NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/CAN/CO/4E/C.12/CAN/CO/522 mai 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSTrente-sixième sessionGenève, 1er‑19 mai 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

CANADA

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques du Canada sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/4/Add.15 et E/C.12/CAN/5) à ses 9e à 12e séances, les 5 et 8 mai 2006 (E/C.12/2006/SR.9 à 12), et a adopté, à sa 29e séance, tenue le 19 mai 2006, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction de la présentation des quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie ainsi que des réponses écrites qu’il a fournies à l’avance aux listes de points à traiter (E/C.12/Q/CAN/2 et E/C.12/CAN/Q/5) établies par le Comité. Il se félicite également du dialogue qui s’est instauré avec la délégation de l’État partie composée d’experts des différents domaines relevant du Pacte, ainsi que de représentants de certains territoires et provinces de l’État partie. Le Comité note cependant que la présentation du cinquième rapport périodique, alors que le quatrième n’avait pas encore été examiné, n’a pas facilité l’examen de la situation dans l’État partie.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note que le Canada affiche toujours une des valeurs les plus élevées de l’indicateur du développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Dans l’ensemble, les Canadiens ont un niveau de vie élevé et le pays a les moyens de leur assurer dans une large mesure la jouissance de tous les droits énoncés dans le Pacte.

4.Le Comité prend note avec satisfaction du taux de chômage relativement bas dans l’État partie et de la baisse, de 13,7 % en 1998 à 11,2 % en 2004, de la proportion de personnes vivant sous le seuil de faible revenu (tel que défini par Statistique Canada).

5.Le Comité note avec satisfaction la réduction des disparités entre les autochtones et le reste de la population de l’État partie, en ce qui concerne la mortalité infantile et l’enseignement secondaire.

6.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises en matière d’égalité des salaires pour un travail égal, en particulier le paiement d’ajustements rétroactifs à des femmes qui avaient subi des discriminations.

7.Le Comité prend note avec satisfaction de l’allongement de la durée des prestations maternelles et parentales, qui a été portée de six mois à un an.

8.Le Comité se félicite des nombreux programmes de santé qui sont mis en œuvre par l’État partie, notamment le «Plan décennal pour consolider les soins de santé», et de la création de l’Agence de santé publique.

9.Le Comité note que le niveau d’aide publique au développement est passé de 0,27 % environ du PIB en 2004 à 0,33 % du PIB actuellement, selon les estimations.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

10.Le Comité note qu’il n’existe pas au Canada de facteurs ou de difficultés entravant l’application effective du Pacte dans cet État partie.

D. Principaux sujets de préoccupation

11.Le Comité regrette que la plupart des recommandations qu’il a formulées en 1993 et 1998 à l’occasion de l’examen des deuxième et troisième rapports périodiques n’aient pas été suivies d’effet et que l’État partie n’ait pas traité efficacement les principaux sujets de préoccupation suivants, qui sont toujours d’actualité:

a)L’interprétation restrictive faite par l’État partie de ses obligations découlant du Pacte, en particulier sa position selon laquelle il peut donner effet aux obligations juridiques énoncées par le Pacte en adoptant des programmes et politiques spécifiques plutôt qu’en promulguant des lois reconnaissant expressément les droits économiques, sociaux et culturels, et la méconnaissance consécutive, par les provinces et territoires, des obligations juridiques de l’État partie découlant du Pacte;

b)L’absence de droit à réparation pour les particuliers lorsque les autorités n’appliquent pas le Pacte, résultant de l’insuffisance dans la législation interne de dispositions traitant des droits économiques, sociaux et culturels énoncés par le Pacte, le manque de mécanismes permettant d’assurer l’application effective de ces droits, le fait que les autorités ont engagé leurs tribunaux à privilégier une interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés revenant à refuser toute protection des droits consacrés dans le Pacte, et l’insuffisance de l’aide juridique civile, en particulier pour les droits économiques, sociaux et culturels;

c)L’inexistence d’un droit exécutoire à une assistance sociale suffisante reconnue à toutes les personnes nécessiteuses sur une base non discriminatoire et les incidences néfastes de certains programmes de mise au travail des allocataires sociaux;

d)Les disparités qui persistent entre les peuples autochtones et le reste de la population canadienne en matière de jouissance des droits énoncés dans le Pacte, ainsi que la discrimination dont sont toujours victimes les femmes autochtones en matière de biens matrimoniaux;

e)L’absence d’un seuil de pauvreté officiel;

f)L’insuffisance du salaire minimum et de l’assistance sociale pour assurer la réalisation du droit de tous à un niveau de vie décent;

g)L’autorisation qu’ont les provinces et territoires de déduire le montant des allocations familiales versées au titre de la Prestation nationale pour enfants du montant de l’aide versée aux parents bénéficiaires de l’aide sociale.

12.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les consultations et les échanges d’informations entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux par l’intermédiaire du mécanisme fédéral‑provincial‑territorial de consultations du Comité permanent des fonctionnaires chargé des droits de la personne, il n’a pas été élaboré de procédures efficaces permettant d’assurer le suivi des observations finales du Comité.

13.Le Comité, tout en prenant note du programme de contestations judiciaires de l’État partie, regrette que le champ d’application de ce programme n’ait pas été étendu, comme il l’avait recommandé, pour permettre le financement des contestations des lois et politiques provinciales et territoriales.

14.Le Comité prend note avec préoccupation de la réduction de l’aide financière allouée aux services d’aide juridique civile dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels dans un certain nombre d’entités de l’État partie. Il en résulte une situation dans laquelle les pauvres, en particulier les femmes célibataires, qui sont privés de prestations et de services auxquels ils ont droit en vertu du droit interne, n’ont pas accès à des recours internes. Les réductions drastiques opérées en Colombie‑Britannique sont particulièrement inquiétantes à cet égard.

15.Le Comité constate avec préoccupation qu’en dépit de la prospérité économique du Canada et de la réduction du nombre de personnes vivant au‑dessous du seuil de faible revenu, 11,2 % de sa population vivait encore dans la pauvreté en 2004, et qu’il existe d’importantes différences de niveaux de pauvreté entre les provinces et les territoires. Il note avec une préoccupation particulière que le taux de pauvreté demeure très élevé parmi les personnes et groupes défavorisés et marginalisés, tels que les autochtones, les Afro‑Canadiens, les immigrants, les personnes handicapées, les jeunes, les femmes à faible revenu et les mères célibataires. Dans un certain nombre d’entités, notamment la Colombie‑Britannique, le taux de pauvreté a augmenté chez les mères célibataires et les enfants, au cours de la période 1998‑2003. Le Comité est également préoccupé par l’écart important qui persiste entre les autochtones et le reste de la population dans les domaines de l’emploi, de l’accès à l’eau, de la santé et de l’éducation, et par le fait que l’État partie ne reconnaisse pas pleinement l’existence des barrières qui entravent l’exercice par les Afro‑Canadiens des droits énoncés dans le Pacte.

16.Le Comité, tout en notant que l’État partie a retiré, depuis 1998, son exigence d’une mention expresse de l’extinction des droits ancestraux et des titres autochtones dans les accords sur les règlements de revendications territoriales globales ou dans les lois ratifiant de tels accords, reste préoccupé de ce que les nouvelles approches, à savoir le «modèle des droits modifiés» et le «modèle de non‑affirmation» ne sont pas très différentes de la méthode fondée sur l’extinction et la cession. Il regrette en outre de ne pas avoir reçu de renseignements détaillés sur d’autres approches fondées sur la reconnaissance et la coexistence des droits, qui sont actuellement à l’étude.

17.Le Comité note avec préoccupation que les problèmes anciens de discrimination contre les femmes des Premières Nations et leurs enfants en matière de statut des Indiens, d’appartenance à la bande et de biens fonciers matrimoniaux situés dans les réserves n’ont toujours pas été résolus. Le Comité note qu’une telle discrimination a eu un effet négatif sur l’exercice par certaines femmes des Premières Nations et leurs enfants des droits économiques, sociaux et culturels garantis par le Pacte.

18.Le Comité note avec préoccupation que, dans toutes les provinces et tous les territoires de l’État partie, le salaire minimum est inférieur au seuil de faible revenu et ne suffit pas à assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille.

19.Le Comité est préoccupé par le fait que certaines catégories de travailleurs tels que les fonctionnaires et les salariés des sociétés d’État, les enseignants de l’école publique et les professeurs de collège et d’université sont privés du droit de grève au Canada. Il considère que l’explication donnée par l’État partie, selon laquelle ces travailleurs fournissent des services essentiels, n’est pas satisfaisante au regard des articles 4 et 8 du Pacte.

20.Le Comité réaffirme sa préoccupation devant le fait que les transferts fédéraux d’assistance sociale et de services sociaux aux provinces et aux territoires ne comprennent toujours pas de normes relatives à certains droits énoncés dans le Pacte, notamment le droit à la sécurité sociale. Il est également préoccupé par le fait que si le Gouvernement fédéral a bien augmenté sa contribution aux dépenses de soins de santé grâce au Transfert canadien en matière de santé, l’appui accordé à l’éducation postsecondaire, à l’assistance sociale et aux services sociaux au moyen du Transfert canadien en matière de programmes sociaux n’a pas été rétabli au niveau atteint en 1994‑1995, alors que l’État partie a enregistré une croissance économique soutenue ces dernières années.

21.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fourni d’informations détaillées sur le point de savoir si les niveaux d’assistance sociale provinciale et territoriale actuels permettent aux bénéficiaires de jouir d’un niveau de vie suffisant. Il note avec inquiétude que, dans la plupart des provinces et territoires, les prestations d’assistance sociale sont inférieures à ce qu’elles étaient il y a une décennie, ne fournissent pas un revenu suffisant pour satisfaire les besoins fondamentaux en matière d’alimentation, d’habillement et de logement, et sont souvent fixées à un niveau inférieur à la moitié du seuil de faible revenu.

22.Le Comité juge préoccupant que seule une proportion très faible de chômeurs reçoivent des indemnités et note que l’État partie n’a pas fourni de réponses détaillées aux préoccupations qu’il avait précédemment exprimées à ce sujet. Il note avec préoccupation que 39 % seulement des Canadiens au chômage avaient droit en 2001 à des prestations; que, dans certaines provinces, par exemple l’Ontario, ce pourcentage est encore moins élevé; que le nombre de jeunes touchant des allocations de chômage a diminué; que des travailleurs migrants et de nombreux travailleurs à temps partiel, principalement des femmes, versent des cotisations mais ont beaucoup de mal à percevoir des indemnités; enfin, que le taux de compensation de la perte de revenus, qui a été réduit à 55 % en 1997, n’a jamais été aussi bas.

23.Le Comité est profondément préoccupé par les incidences discriminatoires du système de reprise partielle par l’impôt de la Prestation nationale pour enfants sur les familles les plus pauvres du Canada, en particulier les familles dont le chef est une mère célibataire.

24.Le Comité constate avec préoccupation que les familles à faible revenu, les familles dont le chef est une mère célibataire et les familles autochtones et afro‑canadiennes sont surreprésentées parmi les familles dont les enfants sont placés dans des structures d’accueil. Il s’inquiète également de ce que des femmes continuent d’être obligées de placer leurs enfants à l’assistance publique parce qu’elles ne disposent pas d’un logement décent.

25.Le Comité regrette que la violence intrafamiliale n’ait pas été introduite dans le Code pénal en tant qu’infraction spécifique.

26.Le Comité note avec préoccupation que l’absence de logements d’un coût abordable et l’assistance insuffisante qui leur est fournie empêchent les femmes victimes de violences de mettre fin à ce type de relations.

27.Le Comité note avec préoccupation qu’environ 7,4 % de la population, soit environ 2,3 millions d’habitants, souffrent d’insécurité alimentaire au Canada, que 40 % environ des usagers des banques alimentaires sont des enfants et des jeunes et que 51 % environ de ces usagers recevaient une assistance sociale en 2005 mais devaient tout de même avoir recours aux banques alimentaires car le niveau des prestations était insuffisant.

28.S’il accueille favorablement l’Initiative nationale pour les sans‑abri et l’adoption de nombreuses mesures concernant le logement, le Comité regrette que les renseignements fournis ne suffisent pas à lui permettre d’évaluer les résultats de ces mesures. En particulier, il est préoccupé par le fait que le nombre estimatif de sans‑abri au Canada est toujours compris entre 100 000 et 250 000. Tout en se félicitant de la diminution de la proportion des ménages qui ont des besoins vitaux en matière de logement, il note avec préoccupation qu’en 2001 13,7 à 16 % environ de l’ensemble des ménages étaient dans cette situation. Il s’inquiète en outre de ce que les allocations‑logement et les prestations d’assistance sociale continuent de descendre à un niveau très inférieur au coût moyen des loyers, et que les listes d’attente pour des logements subventionnés restent très longues, notamment à Hamilton et à Montréal.

29.Le Comité note avec une préoccupation particulière que de nombreuses expulsions sont effectuées en raison de très faibles retards de paiement de loyer, sans considération pour les obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte.

30.Le Comité regrette que l’État partie ne reconnaisse pas le droit à l’eau comme un droit juridique, qui est implicitement prévu par les articles 11 et 12 du Pacte, comme l’a souligné le Comité dans son Observation générale no 15 (2002) sur le droit à l’eau.

31.Le Comité, tout en notant que des bourses, prix, prêts et autres types d’appui sont fournis aux individus et aux groupes défavorisés et marginalisés, se déclare préoccupé par l’effet discriminatoire qu’a depuis 1998 l’augmentation des frais d’études sur les personnes à revenus modestes dans nombre de provinces et territoires.

32.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les étudiants afro‑canadiens se heurtent à des difficultés d’accès à l’enseignement et abandonnent en nombre disproportionné leurs études secondaires.

33.Le Comité, tout en notant les nombreux programmes adoptés pour préserver les langues autochtones dans l’État partie, ainsi que les études menées dans le domaine de la protection des savoirs traditionnels, regrette qu’aucun calendrier n’ait été fixé pour l’examen et la mise en œuvre des recommandations du Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones et qu’aucune mesure concrète n’ait été prise dans le domaine de la propriété intellectuelle pour la protection et la promotion des droits ancestraux et des savoirs traditionnels des peuples autochtones.

E. Suggestions et recommandations

34.Le Comité demande à l’État partie de traiter les sujets de préoccupation mentionnés à l’occasion de ses deuxième et troisième rapports périodiques et l’engage de nouveau fermement à envisager de mettre en œuvre les suggestions et recommandations qu’il lui a adressées à cet égard.

35.Le Comité recommande de nouveau au Gouvernement fédéral de prendre des mesures concrètes pour s’assurer que les provinces et territoires sont informés des obligations juridiques qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte, de faire en sorte que ces droits y soient opposables en prenant des dispositions législatives ou politiques et d’établir à cet égard des mécanismes de surveillance et de règlement indépendants et appropriés. En particulier, l’État partie devrait créer des mécanismes transparents et efficaces associant les autorités gouvernementales à tous les niveaux ainsi que la société civile, y compris les peuples autochtones, et chargés spécifiquement de donner suite aux observations finales du Comité.

36.Le Comité rappelle que dans les limites de l’exercice de leurs fonctions de contrôle judiciaire, les tribunaux doivent tenir compte des droits énoncés dans le Pacte lorsque cela est nécessaire pour veiller à ce que le comportement de l’État partie soit conforme aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, conformément à son Observation générale no 9 (1998) (voir, par exemple, l’affaire Chaoullic. Québec − Procureur général).

37.Le Comité prie instamment l’État partie de revoir ses politiques et pratiques relatives aux droits et titres naturels des autochtones, afin que ces politiques et pratiques n’entraînent pas l’extinction de ces droits et titres.

38.Le Comité recommande fermement à l’État partie de reprendre les négociations avec la Bande du lac Lubicon en vue de trouver une solution aux réclamations de la Bande qui garantisse l’exercice de ses droits découlant du Pacte. Il lui recommande en outre fermement de mener des consultations effectives avec la Bande avant d’octroyer des licences d’exploitation économique des terres en litige et de veiller à ce que ces activités ne remettent pas en cause les droits reconnus dans le Pacte.

39.Le Comité recommande que les lois fédérales, provinciales et territoriales soient mises en conformité avec les obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte et que cette législation protège les pauvres vivant dans toutes les entités contre les discriminations liées à leur statut social ou économique.

40.L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures, notamment législatives, en vue de créer et d’offrir des recours internes utiles pour faire reconnaître tous les droits énoncés dans le Pacte dans toutes les entités pertinentes.

41.Le Comité, appelant l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 9 (1998), recommande de nouveau aux autorités fédérales, provinciales et territoriales de promouvoir des interprétations de la Charte canadienne des droits et libertés et d’autres lois internes qui soient compatibles avec le Pacte.

42.Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’étendre le Programme de contestations judiciaires pour permettre le financement des contestations relatives aux lois et politiques provinciales et territoriales.

43.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que l’aide juridique civile dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels soit fournie aux pauvres vivant dans les provinces et territoires et à ce qu’elle soit adéquate quant à son étendue, aux conditions requises et aux services fournis.

44.Le Comité recommande à l’État partie de respecter pleinement son obligation découlant du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, de prendre toutes les mesures possibles, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels de tous, et lui rappelle, conformément à son Observation générale no 3 (1990), que les mesures à prendre à cette fin «doivent avoir un caractère délibéré, concret, et viser aussi clairement que possible à la réalisation des obligations reconnues dans le Pacte». Il lui recommande également d’éliminer à titre prioritaire les inégalités économiques, en ayant à l’esprit le caractère d’urgence des obligations énoncées aux articles 2 et 3 du Pacte. Il lui recommande en outre d’évaluer dans quelle mesure la pauvreté constitue un problème de discrimination au Canada et de veiller à ce que des mesures et programmes n’aient pas d’effets négatifs sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier pour les individus et les groupes défavorisés et marginalisés.

45.Le Comité recommande à l’État partie d’adopter, en consultant les groupes de femmes des Premières Nations et des peuples autochtones, des mesures pour combattre la discrimination à l’égard des femmes des Premières Nations et de leurs enfants en matière de statut des Indiens, d’appartenance à la bande et de biens fonciers matrimoniaux. Il lui demande en particulier d’abroger l’article 67 de la loi canadienne sur les droits de la personne qui ne permet pas aux membres des Premières Nations de porter plainte pour discrimination devant une commission ou un tribunal des droits de l’homme. En outre, il l’engage vivement à modifier la loi sur les Indiens afin d’éliminer toute séquelle de la discrimination à l’égard des femmes des Premières Nations et de leurs enfants.

46.Le Comité recommande à l’État partie de prendre en considération le droit des femmes au travail et la nécessité pour les parents de parvenir à un équilibre entre le travail et la vie de famille et de les aider à assumer leurs choix en mettant en place des services de garde d’enfants appropriés.

47.Le Comité engage instamment l’État partie à adopter toutes les mesures nécessaires pour que le salaire minimum soit porté partout au Canada à un niveau permettant aux travailleurs et à leur famille d’avoir un niveau de vie décent.

48.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour que les travailleurs exerçant des emplois précaires, à temps partiel et temporaires faiblement rémunérés, en particulier les femmes, puissent avoir accès à des régimes d’assurance pour l’emploi, exercer leurs droits syndicaux et être réellement protégés par les normes du travail.

49.Le Comité engage instamment l’État partie à adopter des mesures efficaces, d’ordre législatif ou autre, pour éliminer l’exploitation et la violence dont sont victimes les travailleurs domestiques migrants employés dans le cadre du programme fédéral d’auxiliaires à domicile.

50.Le Comité recommande que des lois soient adoptées aux niveaux provincial et territorial, s’il y a lieu, pour garantir l’égalité de rémunération pour un travail égal dans les secteurs tant public que privé. À cet égard, il rappelle à l’État partie que le principe de non‑discrimination énoncé au paragraphe 2 de l’article 2 est une obligation immédiate.

51.Le Comité recommande vivement à l’État partie de réexaminer la compatibilité des restrictions au droit de grève imposées aux niveaux fédéral, provincial et territorial avec les articles 4 et 8 du Pacte. De telles restrictions devraient être éliminées lorsqu’elles ne sont pas absolument nécessaires pour promouvoir le bien‑être général dans une société démocratique et pour protéger la sécurité nationale ou la sûreté publique, l’ordre public, la santé publique ou les droits et libertés d’autrui et qu’aucune autre solution ne peut être trouvée.

52.Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une évaluation détaillée de l’impact de la réduction des transferts fédéraux d’assistance sociale et de services sociaux aux provinces et aux territoires sur le niveau de vie des personnes dépendant de l’aide sociale, en particulier les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les autochtones, les Afro‑Canadiens et les membres d’autres minorités. Il lui recommande vivement de corriger toutes les mesures rétrogrades adoptées en 1995.

53.Le Comité prie instamment l’État partie de fixer l’assistance sociale à un niveau tel qu’il garantisse la réalisation d’un niveau de vie suffisant pour tous.

54.Le Comité recommande à l’État partie de réévaluer le régime d’assurance chômage de manière à ce que tous les chômeurs y aient davantage accès et bénéficient de meilleures prestations.

55.Le Comité recommande de nouveau que la Prestation nationale pour enfants soit modifiée de sorte à interdire aux provinces et aux territoires de la déduire des prestations versées au titre de l’assistance sociale.

56.Le Comité recommande à l’État partie de recueillir des données statistiques ventilées sur le placement en structures d’accueil d’enfants appartenant à des familles à faible revenu, à des familles dont le chef est une mère célibataire, à des familles autochtones et afro‑canadiennes afin de mesurer correctement l’étendue du problème. Il recommande en outre que, conformément aux dispositions de l’article 10 du Pacte sur la protection des familles, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux prennent toutes les mesures nécessaires pour prévenir un tel placement, y compris des mesures de soutien financier, s’il y a lieu.

57.Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière aux difficultés rencontrées par les filles sans abri, qui sont plus exposées sur les plans sanitaire et socioéconomique, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour leur fournir un logement et des services sanitaires et sociaux appropriés.

58.Le Comité recommande que la violence intrafamiliale soit introduite dans le Code pénal en tant qu’infraction spécifique.

59.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les femmes aux revenus modestes et les femmes qui tentent de mettre fin à des relations dans lesquelles elles sont victimes de violences puissent avoir accès à des logements et à des services d’appui appropriés conformément au droit à un niveau de vie suffisant.

60.Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’établir officiellement un seuil de pauvreté. Il lui recommande également d’intégrer les droits économiques, sociaux et culturels dans ses stratégies de réduction de la pauvreté. À cet égard, il le renvoie à sa déclaration sur «La pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels» adoptée en mai 2001.

61.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier sensiblement la lutte qu’il mène contre le problème de l’insécurité alimentaire et de la faim au Canada. À cet égard, il lui rappelle qu’il a l’obligation fondamentale de donner effet (en distribuant des vivres) au droit à l’alimentation des individus et des groupes défavorisés et marginalisés qui sont incapables, pour des raisons indépendantes de leur volonté, de réaliser ce droit pour eux‑mêmes par tous les moyens à leur disposition.

62.Le Comité recommande de nouveau aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de considérer la lutte contre le phénomène des sans‑abri et l’insuffisance de logements comme une situation d’urgence nationale et de rétablir ou d’accroître, si besoin est, les programmes de logements sociaux destinés aux démunis, d’améliorer et de renforcer comme il convient les lois de lutte contre la discrimination dans le domaine du logement, de porter le montant des allocations‑logement et des prestations sociales à un niveau réaliste et de fournir des services d’appui adéquats aux personnes handicapées. Il l’engage instamment à mettre en œuvre une stratégie nationale de réduction du problème des sans‑abri qui comprenne des objectifs et des calendriers concrets, des consultations et une collaboration avec les communautés touchées, des procédures de dépôt de plaintes et des mécanismes transparents de reddition des comptes, conformément aux normes du Pacte.

63.Le Comité recommande vivement à l’État partie, avant que des expulsions forcées aient lieu, de prendre des mesures appropriées, d’ordre législatif ou autre, pour qu’un logement de substitution soit fourni à ceux qui sont touchés par ces expulsions afin qu’ils ne se retrouvent pas sans toit, conformément à son Observation générale no 7 (1997).

64.Le Comité recommande vivement à l’État partie d’examiner sa position sur le droit à l’eau, conformément à l’Observation générale no 15 (2002) sur le droit à l’eau, afin d’assurer aux personnes qui vivent sur son territoire un accès égal et approprié à l’eau, quels que soient la province ou le territoire où elles résident ou la communauté à laquelle elles appartiennent.

65.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte, par tous les moyens appropriés, que l’enseignement supérieur soit rendu également accessible à tous sur la base du mérite.

66.Le Comité recommande à l’État partie de réaliser une évaluation globale de la situation des Afro‑Canadiens, notamment dans le domaine de l’éducation, afin d’adopter et d’appliquer effectivement un programme d’action ciblé visant à réaliser les droits que leur confère le Pacte.

67.Le Comité recommande à l’État partie de commencer à adopter et à appliquer des plans concrets, assortis de points de référence et de calendriers pertinents, en vue d’examiner et de mettre en œuvre les recommandations du Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones, ainsi que dans le domaine de la propriété intellectuelle pour la protection et la promotion des droits ancestraux et des savoirs traditionnels des peuples autochtones.

68.Le Comité rappelle à l’État partie que la libéralisation du commerce, si elle peut engendrer des richesses, n’a pas nécessairement pour effet de créer un environnement favorable à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels ni d’y conduire. À cet égard, il recommande à l’État partie d’examiner les moyens qui permettraient d’assurer la primauté des droits consacrés par le Pacte dans les accords de commerce et d’investissement, en particulier dans le règlement des différends entre investisseurs et États sous le régime du chapitre XI de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

69.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son sixième rapport périodique des informations détaillées sur toute mesure prise et tout progrès réalisé, plus particulièrement en ce qui concerne les suggestions et recommandations qu’il fait dans les présentes observations finales.

70.Le Comité demande à l’État partie de se concentrer principalement dans ses prochains rapports sur le suivi de ses précédentes observations finales, et de structurer ces rapports autour des articles du Pacte. Il lui demande également de fournir, outre des informations sur les mesures adoptées, des précisions sur l’effet quant au fond de ces mesures sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, il souhaite aussi recevoir des données statistiques comparatives ventilées par année, ainsi que des informations sur les pourcentages de crédits budgétaires alloués aux programmes pertinents pour le Pacte.

71.Le Comité encourage l’État partie à associer des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile à un processus utile de discussion, aux niveaux fédéral, provincial et territorial, avant la présentation de son prochain rapport périodique.

72.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier parmi les agents de l’État et les autorités judiciaires, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre.

73.Le Comité demande à l’État partie de présenter son sixième rapport périodique au plus tard le 6 juin 2010.

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