez les filles ; d) les obstacles que rencontrent les enfants soldats démobilisés pour l’accès à l’éducation ou à la formation technique ou professionnelle ; e) l’insuffisance du nombre d’enseignants qualifiés et le nombre encore très élevé des maîtres-parents ; f) le pillage, les attaques et l’occupation de plusieurs établissements scolaires ainsi que les meurtres de certains enseignants par les groupes armés, qui ont provoqué la fermeture des établissements scolaires pour des raisons de sécurité (art. 13).

40. Le Comité recommande à l’État partie de faire de l’éducation et du rétablissement du système éducatif une priorité dans ses initiatives de paix et de réconciliation. Il recommande en particulier à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Combattre l ’ analphabétisme et augmenter le taux d ’ alphabétisation des populations, et assurer une couverture scolaire universelle et gratuite, en particulier auprès des populations les plus marginalisées et défavorisées ;

b) Assurer une éducation inclusive des élèves handicapés, former et recruter un nombre suffisant d ’ enseignants qualifiés pour travailler avec ces élèves ;

c) Garantir l ’ universalité de l ’ accès à l ’ enseignement primaire et améliorer notamment la scolarisation des jeunes filles et des enfants membres de communautés autochtones ou vivant en zone rurale, et s ’ attaquer fermement aux causes d ’ abandon scolaire ;

d) Intensifier la formation et le recrutement d ’ enseignants qualifiés et assurer le versement de leurs salaires de manière régulière ;

e) Veiller à ce que les enfants soldats démobilisés puissent avoir accès à l ’ éducation et acquérir des qualifications professionnelles favorisant leur réintégration ;

f) Protéger les établissements scolaires contre les pillages et l ’ occupation par les groupes armés, réhabiliter ces établissements et enquêter, poursuivre et, le cas échéant, condamner les responsables.

Droits culturels

41.Le Comité est préoccupé par les informations qu’il a reçues concernant les entraves à l’exercice par les journalistes, les émetteurs d’émissions radiophoniques et les blogueurs, de leur liberté d’expression, qui font obstacle à leur participation à la vie culturelle du pays et à la diffusion d’une culture de paix.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures requises afin que les journalistes, les émetteurs d ’ émissions radiophoniques et les blogueurs, puissent contribuer à une culture de paix et de tolérance interreligieuse et interculturelle , dans des conditions qui garantissent leur sécurité.

E.Autres recommandations

43. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030, avec l ’ aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s ’ il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non ‑ discrimination permettrait de garantir que nul n ’ est laissé à l ’ écart.

45. Le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir la collecte de données, ainsi que la prod uction et l ’ utilisation de statistiques en vue de l ’ établissement d ’ indicateurs relatifs aux droits de l ’ homme, notamment aux droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, il renvoie l ’ État partie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (voir HRI/MC/2008/3 ). Le  Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives concernant l ’ exercice de chacun des droits consacrés par le Pacte, ventilées par âge, sexe, origine ethnique, population urbaine et rurale , et autres critères pertinents.

46. Le Comité se réjouit de la préparation d ’ un avant-projet de document de politique nationale des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales en République centrafricaine et formule l ’ espoir que les recommandations formulées ci-après influenceront la version finale de ce document. Il prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société , en particulier auprès des parlementaires, des agents de l ’ État et des autorités judiciaires, et de l ’ informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures prises pour y donner suite . Il invite aussi l ’ État partie à associer les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique .

47. À la lumière de la procédure de suivi des observations finales adoptée par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de dix-huit mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des informations sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité au paragraphe 1 2 .

48. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre, le 31 mars 2023 au plus tard, son deuxième rapport périodique. Le Comité comprend que le rapport initial a été rédigé dans des conditions particulièrement difficiles, ce qui peut expliquer qu ’ il ne couvre qu ’ une partie des droits du Pacte et qu’il ne fournisse pas, sur un ensemble de points, les données attendues, notamment concernant la mise en œuvre effective des législations mentionnées et les succès ou retards enregistrés. Le Comité demande que le deuxième rapport périodique soit établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l ’ invite aussi à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).