Nations Unies

E/C.12/TUR/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

12 juillet 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-sixième session

Genève, 2-20 mai 2011

Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Observations finales du Comité des droits économiques, sociauxet culturels

Turquie

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial de la Turquie sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/TUR/1) à ses 3e à 5e séances (E/C.12/2011/SR.3 à 5), tenues les 3 et 4 mai 2011, et a adopté, à sa 29e séance, le 20 mai 2011, les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Turquie qui, même s’il a été présenté avec retard, est dans l’ensemble conforme aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, ainsi que les réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/TUR/Q/1/Add.1). Le Comité apprécie également les données statistiques détaillées fournies dans les deux documents, qui ont permis d’évaluer la réalisation progressive et l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie.

3.Le Comité se félicite de l’instauration d’un dialogue avec l’État partie à propos de l’application du Pacte et apprécie que la délégation qui a participé à l’examen de ce rapport initial ait été composée de représentants de divers ministères. Le Comité regrette toutefois que la délégation n’ait pas fourni de réponses à certaines des questions importantes posées oralement.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue la ratification de plusieurs des principaux instruments internationaux, dont les huit principaux instruments relatifs aux droits de l’homme.

5.Le Comité prend note d’un certain nombre de mesures prises par l’État partie pour améliorer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, parmi lesquelles:

a)La création d’une Commission parlementaire pour l’égalité des chances des hommes et des femmes;

b)L’élargissement de la couverture vaccinale, qui a fait baisser sensiblement la mortalité infantile et juvénile;

c)La mise en œuvre du Programme de transformation du système de santé qui a contribué à l’instauration d’un système de santé plus durable et plus responsable;

d)La modification du Code pénal et d’autres dispositions destinées à combattre la violence contre les femmes;

e)La modification des dispositions du Code pénal relatives à la traite, afin de les harmoniser avec celles de la convention internationale pertinente et de ses protocoles.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie s’est réservé le droit d’interpréter et d’appliquer les dispositions des paragraphes 3 et 4 de l’article 13 du Pacte conformément à sa Constitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie de retirer s es réserve s à l’égard du Pacte, en particulier à l’égard des paragraphes 3 et 4 de l ’ article 13 , en vue d’en appliquer les dispositions et de les interpréter à la lumière de la jurisprudence du Comité.

7.Bien qu’il note avec satisfaction la garantie constitutionnelle consacrant la primauté du Pacte sur les lois nationales, le Comité regrette qu’aucune action en justice n’ait été intentée, qui témoignerait de l’applicabilité des dispositions du Pacte.

Rappelant l ’ obligation qu’a l ’ État partie de faire en sorte que les articles du Pacte puissent être invoqués devant les juridictions nationales, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les décisions de justice prises en application des dispositions du Pacte. Il l ’ engage également à veiller à ce que les programmes de formation juridique des juges et des avocats comprennent des cours sur la justiciabilité des droits consacrés par le Pacte. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  3 (1990) sur la nature des obligations des États parties et sur son Observation générale n o 9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national.

8.Le Comité note en le déplorant que l’État partie n’a pas encore établi d’institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il note également que le bureau du médiateur n’a pas encore été créé.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ établir une institution nationale des droits de l ’ homme conforme aux Principes de Paris ayant pour mandat de protéger les droits visés par le Pacte. Il l ’ invite en outre à demander, en temps voulu, que cette institution soit accréditée auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme . À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o 10 (1998) sur le rôle des institutions nationales de défense des droits de l ’ homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

9.Tout en prenant note des réformes législatives entreprises par l’État partie, le Comité est préoccupé par l’absence de cadre juridique d’application générale contre la discrimination (art. 2, par. 2).

Le Comité engage l ’ État partie à adopter une loi de portée générale sur la non-discrimination qui soit conforme aux dispositions du Pacte et à celles de son Observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, le Comité prie également l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations relatives au mandat et aux activités du Conseil pour l ’ égalité et la lutte contre la discrimination.

10.Compte tenu du fait que l’État partie n’a reconnu le statut de minorité qu’aux Grecs, aux Juifs et aux Arméniens, le Comité se dit préoccupé par l’absence d’un vaste cadre législatif qui réglementerait la reconnaissance de toutes les minorités de l’État partie, ycompris les Kurdes, les Roms et les Araméens, ainsi que la protection de leurs droits. Il est également préoccupé par le fait que ces communautés sont privées des droits reconnus aux minorités (art. 2, par. 2).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d e reconnaître toutes les minorités présentes sur son territoire et de leur offrir la pleine possibilité de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels, et d ’ adopter à cette fin les plans d ’ action qui s ’ imposent.

11.Le Comité note avec une vive inquiétude que, dans l’État partie, les personnes handicapées se heurtent encore à des obstacles majeurs dans l’exercice des droits consacrés par le Pacte, notamment pour ce qui est de leur accès à l’emploi, au logement, à l’éducation et aux soins de santé. Il note également en le regrettant que l’accès des personnes handicapées aux bâtiments, aux parcs, aux hôpitaux, aux transports en commun ainsi qu’aux autres services et lieux publics laisse toujours à désirer. Il est en outre préoccupé par le fait qu’un grand nombre de personnes handicapées ne perçoivent pas de prestations de sécurité sociale (art. 2, par. 2).

Le Comité exhorte l ’ État partie à:

a) Faire en sorte que les personnes handicapées jouissent sans aucune discrimination de tous les droits qui sont les leurs en vertu du Pacte, et puissent accéder physiquement aux bâtiments, aux parcs, aux hôpitaux, aux écoles, aux transports publics ainsi qu ’ à tous les autres services et lieux publics;

b) Allouer les ressources nécessaires à l ’ aménagement des infrastructures et services publics et privés de l ’ État partie, comme en disposent les articles 2 et 3 de la loi sur les handicapés;

c) Sensibiliser l ’ opinion, au moyen de vastes campagnes notamment, aux droits des personnes handicapées afin de combattre les stéréotypes négatifs et les préjugés;

d) Veiller de près à ce que soit appliqué, dans le secteur public comme dans le secteur privé, le système de quotas prévu à l ’ article 30 de la loi sur le travail, en vertu duquel les entreprises de plus de 50 employés sont tenues d ’ embaucher au moins une personne handicapée;

e) Combattre la marginalisation des personnes handicapées en tenant compte de leurs besoins spéciaux dans les plans de maintien des revenus du système de sécurité sociale;

f) Mettre en place un méca nisme de collecte de données relatives à l ’ exercice, par les personnes handicapées, des droits économiques, sociaux et culturels afin de déterminer la nature de leurs difficultés et d ’ évaluer les effets de la loi sur les handicapés.

Compte tenu de son Observation générale n o 5 (1994) sur les personnes souffrant d ’ un handicap, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la mise en œuvre des recommandations ci ‑ dessus .

12.Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés ont toujours beaucoup de mal à accéder aux services de santé, à l’éducation et à l’emploi, en dépit des dispositions légales destinées à promouvoir leur accès à ces services (art. 2, par. 2).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ appeler l ’ attention des responsables politiques et du grand public sur les travailleurs migrants, les demandeurs d ’ asile et les réfugiés afin que tous les droits consacrés par le Pacte leur soient octroyés.

13.Le Comité note avec préoccupation le décalage important entre les régions, ainsi qu’entre les zones urbaines et les zones rurales, dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Il note également que la grande pauvreté touche tout particulièrement l’est du pays, où les droits consacrés par le Pacte ne sont pas tous réalisés (art. 3).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de combler l ’ écart entre les régions, ainsi qu’ entre les zones urbaines et les zones rurales, en ce qui concerne la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en adoptant les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de vie dans les régions les plus défavorisées.

14.Le Comité est préoccupé par le fait qu’en dépit de la réforme législative et institutionnelle visant à promouvoir l’égalité entre les sexes, élaborée et mise en œuvre par l’État partie, les femmes continuent d’être victimes d’un traitement inégal. Il s’inquiète en outre de ce que les femmes ont vu leurs conditions de travail se détériorer récemment, ce qui a contraint nombre d’entre elles à se tourner vers l’économie informelle pour trouver un emploi. Il note que peu d’informations ont été présentées sur les effets et les résultats de la mise en œuvre du Plan d’action national en faveur de l’égalité entre les sexes (art. 3).

Le Comité rappelle l ’ article 3 du Pacte ainsi que son Observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, et prie l ’ État partie:

a) De sensibiliser le public à la question de l ’ égalité entre l es sexes et d ’ adopter des mesures, législatives ou autres, destinées à combattre les préjugés et à modifier la perception du rôle dévolu à cha que sexe;

b) D ’ élargir l ’ offre de services de garde d ’ enfants;

c) D ’ instaurer un système de quotas dans les différents domaines pour que les femmes soient plus rapidement intégrées à la vie politique et au marché de l ’ emploi;

d) De surveiller, en collaboration avec les organisations de la société civile, les effets de toutes les mesures prises sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des femmes en recueillant des données spécifiques concernant les résultats de tous ces programmes et mesures destinés à promouvoir l ’ égalité entre l es sexes.

Le Comité demande également à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les effets des mesures prises pour accroître la représentation des femmes dans l ’ économie formelle, ainsi que sur les résultats du suivi et de l ’ évaluation du Plan national d’action en faveur de l ’ égalité entre l es sexes.

15.Le Comité note avec inquiétude que le nombre de cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail est réputé élevé et regrette l’absence d’informations et de données statistiques concernant les plaintes et actions en justice ayant trait au harcèlement sexuel (art. 3 et 7).

Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l ’ incidence du harcèlement sexuel sur le lieu de travail ainsi que des données statistiques concernant les cas de harcèlement sexuel dont les juridictions pénales et les tribunaux du travail ont été saisis, y compris des renseignements sur les poursuites et les condamnations s ’ y rapportant.

16.Le Comité s’inquiète de ce que le chômage n’a pas diminué dans l’État partie malgré la croissance économique et la mise en œuvre de la Stratégie nationale de l’emploi depuis 2003. Il s’inquiète en outre de ce que le chômage touche tout particulièrement les jeunes (art. 6).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que toute nouvelle politique envisagée en matière d ’ emploi vise à offrir à chacun la possibilité d ’ obtenir un emploi, et qu ’ en particulier elle:

a) Mette en œuvre les conclusions issues de l ’ étud e approfondie de la précédente S tratégie nationale de l ’ emploi;

b) A lloue davantage de ressources à l a création d’emplois ; et

c) Crée des conditions plus favorables aux jeunes sur le marché du travail, notamment en élargissant les possibilités d ’ enseignement professionnel.

À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail, et à ses recommandations relatives à la formation technique et professionnelle telles qu ’ énoncées dans son Observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l ’ éducation.

17.Le Comité se dit préoccupé par l’insuffisance du salaire minimum dans l’État partie, dont le montant ne garantit pas un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille (art. 7).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de revoir son système de détermination du salaire minimum de manière à ce qu ’ il permette aux travailleurs et à leur famille de jouir d ’ un niveau de vie décent. Le Comité le prie également de garantir, par l ’ entremise de son système d ’ inspection du travail, que les dispositions relatives au salaire minimum sont effectivement appliquées.

18.Le Comité s’inquiète de l’écart de rémunération marqué entre hommes et femmes dans l’État partie et de ce qu’aucune inspection du travail n’ait constaté ni signalé de cas de violation du principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale (art. 7).

Le Comité engage l ’ État partie à :

a) Appeler l ’ attention sur le fait qu ’ il est illégal d ’ appliquer, pour un travail de valeur égal e , des taux de rémunération différents selon qu ’ il s ’ agit d ’ hommes ou de femmes, et rappeler les obligations des employeurs à cet égard;

b) Prévoir des recours accessibles et effectifs en cas de discrimination dans la rémunération; et

c) Former des inspecteurs du travail à l ’ application du principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égal e et prendre d ’ autres mesures visant à garantir l ’ application effectiv e de la législation en vigueur.

19.Tout en prenant note de ce que des projets de lois portant modification des lois de l’État partie sur les syndicats, les conventions collectives, la grève et le lock-out sont à l’examen, le Comité constate avec préoccupation que la législation en vigueur dans l’État partie impose de graves restrictions au droit de constituer des syndicats et au droit de grève. Le Comité s’inquiète également de ce que les travailleurs étrangers ne peuvent s’affilier aux syndicats (art. 8).

Le Comité invite l ’ État partie à adopter les mesures législatives voulues pour que les travailleurs étrangers bénéficient du droit de s ’ affilier aux syndicats de leur choix, et à modifier la loi existante sur les syndicats de sorte que les restrictions qu ’ elle comporte soient levées.

20.Le Comité se dit préoccupé par la situation précaire des personnes employées dans l’économie informelle et qui, en 2006, représentaient 48,5 % de l’ensemble de la population active et 66 % des femmes qui travaillent (art. 9 et 7).

Le Comité engage l ’ État partie à revoir son système de sécurité sociale de façon à garantir que les personnes qui travaillent dans l ’ économie informelle , en particulier les femmes, sont également couvertes. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o  19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale.

21.Le Comité constate avec préoccupation qu’environ 20 % de la population de l’État partie ne bénéficie d’aucune couverture de sécurité sociale. Il regrette aussi que les renseignements qui lui ont été communiqués ne lui aient pas permis de déterminer dans quelle mesure le système de sécurité sociale offre la protection contre les risques et aléas sociaux requise par le Pacte, et si les mesures prises ont véritablement permis d’améliorer la situation (art. 9).

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure, dans son prochain rapport périodique:

a) Des informations détaillées relatives à la couverture du système de sécurité sociale de l ’ État partie, renvoyant aux grands volets énumérés aux paragraphes 12 à 21 de l ’ Observation générale n o 19 du Comité (2007) sur le droit à la sécurité sociale; et

b) Des informations détaillées relatives à la couverture du système de sécurité sociale de l ’ État partie, y compris pour les groupes défavorisés et marginalisés, ainsi qu ’ au nombre de détenteurs de cartes vertes pour les soins médicaux .

22.Le Comité s’inquiète du faible pourcentage de personnes âgées qui perçoivent des prestations de pension et du montant de ces prestations, insuffisant pour garantir un niveau de vie décent aux bénéficiaires (art. 9, 11 et 2, par. 2).

Le Comité engage l ’ État partie à étendre l ’ aide aux personnes âgées qui ne perçoivent aucun revenu, et à revoir le montant des prestations de pension de sorte qu ’ il garantisse aux bénéficiaires un niveau de vie approprié. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o 6 (1995) , et lui demande d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur l ’ exercice des droits économiques, sociaux et cul turels par les personnes âgées.

23.Le Comité s’alarme de la très forte incidence de la violence contre les femmes dans l’État partie, malgré l’exécution du Plan d’action national de lutte contre la violence familiale exercée sur les femmes 2007-2010. Il s’inquiète également du fait que la violence familiale, y compris physique et psychologique, n’est pas érigée en infraction dans l’État partie et de l’inefficacité des recours dont disposent les victimes de violence familiale (art. 10 et 2, par. 2).

Les activités prévues dans le Plan d ’ action nation al de lutte contre la violence familiale visant en principe à remédier aux obstacles qui se posent à l ’ élimination complète de la violence à l ’ égard des femmes dans l ’ État partie, le Comité engage ce dernier à allouer les ressources nécessaires à l ’ exécution du Plan et à associer la société civile à l a surveillance de sa mise en œuvre .

Le Comité engage également l ’ État partie à ériger la violence familiale en infraction pénale, à veiller à la stricte application de la loi contre la violence à l ’ égard des femmes, à augmenter le nombre de centres d ’ accueil et à s ’assurer que les fonctionnaires concernés s ’ acquittent bien de leurs responsabilités lorsqu ’ ils ont affaire aux victimes de violence familiale.

24.Le Comité constate avec préoccupation que les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits à la maison et qu’ils sont répandus à l’école (art. 10 et 13).

Le Comité engage l ’ État partie à adopter une législation interdisant spécifiquement toutes les formes de châtiments corporels à la maison. Il l ’ engage également à sensibiliser la population contre les châtiments corporels à la maison et à l ’ école. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur l a recommandation relative à la discipline scolaire qu’il a formulée dans son Observation générale n o 13 (1999) concernant le droit à l’éducation .

25.Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie relative à l’âge minimum d’admission à l’emploi et les types d’emplois autorisés pour les enfants ne sont pas conformes aux normes internationales. Il s’inquiète en outre de ce que les mesures prises par l’État partie pour combattre le travail des enfants, qui persiste dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie du meuble, n’ont pas été adaptées à l’ampleur du phénomène (art. 10).

Le Comité engage l ’ État partie à assurer la protection des enfants contre l ’ exploitation sociale et économique, notamment en mettant sa législation en pleine conformité avec les normes de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) relatives à l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi et la réglementation de l ’ emploi d ’ enfants à des travaux dangereux, prescrites dans la Convention de l ’ OIT n o 182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (1999). Le Comité engage aussi l ’ État partie à augmenter la durée de l ’ enseignement obligatoire en la faisant passer de huit à onze ans. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail et à son Observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l ’ éducation.

26.Le Comité s’inquiète vivement des répercussions que pourraient avoir le barrage d’Ilisu, en construction, et d’autres barrages sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans les régions concernées, eu égard en particulier aux expulsions forcées, aux réinstallations et aux déplacements des populations touchées et aux indemnisations qui leur sont proposées, ainsi qu’aux conséquences de la construction de ces barrages sur les plans environnemental et culturel (art. 11, 12 et 15).

Le Comité engage l ’ État partie à tenir compte des droits de l ’ homme dans ses projets de construction d ’ infrastructures, en particulier de barrages, et à entreprendre un examen approfondi de sa législation et de ses règlements relatifs aux expulsions, à la réinstallation et à l ’ indemnisation des per sonnes touchées par ces projets, conformément à l’Observation générale n o 7 (1997) du Comité sur les expulsions forcées, en particulier le barrage d’Ilisu.

27.Le Comité note avec préoccupation qu’il a été procédé à des expulsions forcées à Istanbul, dans le cadre du projet de rénovation urbaine, sans indemnisation adéquate ni relogement des personnes expulsées. Il s’inquiète aussi de ce que, dans le cas de la communauté rom, les expulsions et les déplacements ont sérieusement compromis la scolarité des enfants. De plus, le Comité relève avec préoccupation que les lois qui s’appliquent aux projets d’urbanisation, et qui ne tiennent pas compte de la participation des intéressés, des droits de propriété et d’autres aspects relatifs aux droits de l’homme, ne sont pas compatibles avec les normes internationales (art. 11).

Le Comité engage l ’ État partie à revoir son dispositif juridique applicable aux projets d ’ urbanisation en vue de garantir que les personnes expulsées de force bénéficient d ’ une indemnisation appropriée et/ou soient relogées, conformément aux directives adoptées par le Comité dans son Observation générale n o 7 (1997) sur les expulsions forcées. Le Comité appelle aussi l ’ attention de l ’ État partie sur les principes de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement (A/HRC/4/18, annexe I ) élaborés par le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu ’ élément du droi t à un niveau de vie suffisant.

28.Le Comité exprime les préoccupations que lui inspire la grave pénurie de logements dans l’État partie, actuellement estimée à 3 millions d’unités de logement. Il regrette aussi l’absence d’informations concernant les personnes sans abri ou mal logées dans l’État partie (art. 11).

Le Comité engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts, y compris en adoptant une stratégie nationale en faveur du logement, afin d ’ accroître le nombre de logements satisfaisants disponibles, sachant en particulier que le nombre de logements construits sous les auspices de la Direction du développement de l ’ habitat ne couvre que 5 à 10 % des besoins. Le Comité engage aussi l ’ État partie à revoir sa loi de 1984 sur le logement de masse pour s ’ assurer qu ’ elle constitue le cadre juridique voulu pour la réalisation du droit à un logement suffisant.

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les sans-abri et sur le logement adéquat de la population. Il renvoie aussi l ’ État partie à son Observation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant.

29.Le Comité constate avec inquiétude que le taux de mortalité maternelle demeure élevé en dépit des progrès accomplis. Il s’inquiète tout particulièrement du nombre élevé de femmes vivant en milieu rural qui n’ont pas l’accès voulu aux soins de santé sexuelle et procréative. Il constate aussi avec préoccupation que les statistiques disponibles en matière de santé procréative ne concernent que les femmes mariées. Le Comité regrette en outre l’absence d’informations sur l’existence dans l’État partie d’une éducation en matière de santé sexuelle et procréative (art. 12 et 10).

Le Comité engage l ’ État partie à garantir à tous, sans discrimination, l ’ exercice des droits en matière de santé procréative, et à envisager de modifier le Plan stratégique 2005-2015 de santé en matière de fécondité pour y inclure des mesures ciblées et des ressources propres à améliorer l ’ accès aux services de santé sexuelle et procréative et la prestation de ces services dans les zones rurales. Il engage aussi l ’ État par tie à recueillir des données relatives à la santé procréative des femmes et des filles, quel que soit leur âge ou leur situation matrimoniale , et à inclure dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur l ’ éducation et les services en matière de santé sexuelle et procréative. Le Comité invite l ’ État partie à se reporter à son Observation générale n o 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint.

30.Bien que les services de santé mentale aient renoncé à utiliser le traitement électrochoc sans anesthésie ou myorelaxants et que les directives applicables au traitement électrochoc aient été diffusées auprès des facultés de médecine, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pris aucune mesure, législative ou autre, pour abolir ces pratiques (art. 12).

Le Comité engage l ’ État partie à réglementer l ’ utilisation du traitement électrochoc pour les patients souffrant de troubles mentaux en adoptant les modifications voulues au x textes législatifs existants.

31.Le Comité regrette que les acteurs de la société civile n’aient pas été associés à l’élaboration du rapport initial de l’État partie sur l’application du Pacte (E/C.12/TUR/1).

Le Comité recommande que l ’ État partie dialogue et coop ère davantage avec les organisations de la société civile qui œuvrent en faveur de la protection des droits de l ’ homme et, en particulier, de la promotion et de la protection des droits économiques, sociaux et culturels. Il l ’ encourage également à associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre des recommandations du Comité et à l ’ élaboration du prochain rapport périodique.

32. Le Comité engage vivement l’État partie à offrir aux élèves et étudiants, à tous les niveaux de l’enseignement, une éducation aux droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, et aux personnels de toutes les professions et de tous les secteurs qui jouent un rôle direct dans la promotion et la protection des droits de l’homme, notamment les fonctionnaires publics, les enseignants, les professionnels de santé, les responsables de l’application des lois, la police et l’armée, une formation aux droits de l’homme.

33. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations actualisées et détaillées sur:

a) L ’ impact de l ’ application des règlements relatifs à la santé et à la sécurité au travail, énumérés au paragraphe 15 4 du rapport initial de l ’ État partie (E/C.12/T UR/1), y compris des données concernant le non-respect des dispositions en vigueur, qu ’ il en ait été fait part via les inspections de suivi ou via les inspections du travail;

b) L ’ accès, sur les plans physique et économique, à l ’ eau et aux équipements sanitaires, en particulier pour les groupes défavorisés et marginalisés, y compris des données statistiques ventilées par région et par zone urbaine/rurale;

c) L ’ impact des mesures prises pour lutter contre les mariages précoces ou forcés;

d) L’ampleur de la traite des femmes et des enfants à destination et en provenance de l’État partie ainsi que le nombre de poursuites et de condamnations, en indiquant les peines prononcées;

e ) L ’ offre de traitements de substitution de la toxicomanie, notamment l ’ ouverture de nouveaux centres de traitement, comme indiqué au paragraphe 136 des réponses écrites du Gouvernement à la liste des points à traiter (E/C.12.TUR/ Q/1/Add.1), et l ’ accessibilité économique de ces traitements, ainsi que le type de traitement autorisé par les deux circulaires relatives aux normes en matière de traitement;

f ) L ’ offre de services de santé mentale, y compris le recours aux soins ambulatoires pour le traitement des maladies mentales, ainsi que l ’ accessibilité économique de ces services; et

g ) L ’ impact des mesures prises pour prévenir le suicide des femmes.

34. L’État partie poursuivant l’action entreprise dans le domaine des réformes législatives, le Comité l’encourage à prendre systématiquement en compte, à cet égard, ses obligations au titre du Pacte, et à évaluer régulièrement l’impact que les changements introduits sur le plan législatif ont sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

35. Le Comité encourage l’État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il l’encourage également à envisager de signer et de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

36. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier au sein de l’administration, de l’appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les faire traduire et de leur donner la plus large publicité possible, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des mesures qu’il aura prises pour y donner suite. Il invite également l’État partie à continuer d’associer les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

37. Le Comité demande à l’État partie de soumettre d’ici au 30 juin 2016 son deuxième rapport périodique, établi conformément aux directives rév isées du Comité concernant l’établissement de rapports qu’il a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2) .