Nations Unies

E/C.12/URY/CO/5

Conseil économique et social

Distr. générale

20 juillet 2017

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Uruguay *

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l’Uruguay (E/C.12/URY/5) à ses 15e et 16e séances (voir E/C.12/SR.15 et 16), les 31 mai et 1er juin 2017 et a adopté les présentes observations finales à sa 47e séance, le 23 juin 2017.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du cinquième rapport périodique de l’Uruguay et les réponses écrites apportées à la liste des points (E/C.12/URY/Q/5/Add.1), qui ont été complétées oralement par la délégation. Il se félicite du dialogue constructif et ouvert qu’il a eu avec la délégation de l’État partie. Il remercie également l’État partie d’avoir fourni des renseignements complémentaires durant le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 5 février 2013.

4.Le Comité salue la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci‑après ou son adhésion à ces instruments :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, établissant une procédure de présentation de communications, le 23 février 2015 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 28 octobre 2011.

5.Le Comité salue les mesures législatives, institutionnelles et politiques prises en vue de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie, parmi lesquelles :

a)La loi no 19353 portant création du système national intégré de prise en charge (novembre 2015) ;

b)La loi no 19161 relative aux prestations de maternité et de paternité (novembre 2013) ;

c)La loi no 19140 relative à la protection de la santé des enfants et des adolescents au moyen de la promotion d’habitudes alimentaires saines, et le règlement s’y rapportant (octobre 2013 et mars 2014, respectivement) ;

d)La loi no 19122 relative aux dispositions visant à favoriser la participation des personnes d’ascendance africaine dans les domaines de l’éducation et de l’emploi (août 2013) ;

e)L’établissement du Conseil d’administration de l’Institution nationale des droits de l’homme et bureau du Défenseur du peuple (Defensoría del pueblo), qui a pris ses fonctions le 22 juin 2012.

6.Le Comité se félicite de l’adoption du système de suivi des recommandations et de la création, en novembre 2016, du Réseau interinstitutions chargé de l’établissement des rapports et du suivi de la mise en œuvre des recommandations et observations formulées dans le domaine des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Justiciabilité des droits énoncés dans le Pacte

7.Le Comité comprend que les droits énoncés dans le Pacte sont directement applicables dans l’État partie et se félicite des exemples donnés à ce sujet, mais il constate avec inquiétude que ces exemples sont encore rares et qu’ils ne concernent pas un grand nombre de droits protégés par le Pacte. Il constate aussi avec préoccupation que certaines lacunes du cadre normatif relatives aux procédures d’intérêt public peuvent dans certains cas nuire à la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels.

8. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’applicabilité directe de tous les droits énoncés dans le  Pacte à tous les niveaux du système judiciaire, notamment en examinant et en modifiant les règles de procédure qui entravent la mise en œuvre de ces droits. En  outre, le Comité encourage l’État partie à dispenser une formation, en particulier auprès des juges, des avocats, des agents de la force publique, des membres de l’Assemblée générale et d’autres acteurs, sur la teneur des droits visés par le Pacte et la possibilité de les invoquer devant les tribunaux, et à mener des campagnes de sensibilisation auprès des titulaires de droits. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national.

Dispositions législatives antidiscrimination

9.Le Comité demeure préoccupé par l’absence d’une législation complète qui couvre tous les motifs de discrimination reconnus à l’article 2 du Pacte, et par l’absence de mécanisme permettant d’en suivre efficacement la mise en œuvre. Il note en outre avec préoccupation que le refus d’aménagement raisonnable n’a pas été reconnu comme motif de discrimination envers les personnes handicapées (art. 2).

10. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation précédente (voir E/C.12/URY/CO/3-4, par. 7) et lui demande instamment d’introduire dans sa législation une interdiction expresse de la discrimination qui garantit une protection adéquate et, entre autres :

a) D’interdire expressément tous les motifs de discrimination énoncés à l’arti cle  2 du Pacte, tels qu’ils ont été interprétés dans l’observation générale n o  20 (2009) du Comité sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels  ;

b) De définir la discrimination directe et indirecte conformément aux obligations que le Pacte lui impose  ;

c) D’interdire la discrimination dans la sphère publique comme dans la sphère privée  ;

d) D’introduire des dispositions qui permettent d’obtenir réparat ion en cas de discrimination, y  compris par la voie judiciaire et la voie administrative  ;

e) De prendre les mesures nécessaires pour que la Commission honoraire contre le racisme, la xénophobie et toutes les autres formes de discrimination soit un mécanisme efficace de lutte contre la discrimination et que cette dernière soit dotée des ressources humaines, techniques et matérielles suffisantes et du mandat et de l’autorité nécessaires pour garantir son efficacité.

Discrimination envers les personnes d’ascendance africaine

11.Malgré les efforts déployés par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par la discrimination structurelle dont sont toujours victimes les personnes d’ascendance africaine, qui entrave l’exercice et la pleine jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2).

12. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la discrimination structurelle dont sont victimes les personnes d’ascendance africaine et améliorer leur situation socioéconomique, notamment par la mise en œuvre effective de la loi n o  19122 de 2013 et l’élaboration de politiques et de programmes spécifiques en vue d’assurer le plein exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité demande instamment à l’État partie de renforcer les mécanismes de supervision de ladite loi et d’autres politiques et programmes afin d’assurer un suivi périodique et de procéder à une évaluation complète de leurs effets. De plus, il invite instamment l’État partie à mener des campagnes de sensibilisation pour combattre la discrimination envers les personnes d’ascendance africaine.

Discrimination envers les migrants

13.Le Comité salue les efforts que l’État partie a accomplis pour garantir aux migrants l’accès à leurs droits économiques, sociaux et culturels, mais il est préoccupé par les comportements discriminatoires dont ils continuent de faire l’objet. Le Comité constate aussi avec inquiétude que, parfois, les délais de délivrance des cartes d’identité empêchent les migrants d’exercer effectivement ces droits (art. 2).

14. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures spécifiques pour combattre la discrimination envers les migrants et faciliter leur insertion sociale, en assurant l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels, y compris à l’emploi, à l’éducation, au logement et à la santé. Le Comité invite instamment l’État partie à redoubler d’efforts pour garantir la délivrance de cartes d’identité aux migrants dans des délais raisonnables et renvoie l’État partie à sa déclaration de 2017 sur les obligations des États parties vis-à-vis des réfugiés et des migrants.

Égalité entre hommes et femmes

15.Le Comité note avec préoccupation que, malgré les efforts que l’État partie a déployés pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, les stéréotypes sexistes continuent d’être profondément ancrés dans la société, ce qui se manifeste par des actes de discrimination et de violence envers les femmes, qui empêchent celles‑ci d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels. Ainsi, le Comité regrette que l’État partie n’ait toujours pas modifié les dispositions légales de nature discriminatoire à l’égard des femmes (art. 3).

16. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour parvenir à une réelle égalité entre hommes et femmes et, en particulier :

a) De prendre des mesures concrètes pour lutter contre la perception stéréotypée des rôles traditionnellement dévolus aux deux sexes dans la famille et dans la société  ;

b) De donner suite à sa recommandation précédente (voir  E/C.12/URY/CO/3-4, par. 16) visant à modifier ou abroger toutes les dispositions juridiques discriminatoires envers les femmes, y compris celles libellées dans des termes vexatoires  ;

c) D’achever l’adoption du projet de loi d’ensemble visant à garantir une vie exempte de violence sexuelle et sexiste, en veillant à ce que cette loi soit conforme aux meilleures normes internationales, de poursuivre la mise en œuvre du plan d’action 2016 ‑ 2019 pour une vie à l’abri de la violence sexuelle et sexiste, et d’allouer les ressources humaines, techniques et matérielles suffisantes pour assurer la mise en œuvre effective de ces textes.

Droit au travail

17.Le Comité accueille avec satisfaction les progrès accomplis par l’État partie dans le domaine de l’emploi, mais il constate avec préoccupation que les taux de chômage sont plus élevés chez les jeunes et les femmes. Il est également préoccupé par les effets limités des mesures d’action positive qui ont été prises pour faciliter l’accès à l’emploi des personnes d’ascendance africaine (art. 6).

18. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour réduire les taux de chômage parmi les groupes les plus touchés. Le Comité demande instamment à l’État partie de renforcer sa stratégie nationale de promotion de l’emploi, le programme « Uruguay trabaja » (L’Uruguay au travail) et les autres politiques relatives à l’emploi en vue de garantir leur viabilité, d’y inclure un plan d’action assorti d’objectifs précis et de traiter en priorité les causes principales du chômage parmi les groupes les plus fortement touchés. Il lui recommande aussi de continuer à accorder la priorité à des programmes de formation technique et professionnelle qui soient de qualité, adaptés aux besoins du marché du travail, et tiennent compte des besoins des personnes et des groupes les plus défavorisés et marginalisés.

Droit au travail des personnes handicapées

19.Le Comité accueille avec satisfaction le quota de 4 % de postes réservés aux personnes handicapées dans le secteur public, mais il note toujours avec préoccupation que cette règle n’est pas appliquée de façon cohérente dans tous les domaines du secteur public. En outre, le Comité est préoccupé par la faiblesse des normes et des pratiques qui favorisent la création d’emplois décents pour les personnes handicapées dans le secteur privé (art. 2 et 6).

20. À la lumière de sa recommandation précédente (voir E/C.12/URY/CO/3-4, par. 8), le Comité exhorte l’État partie :

a) À redoubler d’efforts pour appliquer effectivement le quota de 4 % de postes réservés aux personnes handicapées dans tous les domaines du secteur public ;

b) À accélérer l’examen et l’adoption du projet de loi mentionné par la délégation, qui établira un quota élevé de postes pour les personnes handicapées dans le secteur privé, et l’adoption du plan national pour l’égalité des chances et des droits des personnes handicapées ;

c) À mettre en place un mécanisme efficace de surveillance et à le doter des ressources techniques, humaines et matérielles nécessaires pour suivre la mise en œuvre des mesures susmentionnées dans les secteurs public et privé.

Économie informelle

21.Le Comité prend note avec satisfaction de la diminution considérable de la place qu’occupe l’économie informelle dans l’État partie, mais constate avec préoccupation que les femmes continuent d’être davantage représentées dans ce secteur (art. 6).

22. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour promouvoir la création d’emplois qui favorisent l’insertion des femmes dans l’économie formelle. Il lui recommande en outre de garantir l’accès à la législation du travail et à la protection sociale dans le secteur informel.

Conditions de travail des femmes

23.Le Comité prend note avec préoccupation des écarts de salaire qui continuent d’exister entre les hommes et les femmes et des obstacles que les femmes rencontrent pour faire carrière dans des conditions d’égalité avec les hommes (art. 7).

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures appropriées et efficaces pour éliminer les écarts de salaire qui continuent d’exister entre hommes et femmes, en luttant contre la ségrégation verticale et horizontale dans l’emploi  ;

b) De garantir l’application effective du principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, notamment en menant des études comparatives sur l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale dans les professions et organisations en vue d’élaborer une stratégie globale en la matière  ;

c) De prendre les mesures appropriées dans les domaines du droit, de la sensibilisation et de l’éducation afin de promouvoir une répartition équitable des responsabilités dans la famille et la société, notamment en veillant à la bonne application de la loi sur le système national intégré de prise en charge et de la loi sur les allocations de maternité et de paternité.

25. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n° 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Conditions de travail des migrants

26.Le Comité note avec inquiétude que, pour une grande partie d’entre eux, les travailleurs migrants occupent des emplois mal rémunérés et précaires (art. 7).

27. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour que les conditions de travail des migrants soient équitables et satisfaisantes, dans la loi comme dans la pratique. En outre, il engage l’État partie à poursuivre ses efforts pour veiller à ce que le mécanisme d’inspection du travail dispose de ressources suffisantes pour protéger correctement les travailleurs migrants, et à faciliter l’accès à des mécanismes de plainte contre toutes les formes d’exploitation et d’abus.

Salaire minimum

28.Tout en se félicitant de l’augmentation sensible du salaire minimum, le Comité note avec préoccupation que ce salaire n’est pas suffisant pour assurer des conditions de vie décentes aux travailleurs et aux membres de leur famille (art. 7).

29. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (voir E/C.12/URY/CO/3-4, par. 12) et demande instamment à l’État partie de redoubler d’efforts pour veiller à ce que le salaire minimum garantisse des conditions de vie décentes aux travailleurs et aux membres de leur famille.

Sécurité sociale

30.Le Comité se félicite de l’étendue de la couverture du système de sécurité sociale dans l’État partie et de l’introduction de programmes contributifs comme le « Monotributo social », mais il est préoccupé par les difficultés que les travailleurs de l’économie informelle et les travailleurs indépendants rencontrent pour avoir accès à ce programme. Le Comité prend note des informations fournies par la délégation sur le renforcement du réseau d’assistance et d’insertion sociale, mais il constate avec préoccupation que le niveau minimal actuel des prestations n’est pas suffisant pour assurer un niveau de vie décent aux bénéficiaires et aux membres de leur famille (art. 9).

31. Le Comité engage instamment l’État partie à intensifier ses efforts pour garantir une couverture sociale universelle qui assure des prestations suffisantes à tous et pour veiller à ce que les régimes non contributifs garantissent un niveau minimum de prestations afin que les groupes les plus défavorisés et marginalisés puissent vivre dans des conditions décentes. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  19 (2008) sur le droit à la sécurité sociale et sur sa déclaration sur les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des objectifs de développement durable (2015).

Travail des enfants

32.Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés pour lutter contre l’exploitation économique des enfants et des adolescents, mais il est préoccupé par le fait qu’un nombre élevé d’enfants de moins de 15 ans participent encore à des activités professionnelles. Le Comité note également avec préoccupation que les mesures de régularisation du travail des adolescents peuvent avoir parfois un effet collatéral imprévu sur la déscolarisation des enfants issus de familles à faible revenu dans l’enseignement primaire et secondaire et, ainsi, limiter la mobilité sociale (art. 10, 13 et 14).

33. Le Comité engage vivement l’État partie à continuer de prendre des mesures efficaces pour lutter contre le travail des enfants, notamment en veillant à ce que la législation qui protège les enfants de l’exploitation économique soit rigoureusement appliquée, en renforçant les dispositifs de contrôle du travail des enfants et en augmentant les mesures de soutien aux familles pauvres afin de maintenir les enfants dans le système scolaire. Le Comité recommande à l’État partie de réaliser une étude sur les effets qu’a la régularisation du travail des adolescents sur la déscolarisation des enfants issus de familles à faible revenu, et, si nécessaire, de prendre des mesures pour remédier aux éventuels effets négatifs.

Pauvreté

34.Tout en saluant les progrès importants accomplis dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans l’État partie, le Comité constate avec préoccupation que la pauvreté touche de manière disproportionnée les enfants et la population d’ascendance africaine, ainsi que les personnes vivant en zone rurale (art. 11).

35. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer son action dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Il lui demande pour cela de veiller à ce que les programmes prévus dans ce domaine soient appliqués selon une démarche fondée sur les droits de l’homme, disposent des ressources nécessaires à leur application, et accordent l’attention voulue aux groupes les plus touchés, particulièrement aux enfants, et aux disparités qui existent entre les zones u rbaines et les zones rurales. À  cet égard, le  Comité renvoie l’État partie à sa déclaratio n de 2001 sur la pauvreté et le  Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Migrants uruguayens revenus dans le pays

36.Le Comité note que les migrants uruguayens revenus dans le pays ont des difficultés à s’intégrer socialement et à jouir pleinement de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 11).

37. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts afin de garantir aux migrants uruguayens revenus dans le pays le plein exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Allaitement maternel

38.Le Comité prend note avec satisfaction des progrès réalisés par l’État partie en matière de promotion de l’allaitement maternel mais se dit préoccupé par l’absence de données statistiques actualisées sur l’allaitement maternel des enfants âgés de moins de 6 mois. En outre, il est préoccupé par l’absence de mécanismes efficaces garantissant l’application du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel sur l’ensemble du territoire de l’État partie (art. 11).

39. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour promouvoir l’allaitement maternel conformément aux résolution s de l’Assemblée mondiale de la  Santé et pour recueillir des données statistiques fiables sur l’allaitement maternel. Dans cette optique, il l’invite à accélérer l’adoption et l’application du projet de loi relatif aux salles d’allaitement. Il lui recommande également de mettre en place un mécanisme approprié pour veiller à l’application effective du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.

Obésité

40.Le Comité est préoccupé par le taux d’obésité élevé qui existe dans l’État partie et l’absence de mesures intégrées et efficaces face à ce problème (art. 11 et 12).

41. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour concevoir une stratégie nationale intégrée sur le droit à une alimentation suffisante ainsi que des programmes qui favorisent des régimes plus sains et intègrent des aspects relatifs à la commercialisation, à la planification territoriale, à l’éducation et à la politique budgétaire, et soit élaborée avec la participation de tous les acteurs. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  12 (1999) sur le droit à une alimentation suffisante et aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire mondiale, adoptées par le Consei l de l’Organisation des Nations  Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Droit à un logement suffisant

42.En dépit des mesures adoptées par l’État partie, le Comité est préoccupé par le nombre significatif de personnes qui vivent dans des établissements informels et par les renseignements reçus concernant des expulsions forcées auxquelles il a été procédé sans accorder la protection voulue aux personnes concernées. Le Comité note aussi avec préoccupation que le délit d’usurpation et l’introduction récente du délit d’ « occupation illégitime d’espaces publics » peuvent constituer, dans certains cas, une forme d’incrimination de la situation des personnes sans logement qui vivent dans la rue (art. 11).

43. Le Comité recommande à l’État partie de réviser les mesures adoptées en matière de logement en vue d’adopter une stratégie intégrée de logement social qui soit fondée sur le droit à un logement suffisant et accessible et soit assortie de critères précis en matière de qualité et d’habitabilité. Il recommande que cette stratégie accorde la priorité aux personnes et aux groupes défavorisés et marginalisés, en veillant à ce que, dans le cadre des procédures d’expulsion autorisées par la loi, les droits des intéressés soient respectés et qu’il soit tenu compte des observations générales n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et n o  7 (1997) sur les expulsions forcées. Le Comité engage l’État partie à adopter toutes les mesures nécessaires pour éviter l’incrimination de la situation des sans-abri et à veiller à ce que les politiques et les programmes nécessaires soient appliqués pour faciliter leur réinsertion sociale.

Droit à l’eau et à l’assainissement

44.S’il prend note des mesures adoptées pour garantir la qualité de l’eau, le Comité est préoccupé par l’incidence néfaste de l’utilisation insuffisamment contrôlée de produits agrochimiques sur la qualité de l’eau et les ressources en eau. Il note avec préoccupation qu’une partie de la population, en particulier dans les zones rurales, n’a toujours pas accès à des services d’assainissement appropriés (art. 11).

45. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour contrôler l’utilisation des produits agrochimiques et leurs effets sur la santé publique, et de garantir l’application effective du plan national sur l’eau pour assurer une protection efficace des ressources en eau et de la qualité de l’eau dans l’État partie. Le  Comité recommande à l’État partie d’accentuer ses efforts pour garantir l’accès aux services d’assainissement aux groupes les plus défavorisés et marginalisés, en particulier dans les zones rurales. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  15 (2002) sur le droit à l’eau et à sa déclaration de 2011 sur le droit à l’assainissement.

Accès aux médicaments

46.Le Comité est préoccupé par l’information reçue au sujet de la difficulté qu’il y a à obtenir à un prix abordable des médicaments de coût élevé. (art. 12).

47. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer le processus d’examen et d’adoption du projet de loi mentionné par la délégation au cours du dialogue pour garantir l’accès à tous les médicaments à un prix abordable afin de garantir le droit à la santé.

Vaccination

48.Le Comité note avec préoccupation les renseignements concernant le nombre élevé d’enfants qui ne sont pas vaccinés en dépit des recommandations des autorités sanitaires et des moyens mis à disposition par celles‑ci (art. 12).

49. Le Comité recommande à l’État partie d’assurer des campagnes de vaccination conformément aux critères prévus par le Ministère de la Santé et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.

Santé sexuelle et procréative

50.Tout en saluant les progrès accomplis par l’État partie en matière de santé sexuelle et procréative, en particulier l’adoption de la loi no 18987 sur l’interruption volontaire de grossesse, le Comité note avec préoccupation :

a)Les difficultés d’accès à l’information sur la santé sexuelle et procréative et aux services de santé sexuelle et procréative dans les zones rurales ;

b)Les difficultés parfois rencontrées dans l’accès aux services d’interruption volontaire de grossesse, en particulier à l’extérieur de Montevideo et dans les zones rurales, du fait qu’une partie des médecins et du personnel médical a recours à l’objection de conscience, et l’absence de mécanisme efficace pour garantir cet accès ;

c)Le taux de grossesse élevé parmi les adolescentes, qui tient notamment au fait que les services de santé sexuelle et procréative et l’information dans ce domaine ne sont pas suffisants pour la prévention des grossesses non souhaitées (art. 12).

51. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour garantir l’accessibilité et la disponibilité des services de santé sexuelle et procréative pour toutes les femmes et adolescentes, en particulier dans les zones rurales  ;

b) De faire en sorte que l’exercice de l’objection de conscience n’empêche pas les femmes d’avoir accès aux services de santé sexuelle et procréative, en particulier à l’interruption volontaire de grossesse, et de veiller à l’application efficace du « manuel de procédure sur la gestion sanitaire de l’interruption volontaire de grossesse » mentionné par la délégation  ;

c) De redoubler d’efforts pour réduire le taux élevé de grossesse parmi les adolescentes, en particulier parmi celles qui viennent de familles à faible revenu, en veillant notamment à ce que les programmes scolaires sur la santé sexuelle et procréative soient adaptés à chaque âge et soient dûment appliqués.

52. À cet égard, le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Santé mentale

53.Le Comité prend note du projet de loi sur la santé mentale examiné actuellement à l’Assemblée générale. Il est cependant préoccupé par les informations selon lesquelles ce projet de loi ne part pas d’une approche fondée sur les droits de l’homme et n’accorde pas suffisamment d’indépendance à la Commission nationale de contrôle des soins de santé mentale dont il porte création (art. 12).

54. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que le projet de loi sur la santé mentale en cours d’adoption respecte les normes internationales de protection des droits des personnes souffrant de problèmes de santé mentale et de handicaps psychosociaux, prévoie des ressources suffisantes pour son application et garantisse l’indépendance et le bon fonctionnement de la commission nationale de contrôle des soins de santé mentale dont la création est prévue par le projet  ;

b) De prendre les dispositions nécessaires pour garantir l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des services de santé mentale sur tout le territoire, en assurant des soins de qualité au niveau communautaire et en limitant l’internement et les mesures les plus strictes aux cas où ces mesures sont strictement nécessaires.

Droit à la santé et politique en matière de drogues

55.Le Comité prend acte des progrès accomplis pour préserver la santé des consommateurs de drogues illicites et éviter qu’ils ne soient incriminés, mais note que la notion juridique de « quantité raisonnable destinée à la consommation personnelle » est ambiguë et permet, dans certains cas, d’incriminer les consommateurs, ce qui les marginalise davantage et a des répercussions sur leur santé (art. 12).

56. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour que la question de la consommation de drogues soit abordée sous l’angle du droit à la santé. Il lui recommande ainsi de faire le nécessaire pour donner une définition plus précise et plus uniforme de la « quantité raisonnable destinée à la consommation personnelle » afin d’éviter l’incrimination de la consommation de drogues.

Droit à l’éducation

57.S’il prend acte des efforts réalisés par l’État partie pour réduire les inégalités en matière d’éducation, le Comité reste préoccupé par les inégalités persistantes et significatives en matière d’accès à l’éducation et de réussite scolaire, qui touchent particulièrement les enfants d’ascendance africaine et les enfants issus des groupes socioéconomiques les plus défavorisés. Il s’inquiète en particulier des taux d’abandon scolaire très élevés, surtout dans l’enseignement secondaire, et du fait qu’en dépit des efforts réalisés, l’éducation inclusive offerte aux enfants handicapés est encore limitée (art. 13 et 14).

58. Le Comité rappelle sa recommandation antérieure (voir E/C.12/URY/CO/3.4, par. 28) et engage l’État partie à redoubler d’efforts pour réduire les disparités en matière d’accès à l’éducation et de réussite scolaire, en particulier parmi les enfants d’ascendance africaine et les enfants issus de familles à faible revenu, afin, notamment, de promouvoir leur mobilité sociale. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures efficaces qui abordent en priorité les facteurs qui contribuent à l’abandon scolaire et au redoublement dans l’enseignement secondaire, particulièrement au sein des groupes marginalisés et défavorisés. Par ailleurs, il lui recommande d’accentuer ses efforts pour garantir l’éducation inclusive aux enfants handicapés. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  13 (1999) sur le droit à l’éducation.

Droits culturels

59.S’il prend bonne note des efforts accomplis par l’État partie afin de protéger le patrimoine culturel de la population d’ascendance africaine, le Comité s’inquiète de ce que la connaissance du legs historique et culturel des peuples autochtones ne soit pas suffisamment promue, en particulier dans le domaine éducatif. Il s’inquiète aussi des disparités qui existent actuellement dans l’accès et la participation à la vie culturelle entre les zones rurales et les zones urbaines, ainsi qu’entre les différents groupes socioéconomiques (art. 15).

60. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la protection des droits culturels et le respect de la diversité culturelle. Il  l’invite à cet égard à créer des conditions favorables qui permettent à la population d’ascendance africaine et à la population autochtone de conserver, développer, exprimer et diffuser leur identité, leur histoire, leur culture, leurs traditions et leurs coutumes, et à adopter les mesures nécessaires pour promouvoir la connaissance du legs historique et culturel des peuples autochtones, en particulier dans le domaine éducatif. Il lui recommande également de prendre les mesures nécessaires pour éliminer les disparités qui existent dans l’accès et la participation à la vie culturelle, ainsi que dans l’accès aux infrastructures culturelles, entre les différents groupes socioéconomiques et entre les zones rurales et les zones urbaines.

D.Recommandations diverses

61. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y  sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de dé veloppement durable à l’horizon  2030, avec l’aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient détenteurs de droits qu’ils peuvent faire valoir. La  réalisation des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé à l’écart.

62. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l’évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations  Un ies aux droits de l’homme (voir  HRI/MC/2008/3).

63. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, ainsi qu’auprès des agents de l’État, des autorités judiciaires, des parlementaires, des avocats, de l’Institution nationale des droits de l’homme et bureau du Défenseur du peuple (Defensoría del pueblo), des organisations de la société civile, et de l’informer des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre dans son prochain rapport périodique. Il l’invite aussi à associer les organisations de la société civile aux débats qui auront lieu au niveau national pour la mise en œuvre des présentes observations finales et avant la présentation de son prochain rapport périodique.

64. En ce qui concerne le suivi des présentes observations finales, il est demandé à l’État partie de communiquer, dans un délai de dix-huit mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées par le C omité aux paragraphes 16 c), 20  b) et 5 4  a).

65. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre, le 30  juin 2022 au plus tard, son sixième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l’invite aussi à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’hom me (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap.  I).