Nations Unies

E/C.12/BDI/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

16 octobre 2015

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial du Burundi *

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial du Burundi sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/BDI/1) à ses 52e, 53e et 54e séances (voir E/C.12/2015/SR.52, 53 et 54), les 21 et 22 septembre 2015. À sa 78e séance, le 9 octobre 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial du Burundi bien qu’il ait été soumis avec beaucoup de retard, ainsi que des réponses écrites de l’État partie (E/C.12/BDI/Q/1/Add.1) à la liste de points. Le Comité se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 22 mai 2014;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 18 octobre 2013;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 24 juin 2008;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 6 novembre 2007;

e)La Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, le 18 février 1993;

f)La Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, le 8 janvier 1992;

g)La Convention relative aux droits de l’enfant, le 19 octobre de 1990.

4.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de la loi no 1/04 du 5 janvier 2011 portant création de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, ainsi que de mesures contribuant à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, telles que la Politique nationale des droits de l’homme adoptée en 2012 et les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte

5.Le Comité regrette que, malgré le rang constitutionnel du Pacte, ses dispositions n’aient jamais été invoquées devant les juridictions internes, ni appliquées par celles-ci.

6. Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’applicabilité directe du Pacte en promouvant la connaissance du contenu du Pacte et la possibilité de l ’ invoquer en justice , auprès d es juges, d es avocats et des agents publics , et d es autres acteurs chargé s de l’application du Pacte, ainsi que d es titulaires de droits . Il invite également l ’ État partie à informer les parlementaires de leur rôle dans la mise en œuvre du Pacte . Le Comité se réfère à cet égard à son o bservation générale n o 9 ( 1998 ) sur l’application du Pacte au niveau national . Il demande à l’État partie d’inclure, dans son prochain rapport périodique, des informations relatives aux décisions des juridictions internes ainsi que des autorités administratives donnant effet aux droits consacrés par le Pacte.

Indépendance du pouvoir judiciaire

7.Le Comité est préoccupé par l’absence de garanties suffisantes concernant l’inamovibilité des juges, situation qui peut entraver considérablement leur indépendance (art.2, par.1).

8. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures propres à garantir que la sélection et la nomination des magistrats se fasse de manière ouverte et transparente, sur la base de leur intégrité et de leurs compétences , et de renforcer la garantie de leur indépendance .

Commission nationale indépendante des droits de l’homme

9.Le Comité est préoccupé par les contestations ayant parfois entouré la nomination et le renouvellement des membres de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, par l’insuffisance des moyens matériels et financiers mis à sa disposition et par l’absence de prise en compte de ses recommandations dans les domaines couverts par le Pacte (art. 2, par. 1).

10. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir que l es procédure s de nomination et de renouvellement des membres de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme soi en t dûment respectée s et menée s de manière transparente et ouverte . Il recommande également à l’ État partie de doter la Commission de ressources humaines et financières suffisantes lui permettant d’accomplir pleinement son mandat, en conformi té avec les Principes de Paris , et d’étudier l’opportunité de donner suite aux recommandations qu’elle émet .

Corruption

11.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les efforts consentis par l’État dans ce domaine, la corruption reste très généralisée dans l’État partie, à tous les niveaux, ce qui fait obstacle à la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a)De mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur tous les cas allégués de corruption, à tou s les niveau x , et de traduire les responsables en justice;

b) De garantir le respect des dispositions qui concernent la déclaration de patrimoine à l’entrée et à la sortie de charge dans la haute fonction publique ;

c) De protéger les « lanceurs d’alerte » qui dénoncent les cas de corruption contre toute forme de représailles , et de garantir la protection des témoins ;

d) D ’ assurer la compensation des victimes d ’ actes de corruption ;

e) De mener des actions de sensibilisation, à l’intention des fonctionnaires , des magistrats et des parlementaires , sur la nécessité d’aller vers une élimination complète de la corruption dans l’État partie .

Ressources publiques

13.Le Comité́ est préoccupé par la faible mobilisation des ressources internes destinées à financer des programmes visant à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2).

14. Le Comit é ́ recommande à l ’É tat partie de prendre les mesures n é cessaires pour mettre en œ uvre une politique fiscale adéquate au regard des besoins , progressive et socialement juste , en particulier en amélior ant le recouvrement de l’impôt afin de garantir des ressources suffisantes pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels . Il recommande un r é examen des exemptions fiscales qui r é duisent les recettes fiscales, et de veiller à ce que toute r é forme fiscale et tout projet de budget soient con ç us de mani è re transparente et sur une base participative , en vue de consacre r le maximum de ressources disponibles à la r é alisation des droits du Pacte .

Non-discrimination

15.Le Comité est préoccupé par l’absence d’une loi générale de lutte contre la discrimination, s’étendant à l’ensemble des domaines couverts par le Pacte.Il s’inquiète également de l’absence de mesures efficaces, législatives ou autres, pour lutter contre la discrimination dont sont l’objet les Batwa, les personnes atteintes d’albinisme et les personnes ayant un handicap,en particulier pour garantir l’exercice effectif de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art.2, par.2).

16. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’adopter une loi générale contre la discrimination , conformément au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte et à l’ o bservation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits éc onomiques, sociaux et culturels , interdisant la discrimination directe et indirecte pour tout motif dans l’ ensemble des domaines couverts par le Pacte ;

b) De garantir des recours effectifs aux victimes de discrimination , incluant la possibilité d’obtenir réparation ;

c) De prévenir et combattre efficacement la discrimination dont sont toujours l’objet les Batwa, les personnes atteintes d’albinisme et les personnes ayant un handicap , y compris par des campagnes de sensibilisation et le recours à l ’ action affirmative , ainsi que toutes les personnes ou groupes défavorisés ou marginalisés, afin de leur garantir l’exercice sans réserve de l ’ ensemble de s droits reconnus dans le Pacte.

Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle

17.Le Comité est préoccupé par la criminalisation de l’homosexualité dans le Code pénal, ainsi que par l’ordonnance ministérielle no 620/613 du 7 juin 2011, qui permet d’exclure un élève d’une école en raison de son orientation sexuelle (art. 2, par. 2).

18. Le Comité recommande à l’ État partie d’abroger tout e disposition pouvant entraîner une discrimination, des poursuites et des peines à l’encontre des personnes du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre et de prendre les mesures propres à garantir que l es lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres puissent exercer tous les droits consacrés dans le Pacte.

Égalité des hommes et des femmes

19.Le Comité constate avec préoccupation que les stéréotypes sur les rôles de chaque sexe demeurent enracinés dans la famille et dans la société. Il est également préoccupé par les inégalités dans le domaine du travail et par les écarts salariaux élevés (art. 3).

20. Se r éférant à son o bservation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour combattre les stéréotypes de genre, notamment par des campagnes de sensibilisation au partage des responsabilités familiales entre hommes et femmes et à l’égalité des chances professionnelles dont ils peuvent bénéficier en poursuivant des études et en suivant une formation dans des domaines autres que ceux où l’un ou l’autre sexe est traditionnellement majoritaire;

b) De prendre des mesures tendant à éliminer l’écart persistant entre les salaires des hommes et ceux des femmes, en luttant contre la ségrégation verticale et horizontale sur le marché de l’emploi qui fait que les femmes occupent des emplois peu rémunérés et se heurtent à des obstacles qui les empêchent de jouir des mêmes possibilités de carrière que les hommes , aussi bien dans le secteur formel que dans le secteur informel .

Inégalité en matière de successions et de régimes matrimoniaux

21.Le Comité est préoccupé par l’application du droit coutumier en matière de successions, de régimes matrimoniaux et de libéralités, renforçant l’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes (art. 3).

22. Le Comité recommande à l’ État partie d’adopter , sans plus attendre , une loi sur les successions, les régimes matrimoniaux et les libéralités conforme aux standards internationaux. Le Comité recommande à l’ État partie de mener de s campagnes de sensibilisation afin de faire évoluer les attitudes traditionnelles qui font obstacle à l’exercice par les femmes de leurs droits économiques, sociaux et culturels .

Droit au travail

23.Le Comité relève avec préoccupation qu’en dépit des efforts de l’État partie, le taux de chômage demeure élevé, particulièrement parmi les jeunes; en outre, un grand nombre de travailleurs demeurent dans l’économie informelle et ne sont dès lors pas couverts par la législation du travail et ne bénéficient d’aucune protection sociale (art. 6 et 9).

24. Se référant à son o bservation générale n o 18 ( 2005 ) sur le droit au travail, l e Comité recommande à l’ État partie :

a) D e prendre les mesures nécessaires pour renforcer la mise en œuvre de sa p olitique n ationale de l’ e mploi en y introduisant des objectifs précis , en ciblant ses efforts en particulier sur les jeunes et les femmes , et en renforçant la qualité de l’éducation et de la formation technique et professionnelle ;

b) En s’inspirant de la r ecommandation de 2015 de l’Organisation i nternationale du Travail (OIT) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle ( n o 204 ) , d e prendre des mesures pour régulariser la situation des travailleurs d e l’économie informel le en améliorant progressivement leurs conditions de travail et en les intégrant dans l es régimes de sécurité sociale.

Système d’inspection du travail

25.Le Comité est préoccupé par le fait que le système d’inspection du travail ne dispose pas des ressources financières et humaines nécessaires à l’accomplissement efficace de ses missions (art. 7).

26. L e Comité recommande à l’ État partie de s’assurer que le système d’inspection du travail centre ses efforts sur le respect de la législation du travail et soit doté des ressources adéquates, notamment d’un nombre suffisant d’inspecteurs du travail adéquatement formés et disposant de facilités de transport appropriés .

Salaire minimum

27.Le Comité note avec inquiétude que l’État partie n’a pas fixé un salaire minimum au niveau national (art. 7).

28. Le Comité exhorte l’ État partie à fixer un salaire minimum national en concertation avec les partenaires sociaux à un niveau suffisant et régulièrement indexé afin de garantir à tous les travailleurs et aux membres de leur s famille s des conditions de vie d écentes.

Travail forcé

29.Le Comité prend note avec préoccupation des renseignements concernant la persistance du travail forcé, dont sont l’objet notamment les Batwa qui continuent à être contraints à la pratique coutumière de l’ubugererwa (servitude), malgré son abolition formelle.

30. Le Comité engage l’État partie à prendre sans délai des mesures concrètes pour venir à bout du travail forcé, y compris par des campagnes d’information, en renforçant la protection des victimes et en poursuivant les responsables de ces pratiques .

Restrictions aux droits syndicaux

31.Le Comité juge préoccupant que l’exercice des droits syndicaux, notamment la négociation collective et le droit de grève, fasse encore l’objet de restrictions excessives dans la loi et dans la pratique (art. 8).

32. Le Comité engage l’État partie à mettre sa législation concernant les droits syndicaux en conformité avec l’article 8 du Pacte , tout en prenant en compte la Convention de 1948 de l ’ OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ( n o 87) et la Convention de 1949 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective ( n o 98 ). L ’ État partie devrait accorder une attention particulière à l’article 275 , concernant le choix des représentants syndicaux , et aux articles 21 1 à 2 23 , sur l’ex ercice du droit de grève , du Code du t ravail et aux articles 8 et 10 de la loi n o 1/015 du 29 novembre 2002 portant réglementation de l’exercice du droit syndical et du droit de grève dans la fonction publique . Le Comité appelle également l ’ État partie à protéger les droits syndicaux et à enquêter avec diligence sur toutes les plaintes de violation des droits syndicaux portées à son attention et à prévoir une réparation appropriée .

Sécurité sociale

33.Le Comité observe avec préoccupation que, malgré l’adoption d’une politique nationale de protection sociale et la mise en place du Fonds d’appui à la protection sociale, une grande partie de la population burundaise ne bénéficie d’aucune forme de protection sociale (art. 9).

34. À la lumière de son o bservation générale n o 19 (200 7 ) sur le droit à la sécurité sociale et de sa Déclaration sur l es socles de protection sociale (2015) , le Comité invite l’ État partie à intensifier ses efforts pour mettre sur pied un système de sécurité sociale qui , progressivement , garantisse à tous les travailleurs et à toute personne ou famille défavorisée une couverture sociale étendue assurant des prestations suffisan tes . Le C omité invite aussi l ’ État partie à poursuivre ses efforts en vue d’augmenter la couverture de l’accès aux services de santé et d’assurer un revenu minimum aux personnes âgées.

Violence à l’égard des femmes

35.Le Comité est préoccupé par le taux élevé des cas de violence à l’égard des femmes, en particulier des cas de violence familiale et de violence sexuelle. Il regrette les difficultés rencontrées par les femmes victimes de violence pour accéder à la justice et pour bénéficier d’un soutien adéquat (art. 10).

36. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour combattre la violence familiale et pour garantir l’accès à la justice aux victimes de violence familiale et violence sexuelle , en encourageant le signalement des infractions et en veillant à ce que les auteurs soient poursuivis et condamnés. Il recommande aussi de garantir l’accès des victimes à des services adaptés de rétablissement, de conseil et de réhabilitation, et de prendre des mesures pour sensibiliser les agents chargés de l ’ application des lois ainsi que le public à l’élimination de toute forme de violence à l’égard des femmes .

Exploitation économique des enfants

37.Le Comité note que l’âge d’admission à l’emploi prévu dans la législation de l’État partie est conforme aux normes internationales. Néanmoins, il est préoccupé par la persistance de l’exploitation économique des enfants dans l’État partie (art. 10).

38. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures efficaces pour prévenir et lutter contre l’exploitation économiq ue des enfants, surtout dans l’économie informel le . À cet égard, l’ État partie devrait veiller à ce que les dispositions légales sur le travail des enfants soient dûment appliquées, à ce que les personnes qui exploitent d es enfants soient dûment sanctionnées, et à assurer un contrôle efficace de l’application des dispositions légales sur le travail des enfants. Le Comité recommande aussi que les familles défavorisées bénéficient de mesures de soutien leu r permettant de sortir de leur situation de pauvreté et d ’ exclusion, qui est souvent à l ’ origine de l ’ exploitation économique des enfants.

Châtiments corporels

39.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas d’interdiction explicite des châtiments corporels au sein de la famille et que ceux-ci restent largement tolérés et pratiqués dans la société, y compris à l’école, dans les institutions pour enfants et dans les établissements pénitentiaires (art. 10).

40. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre d es mesures législatives et autres pour interdire et prévenir les châtiments corporels infligés aux enfants en toutes circonstances, en particulier dans les écoles, dans les institutions assurant une protection de remplacement, dans les établissements pénitentiaires et au sein de la famille .

Enfants abandonnés

41.Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’enfants ne vivant pas avec leurs familles, notamment les enfants touchés par le VIH/sida (art. 10).

42. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires en matière de soutien aux familles afin d’éviter que les enfants ne soient amenés à vivre hors de leur famille ou, lorsque pareille séparation est inévitable, afin d ’ assurer un e protection de substitution permettant à l ’ enfant de bénéficier d ’ u n environnement qui lui assure un soutien de même nature .

Pauvreté

43.Le Comité est préoccupé de ce que, malgré la mise en œuvre des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, une proportion importante de la population n’est pas en mesure de bénéficier d’un niveau de vie adéquat. Les taux de pauvreté sont les plus élevés au sein des groupes les plus marginalisés et défavorisés, y compris les femmes, les Batwa et les personnes déplacées à l’intérieur du pays (art. 11).

44. En rappelant à cet égard sa Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2001), le Co mi té recommande à l’État partie d e redoubler d’efforts pour combattre la pauvreté, en particulier l’extrême pauvreté, en veillant à ce que les programmes sociaux établis à cet effet soient mis en œuvre dans la perspective fondée sur les droits de l’homme et dotés des ressources nécessaires et en accordant l’attention aux besoins des individus, des familles et des groupes sociaux les plus défavorisés et marginalisés .

Accès à la terre et sécurité foncière

45.Le Comité constate que la pauvreté et les inégalités sociales se sont aggravées par la persistance des inégalités d’accès à la terre et des lacunes dans la sécurité foncière. Le Comité est aussi très préoccupé par les informations selon lesquelles un grand nombre de familles Batwa sont ou risquent d’être victimes d’expulsions forcées (art. 11).

46. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De lancer, dans les meilleurs délais, les réformes du secteur foncier afin de mettre en place des mesures visant à l’utili sation rationnelle de la terre et à surmonter les pratiques discriminatoires existantes, surtout à l’égard des femmes, des Batwa et des personnes déplacées à l’intérieur du pays;

b) De r enforcer les garanties d’indépendance et d’impartialité du fonctionnement de la Commission nationale des terres et autres biens, de la Cour s péciale des terres et autres biens, ainsi que du Service foncier communal, afin de garantir un accès équitable à la terre ainsi que la sécurisation adéquate des droits fonciers, particulièrement des femmes, des Batwa et des personnes déplacées à l’intérieur du pays;

c) D’adopter des mesures efficaces contre les expulsions forcées, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme , et de garantir aux victimes d’expulsions forcées un recours effectif, permettant la restitution de leurs biens et l ’ octroi d ’ une indemnisation adéquate.

Droit au logement

47.Le Comité prend note avec préoccupation qu’une proportion élevée de la population habite dans des logements précaires, dans des conditions peu adéquates, sans avoir accès à l’eau potable ni à un système d’assainissement (art. 11).

48. À la lumière de son o bservation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et de son o bservation générale n o 15 (2002) sur le droit à l’eau, ainsi que de sa Déclaration sur le droit à l’assainissement ( 201 0 ), le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures appropriées pour améliorer l’offre de logements bon marché, en particulier pour les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés , par l ’ adoption et la mise en œuvre d ’ une stratégie nationale sur le logement . Il recommande à l’État partie de veiller à ce que chacun bénéficie de la fourniture sûre et accessible de services d’approvisionnement en eau et d’assainissement.

Droit à une alimentation adéquate

49.Le Comité constate avec préoccupation que malgré la mise en œuvre de la Stratégie nationale agricole et du Plan national d’investissement agricole, l’insécurité alimentaire touche une grande partie de la population. Il s’inquiète également des taux élevés de malnutrition infantile chronique.

50. Le Comité recommande à l’ État partie de redoubler d’ efforts afin de garantir le droit à une alimentation adéquate et de renforcer la lutte contre la faim et la malnutrition infantile, en particulier dans les zones rurales . Le Comité recommande à l’État partie d ’ accroître ses efforts pour améliorer la productivité des petits producteurs agricoles en favorisant leur accès aux technologies appropriées , conformément à leur droit de bénéficier du progrès scientifique , et en facilitant leur accès aux marchés locaux, afin d’amélio rer les revenus en zone rurale. Le Comité renvoie l’ État partie à son o bservation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par l e Conseil de l ’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Accès à la santé

51.Le Comité regrette que, en dépit des efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès aux services de santé, notamment par le biais de la distribution de la carte d’assurance maladie, les personnes ou groupes défavorisés ou marginalisés, notamment les Batwa et les personnes déplacées à l’intérieur du pays, continuent d’éprouver des difficultés à accéder aux services de santé. Le Comité est également préoccupé par la qualité et la disponibilité des services des soins de santé, en particulier dans les zones rurales et reculées (art. 12).

52. Le Comité recommande à l’ État partie d’allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et de poursuivre ses efforts pour garantir l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des services de santé, en particulier dans les zones rurales et reculées. Il lui recommande en particulier d’améliorer l’infrastructure du système de soins de santé primaires et de veiller à ce que les hôpitaux disposent du personnel médical, des fournitures et des médicaments d’urgence nécessaires.

Mortalité infantile et maternelle

53.Le Comité relève avec préoccupation que, en dépit de l’instauration de la gratuité de services de santé pour les enfants de moins de 5 ans ainsi que pour les femmes enceintes, les taux de mortalité infantile et maternelle demeurent très élevés (art. 12).

54. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De redoubler d’ efforts pour réduire le taux élevé de la mortalité infantile et de la mortalité des enfants de moins de 5 ans et de faire en sorte que les naissances se déroulent avec l’assistance de professionnels de la santé dûment qualifiés;

b) De renforce r l es mesures visant à prévenir la mort alité et la morbidité maternelle s , notamment en améliorant l’accès des femmes aux soins obstétricaux et néonatals de base, et aux services de santé sexuelle et procréative. À ce sujet, le Comité invite l’ État partie à tenir compte du guide technique du Haut-Commissariat des N ations Unies aux droits de l’homme concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables (A/HRC/21/22) ;

c) De réexaminer sa législation concernant l’interdiction de l’avortement dans toutes les circonstances ;

d) De développer et de renforcer l’éducation à la santé sexuelle et procréative dans les programmes des établissements d’enseignement primaire et secondaire pour filles et garçons, de façon à ce qu’elle soit complète et adaptée à chaque tranche d’âge, dans to utes les écoles.

Prévention et traitement des maladies

55.Le Comité est préoccupé par l’augmentation du nombre de cas de VIH/sida, particulièrement dans les zones rurales. Il est également préoccupé par l’absence de mesures adéquates pour prévenir et lutter, notamment, contre le paludisme et la tuberculose (art. 12).

56. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan national de prévention de la propagation du VIH/sida, du paludisme et de la tuberculose , et de prêter l’attention voulue aux groupes à risque. Il l’exhorte à assurer une couverture suffisante en médicaments antirétroviraux , à faciliter leur accès aux personnes atteintes du VIH/sida , et à mener des activités de sensibilisation destinées à promouvoir la reconnaissance des modes de transmission du VIH et la tolérance à l’égard des personnes qui vivent avec le VIH/sida, particulièrement parmi le personnel médical, les employeurs et, d’une manière générale, la population.

Éducation

57.Le Comité note avec satisfaction l’augmentation des taux de scolarisation primaire dans l’État partie, particulièrement due à l’introduction de la mesure de gratuité des frais de scolarité. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles il existe encore des coûts indirects de scolarité, sous la forme de contributions financières demandées aux parents, qui limiteraient l’accès à l’éducation, notamment des enfants Batwa;

b)La persistance d’inégalités dans l’accès à l’éducation touchant particulièrement les enfants déplacés à l’intérieur du pays, les enfants handicapés et ceux atteints d’albinisme;

c)Le nombre considérable d’enfants inscrits dans le primaire qui ne terminent pas leurs études;

d)Le taux élevé d’abandon scolaire dans le secondaire, en particulier des filles (art. 13);

e)La faible qualité de l’enseignement en raison du nombre insuffisant d’enseignants qualifiés et du manque d’infrastructures et de matériel pédagogique.

58. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour garantir l ’application effective de la gratuité des frais de scolarité au niveau de l’enseignement p rimaire ; de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’accès de tous les enfants, au système éducatif, en encourageant l’éducation inclusive pour les enfants ayant un handicap ; et de remédier d’urgence au taux élevé d’abandon scolaire dan s le primaire et le secondaire , particulièrement concernant les filles . Il lui recommande aussi d’améliorer la qualité et l’infrastructure des écoles, en particulier dans les zones rurales, et de veiller à ce que tous les établissements scolaires des zones rurales disposent d’installations de distribution d’eau et d’assainissement adéquates, et en particulier d’installations sanitaires séparées pour les filles et les garçons.

Droits culturels des Batwa

59.Le Comité note avec préoccupation l’absence de mesures pour promouvoir la diversité culturelle et encourager la diffusion de la culture et des traditions des Batwa (art. 15).

60. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la prise de conscience du patrimoine des Batwa; et de créer les conditions favorables à la protection, au développement, à l’expression et à la diffusion par les Batwa de leur histoire, de leur culture, de leurs traditions et de leurs coutumes.

D.Autres recommandations

61. Le Comité encourage l’État partie à envisager la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques , sociaux et culturels .

62. Le Comité encourage l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur fam ille , la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées , le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’ égard des femmes ainsi que la Convention de l’OIT de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux ( n o 169) .

63. Le Comité recommande à l’État partie d e mettre en place une collecte systématique de données , et d’élaborer et d’utiliser des statistiques sur les indicateurs des droits de l’homme, dont les droits économiques, sociaux et culturels , fondées sur de telles données . À cet égard, le Comité renvoie l’État partie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme élaboré par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ( HRI/MC/2008/3 ). Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives sur l’exercice de chaque droit énoncé dans le Pacte, ventilées par âge, sexe, population rurale/urbaine et autres critères pertinents , en prêtant une attention particulière à la situation des groupes défavorisés .

64. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès des agents de l’État, des autorités judiciaires, des parlementaires, des avocats et des organisations de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l’État partie à associer les organisations de la société civile aux discussions menées au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

65. Le Comité prie l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d’ici au 31 octobre 2020 et l’invite à présenter un document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’é tablissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.