NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/GC/186 février 2006

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELS

Trente-cinquième sessionGenève, 7-25 novembre 2005Point 3 de l’ordre du jour provisoire

LE DROIT AU TRAVAIL

Observation générale n o 18

Adoptée le 24 novembre 2005

Article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

I. INTRODUCTION ET PRINCIPES DE BASE

1.Le droit au travail est un droit fondamental reconnu dans plusieurs instruments juridiques internationaux. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dans son article 6, traite de façon plus complète de ce droit qu’aucun autre instrument. Le droit au travail est indispensable à l’exercice d’autres droits de l’homme; il est inséparable et fait partie intégrante de la dignité humaine. Toute personne a le droit de pouvoir travailler, lui permettant ainsi de vivre dans la dignité. Le droit au travail concourt à la fois à la survie de l’individu et de sa famille et, dans la mesure où le travail est librement choisi ou accepté, à son épanouissement et sa reconnaissance au sein de la communauté.

2.Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels consacre le droit au travail en général dans son article 6 et explicite la dimension individuelle de ce droit en reconnaissant à l’article 7 le droit de chacun à des conditions de travail justes et favorables, notamment le droit à la sécurité des conditions de travail. La dimension collective du droit au travail est abordée à l’article 8, qui consacre le droit de former des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix ainsi que le droit des syndicats d’exercer librement leur activité. Lors de la rédaction de l’article 6 du Pacte, la Commission des droits de l’homme a affirmé la nécessité de reconnaître le droit au travail dans un sens large en établissant des obligations juridiques précises et non pas un simple principe à portée philosophique. L’article 6 définit le droit au travail de manière générale et non exhaustive. Au paragraphe 1 de l’article 6, les États parties reconnaissent «le droit au travail, qui comprend le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit». Au paragraphe 2, ils reconnaissent qu’«en vue d’assurer le plein exercice de ce droit», les mesures à prendre doivent inclure « l’orientation et la formation techniques et professionnelles, l’élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif dans des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés politiques et économiques fondamentales».

3.Ces objectifs reflètent les buts et principes fondamentaux de l’Organisation des Nations Unies, tels qu’ils sont définis au paragraphe 3 de l’Article premier de la Charte des Nations Unies. Ces objectifs se retrouvent aussi pour l’essentiel au paragraphe 1 de l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Depuis l’adoption du Pacte par l’Assemblée générale en 1966, plusieurs instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme ont reconnu le droit au travail. Au niveau international, le droit au travail est notamment évoqué: au paragraphe 3 a) de l’article 8du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; à l’alinéa e i) de l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; au paragraphe 1 a) de l’article 11 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; à l’article 32 de la Convention relative aux droits de l’enfant; et aux articles 11, 25, 26, 40, 52 et 54 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Plusieurs instruments régionaux reconnaissent le droit au travail dans sa dimension générale, notamment la Charte sociale européenne de 1961 et la Charte sociale européenne révisée de 1996 (part. II, art. 1), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels de 1988 (art. 6), et consacrent le principe selon lequel le respect du droit au travail impose aux États parties l’obligation d’adopter des mesures ayant pour but la réalisation du plein emploi. Par ailleurs, le droit au travail a été proclamé par l’Assemblée générale des Nations Unies dans la Déclaration sur le progrès social et le développement, par sa résolution 2542 (XXIV) du 11 décembre 1969 (art. 6).

4.Le droit au travail, tel que consacré par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, affirme l’obligation des États parties de garantir aux individus leur droit à un travail librement choisi ou accepté, notamment le droit de ne pas en être privé injustement. Cette définition illustre le fait que le respect de l’individu et de sa dignité passe notamment par la liberté de l’individu quant au choix de travailler tout en soulignant le rôle du travail dans son épanouissement personnel ainsi que dans son intégration sociale et économique. La Convention no 122 de l’Organisation internationale du Travail concernant la politique de l’emploi (1964) évoque le «plein emploi, productif et librement choisi», liant l’obligation de l’État partie de créer les conditions du plein emploi à l’obligation de veiller à l’absence de travail forcé. Néanmoins, pour des millions d’êtres humains dans le monde, la pleine jouissance du droit à un travail librement choisi ou accepté reste un objectif lointain. Le Comité reconnaît l’existence d’obstacles structurels et autres résultant de facteurs internationaux et échappant au contrôle des États, obstacles qui entravent la pleine mise en œuvre de l’article 6 dans un grand nombre d’États parties.

5.Dans le souci d’aider les États parties à mettre en œuvre le Pacte et à s’acquitter de leurs obligations en matière d’établissement de rapports, la présente observation générale porte sur le contenu normatif de l’article 6 (chap. II), les obligations des États parties (chap. III), les manquements aux obligations (chap. IV) et la mise en œuvre au niveau national (chap. V), tandis que les obligations des acteurs autres que les États parties font l’objet du chapitre VI. La présente observation générale est fondée sur l’expérience acquise depuis de nombreuses années par le Comité à l’occasion de l’examen des rapports des États parties.

II. CONTENU NORMATIF DU DROIT AU TRAVAIL

6.Le droit au travail est un droit individuel qui appartient à chacun et dans le même temps un droit collectif. Il s’applique à toutes les formes de travail, indépendant ou salarié. Il ne saurait se comprendre comme un droit absolu et inconditionnel d’obtenir un emploi. Le paragraphe 1 de l’article 6 contient une définition du droit au travail et le paragraphe 2 cite, à titre d’illustration et de manière non exhaustive, des exemples d’obligations incombant aux États parties. Le droit au travail comprend le droit de tout être humain de décider librement d’accepter ou de choisir un travail, ce qui suppose de ne pas être forcé de quelque manière que ce soit à exercer une activité ou à prendre un emploi, et le droit de bénéficier d’un système de protection garantissant à chaque travailleur l’accès à l’emploi. Il suppose aussi le droit de ne pas être injustement privé d’emploi.

7.Le travail tel qu’énoncé à l’article 6 du Pacte doit pouvoir être qualifié de travail décent. Un travail décent respecte les droits fondamentaux de la personne humaine ainsi que les droits des travailleurs concernant les conditions de sécurité au travail et de rémunération. Il assure aussi un revenu permettant au travailleur de vivre et de faire vivre sa famille, conformément à l’article 7 du Pacte. Parmi ces droits fondamentaux figurent le respect de l’intégrité physique et mentale du travailleur dans l’exercice de son activité.

8.Les articles 6, 7 et 8 du Pacte sont interdépendants. La qualification de travail décent présuppose que le travail respecte les droits fondamentaux du travailleur. Même s’ils sont étroitement liés à l’article 6, les articles 7 et 8 feront l’objet d’observations générales distinctes. Ils ne seront donc mentionnés que lorsque l’indivisibilité des droits visés l’exigera.

9.L’Organisation internationale du Travail définit le travail forcé comme «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré». Le Comité réaffirme la nécessité pour les États parties d’abolir, d’interdire et de faire cesser toutes les formes de travail forcé, conformément à l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 5 de la Convention relative à l’esclavage et à l’article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

10.Le taux de chômage élevé et le manque de sécurité de l’emploi incitent les travailleurs à exercer un emploi dans le secteur informel de l’économie. Les États parties doivent prendre les mesures législatives et autres nécessaires pour réduire au maximum le nombre de travailleurs non déclarés, qui de ce fait ne disposent d’aucune protection. Ces mesures obligeraient les employeurs à respecter la législation du travail et à déclarer les personnes qu’ils emploient, leur permettant ainsi d’exercer l’ensemble des droits des travailleurs et en particulier ceux énoncés aux articles 6, 7 et 8 du Pacte. Elles doivent prendre en compte le fait que les personnes vivant d’activités économiques informelles le font le plus souvent par nécessité de survivre et non par choix. De même, le travail domestique et le travail agricole doivent être réglementés de manière adéquate par la législation nationale pour que les travailleurs domestiques et les travailleurs agricoles jouissent du même niveau de protection que les autres travailleurs.

11.La Convention no 158 de l’OIT sur le licenciement (1982) définit la licéité du licenciement en son article 4; elle impose en particulier l’existence d’un motif valable de licenciement et reconnaît le droit à réparation − juridique ou autre − en cas de licenciement injustifié.

12.L’exercice du droit au travail sous toutes ses formes et à tous les niveaux suppose l’existence des éléments interdépendants et essentiels suivants, dont la mise en œuvre dépendra des conditions existant dans chacun des États parties:

a)Disponibilité. Il doit exister dans l’État partie des services spécialisés ayant pour fonction d’aider et de soutenir les individus afin de leur permettre de trouver un emploi.

b)Accessibilité. Le marché du travail doit pouvoir être accessible à toute personne relevant de la juridiction de l’État partie. L’accessibilité revêt trois dimensions:

i)En vertu du paragraphe 2 de l’article 2 et de l’article 3, le Pacte proscrit toute discrimination dans l’accès à l’emploi ainsi que dans le maintien de l’emploi qu’elle soit fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, un handicap physique ou mental, l’état de santé (y compris l’infection par le VIH/sida), l’orientation sexuelle, la situation civile, politique, sociale ou autre, dans l’intention ou avec pour effet de contrarier ou de rendre impossible l’exercice sur un pied d’égalité du droit au travail. Selon les termes de l’article 2 de la Convention no 111 de l’OIT, les États parties devraient «formuler et adopter une politique nationale visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l’égalité des chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, afin d’éliminer toute discrimination en la matière». Comme il a été souligné au paragraphe 18 de l’Observation générale no 14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (2000), nombre de mesures, de même que la plupart des stratégies et programmes visant à éliminer toute discrimination en matière d’accès à l’emploi, peuvent être mises en œuvre moyennant des incidences financières minimales grâce à l’adoption, la modification ou l’abrogation de textes législatifs ou à la diffusion d’informations. Le Comité rappelle que, même en temps de grave pénurie de ressources, les individus et groupes défavorisés et marginalisés doivent être protégés grâce à la mise en œuvre de programmes spécifiques relativement peu coûteux;

ii)L’accessibilité physique constitue l’une des dimensions de l’accessibilité au travail, telle qu’énoncée au paragraphe 22 de l’Observation générale no 5 sur les personnes souffrant d’un handicap;

iii)L’accessibilité comprend le droit de rechercher, d’obtenir et de communiquer des informations sur les moyens d’accéder à un emploi par la mise en place de réseaux d’information sur le marché de l’emploi aux niveaux local, régional, national et international.

c)Acceptabilité et qualité. La protection du droit au travail revêt plusieurs volets, notamment le droit du travailleur à des conditions de travail justes et favorables, en particulier à la sécurité des conditions de travail, au droit de former des syndicats et au droit de choisir et d’accepter librement un travail.

Thèmes spécifiques de portée générale

Les femmes et le droit au travail

13.Aux termes de l’article 3 du Pacte, les États parties s’engagent à «assurer le droit égal qu’ont l’homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels». Le Comité souligne la nécessité d’élaborer un système global de protection pour lutter contre la discrimination dont les femmes sont victimes et pour assurer l’égalité de chances et de traitement des hommes et des femmes dans leur droit au travail en garantissant un salaire égal pour un travail de valeur égale. En particulier, la grossesse ne doit pas constituer un obstacle à l’accès à l’emploi et ne saurait justifier la perte de l’emploi. Enfin, il faut souligner l’existence d’un lien entre le fait que les femmes ont moins accès à l’éducation que les hommes et certaines cultures traditionnelles qui compromettent les chances d’emploi et d’avancement des femmes.

Les jeunes et le droit au travail

14.L’accès au premier emploi constitue une chance d’être économiquement indépendant et souvent d’échapper à la pauvreté. Les jeunes, en particulier les jeunes femmes, éprouvent généralement de grandes difficultés à trouver un premier emploi. Des mesures nationales visant à dispenser un enseignement et une formation professionnels adaptés devraient être adoptées et mises en oeuvre pour favoriser et soutenir l’accès des jeunes, et plus particulièrement des jeunes femmes, à l’emploi.

Le travail des enfants et le droit au travail

15.La protection des enfants relève de l’article 10 du Pacte. Enfin, le Comité rappelle son Observation générale no 14 (2000) et plus particulièrement les paragraphes 22 et 23 sur le droit à la santé des enfants, et souligne la nécessité de protéger les enfants des formes de travail pouvant porter préjudice à leur développement ou à leur santé physique ou psychique. Il réaffirme la nécessité de protéger les enfants de l’exploitation économique et de leur permettre de s’épanouir pleinement et d’acquérir une formation technique et professionnelle conformément au paragraphe 2 de l’article 6. Le Comité rappelle à cet égard son Observation générale no 13 (1999) et notamment la définition de la formation technique et professionnelle (par. 15 et 16) devant être appréhendée comme un élément de l’enseignement général. Plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme adoptés ultérieurement au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, telle la Convention relative aux droits de l’enfant, ont reconnu la nécessité de protéger les enfants et les adolescents contre toute forme d’exploitation économique ou de travail forcé.

Les personnes âgées et le droit au travail

16.Le Comité rappelle son Observation générale no 6 (1995) portant sur les droits économiques, sociaux et culturels des personnes âgées et notamment la nécessité d’adopter des mesures propres à éviter toute discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi et de profession.

Les personnes handicapées et le droit au travail

17.Le Comité rappelle le principe de non‑discrimination dans l’accès au travail des personnes handicapées énoncé dans son Observation générale no 5 (1994) sur les personnes souffrant d’un. handicap. «Le “droit de toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté” n’est pas réalisé lorsque la seule véritable possibilité offerte aux personnes souffrant d’un handicap est de travailler dans un environnement dit “protégé” et dans des conditions ne répondant pas aux normes». Les États doivent prendre des mesures permettant aux personnes handicapées d’obtenir et de conserver un emploi convenable, de progresser professionnellement, et partant, de faciliter leur insertion ou leur réinsertion dans la société.

Les travailleurs migrants et le droit au travail

18.Le principe de non‑discrimination consacré à l’article 2.2 du Pacte et à l’article 7 de la Convention internationale relative à la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille devrait s’appliquer à l’accès à l’emploi des travailleurs migrants et des membres de leur famille. À cet égard, le Comité souligne la nécessité d’élaborer des plans d’action nationaux visant à respecter et à promouvoir ces principes par le biais de mesures appropriées, législatives ou autres.

III. OBLIGATIONS INCOMBANT AUX ETATS PARTIES

Obligations juridiques générales

19.La principale obligation des États parties consiste à assurer progressivement le plein exercice du droit au travail. Les États parties doivent donc adopter aussi rapidement que possible des mesures ayant pour objectif le plein emploi. S’il est vrai que le Pacte prévoit la réalisation progressive des droits qui y sont énoncés et prend en considération les contraintes dues à la limitation des ressources disponibles, il n’en impose pas moins aux États parties diverses obligations avec effet immédiat. Les États parties ont des obligations immédiates au regard du droit au travail comme celle de «garantir» qu’il sera exercé «sans discrimination aucune» (art. 2, par. 2) et celle d’«agir» (art. 2, par. 1) en vue d’assurer l’application pleine et entière de l’article 6. Les mesures à prendre à cet effet doivent avoir un caractère délibéré et concret et viser au plein exercice du droit au travail.

20.Le fait que la réalisation du droit au travail s’opère progressivement et s’inscrit dans le temps, ne devrait pas être interprété comme privant les obligations de l’État partie de tout contenu effectif. Il signifie que les États parties ont pour obligation précise et constante «d’œuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible» pour appliquer intégralement l’article 6.

21.Comme pour les autres droits énumérés dans le Pacte, aucune mesure rétrograde ne devrait en principe être adoptée s’agissant du droit au travail. S’il prend une mesure délibérément rétrograde, l’État partie considéré doit apporter la preuve qu’il l’a fait après avoir recherché toutes les autres solutions possibles et que cette mesure est pleinement justifiée eu égard à l’ensemble des droits visés dans le Pacte, et ce, en utilisant au maximum les ressources disponibles.

22.Le droit au travail, à l’instar de tous les autres droits de l’homme, impose trois catégories ou niveaux d’obligations aux États parties: les obligations de le respecter, de le protéger et de le mettre en œuvre. L’obligation de respecter le droit au travail exige que l’État s’abstienne d’en entraver directement ou indirectement l’exercice. L’obligation de protéger requiert des États parties qu’ils prennent des mesures pour empêcher des tiers de s’immiscer dans l’exercice du droit au travail. L’obligation de mettre en œuvre englobe l’obligation d’en assurer, d’en faciliter et d’en promouvoir l’exercice. Elle suppose que l’État adopte des mesures appropriées d’ordre législatif, administratif, budgétaire, judiciaire et autre pour assurer la pleine réalisation de ce droit.

Obligations juridiques spécifiques

23.Les États sont en particulier liés par l’obligation de respecter le droit au travail, notamment en interdisant le travail forcé ou obligatoire et en s’abstenant de refuser ou d’amoindrir l’égalité d’accès de tous à un travail décent, surtout les individus et groupes défavorisés et marginalisés, dont les détenus, les membres de minorités et les travailleurs migrants. Les États parties sont en particulier liés par l’obligation de respecter le droit des femmes et des jeunes à accéder à un emploi décent, et donc de prendre des mesures pour lutter contre la discrimination et promouvoir l’égalité d’accès et de chances.

24.Concernant les obligations relatives au travail des enfants qui leur incombent énoncées dans l’article 10 du Pacte, les États parties doivent prendre des mesures concrètes, en particulier législatives, pour interdire le travail des enfants âgés de moins de 16 ans. En outre, ils doivent interdire toutes les formes d’exploitation économique et de travail forcé des enfants. Ils doivent adopter des mesures concrètes pour s’assurer que l’interdiction du travail des enfants est pleinement respectée.

25.L’obligation de protéger le droit au travail englobe notamment les devoirs incombant à l’État partie d’adopter une législation ou de prendre d’autres mesures destinées à assurer l’égalité d’accès au travail et à la formation, et de veiller à ce que les mesures de privatisation n’affaiblissent pas les droits des travailleurs. Les mesures particulières prises pour accroître la flexibilité des marchés du travail ne doivent pas avoir pour effet la précarisation du travail et la diminution de la protection sociale du travailleur. L’obligation de respecter le droit au travail inclut la responsabilité des États parties d’interdire le travail forcé ou obligatoire aux acteurs non étatiques.

26.Les États parties sont tenus de mettre en œuvre (d’assurer l’exercice du droit au travail) lorsque des individus ou des groupes sont incapables, pour des raisons échappant à leur contrôle, d’exercer ce droit avec les moyens qui sont à leur disposition. Cette obligation englobe notamment l’obligation de reconnaître le droit au travail dans le système juridique national et d’adopter une politique nationale sur le droit au travail ainsi qu’un plan détaillé tendant à donner effet à ce dernier. Le droit au travail requiert l’élaboration et la mise en œuvre par l’État partie d’une politique de l’emploi en vue de «stimuler la croissance et le développement économiques, d’élever les niveaux de vie, de répondre au besoin de main‑d’œuvre et de résoudre le problème du chômage et du sous-emploi». C’est dans ce cadre que des mesures effectives augmentant les ressources allouées à la réduction du taux de chômage touchant en particulier les femmes ainsi que les personnes défavorisées et marginalisées devraient être prises par les États parties. Le Comité souligne la nécessité de mettre en place un mécanisme d’indemnisation lors de la perte de l’emploi ainsi que l’obligation de prendre les mesures nécessaires permettant la mise en place de services de l’emploi (publics ou privés), au niveau national et local.. En outre, l’obligation de mettre en œuvre (d’assurer l’exercice du droit au travail) englobe la mise en place par les États parties de plans de lutte contre le chômage.

27.L’obligation de mettre en œuvre (faciliter l’exercice du droit au travail) requiert des États qu’ils prennent des mesures positives pour permettre aux individus de jouir du droit au travail et les aider à le faire, et appliquent des plans de formation technique et professionnelle facilitant l’accès à l’emploi.

28.L’obligation de mettre en œuvre (promouvoir l’exercice du droit au travail) requiert des États parties qu’ils appliquent, par exemple, des programmes d’enseignement et d’information pour sensibiliser le public au droit au travail.

Obligations internationales

29.Dans son Observation générale no 3 (1990), le Comité a appelé l’attention sur l’obligation faite à tous les États parties d’agir, tant par leur effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte. Dans l’esprit de l’Article 56 de la Charte des Nations Unies et de dispositions spécifiques du Pacte (art. 2.1, 6, 22 et 23), les États parties devraient reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale et honorer leur engagement de prendre conjointement et séparément des mesures pour assurer la pleine réalisation du droit au travail. Les États parties devraient, par voie d’accords internationaux s’il y a lieu, faire en sorte que le droit au travail tel qu’énoncé aux articles 6, 7 et 8 bénéficie de l’attention voulue.

30.Pour s’acquitter des obligations internationales leur incombant au titre de l’article 6, les États parties devraient s’efforcer de promouvoir l’exercice du droit au travail dans les autres pays ainsi que dans les négociations bilatérales et multilatérales. Dans les négociations avec les institutions financières internationales, ils devraient veiller à ce que le droit au travail de leur population soit protégé. Les États parties qui sont membres d’institutions financières internationales, notamment du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de banques régionales de développement, devraient porter une plus grande attention à la protection du droit au travail et infléchir dans ce sens les politiques de prêt, les accords de crédit, les programmes d’ajustement structurel et les autres mesures internationales prises par ces institutions. Les stratégies, les programmes et les politiques adoptées par les États parties dans le cadre de programmes d’ajustement structurel ne devraient pas entraver leurs obligations fondamentales ni avoir un impact négatif sur le droit au travail des femmes, des jeunes et des individus et groupes défavorisés et marginalisés.

Obligations fondamentales

31.Dans l’Observation générale no 3 (1990), le Comité confirme que les États parties ont l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits énoncés dans le Pacte. Dans le contexte de l’article 6, cette «obligation fondamentale» englobe l’obligation d’assurer la non‑discrimination et l’égale protection de l’emploi. La discrimination dans le domaine de l’emploi est constituée d’un large faisceau de violations touchant toutes les phases de la vie, de l’éducation de base à la retraite, et peut avoir un impact non négligeable sur la situation professionnelle des individus et des groupes. L’État partie a donc pour obligation fondamentale minimum:

a)De garantir le droit d’accès à l’emploi, en particulier pour les individus et groupes défavorisés et marginalisés, leur permettant d’avoir une existence digne;

b)D’éviter toute mesure engendrant des discriminations et des traitements inégaux des individus et groupes défavorisés et marginalisés dans les secteurs privé et public ou de fragiliser les mécanismes de protection de ces individus et groupes;

c)D’adopter et de mettre en œuvre au niveau national une stratégie et un plan d’action en matière d’emploi, reposant sur les préoccupations de l’ensemble des travailleurs et y répondant, dans le cadre d’un processus participatif et transparent qui associe les organisations d’employeurs et de travailleurs. Cette stratégie et ce plan d’action devraient viser plus particulièrement les individus et groupes défavorisés et marginalisés, et reposer sur des indicateurs et critères permettant de mesurer périodiquement les progrès.

IV. MANQUEMENTS AUX OBLIGATIONS

32.Il importe d’établir chez l’État partie qui ne s’acquitte pas des obligations lui incombant au titre de l’article 6, une distinction entre l’incapacité et le manque de volonté. Ce constat découle du paragraphe 1 de l’article 6, qui énonce le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, qui fait obligation à chaque État partie de prendre les mesures nécessaires «au maximum de ses ressources disponibles». C’est à la lumière de ces deux articles que doivent être interprétées les obligations d’un État partie. Un État dépourvu de la volonté d’utiliser au maximum ses ressources disponibles pour donner effet au droit au travail manque aux obligations lui incombant en vertu de l’article 6. Néanmoins, la pénurie de ressources pourrait expliquer les difficultés qu’un État partie peut éprouver pour garantir pleinement l’exercice du droit au travail, dans la mesure où cet État démontrerait qu’il a utilisé ses ressources disponibles au maximum pour s’acquitter, à titre prioritaire, des obligations susmentionnées. Les atteintes au droit au travail peuvent être le fait d’une action directe de l’État ou d’entités contrôlées par lui, ou des mesures insuffisantes prises pour inciter à l’embauche. Des manquements par la voie d’omissions se produisent, par exemple, lorsque l’État partie ne réglemente pas les activités des individus et des groupes de façon à les empêcher d’entraver le droit d’autrui au travail. Les manquements par la voie de la commission d’actes englobent: le travail forcé; l’abrogation ou la suspension officielle de la législation nécessaire à l’exercice permanent du droit au travail; le déni de l’accès au travail à certains individus ou groupes, que cette discrimination repose sur la législation ou sur la pratique; et l’adoption de mesures législatives ou de politiques manifestement incompatibles avec les obligations juridiques préexistantes touchant le droit au travail.

Manquements à l’obligation de respecter

33.L’État se soustrait à l’obligation de respecter le droit au travail quand des lois, des politiques ou bien des actions sont contraires aux normes énoncées à l’article 6 du Pacte. Notamment, toute discrimination en matière d’accès au marché du travail ou aux moyens et prestations permettant de se procurer du travail, que cette discrimination soit fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, l’âge, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, dans le but de porter atteinte à la jouissance ou à l’exercice, en pleine égalité, des droits économiques, sociaux et culturels, constitue une violation du Pacte. Le principe de non-discrimination énoncé au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte est immédiatement applicable et n’est ni sujet à une mise en œuvre progressive ni tributaire des ressources disponibles. Il s’applique directement à tous les aspects du droit au travail. Le fait pour l’État de ne pas tenir compte des obligations juridiques qui lui incombent en vertu du droit au travail lors de la conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux avec d’autres États, avec des organisations internationales ou avec d’autres entités telles que les entités multinationales, constitue un manquement à son obligation de respecter le droit au travail.

34.Comme pour tous les autres droits énoncés dans le Pacte, tout laisse supposer que l’adoption de mesures rétrogrades concernant le droit au travail n’est pas autorisée. Sont notamment considérées comme des mesures rétrogrades le déni de l’accès à l’emploi à certains individus ou groupes, que cette discrimination repose sur la législation ou sur la pratique, l’abrogation ou la suspension de la législation nécessaire à l’exercice du droit au travail ou l’adoption de lois ou de politiques manifestement incompatibles avec des obligations juridiques internationales ayant trait au droit au travail. Un exemple serait l’institution du travail forcé ou l’abrogation d’une législation protégeant le salarié contre les licenciements illicites. L’adoption de telles mesures constituerait un manquement à l’obligation des États parties de respecter le droit au travail.

Manquements à l’obligation de protéger

35.L’État manque à l’obligation de protéger quand il s’abstient de prendre toutes les mesures voulues pour protéger les personnes relevant de sa juridiction contre des atteintes au droit au travail imputables à des tiers. Dans ces manquements entrent des omissions, comme le fait de ne pas réglementer l’activité d’individus, de groupes ou de sociétés aux fins de les empêcher de porter atteinte au droit au travail d’autrui ou le fait de ne pas protéger les travailleurs contre les licenciements illicites.

Manquements à l’obligation de mettre en œuvre

36.L’État partie manque à l’obligation de mettre en œuvre quand il s’abstient de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la réalisation du droit au travail. Dans ces manquements entrent le fait de ne pas adopter ou de ne pas mettre en œuvre une politique nationale de l’emploi destinée à garantir à chacun la réalisation de ce droit; le fait d’affecter à l’emploi un budget insuffisant ou de répartir à mauvais escient les ressources publiques de telle sorte qu’il sera impossible à certains individus ou certains groupes d’exercer leur droit au travail, tout particulièrement ceux qui sont défavorisés et marginalisés; le fait de ne pas contrôler la réalisation du droit au travail à l’échelle nationale, par exemple, en définissant les indicateurs et les critères permettant de vérifier si le droit au travail est exercé; et le fait de ne pas mettre en œuvre de programmes de formation technique et professionnelle.

V. MISE EN ŒUVRE AU NIVEAU NATIONAL

37.Conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, les États parties sont tenus d’utiliser «tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives» pour s’acquitter de leurs obligations en vertu du Pacte. Chaque État partie dispose d’une certaine latitude dans l’évaluation des mesures qui sont les plus adaptées à sa situation propre. Toutefois, le Pacte impose clairement à chaque État partie le devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que chacun est protégé contre le chômage et la précarité de l’emploi et peut exercer dès que possible son droit au travail.

Législation, stratégies et politiques

38.Les États parties devraient envisager d’adopter des mesures législatives particulières concernant l’exercice du droit au travail. Ces mesures devraient a) instituer des mécanismes nationaux de contrôle de la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action national et b) contenir des dispositions sur des objectifs chiffrés à atteindre et le calendrier d’exécution. Elles devraient aussi c) fournir les moyens permettant de respecter les critères fixés sur le plan national et d) associer la société civile, y compris des experts des questions du travail, le secteur privé et les organisations internationales. Lorsqu’ils surveillent les progrès accomplis sur la voie de la réalisation du droit au travail, les États parties doivent aussi déterminer quels éléments et quelles difficultés les gênent dans l’exécution de leurs obligations.

39.La négociation collective revêt une importance fondamentale dans la formulation de politiques de l’emploi.

40.Les organismes et programmes des Nations Unies devraient, à la demande des États parties, prêter leur concours à la rédaction et à l’examen de la législation pertinente. L’OIT, par exemple, dispose de compétences considérables et a accumulé une somme de connaissances concernant la législation dans le domaine de l’emploi.

41.Les États parties devraient adopter une stratégie nationale, fondée sur les principes relatifs aux droits de l’homme, visant à assurer progressivement le plein emploi pour tous. Cette stratégie nationale impose également de définir les ressources dont les États parties disposent pour atteindre leurs objectifs ainsi que le mode d’utilisation desdites ressources qui présente le meilleur rapport coût-efficacité.

42.La formulation et l’application de stratégies nationales pour l’emploi devraient se faire en respectant intégralement les principes de responsabilité, de transparence et de participation des groupes intéressés. Le droit des individus et des groupes de participer à la prise de décisions devrait faire partie intégrante de toute politique, de tout programme et de toute stratégie ayant pour objet de donner effet aux obligations incombant à l’État partie au titre de l’article 6. La promotion de l’emploi passe aussi par la participation effective de la collectivité et, plus particulièrement, des associations de défense des droits des travailleurs et des syndicats à la définition de priorités, à la prise de décisions, à la planification, à la mise en œuvre et à l’évaluation de la stratégie visant à promouvoir l’emploi.

43.Pour instaurer un climat favorable à l’exercice de ce droit, les États parties doivent prendre des mesures appropriées pour faire en sorte que le secteur privé tout comme le secteur public prennent conscience du droit au travail dans l’exercice de leurs activités.

44.La stratégie nationale pour l’emploi doit tenir particulièrement compte de la nécessité de prévenir toute discrimination dans l’accès à l’emploi. Elle devrait garantir l’accès, dans des conditions d’égalité, aux ressources économiques et à la formation technique et professionnelle, en particulier pour les femmes et les individus et groupes défavorisés et marginalisés; et devrait faire respecter et protéger le travail indépendant et l’emploi assurant la rémunération qui procure une existence décente aux salariés et à leur famille comme stipulé à l’alinéa a ii) de l’article 7 du Pacte.

45.Les États parties devraient mettre en place et utiliser des mécanismes permettant de suivre les progrès accomplis dans la voie de la réalisation du droit à un travail librement choisi ou accepté, de cerner les facteurs et les difficultés faisant obstacle à l’exécution de leurs obligations et de faciliter l’adoption de mesures correctrices d’ordre législatif et administratif, notamment de mesures pour s’acquitter des obligations que leur imposent le paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 23 du Pacte.

Indicateurs et critères

46.Une stratégie nationale pour l’emploi doit définir des indicateurs et critères relatifs au droit au travail. De tels indicateurs devraient être conçus pour permettre de suivre à l’échelle nationale comment l’État s’acquitte de ses obligations au regard de l’article 6, et s’appuyer sur les indicateurs internationaux retenus par l’OIT comme le taux de chômage, le taux de sous-emploi et le rapport entre travail déclaré et travail non déclaré. Les indicateurs que l’OIT a mis au point pour l’établissement des statistiques du travail peuvent être utiles lors de l’élaboration d’un plan national pour l’emploi.

47.Après avoir défini des indicateurs bien adaptés sur le droit au travail, les États parties sont invités à définir en outre, à l’échelle nationale, des critères liés à chaque indicateur. Pendant l’examen du rapport périodique, le Comité procédera à une sorte d’étude de portée avec l’État partie. C’est-à-dire que le Comité et l’État partie examineront ensemble les indicateurs et les critères nationaux définissant les objectifs à atteindre au cours de la période faisant l’objet du rapport suivant. Pendant les cinq années qui suivront, l’État partie pourra utiliser ces critères nationaux pour mieux contrôler la mise en œuvre du droit au travail. Puis, lors de l’examen du rapport ultérieur, l’État partie et le Comité verront si les critères ont été ou non remplis et pour quelles raisons des difficultés ont peut-être surgi. En outre, lorsqu’ils établissent leurs critères et leurs rapports, les États parties devraient faire appel aux nombreux services d’information et services consultatifs des institutions spécialisées pour la collecte et la ventilation de données.

Recours et responsabilité

48.Toute personne ou groupe victime d’une atteinte au droit au travail doit avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, au niveau national. Au plan national, les syndicats et les commissions des droits de l’homme devraient jouer un rôle essentiel dans la défense du droit au travail. Les victimes doivent pouvoir faire jouer leur droit à une réparation adéquate, qui peut être la restitution, l’indemnisation, la satisfaction ou la garantie que la violation ne se reproduira pas.

49.L’intégration à l’ordre juridique interne d’instruments internationaux consacrant le droit au travail, et en particulier les conventions pertinentes de l’OIT, devrait renforcer l’efficacité des mesures prises pour garantir le droit au travail et est encouragée. L’incorporation dans l’ordre juridique interne des instruments internationaux reconnaissant le droit au travail, ou la reconnaissance de leur applicabilité directe, peut accroître sensiblement le champ et l’efficacité des mesures correctrices et est encouragée dans tous les cas. Les tribunaux seraient alors habilités à se prononcer sur les violations du contenu essentiel du droit au travail en invoquant directement les obligations découlant du Pacte.

50.Les juges et les autres autorités chargées de faire appliquer la loi sont invités à prêter plus d’attention, dans l’exercice de leurs fonctions, aux violations du droit au travail.

51.Les États parties doivent respecter et protéger le travail des défenseurs des droits de l’homme et des autres membres de la société civile, en particulier des syndicats, qui aident les individus et groupes défavorisés et marginalisés à exercer leur droit au travail.

VI. OBLIGATIONS INCOMBANT AUX ACTEURS AUTRES QUE LES ÉTATS PARTIES

52.Seuls les États sont parties au Pacte et ont donc, en dernière analyse, à rendre compte de la façon dont ils s’y conforment, mais tous les membres de la société – individus, collectivités locales, syndicats, société civile et secteur privé – ont des responsabilités dans la réalisation du droit au travail. Les États parties devraient instaurer un cadre qui facilite l’exécution de ces obligations. Si elles ne sont pas liées par le Pacte, les entreprises privées – nationales et transnationales – ont un rôle particulier à jouer dans la création d’emplois, les politiques d’embauche et l’accès non discriminatoire au travail. Elles devraient mener leurs activités dans le cadre d’une législation, de mesures administratives, de codes de conduite et d’autres mesures adaptées qui favorisent le respect du droit au travail, résultant d’un commun accord entre le gouvernement et la société civile. Ces mesures devraient reconnaître les normes en matière de droit au travail élaborées par l’OIT, et viser à sensibiliser et à responsabiliser les entreprises dans l’optique de la réalisation du droit au travail.

53.Le rôle imparti aux organismes et aux programmes des Nations Unies, en particulier la fonction clef de l’OIT dans la défense et la réalisation du droit au travail à l’échelle internationale, régionale et nationale, revêt une importance particulière. Les institutions et instruments régionaux, lorsqu’ils existent, contribuent aussi grandement à garantir l’exercice du droit au travail. Lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de leur stratégie nationale pour l’emploi, les États parties peuvent bénéficier de l’assistance technique et de la coopération de l’OIT. De même, pour l’établissement de leurs rapports, les États parties devraient utiliser le grand nombre d’informations et de services consultatifs disponibles auprès de l’OIT aux fins de la collecte et la ventilation de données ainsi que pour la définition d’indicateurs et de critères. Conformément aux articles 22 et 23 du Pacte, l’OIT et les autres institutions spécialisées des Nations Unies, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce et les autres organes compétents du système des Nations Unies devraient coopérer efficacement avec les États parties pour la mise en œuvre du droit au travail à l’échelle nationale, compte tenu de leur mandat propre. Les institutions financières internationales devraient s’attacher davantage à protéger le droit au travail dans leurs politiques de prêt et leurs accords de crédit. Des efforts particuliers devraient être faits pour veiller, conformément au paragraphe 9 de l’Observation générale no 2 (1990) du Comité, à ce que dans tout programme d’ajustement structurel le droit au travail soit protégé. En examinant les rapports des États parties et leur aptitude à s’acquitter de leurs obligations au titre de l’article 6, le Comité examinera les effets de l’aide apportée par les acteurs autres que les États parties.

54.Les syndicats jouent un rôle primordial pour assurer le respect du droit au travail aux niveaux local et national et pour aider les États à s’acquitter de leurs obligations découlant de l’article 6. Le rôle des syndicats est fondamental et continuera d’être étudié par le Comité lors de l’examen des rapports des États parties

Notes