Nations Unies

E/C.12/PAK/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

20 juillet 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial du Pakistan *

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Pakistan (E/C.12/PAK/1) à ses 30e à 32e séances (voir E/C.12/2017/SR.30-32), les 12 et 13 juin 2017, et adopté les présentes observations finales à sa 47e séance, le 23 juin 2017.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, malgré le retard important avec lequel il a été soumis, ainsi que les renseignements complémentaires fournis dans les réponses écrites à la liste des points (E/C.12/PAK/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2011 ;

b)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 2010 ;

c)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2010 ;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2016, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2011.

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie, en 2016, de la loi de 2014 (modifiant le Code pénal) interdisant les lois sur les crimes d’honneur.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

5.Le Comité constate avec préoccupation que les droits inscrits dans le Pacte n’ont pas été pleinement incorporés dans l’ordre juridique interne et, en particulier, que la Constitution de l’État partie ne reconnaît pas les droits économiques, sociaux et culturels comme des droits fondamentaux justiciables, mais uniquement comme des lignes directrices générales.

6. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour faire en sorte que les droits inscrits dans le Pacte soient pleinement incorporés dans son ordre juridique interne à un niveau constitutionnel équivalent à celui des droits civils et politiques et de veiller à ce que tous ces droits soient appliqués par les tribunaux nationaux à tous les niveaux. Il lui recommande également d’améliorer la formation des juges, des avocats et des fonctionnaires aux dispositions du Pacte. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national.

Transfert de compétences

7.Le Comité note qu’aux termes du 18e amendement de la Constitution, certaines compétences du pouvoir central ont été transférées aux administrations provinciales et territoriales, particulièrement dans les domaines de l’emploi, de la sécurité sociale, du logement, de la santé et de l’éducation. Il est préoccupé par le fait que les administrations provinciales et territoriales disposent de capacités financières et administratives réduites et variables et regrette le manque de coordination entre les autorités fédérales, provinciales et territoriales, lequel nuit à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels et entraîne des disparités géographiques substantielles.

8. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour renforcer les capacités financières et administratives des autorités provinciales et territoriales et améliorer la coordination entre les différents niveaux de gouvernement afin de faire en sorte que tous les habitants, quel que soit leur lieu de résidence, jouissent en toute égalité des droits inscrits dans le Pacte, en particulier dans les domaines de l’emploi, de la sécurité sociale, du logement, de la santé et de l’éducation.

Collecte de données

9.Tout en accueillant positivement les efforts faits pour actualiser le recensement national, le Comité est préoccupé par l’absence, aux niveaux fédéral, provincial et territorial, de données relatives à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

10. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour améliorer son système de collecte de données, notamment son recensement national, afin de recueillir des données complètes et comparables, ce qui permettrait d’évaluer le degré d’exercice des droits inscrits dans le Pacte, en particulier par les individus et groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés. Il lui recommande par ailleurs de faire figurer dans son prochain rapport périodique les statistiques comparatives annuelles nécessaires pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des droits inscrits dans le Pacte et de veiller à ce que ces données soient ventilées par sexe, âge, région géographique, handicap, religion et toute autre situation.

Commission nationale des droits de l’homme

11.Tout en accueillant avec satisfaction la création de la Commission nationale des droits de l’homme, le Comité constate avec préoccupation qu’elle manque d’indépendance et n’est pas en mesure d’exercer efficacement son mandat, car elle n’est pas conforme aux Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Le Comité regrette en particulier qu’en dépit des renseignements fournis par l’État partie, le Gouvernement a, par une instruction du 9 mars 2017, placé la Commission sous le contrôle effectif du Ministère des droits de l’homme. Il est en outre préoccupé par la lettre en date du 2 juin 2017 par laquelle le Ministère des droits de l’homme a refusé d’accorder mandat à la Commission pour soumettre un rapport indépendant aux organes de l’ONU, notamment aux organes conventionnels, ainsi que par les recommandations que le Comité permanent des droits de l’homme de l’Assemblée nationale a adressées au Ministère concernant la récente participation de la Commission aux travaux d’un organe conventionnel de l’ONU.

12. Le Comité engage vivement l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour permettre à la Commission d’exercer son mandat tout en conservant son indépendance vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif et protéger la Commission contre toute ingérence de la part d’un quelconque organe de l’État. Rappelant à l’État partie que la coopération avec le mécanisme des Nations Unies relatif aux droits de l’homme, y compris avec les organes conventionnels, est une des fonctions essentielles des institutions nationales des droits de l’homme prescrites dans les Principes de Paris, il lui recommande de faire en sorte que le mandat et les responsabilités de la Commission soient conformes aux Principes de Paris et de la doter de moyens financiers suffisants pour lui permettre de fonctionner efficacement. Il encourage par ailleurs la Commission à solliciter l’accréditation de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme.

Défenseurs des droits de l’homme

13.Le Comité est profondément préoccupé par les allégations répétées selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme, particulièrement ceux qui luttent pour les droits économiques, sociaux et culturels, auraient été enlevés, tués et intimidés, parfois par des agents de l’État, y compris des membres du renseignement militaire.

14. Le Comité engage vivement l’État partie à faire le maximum pour protéger les défenseurs des droits de l’homme contre les enlèvements, les meurtres et l’intimidation ; à mener des enquêtes promptes et approfondies sur toutes les allégations de harcèlement, de disparitions et de meurtres de défenseurs des droits de l’homme et à traduire les responsables en justice ; et à prendre toutes les mesures voulues pour garantir un environnement sûr et favorable aux défenseurs des droits de l’homme et aux acteurs de la société civile. Il appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration concernant les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels (E /C. 12/2016/2).

Obligation d’agir au maximum des ressources disponibles

15.Le Comité est préoccupé par le niveau très faible des fonds publics alloués aux domaines liés aux droits inscrits dans le Pacte, en particulier à l’emploi, à la sécurité sociale, au logement, à l’eau et à l’assainissement, à la santé et à l’éducation, que l’on ne saurait justifier par le montant élevé des dépenses militaires. Il est préoccupé aussi par le fait qu’une partie importante du financement alloué à l’éducation demeure inutilisé dans certaines provinces. Par ailleurs, il note avec préoccupation que le rapport des prélèvements fiscaux au produit intérieur brut est très faible et que le régime fiscal de l’État partie, caractérisé par une assiette fiscale restreinte, un système d’imposition non progressif et un recours massif aux impôts indirects, risque de ne pas permettre d’accroître significativement les dépenses consacrées à la défense des droits inscrits dans le Pacte (art. 2, par. 1).

16. Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour augmenter sensiblement le niveau des fonds publics, tant au niveau national qu’au niveau provincial, afin de garantir la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande en outre de réformer son système fiscal de façon à accroître ses recettes et à ne pas soumettre les ménages à revenus modestes à un impôt excessif et de faire en sorte qu’il contribue à la redistribution des revenus et des richesses. Il lui recommande par ailleurs de mettre en place des mécanismes permettant de faire en sorte que les fonds alloués à des domaines relevant des droits inscrits dans le Pacte soient dépensés en temps voulus et de manière efficace et transparente.

Corruption

17.En dépit des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la corruption, le Comité est préoccupé par le nombre et l’ampleur des cas de corruption de hauts fonctionnaires (art. 2, par. 1).

18. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les mécanismes et les procédures permettant de combattre la corruption aux niveaux fédéral et provincial ;

b) D’enquêter efficacement sur tous les cas de corruption et de poursuivre les responsables ;

c) De protéger efficacement les victimes de corruption et leurs avocats, les militants anticorruption, les lanceurs d’alerte et les témoins ;

d) De mieux éduquer et sensibiliser les fonctionnaires et le public en général sur la nécessité de lutter contre la corruption .

Principe de non-discrimination

19.Le Comité est préoccupé par le fait que les dispositions juridiques en vigueur dans l’État partie en matière de non-discrimination, notamment les articles 25 à 27 de la Constitution, n’interdisent la discrimination fondée sur la race, la religion, la caste, le sexe, le lieu de résidence ou le lieu de naissance qu’en ce qui concerne l’accès aux lieux de divertissement ou de loisirs publics et aux endroits non destinés à des fins religieuses, ainsi que pour le recrutement dans la fonction publique. Il regrette également l’absence d’une législation antidiscrimination complète (art. 2).

20. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de réviser les articles 25 à 27 de la Constitution de façon à faire en sorte que la Constitution interdise la discrimination fondée sur tous les motifs, notamment la couleur, la langue, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, le patrimoine, le handicap, l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Elle lui recommande également d’adopter une législation antidiscrimination complète interdisant toutes les formes directes, indirectes et multiples de discrimination quels qu’en soient les motifs et de mettre en place des voies de recours judiciaires et administratives effectives pour les victimes de discrimination. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Criminalisation des rapports entre personnes de même sexe

21.Le Comité est préoccupé par le fait que les relations homosexuelles entre adultes consentants sont criminalisées (art. 2).

22. Le Comité recommande à l’État partie de décriminaliser les relations homosexuelles entre adultes consentants et de prendre les mesures voulues pour sensibiliser le public et lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Personnes handicapées

23.Le Comité est préoccupé par la définition restrictive du handicap dans la législation, laquelle limite la capacité de l’État partie d’évaluer la situation des personnes handicapées et d’élaborer des politiques efficaces pour lutter contre la discrimination dont elles font l’objet dans l’exercice des droits inscrits dans le Pacte. Il est en outre préoccupé par l’absence d’aménagements raisonnables et de services d’aide à la personne pour les personnes handicapées et par le caractère limité des dispositions juridiques concernant l’accessibilité des lieux et établissements publics, qui entravent sérieusement l’exercice par les personnes handicapées de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2).

24. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour harmoniser la définition du handicap figurant dans sa législation avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées et d’inclure dans sa législation le refus de mettre en place des aménagements raisonnables comme motif de discrimination. Il lui recommande par ailleurs d’entreprendre à l’échelle nationale une étude sur la situation des personnes handicapées, de collecter des données ventilées par sexe, ethnie et autres critères sociaux.

Réfugiés afghans

25.Le Comité félicite l’État partie d’avoir accueilli quelque 1,5 million de réfugiés afghans de même qu’un million de demandeurs d’asile afghans, malgré les difficultés engendrées par l’insécurité et les risques naturels. Il est cependant préoccupé par les incertitudes entourant le statut juridique des réfugiés afghans dont le titre de séjour doit expirer le 31 décembre 2017 ainsi que par l’absence d’une procédure d’enregistrement des Afghans en situation irrégulière. Il est en outre préoccupé par les allégations largement étayées selon lesquelles ces personnes seraient victimes de brutalités policières, de passages à tabac, de la confiscation de titres de séjour, de demandes de pots de vin, de menaces d’expulsion et de détention arbitraire (art. 2).

26. Le Comité recommande à l’État partie d’autoriser tous les réfugiés afghans enregistrés dans le pays à y demeurer en attendant qu’ils puissent regagner leur pays en toute sécurité ou s’établir dans un autre pays. Il lui recommande en outre de rétablir la procédure d’enregistrement afin de permettre aux Afghans non enregistrés qui vivent dans le pays d’obtenir un statut légal de résident. Il lui recommande également d’enquêter promptement et minutieusement sur toutes les allégations de brutalités policières envers des Afghans non enregistrés et de traduire tous les responsables en justice. Il lui recommande par ailleurs d’adopter des dispositifs législatifs et généraux visant à protéger les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides conformément aux règles et normes internationales.

Personnes déplacées dans leur propre pays

27.Le Comité est préoccupé par le fait que des millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de l’État partie, que les données recueillies à ce sujet sont insuffisantes et qu’il n’existe ni législation ni politique nationale d’ensemble pour venir en aide à ces personnes. Il est également préoccupé par les difficultés que rencontrent les personnes vivant dans les camps pour personnes déplacées, en particulier celles qui y vivent depuis longtemps ; par les risques importants de sévices sexuels, de harcèlement et de traite auxquels les femmes et les filles sont exposées ; et par la lenteur du processus de réinstallation (art. 2 et 11).

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter un cadre législatif et directif concernant les personnes déplacées qui repose sur des données fiables ;

b) D’améliorer les conditions de vie des personnes déplacées qui vivent dans les camps et de leur garantir l’accès aux soins, à l’éducation et aux autres services publics ;

c) D’accélérer le processus de réinstallation ;

d) De protéger les femmes et les filles contre les sévices sexuels, le harcèlement et la traite, d’enquêter sur les affaires de ce type, de traduire les responsables en justice et d’apporter aux victimes l’aide dont elles ont besoin.

Personnes appartenant à des minorités

29.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes appartenant à des minorités autres que religieuses ne peuvent jouir de leurs droits, car le statut de minorité des groupes dont elles font partie n’a pas été reconnu par la législation de l’État partie (art. 2 et 15).

30. Le Comité recommande à l’État partie de prendre de toute urgence des mesures juridiques afin de reconnaître le statut des minorités autres que religieuses, en particulier des minorités raciales, ethniques et linguistiques, pour permettre aux personnes appartenant à toutes les minorités de jouir de leurs droits et de bénéficier des politiques et des programmes de protection des minorités.

Membres des castes répertoriées ou Dalits

31.Le Comité demeure préoccupé par les informations abondamment étayées selon lesquelles les personnes appartenant aux castes répertoriées ou Dalits continueraient de faire l’objet d’une discrimination et d’une ségrégation de fait, ainsi que d’une stigmatisation et de préjugés fortement ancrés (art. 2, 6, 13 et 14).

32. Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre une étude de la situation des castes répertoriées ou Dalits avec la participation des membres de ce groupe et des experts concernés, et de fournir des informations concernant la situation des Dalits dans le pays, y compris des statistiques, dans son prochain rapport périodique. Il lui recommande par ailleurs de prendre des mesures efficaces, notamment d’organiser des campagnes de sensibilisation, pour éradiquer la stigmatisation et les préjugés visant les membres des castes répertoriées ou Dalits, et de lutter contre la discrimination dont ils font l’objet, particulièrement en matière d’emploi et d’éducation.

Égalité entre les hommes et les femmes

33.Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie renferme des dispositions discriminatoires envers les femmes. Ainsi, la loi du Pakistan occidental relative au droit musulman sur le statut personnel, de 1962, qui autorise la polygamie et dispose qu’en cas de succession, les filles ne reçoivent que la moitié de ce que reçoivent les fils, contribue à l’inégalité importante entre hommes et femmes en matière de propriété foncière. L’ordonnance Qanun-e-Shahadat (loi sur la preuve), de 1984, dispose que la déposition d’une femme au tribunal vaut la moitié de celle d’un homme. Le Comité note également avec préoccupation que les femmes ont du mal à obtenir justice devant les tribunaux, parce que les membres des forces de l’ordre et les juges ne sont pas sensibilisés sur les droits des femmes, que les femmes elles-mêmes méconnaissent leurs droits et les procédures judiciaires permettant de les défendre, que les femmes ne font pas confiance à la justice et que l’aide juridictionnelle gratuite fait défaut (art. 3).

34. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser sa législation, notamment la loi du Pakistan occidental relative au droit musulman sur le statut personnel, de 1962, et l’ordonnance Qan un ‑e ‑ Shahadat (loi sur la preuve) de 1984, dans le but d’éliminer toutes les dispositions discriminatoires envers les femmes ;

b) De faire en sorte que les membres des forces de l’ordre et les juges soient pleinement conscients du fait que le Pacte accorde les mêmes droits aux femmes qu’aux hommes ;

c) D’améliorer le système de l’aide juridictionnelle gratuite pour les femmes ;

d) De sensibiliser les femmes sur leurs droits, sur les procédures judiciaires et sur l’assistance dont elles peuvent bénéficier.

Représentation des femmes aux postes de décision

35.Le Comité constate avec préoccupation qu’en dépit des progrès accomplis dans certains secteurs, les femmes demeurent sous‑représentées aux postes de décision dans l’ensemble (art. 3).

36. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour améliorer la représentation des femmes aux postes de décision dans tous les secteurs, y compris en adoptant des mesures temporaires spéciales et en les mettant pleinement en œuvre. Il appelle son attention sur son observation générale n o 16 (2005) concernant le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels (art. 3).

Chômage et sous-emploi

37.Le Comité est préoccupé par les taux de chômage élevés parmi les femmes et les jeunes. Il note en outre avec préoccupation que plus de 73 % des travailleurs, majoritairement des femmes, travaillent dans l’économie informelle et ne bénéficient d’aucune protection de leurs droits professionnels ni d’aucune protection sociale. Tout en notant que des quotas ont été institués dans le secteur public pour les minorités religieuses, les personnes handicapées et les femmes, il s’inquiète de la faiblesse extrême de ces quotas par rapport à l’ensemble de la population ainsi que de l’absence d’informations concernant leur mise en œuvre (art. 2, 3 et 6).

38. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour promouvoir l’emploi des femmes et des jeunes, notamment en mettant sur pied des programmes de formation professionnelle et d’éducation adaptés à leur expérience et à leur niveau de compétences professionnelles, afin de répondre aux besoins actuels de main-d’œuvre sur le marché du travail. Il lui recommande par ailleurs d’intensifier ses efforts pour régulariser l’économie informelle et étendre la protection des droits du travail et la protection sociale aux travailleurs de ce secteur. Il lui recommande en outre d’augmenter et mettre pleinement en œuvre les quotas pour les groupes susmentionnés en prenant en considération leur proportion dans l’ensemble de la population.

Écart salarial entre hommes et femmes

39.Le Comité est préoccupé par l’écart salarial très élevé entre hommes et femmes qui, de 34 % en 2008, est passé à 39 % en 2015. Il est en outre préoccupé par les disparités importantes entre les hommes et les femmes en ce qui concerne la présence sur le marché du travail, l’emploi et l’éducation (art. 3).

40. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour réduire l’écart salarial entre hommes et femmes et améliorer progressivement la situation en ce domaine. Il lui recommande en outre de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les disparités entre les hommes et les femmes dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier s’agissant de la présence sur le marché du travail, de l’emploi et de l’éducation.

Droit à des conditions de travail justes et favorables

41.Tout en notant que l’État partie œuvre actuellement à la mise en place d’un cadre national de protection des travailleurs, le Comité s’inquiète de l’absence de cadres législatifs ou directifs complets visant à assurer la protection des travailleurs (art. 7).

42. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le cadre national de protection des travailleurs actuellement en cours d’élabor ation soit conforme à l’article  7 du Pacte et aux autres règles internationales pertinentes en matière de protection des travailleurs. Il lui recommande par ailleurs d’adopter ce dispositif promptement et de le mettre en œuvre dans l’ensemble des provinces et des territoires. Il appelle son attention sur son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Salaires minima

43.Le Comité note avec préoccupation que les salaires minima en vigueur dans l’État partie ne couvrent pas tous les travailleurs et qu’ils varient d’une province à l’autre. Il est également préoccupé par le fait que les salaires minima sont insuffisants pour permettre aux travailleurs et à leur famille de vivre décemment et qu’ils ne sont de surcroît que rarement respectés (art. 7).

44. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à un plus grand nombre de travailleurs de percevoir au moins le salaire minimum, de relever le salaire minimum de façon à assurer un niveau de vie décent à tous les travailleurs et aux membres de leur famille et de tendre à ce que le salaire minimum soit versé dans l’ensemble des provinces et des territoires.

Servitude pour dette

45.Le Comité constate avec inquiétude qu’en dépit de l’adoption de la loi d’abolition de la servitude pour dette de 1992, la pratique de la servitude pour dette persiste, particulièrement dans les briqueteries et l’agriculture ; que les personnes qui violent cette loi sont rarement punies, parce que les juges des juridictions de première instance méconnaissent fréquemment cette loi et en raison des complicités policières ; et que l’absence d’autres moyens de subsistance fait que les travailleurs qui vivent dans cette situation se retrouvent à nouveau enfermés dans un cycle de servitude (art. 7).

46. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour traiter les causes profondes de la servitude pour dette ; d’accorder des moyens de subsistance durables aux victimes ; de mieux faire appliquer la loi en multipliant les inspections sur les lieux de travail et en augmentant le montant des amendes infligé e s aux auteurs de violations et aux agents publics qui s’en rendent complices ; et de sensibiliser les juges, particulièrement ceux des juridictions de première instance, sur les dispositions de la loi.

Santé et sécurité du travail

47.Le Comité est préoccupé par la fréquence élevée et les effets dévastateurs des accidents du travail tels que l’incendie survenu dans une usine de textile de Karachi en 2012, dans lequel environ 300 ouvriers ont péri. Il s’inquiète également du grand nombre de cas de maladies professionnelles telles que la silicose parmi les employés des entreprises de concassage de pierre de Gujranwala. Il est en outre préoccupé par l’absence de législation générale concernant la sécurité et la santé du travail et par le nombre très restreint d’inspecteurs du travail (art. 7 et 12).

48. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que le projet de loi sur la sécurité du travail soit conforme au Pacte et aux autres règles et normes internationales du travail et de faire en sorte que la loi soit scrupuleusement appliquée une fois qu’elle aura été adoptée ;

b) D’augmenter le nombre d’inspecteurs du travail, de développer leurs capacités et de renforcer le système des inspections du travail ;

c) De permettre aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles d’être correctement indemnisées et d’accéder à des voies de recours appropriées.

Droits syndicaux

49.Le Comité est préoccupé par le faible taux de syndicalisation et par le caractère très restrictif de la législation sur les syndicats, en particulier de la loi de 2012 sur les relations professionnelles, laquelle ne couvre pas tous les travailleurs et ne donne le droit de passer des conventions collectives qu’aux syndicats qui réunissent au moins un tiers des employés (art. 8).

50. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures législatives et autres qui sont nécessaires pour créer un environnement susceptible de permettre aux travailleurs de se constituer librement en syndicat, de participer aux activités des syndicats et d’exercer leurs droits syndicaux.

Droit à la sécurité sociale

51.Le Comité regrette l’absence de données détaillées sur les régimes de sécurité sociale de l’État partie, notamment les régimes contributifs, non contributifs, publics ou privés. Il constate avec préoccupation qu’une majorité de travailleurs, y compris les travailleurs du secteur formel, n’est pas concernée par les programmes de sécurité sociale. Par exemple, le taux de participation à la Caisse des pensions des salariés est très faible, inférieur à 10 %. Le Comité constate également avec préoccupation que l’État partie n’a pas établi de socle de protection sociale (art. 9 et 11).

52. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer ses régimes de sécurité sociale, notamment la Caisse des pensions des salariés, en vue de couvrir progressivement tous les travailleurs dans le pays et d’offrir un niveau de prestations permettant de jouir d’un niveau de vie suffisant. Il lui recommande également d’établir un socle de protection sociale défini à l’échelon national en consultation avec toutes les parties prenantes. Il lui demande de fournir des données détaillées sur ses régimes de sécurité sociale dans son prochain rapport périodique. Enfin, le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale et sa déclaration sur les socles de protection sociale (E/C.12/2015/1).

Protection de la famille, des mères et des enfants

53.Le Comité relève avec préoccupation que le cadre législatif ne permet pas d’assurer la protection de toutes les femmes, en particulier les femmes hindoues et chrétiennes, en ce qui concerne le mariage, le divorce, la garde à vue et l’héritage (art. 3 et 10).

54. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures urgentes pour adopter un cadre législatif relatif au mariage, au divorce, à la garde à vue et à l’héritage qui soit conforme aux normes et règles internationales en vue de garantir une protection juridique réelle et égale à toutes les femmes, en particulier les femmes hindoues et chrétiennes, au Pakistan. Il lui recommande également de n’épargner aucun effort pour faire respecter pleinement le cadre législatif une fois celui-ci adopté et pour le faire connaître au grand public ainsi qu’aux responsables de l’application des lois et aux fonctionnaires de justice.

Âge minimum du mariage

55.Le Comité est préoccupé par le fait que l’âge minimum du mariage pour les filles varie d’une province à l’autre et que dans certaines provinces, il a été fixé à 16 ans (art. 3 et 10).

56. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour adopter une législation qui interdise le mariage de toute personne âgée de moins de 18 ans, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, conformément au Pacte et aux autres conventions internationales relatives aux droits de l’homme.

Conversion forcée et mariage forcé

57.Le Comité constate avec préoccupation que des femmes non musulmanes continuent d’être contraintes de se convertir et que la pratique des mariages forcés perdure elle aussi. Il s’inquiète notamment du fait que le projet d’amendement à la loi de 1929 portant restriction du mariage d’enfants a été déclaré non islamique par le Conseil de l’idéologie islamique et du fait que les initiatives visant à adopter une loi pour prévenir les conversions forcées ont été bloquées par le Conseil (art. 3 et 10).

58. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire la conversion de toute personne faite sous la contrainte.

Violence contre les femmes et violence intrafamiliale

59.Le Comité s’inquiète du fait que, malgré de nombreux efforts faits par l’État partie, diverses formes de violence dirigée contre les femmes, notamment les crimes dits d’honneur, les attaques à l’acide et les viols collectifs, perdurent. Il constate également avec préoccupation que très peu de cas de violence intrafamiliale et d’autres formes de violence contre les femmes sont signalés et qu’il n’existe que très peu de centres d’accueil pour les victimes de ces types de violence (art. 3 et 10).

60. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour :

a) Faire respecter effectivement les lois contre les crimes dits d’honneur et toutes les autres lois qui érigent en infraction la violence contre les femmes et surveiller l’application de ces dispositions ;

b) Faire procéder rapidement à une enquête dans les cas de violences faites aux femmes et sanctionner les auteurs par des peines proportionnelles à la gravité des infractions ;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces pour mieux faire connaître à la police, aux procureurs, aux juges et aux journalistes les différentes formes de violence à l’égard des femmes et les droits des femmes en vertu du Pacte et assurer une formation systématique à l’échelle nationale ;

d) Veiller à ce que les femmes et les filles connaissent leurs droits en vertu du Pacte, à ce que les victimes de violence intrafamiliale et d’autres formes de violence puissent librement signaler leur cas à la police et qu’elles soient traitées avec respect ; veiller également à ce que les victimes obtiennent toute l’aide juridique, médicale, financière et psychologique nécessaire, notamment grâce à l’établissement, en nombre suffisant et à l’échelle nationale, de centres de conseil et de foyers d’accueil ;

e) Promouvoir autant que faire se peut la présence de policières dans le cadre du dépôt de plaintes pour violence sexiste.

Enregistrement des naissances

61.Le Comité prend note avec préoccupation du très faible taux d’enregistrement des naissances et du fait que l’enregistrement advient souvent tardivement, en particulier dans la province du Baloutchistan, ce qui limite fortement la capacité des personnes sans certificat de naissance à jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 10).

62. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir que tous les enfants soient enregistrés à la naissance et d’intensifier ses efforts pour enregistrer les adultes qui n’ont pas de certificat de naissance.

Exploitation économique des enfants

63.Le Comité note avec préoccupation que l’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à 14 ans alors que la Constitution garantit l’enseignement obligatoire gratuit jusqu’à 16 ans. Il relève également avec préoccupation que, selon les données officielles, plus de deux millions d’enfants âgés de 10 à 14 ans travaillent et que 28 % d’entre eux sont employés à des travaux dangereux. La plupart de ces enfants sont par ailleurs déscolarisés. Le Comité s’inquiète aussi des conditions de travail des enfants, dont la plupart travaillent dans l’agriculture, dans les briqueteries, dans les mines de charbon, dans la rue ou au sein du foyer, ainsi que des risques élevés d’exploitation sexuelle et économique qu’ils encourent (art. 7, 10, 13 et 14).

64. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer sa législation interdisant le travail des enfants et la mise en œuvre de cette législation, notamment en multipliant les inspections du travail ;

b) De faire en sorte que ceux qui font travailler les enfants soient poursuivis et sanctionnés ;

c) D ’adopter toutes les mesures appropriées pour favoriser la réadaptation des enfants qui travaillent et l’accès de ces enfants à l’éducation et pour fournir un appui adéquat aux familles ;

d) De réaliser une enquête nationale sur la nature et l’ampleur du travail des enfants.

Pauvreté

65.Le Comité reconnaît que les niveaux de pauvreté ont baissé ces quinze dernières années, mais il s’inquiète du fait qu’une proportion très élevée de personnes continue de vivre dans la pauvreté dans l’État partie, notamment au Sindh, dans les zones tribales sous administration fédérale, et au Baloutchistan. Tout en saluant l’adoption du Programme de complément de revenu Benazir et l’accroissement progressif de sa couverture, il demeure préoccupé par le fait que plus d’un million de personnes pouvant prétendre à cette prestation ne sont toujours pas couvertes, que la limite qui sert à déterminer les bénéficiaires ne correspond pas au seuil de pauvreté mais repose plutôt sur la capacité budgétaire de l’État partie, et que la somme accordée ne permet pas de garantir un niveau de vie suffisant aux bénéficiaires (art. 9 et 11).

66. Le Comité demande instamment à l’État partie de n’épargner aucun effort pour lutter contre la pauvreté et améliorer le Programme de complément de revenu Benazir et de prendre notamment les mesures suivantes :

a) Veiller à ce que le Programme soit fondé sur les droits, informer expressément les bénéficiaires potentiels du droit qu’ils ont de demander des prestations et de contester toute décision entraînant leur exclusion du Programme ;

b) Couvrir toutes les personnes qui vivent dans la pauvreté, notamment en alignant le seuil de revenus servant à déterminer les personnes admissibles au bénéfice du Programme sur un seuil de pauvreté objectif ;

c) Continuer d’augmenter le nombre de bénéficiaires et faire des efforts supplémentaires dans les régions qui affichent un taux de pauvreté plus élevé ;

d) Accroître le montant des prestations afin de garantir un niveau de vie suffisant aux bénéficiaires.

Droits fonciers

67.Le Comité est préoccupé de constater que malgré les mesures de réforme adoptées par l’État partie, il y a une tendance de plus en plus forte à la concentration de la propriété foncière, ce qui a pour conséquence qu’un grand nombre d’agriculteurs sans terres et de petits exploitants agricoles vivent dans la pauvreté. La concentration de la propriété foncière expose aussi les agriculteurs sans terres à une forte exploitation par des conditions de bail féodales, notamment au titre de baux à métayage, dans les provinces du Sindh et du Baloutchistan (art. 7 et 11).

68. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer son programme de réforme agraire de sorte que celui-ci bénéficie aux agriculteurs sans terre s et aux petits propriétaires terriens et de promouvoir la sécurité foncière et l’accès à la terre, y compris en adoptant les réformes législatives nécessaires. Il demande instamment à l’État partie de prendre immédiatement des mesures pour remédier à la situation des agriculteurs sans terre, en particulier ceux qui ont signé des baux à métayage et pour interdire les accords de location qui relèvent de l’exploitation.

Droit à une alimentation et une nutrition suffisantes

69.Le Comité constate avec préoccupation qu’environ 58 % des ménages vivent dans l’insécurité alimentaire et que près de 30 % de la population souffrent de la faim. Il salue l’adoption d’une stratégie pour l’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants, mais il s’inquiète de son application limitée, due au manque de fonds. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que 44 % des enfants sont chétifs et que 35 % des décès de jeunes enfants sont liés à la malnutrition.

70. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à la faim et à la malnutrition aiguës chroniques et, en particulier, pour répondre aux besoins nutritionnels essentiels des nourrissons et des enfants. Il lui recommande également d’allouer des ressources suffisantes à la pleine mise en œuvre de la stratégie d’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants et d’adopter un cadre législatif qui protège le droit à une alimentation et une nutrition suffisantes ainsi qu’un plan d’action national pour la sécurité alimentaire et la nutrition qui soit conforme à l’observation générale n o 12 (1999) du Comité sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

Droit au logement

71.Le Comité est préoccupé par la grave pénurie de logements adéquats et par le manque de programmes d’aide financière pour les familles à faible revenu. Il est également préoccupé par le grand nombre de personnes qui vivent dans des campements urbains de fortune (katchi abadis) sans bénéficier de la sécurité du logement, avec un accès limité aux services de base. Il est en outre préoccupé par le fait que les personnes qui vivent en zone urbaine et qui ne bénéficient pas de la sécurité de logement et les personnes qui vivent dans les régions où sont réalisés des projets de développement, comme le projet Metroline Orange à Lahore, font souvent l’objet d’expulsions forcées sans procédure régulière, proposition de relogement ou indemnisation adéquate (art. 11).

72. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier l’action qu’il mène pour :

a) Améliorer la sécurité d’occupation en prenant des mesures normatives et directives pour accroître le nombre de logements sociaux et mieux les entretenir et en offrant des moyens de financement abordables aux familles à faible revenu ;

b) Améliorer les conditions de vie dans les katchi abadis , y compris en ce qui concerne l’accès à la santé, à l’éducation et aux autres services publics ;

c) Normaliser les campements informels, y installer des infrastructures de base ou, si de telles infrastructures existent déjà, les perfectionner et améliorer les conditions de vie ;

d) Rendre le cadre juridique relatif aux expulsions, s’agissant en particulier des personnes dont la sécurité d’occupation est absente ou incertaine, conforme aux normes internationales et garantir qu’en cas d’expulsion les personnes concernées soient consultées au préalable, que les garanties de procédure soient respectées et que des solutions de relogement adaptées soient apportées ;

e) Prendre en considération l’observation générale n o 4 (1991) du Comité sur le droit à un logement suffisant et son observation générale n o 7 (1997) sur les expulsions forcées, ainsi que les Principes de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement.

Eau et assainissement

73.Le Comité prend note des progrès faits par l’État partie, mais il reste préoccupé par le grand nombre de personnes qui n’ont toujours pas accès à de l’eau potable et à des équipements sanitaires adéquats (art. 11).

74. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour accroître l’accès à l’eau potable et aux équipements sanitaires adéquats, en mettant notamment pleinement en œuvre la politique nationale de 2009 sur l’eau potable.

Droit à la santé

75.Le Comité constate avec préoccupation que très peu de fonds publics sont alloués au secteur de la santé, que la couverture offerte par le Programme national d’assurance santé est insuffisante et que le système de santé public est faible, ce qui entraîne une forte dépendance vis-à-vis des services de santé privés. Il s’inquiète en particulier des taux élevés de mortalité maternelle et infantile.

76. Le Comité recommande à l’État partie de faire tout son possible pour augmenter les ressources publiques allouées au secteur de la santé, étendre la couverture du Programme national d’assurance santé, renforcer son système de santé publique en vue d’offrir des services sanitaires de base et de qualité gratuits à tous, notamment aux personnes défavorisées et marginalisées, et réduire le taux de mortalité maternelle, le taux de mortalité infantile et le taux de mortalité des enfants de moins de 5  ans.

Santé sexuelle et procréative

77.Le Comité relève avec préoccupation que l’avortement constitue une infraction pénale dans l’État partie sauf dans le cas où la vie de la mère est en danger, ce qui a pour conséquence que de nombreuses femmes avortent clandestinement, sans assistance médicale, et souffrent par la suite de complications qui mettent en danger leur vie et qui, dans plus de 5 % des cas, entraînent leur mort. Il est également préoccupé par le fait que la moitié des grossesses environ ne sont pas prévues et que les femmes ont un accès limité aux services de santé sexuelle et procréative et aux informations y relatives.

78. Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Modifier sa législation sur l’avortement de façon à garantir sa compatibilité avec d’autres droits fondamentaux des femmes, comme le droit à la vie et le droit à la santé physique et mentale, élargir les circonstances autorisées pour l’avortement légal et faire en sorte que les femmes qui se font avorter ne soient pas tenues responsables pénalement ;

b) Faire en sorte que les femmes puissent facilement avoir accès aux services de soins de santé post-avortement ;

c) Prendre des mesures efficaces pour permettre aux femmes de décider du nombre de grossesses et de l’espacement des naissances ;

d) Améliorer l’accès des femmes et des hommes aux informations et aux services relatifs à la santé sexuelle et procréative, notamment en rendant les moyens de contraception accessibles pour tous et en inscrivant les contraceptifs d’urgence sur la liste des médicaments essentiels ;

e) Tenir compte de l’observation générale n o 22 (2016) du Comité sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Droit à l’éducation

79.Le Comité salue l’inclusion du droit à l’éducation dans le chapitre de la Constitution sur les droits fondamentaux et relève les difficultés auxquelles l’État partie doit faire face en matière de sécurité intérieure, qui ont une incidence préjudiciable importante sur le droit des enfants à l’éducation. Il est toutefois préoccupé par les éléments suivants :

a)Les faibles taux nets d’inscription à tous les niveaux de l’enseignement, notamment les niveaux préscolaire, primaire et secondaire, qui montrent en outre de fortes disparités entre les filles et les garçons, entre les enfants des zones urbaines et les enfants des zones rurales et entre les enfants issus de familles aisées et les enfants issus de familles à faible revenu ;

b)Le nombre élevé d’enfants et d’adolescents non scolarisés, même si l’on note une tendance à la baisse ces dernières années ;

c)Les faibles résultats scolaires ;

d)Le caractère inadéquat des infrastructures scolaires ;

e)La mauvaise qualité de l’enseignement due au manque d’enseignants qualifiés, à l’absentéisme des enseignants et au manque de matériel pédagogique adapté, notamment de manuels, dans les écoles publiques des bidonvilles urbains et ruraux ;

f)L’augmentation du taux d’analphabétisme, déjà très élevé, chez les adultes (de 54 % en 2008 à 57 % en 2015), en particulier les femmes ;

g)L’absence d’un enseignement inclusif pour les enfants handicapés ;

h)Les perpétuelles attaques terroristes contre les étudiants, les enseignants et les écoles et l’utilisation des écoles par les militaires, en particulier dans les zones tribales sous administration fédérale et au Baloutchistan (art. 13 et 14).

80. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier son action pour garantir à tous les enfants, sans discrimination, le droit à l’éducation, qui permettra aux enfants, en particulier aux enfants défavorisés et marginalisés, de se sortir de la pauvreté et d’obtenir les moyens de participer pleinement à leurs communautés et à la vie politique nationale. Il recommande également à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Accroître les taux d’inscription à tous les niveaux de l’enseignement, en particulier au niveau primaire, en prêtant une attention spéciale aux filles, aux enfants vivant dans les zones rurales et aux enfants issus des familles modestes ;

b) Réduire le nombre d’enfants déscolarisés, notamment grâce à la coordination des politiques sur le travail des enfants ;

c) Améliorer les résultats scolaires ;

d) Améliorer les infrastructures scolaires, en particulier en ce qui concerne l’eau, l’assainissement et l’électricité ;

e) Garantir un nombre suffisant d’enseignants qualifiés, accroître la qualité et la quantité du matériel pédagogique ;

f) Augmenter le nombre de programmes éducatifs appropriés pour les adultes analphabètes et adaptés à leurs besoins, en prêtant une attention particulière aux femmes ;

g) Développer un cadre législatif et politique relatif à l’enseignement inclusif pour les enfants handicapés et offrir ce type d’enseignement ;

h) Renforcer la sécurité à l’école, faire en sorte qu’un autre espace d’enseignement soit mis à disposition en cas d’attaque et interdire immédiatement et complétement l’utilisation des écoles par les forces militaires. Le Comité invite l’État partie à faire sienne la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et à s’engager à appliquer les lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés de la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques ;

i) Prendre en considération l’observation générale n o 13 (1999) du Comité s ur le droit à l’éducation (art.  13).

Privatisation de l’enseignement

81.Le Comité note que l’État partie met en œuvre le programme « Éducation de base dans les écoles communautaires du pays » et qu’en application de ce programme, le nombre d’écoles privées dites « bon marché » a augmenté considérablement dans tout le pays avec l’établissement d’initiatives de partenariat public-privé. Il prend également note des renseignements fournis par l’État partie selon lesquels le ratio coûts-bénéfice des projets mis en œuvre dans le cadre du programme est plus élevé que celui des écoles primaires publiques. Le Comité est toutefois préoccupé par les éléments suivants :

a)L’absence d’évaluations de l’incidence et de l’efficacité du programme Éducation de base dans les écoles communautaires du pays et des initiatives de partenariats public-privé en ce qui concerne le droit à l’éducation réalisées en bonne et due forme avant et après l’adoption de ces mesures ;

b)Le manque de réglementation efficace mise en place par l’État partie aux niveaux fédéral et provincial pour encadrer ces écoles privées « bon marché » ;

c)Les informations faisant état de la mauvaise qualité de l’enseignement et des enseignants dans ces écoles ;

d)Le coût très élevé (hors frais d’inscription) des études dans ces écoles, qui représente environ un quart des revenus des ménages par étudiant et qui entrave de manière disproportionnée l’accès des filles à l’éducation ;

e)Le renforcement de la ségrégation sociale dans l’éducation, causé par la privatisation de l’enseignement puisque les familles aisées scolarisent leurs enfants dans des écoles privées de bonne qualité tandis que les familles modestes doivent scolariser leurs enfants dans des écoles primaires publiques ne disposant pas de ressources suffisantes ou dans des écoles relevant du programme Éducation de base, qui ne sont pas convenablement contrôlées par l’État partie (art. 13 et 14).

82. Le Comité rappelle à l’État partie qu’avant d’engager un processus de privatisation, il doit procéder à une évaluation approfondie de l’incidence sur les droits de l’homme pour s’acquitter de son obligation juridique de réaliser progressivement le droit à l’éducation. Il lui recommande ce qui suit :

a) Procéder à une évaluation de l’impact des initiatives de partenariat public-privé fondées sur une perspective des droits de l’homme et à une évaluation de l’efficacité des écoles bon marché au regard des obligations de l’État partie au titre du Pacte ;

b) Renforcer la réglementation encadrant ces écoles et garantir sa pleine mise en œuvre ;

c) Améliorer la qualité de l’enseignement dispensé par ces écoles ;

d) Veiller à ce qu’aucun enfant n’abandonne l’école parce que sa famille n’a pas pu payer les frais autres que les frais d’inscription ;

e) Éliminer progressivement la ségrégation sociale dans le système éducatif en garantissant un enseignement de qualité égale à tous les enfants dans toutes les écoles publiques privées.

Éducation aux droits de l’homme

83.Le Comité constate la contribution que les madrassas (écoles coraniques) ont parfois apportée pour améliorer l’accès à l’éducation, en particulier pour les enfants défavorisés et marginalisés, et les efforts faits par l’État partie pour fermer un certain nombre de madrassas radicales et réglementer celles qui restent. Il est néanmoins préoccupé par les informations concordantes selon lesquelles les programmes de certaines madrassas ne prévoient aucun autre enseignement que celui fondé sur le Coran et leur contenu pourrait inciter à la haine contre les minorités ethniques et religieuses. Il s’inquiète aussi du fait que certains manuels et programmes utilisés dans les régions du Sindh et du Pendjab comportent des images stéréotypées de minorités religieuses et ethniques (art. 13 et 14).

84. Le Comité recommande à l’État partie de contrôler le contenu des programmes et manuels scolaires et de surveiller les pratiques dans les écoles, à tous les niveaux, notamment dans les madrassas, pour veiller à ce que ceux-ci permettent le plein épanouissement de la personnalité humaine des étudiants. Il lui recommande également d’intensifier son action pour réformer les madrassas. Il lui recommande en outre d’intégrer l’enseignement des droits de l’homme dans les programmes scolaires en vue de consolider le respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Le Comité recommande par ailleurs à l’État partie de prendre des mesures appropriées pour mieux faire connaître les droits de l’homme au public et, en particulier, pour sensibiliser les chefs religieux aux droits de l’homme et au rôle qu’ils peuvent jouer pour promouvoir la compréhension, la tolérance et la coexistence pacifique entre les différents groupes ethniques et religieux.

Droits culturels et diversité linguistique

85.Le Comité note que plus de 80 langues sont parlées au Pakistan et que certaines de ces langues sont enseignées dans les écoles, en plus de l’ourdou et de l’anglais, mais il constate avec préoccupation que, souvent, les langues maternelles des étudiants ne sont pas autorisées comme véhicules d’instruction dans les écoles et qu’environ 28 langues sont menacées d’extinction (art. 13 à 15).

86. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les étudiants reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle à l’école, en particulier au niveau primaire, de façon à préserver les langues fortement menacées d’extinction et à promouvoir la diversité linguistique.

Accès à Internet

87.Le Comité constate avec préoccupation le très faible niveau d’accès à Internet dans le pays, en particulier dans les régions rurales (art. 15).

88. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer l’accès à Internet, en particulier dans les régions rurales.

D.Autres recommandations

89. Le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

90. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

91. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec l’aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient détenteurs de droits qu’ils peuvent faire valoir. La réalisation des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé à l’écart.

92. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l’évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (voir HRI/MC/2008/3).

93. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons fédéral, provincial et territorial, en particulier parmi les parlementaires, les agents de l’État et les autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l’engage aussi à associer les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale préalablement à la soumission de son prochain rapport périodique.

94. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de dix-huit mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 12, 14 et 80 a) et b) ci-dessus.

95. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre, le 30 juin 2022 au plus tard, son deuxième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l’invite aussi à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).