NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/GC/202 juillet 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELS

Quarante-deuxième sessionGenève, 4‑22 mai 2009Point 3 de l’ordre du jour

Observation générale n o  20

La non ‑discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels)

I. INTRODUCTION ET PRINCIPES DE BASE

1.La discrimination compromet la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels d’une partie importante de la population mondiale. La croissance économique n’a pas, en elle‑même, conduit à un développement durable, et des individus et des groupes de population continuent de se heurter à des inégalités socioéconomiques, souvent à cause de formes de discrimination tenaces héritées de l’histoire et contemporaines.

2.La non-discrimination et l’égalité, aspects fondamentaux du droit international des droits de l’homme, sont indispensables à l’exercice et à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Conformément au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels («le Pacte»), les États parties s’engagent «à garantir que les droits [énoncés dans le Pacte] seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation».

3.Les principes de non‑discrimination et d’égalité sont reconnus tout au long du Pacte. Le préambule évoque les «droits égaux et inaliénables» de tous et le Pacte reconnaît expressément les droits de «chacun» aux différents droits qu’il consacre, notamment le droit au travail, le droit à des conditions de travail justes et favorables, les libertés syndicales, le droit à la sécurité sociale, le droit à un niveau de vie suffisant, le droit à la santé, le droit à l’éducation et le droit de participer à la vie culturelle.

4.Le Pacte se réfère aussi expressément aux principes de la non-discrimination et de l’égalité concernant certains droits individuels. Aux termes de l’article 3, les États parties s’engagent à assurer le droit égal qu’ont l’homme et la femme au bénéfice des droits visés par le Pacte, et l’article 7 reconnaît le droit à «une rémunération égale pour un travail de valeur égale» et «la même possibilité pour tous d’être promus dans leur travail». L’article 10 dispose notamment qu’une protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps raisonnable avant et après la naissance des enfants, et que des mesures spéciales de protection et d’aide doivent être prises en faveur de tous les enfants et adolescents, sans discrimination aucune. L’article 13 prévoit que «l’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous» et que «l’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité».

5.Le préambule, le paragraphe 3 de l’Article premier et l’Article 55 de la Charte des Nations Unies, et le paragraphe 1 de l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme interdisent toute discrimination concernant l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. L’exercice de ces droits est inscrit dans les instruments internationaux sur la discrimination raciale, la discrimination à l’égard des femmes, et les droits des réfugiés, des apatrides, des enfants, des travailleurs migrants et des membres de leur famille et des personnes handicapées, et d’autres traités prescrivent d’éliminer la discrimination dans des domaines précis comme l’emploi et l’éducation. Outre les dispositions communes relatives à l’égalité et à la non-discrimination énoncées par le Pacte et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, celui-ci consacre dans son article 26 le droit à une égale protection de la loi et prévoit à cet égard que la loi doit garantir à tous une protection égale et efficace contre toute discrimination.

6.Dans de précédentes Observations générales, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a étudié l’application du principe de non‑discrimination à des droits spécifiques prévus dans le Pacte comme le droit au logement, le droit à l’alimentation, le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit à l’eau, les droits d’auteur, le droit au travail et le droit à la sécurité sociale. Dans l’Observation générale no 16, en outre, l’accent est mis sur l’obligation qui incombe aux États parties en vertu de l’article 3 de garantir l’égalité des droits des hommes et des femmes d’exercer tous les droits consacrés par le Pacte; les Observations générales nos 5 et 6 sont consacrées, respectivement, aux droits des personnes handicapées et aux droits des personnes âgées. La présente Observation générale a pour objet de préciser l’interprétation faite par le Comité des dispositions du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, notamment de la portée des obligations de l’État (partie II), des motifs de discrimination interdits (partie III) et de la mise en œuvre à l’échelon national (partie IV).

II. PORTÉE DES OBLIGATIONS DE L’ÉTAT

7.La non-discrimination est dans le Pacte une obligation immédiate et transversale. Le paragraphe 2 de l’article 2 prévoit que les États parties s’engagent à garantir que chacun des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte sera exercé sans discrimination, et ne peut s’appliquer qu’en rapport avec ces droits. Il convient de noter qu’on entend par «discrimination» toute distinction, exclusion, restriction ou préférence ou tout autre traitement différencié reposant directement ou indirectement sur les motifs de discrimination interdits, et ayant pour but ou pour effet d’annuler ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur un pied d’égalité, des droits énoncés dans le Pacte. La discrimination comprend également l’incitation à la discrimination et le harcèlement.

8.Pour que les États parties soient à même de «garantir» que les droits visés par le Pacte seront exercés sans discrimination aucune, la discrimination doit être éliminée sur le plan formel aussi bien que dans les faits:

a)Discrimination formelle: Éliminer la discrimination formelle consiste à faire en sorte que la constitution, les lois et les textes de politique générale d’un État n’entraînent pas de discrimination fondée sur des motifs interdits; ainsi, les lois ne doivent pas refuser aux femmes l’égalité de prestations de sécurité sociale au motif de leur situation matrimoniale;

b)Discrimination concrète: Remédier à la discrimination formelle ne suffit pas à garantir l’égalité concrète envisagée et définie au paragraphe 2 de l’article 2. L’exercice effectif des droits consacrés par le Pacte est souvent fonction de l’appartenance d’une personne à un groupe de population victime de discrimination sur la base de motifs interdits. Pour mettre fin à la discrimination dans la pratique, il faut porter une attention suffisante aux groupes de population qui sont en butte à des préjugés hérités de l’histoire ou tenaces, plutôt que de simplement se référer au traitement formel des individus dont la situation est comparable. Les États parties doivent donc adopter immédiatement les mesures nécessaires afin de prévenir, de réduire et d’éliminer les situations et les comportements qui génèrent ou perpétuent une discrimination concrète ou de facto. Par exemple, en garantissant que tous les individus ont accès sur un pied d’égalité à un logement suffisant, à l’eau et à l’assainissement, on contribue à mettre fin à la discrimination qui s’exerce à l’égard des femmes et des fillettes et des personnes vivant dans des établissements informels ou dans des zones rurales.

9.Afin d’éliminer la discrimination concrète, les États parties peuvent, et doivent dans certains cas, adopter des mesures spéciales pour atténuer ou supprimer les situations qui perpétuent la discrimination. Ces mesures sont légitimes dès lors qu’elles représentent un moyen raisonnable, objectif et proportionné de remédier à une discrimination de facto et sont supprimées lorsqu’une égalité concrète a été durablement établie. Cependant, il peut être nécessaire de donner à titre exceptionnel un caractère permanent à ces mesures positives, par exemple aux services d’interprétation offerts aux membres de minorités linguistiques et aux aménagements raisonnables destinés à faciliter l’accès aux établissements de soins de santé des personnes souffrant d’incapacités sensorielles.

10.Certaines formes directes ou indirectes de traitement différencié peuvent être constitutives de discrimination au regard du paragraphe 2 de l’article 2:

a)Il y a discrimination directe quand un individu est traité moins favorablement qu’une autre personne dans une situation semblable pour une raison liée à un motif interdit; par exemple, lorsque l’emploi au sein d’instances éducatives ou culturelles ou l’appartenance à un syndicat est subordonné aux opinions politiques des candidats ou employés. La discrimination directe recouvre aussi les actes ou omissions préjudiciables à raison de motifs de discrimination interdits lorsqu’il n’y a pas de situation semblable comparable (cas d’une femme enceinte, par exemple);

b)On parle de discrimination indirectedans le cas de lois, de politiques ou de pratiques qui semblent neutres a priori mais qui ont un effet discriminatoire disproportionné sur l’exercice des droits consacrés par le Pacte eu égard à des motifs de discrimination interdits. Par exemple, le fait d’exiger un certificat de naissance pour l’inscription d’un enfant à l’école peut constituer une discrimination à l’égard des minorités ethniques ou des non‑ressortissants qui ne possèdent pas de certificat ou à qui on a refusé d’en délivrer.

Sphère privée

11.La discrimination est un phénomène fréquent dans la famille, sur le lieu de travail et dans d’autres secteurs de la société. Par exemple, des acteurs du secteur privé du logement (propriétaires et établissements de crédit, par exemple) et des prestataires de logement public peuvent, directement ou indirectement, refuser l’accès au logement ou au crédit hypothécaire sur la base de l’ethnicité, de la situation matrimoniale, du handicap ou de l’orientation sexuelle. De même, des familles peuvent refuser de scolariser les petites filles. Les États parties doivent donc adopter des mesures, y compris législatives, pour empêcher toute discrimination exercée pour des motifs interdits dans la sphère privée par des particuliers ou des personnes morales.

Discrimination systémique

12.Le Comité a pu régulièrement observer que certains groupes font l’objet d’une discrimination généralisée et tenace, qui est profondément ancrée dans les comportements sociaux et dans l’organisation sociale, et qui souvent n’est pas remise en cause ou s’exerce indirectement. Cette discrimination systémique peut être comprise comme un ensemble de règles juridiques, de politiques, de pratiques ou d’attitudes culturelles prédominantes dans le secteur public ou le secteur privé qui créent des désavantages relatifs pour certains groupes, et des privilèges pour d’autres groupes.

Cas dans lesquels une différence de traitement est acceptable

13.Tout traitement différencié fondé sur des motifs interdits sera jugé discriminatoire à moins que la différence de traitement soit fondée sur des critères raisonnables et objectifs. À ce titre, on évaluera si les objectifs et les effets des mesures ou des omissions sont légitimes, s’ils sont compatibles avec le caractère des droits énoncés dans le Pacte, et s’ils n’ont pour but que de promouvoir l’intérêt général dans le cadre d’une société démocratique. En outre, il doit exister un lien clair et raisonnable de proportionnalité entre l’objectif que l’on cherche à atteindre et les mesures ou omissions et leurs effets. Le fait de laisser perdurer des différences de traitement parce que les ressources disponibles sont insuffisantes n’est pas une justification objective et raisonnable à moins que tous les efforts aient été faits afin d’utiliser toutes les ressources dont dispose l’État pour, à titre prioritaire, entreprendre de remédier à la discrimination et de l’éliminer.

14.Conformément au droit international, le fait de ne pas agir de bonne foi en vue de respecter l’obligation, prévue au paragraphe 2 de l’article 2, de garantir que les droits énoncés dans le Pacte seront exercés sans discrimination aucune, équivaut à une violation du Pacte. Les violations des droits consacrés par le Pacte peuvent être le fait d’une action directe ou d’une omission de la part des États parties ou de leurs institutions ou organismes aux niveaux national et local. Les États parties doivent aussi veiller à s’abstenir de toute pratique discriminatoire dans le cadre de la coopération et de l’aide internationales et prendre des dispositions pour que tous les acteurs relevant de leur autorité fassent de même.

III. MOTIFS DE DISCRIMINATION INTERDITS

15.Le paragraphe 2 de l’article 2 dresse la liste des motifs de discrimination interdits, qui sont «la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation». L’expression «ou toute autre situation» indique que la liste n’est pas exhaustive et que d’autres motifs peuvent être inclus dans cette catégorie. Les motifs exprès et un certain nombre de motifs implicites entrant dans la catégorie «toute autre situation» sont analysés ci-après. Les exemples de traitement différencié présentés dans cette partie ne sont qu’illustratifs et ne sont pas censés représenter tous les cas possibles de traitement discriminatoire pour le motif interdit considéré, ni une opinion définitive quant au fait que le traitement différencié sera discriminatoire dans chaque situation.

Appartenance à un groupe

16.Lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne est victime de discrimination fondée sur l’un ou plusieurs des motifs interdits, cette identification, sauf justification contraire, est fondée sur l’auto-identification de l’individu concerné. L’appartenance à un groupe inclut aussi l’association à un groupe victime de discrimination pour l’un ou plusieurs des motifs interdits − cas d’un parent d’enfant handicapé, par exemple − ou le fait d’être perçu par autrui comme appartenant à un groupe (par exemple, personne ayant la même couleur de peau ou défendant les droits d’un groupe particulier ou ayant appartenu à un groupe par le passé).

Discrimination multiple

17.Certaines personnes ou groupes de personnes sont l’objet d’une discrimination fondée sur plusieurs motifs interdits, par exemple les femmes appartenant à une minorité ethnique ou religieuse. Cette discrimination cumulative a des conséquences bien spécifiques pour les personnes concernées et mérite une attention et des solutions particulières.

A. Motifs exprès

18.Le Comité s’est régulièrement dit préoccupé par la discrimination formelle et concrète dont sont victimes notamment les populations autochtones et les minorités ethniques dans l’exercice d’un large éventail de droits reconnus par le Pacte.

«La race et la couleur»

19.La discrimination fondée sur la «race et la couleur», ce qui inclut l’origine ethnique d’un individu, est interdite par le Pacte et par d’autres traités, dont la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L’emploi du mot «race» dans le Pacte ou la présente Observation générale n’implique pas l’acceptation de théories qui postulent l’existence de races humaines distinctes.

Le sexe

20.Le Pacte garantit l’égalité des droits de l’homme et de la femme d’exercer les droits économiques, sociaux et culturels. Depuis l’adoption du Pacte, la notion de «sexe» en tant que motif interdit de discrimination a considérablement évolué, pour ne plus recouvrir seulement les caractéristiques physiologiques mais aussi la construction sociale de stéréotypes, de préjugés et de rôles préétablis concernant les hommes et les femmes, ce qui fait obstacle à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels sur un pied d’égalité. Ainsi, le fait de ne pas embaucher une femme au motif qu’elle pourrait tomber enceinte, ou de donner aux femmes des emplois peu qualifiés ou à temps partiel en présupposant de manière stéréotypée qu’elles sont, par exemple, peu disposées à consacrer autant de temps à leur travail que les hommes, est discriminatoire. Le refus d’accorder un congé de paternité peut également constituer une discrimination à l’égard des hommes.

La langue

21.La discrimination fondée sur la langue ou l’accent régional est souvent étroitement liée à des inégalités de traitement fondées sur l’origine nationale ou ethnique. Les obstacles d’ordre linguistique peuvent entraver la jouissance de nombreux droits énoncés par le Pacte, y compris le droit de participer à la vie culturelle que garantit l’article 15 du Pacte. En conséquence, des renseignements sur les services et les biens publics, par exemple, devraient également, autant que possible, être disponibles dans les langues parlées par les minorités, et les États parties devraient s’assurer que les conditions de connaissances linguistiques requises en matière d’emploi et d’éducation reposent sur des critères raisonnables et objectifs.

La religion

22.Ce motif de discrimination interdit recouvre la liberté de professer la religion ou la conviction de son choix (y compris de ne professer aucune religion ni conviction), tant en public qu’en privé, par le culte, l’accomplissement de rites, les pratiques et l’enseignement. À titre d’exemple, il y a discrimination lorsque des personnes appartenant à une minorité religieuse n’ont pas accès sur un pied d’égalité à l’université, à l’emploi ou aux services de santé en raison de leur religion.

L’opinion politique ou toute autre opinion

23.Les opinions politiques et les opinions en général sont souvent causes de traitement discriminatoire; la catégorie recouvre aussi bien le fait d’avoir une opinion que de ne pas en avoir, et d’exprimer un avis ou d’adhérer à une association d’opinion, à un syndicat ou à un parti politique. L’accès aux programmes d’aide alimentaire, par exemple, ne doit pas être subordonné à l’affiliation à un parti politique.

L’origine nationale ou sociale

24.L’«origine nationale» renvoie au pays, à la nation ou au lieu d’origine d’un individu. En raison de ces circonstances particulières, des personnes et des groupes de personnes peuvent faire l’objet d’une discrimination systémique, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, pour exercer les droits consacrés par le Pacte. L’«origine sociale» renvoie à la position sociale héréditaire d’une personne, qui est examinée plus en détail ci‑après dans le cadre de la situation de «fortune», de la discrimination fondée sur l’ascendance (critère de la «naissance») et de la «situation économique et sociale».

La fortune

25.La situation de fortune, en tant que motif interdit de discrimination, est une notion vaste qui comprend les biens immobiliers (par exemple la propriété ou l’occupation de terres) et les biens personnels (par exemple la propriété intellectuelle, les biens mobiliers et les revenus) ou leur absence. Le Comité a déjà eu l’occasion de faire valoir que les droits consacrés par le Pacte comme l’accès aux services d’eau et la protection contre l’expulsion forcée ne devaient pas être conditionnés au statut d’occupant légal d’une personne, notamment dans le cas de personnes vivant dans un établissement informel.

La naissance

26.La discrimination fondée sur la naissance est interdite et le paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte prévoit expressément, par exemple, que des mesures spéciales doivent être prises en faveur des enfants et adolescents «sans discrimination aucune pour des raisons de filiation». En conséquence, ni les enfants nés hors mariage, ni les enfants de parents apatrides ou les enfants adoptés, ni les membres de la famille de ces enfants, ne doivent faire l’objet d’une distinction quelconque. Est également interdite, au titre de la naissance, la discrimination fondée sur l’ascendance, et en particulier sur la caste et des systèmes analogues de statut héréditaire. Les États parties doivent prendre des dispositions, par exemple, en vue de prévenir, d’interdire et d’éliminer les pratiques discriminatoires dirigées contre les membres de communautés fondées sur l’ascendance, et agir contre la diffusion d’idées prônant la supériorité ou l’infériorité à raison de l’ascendance.

B. Toute autre situation

27.La discrimination varie selon les contextes et les époques. La catégorie «toute autre situation» doit donc être appréhendée de façon souple afin de rendre compte d’autres formes de traitement différencié qui n’ont pas de justification raisonnable et objective et sont comparables aux motifs que le paragraphe 2 de l’article 2 cite expressément. Ces motifs supplémentaires sont généralement connus lorsqu’ils reflètent l’expérience de groupes sociaux vulnérables qui ont été marginalisés ou continuent de subir une marginalisation. Dans ses Observations générales et ses observations finales, le Comité a reconnu plusieurs autres motifs de discrimination qui sont exposés plus en détail ci‑après. Toutefois, cette liste ne se veut pas exhaustive. D’autres motifs interdits éventuels pourraient concerner la privation de la capacité juridique d’une personne au motif qu’elle est emprisonnée ou a été hospitalisée d’office dans une institution psychiatrique, ou le recoupement de deux motifs de discrimination interdits, lorsque, par exemple, l’accès à un service social est refusé à raison du sexe et du handicap.

Le handicap

28.Dans son Observation générale no 5, le Comité a défini la discrimination à l’égard des personnes handicapées comme «toute distinction, exclusion, restriction ou préférence motivée par une invalidité ou la privation d’aménagements adéquats ayant pour effet de réduire à néant ou de restreindre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice des droits économiques, sociaux ou culturels». La privation d’aménagements raisonnables devrait être insérée dans la législation nationale en tant que forme interdite de discrimination fondée sur le handicap. Les États parties doivent remédier à la discrimination qui se manifeste par exemple par des interdictions de l’exercice du droit à l’éducation, ou par l’absence d’aménagements raisonnables dans les lieux publics tels que les établissements publics de santé et sur le lieu de travail ainsi que dans les lieux privés; en effet, si la conception et l’aménagement du lieu de travail ne permettent pas l’accès des personnes en fauteuil roulant, celles-ci ne peuvent exercer dans les faits leur droit au travail.

L’âge

29.L’âge est un motif de discrimination interdit dans différents contextes. Le Comité a souligné qu’il faut combattre la discrimination à laquelle se heurtent les chômeurs âgés dans l’accès à l’emploi, ou à la formation ou la reconversion professionnelles, ainsi que les personnes âgées qui vivent dans la pauvreté et n’ont pas accès sur un pied d’égalité aux pensions de retraite pour tous en raison de leur lieu de résidence. En ce qui concerne les jeunes, l’inégalité d’accès des adolescents à l’information et aux services concernant la santé sexuelle et procréative est discriminatoire.

La nationalité

30.Le motif de la nationalité ne doit pas empêcher l’accès aux droits consacrés par le Pacte; par exemple, tous les enfants vivant dans un État, même ceux qui sont en situation irrégulière, ont le droit de recevoir une éducation et d’avoir accès à une nourriture suffisante et à des soins de santé abordables. Les droits visés par le Pacte s’appliquent à chacun, y compris les non‑ressortissants, dont font partie notamment les réfugiés, les demandeurs d’asile, les apatrides, les travailleurs migrants et les victimes de la traite internationale de personnes, indépendamment de leurs statut juridique et titres d’identité.

La situation matrimoniale et familiale

31. La situation matrimoniale et familiale peut différer d’une personne à une autre, selon, par exemple, que l’intéressé est marié ou non, est marié sous un régime juridique particulier, vit en concubinage ou dans une relation non reconnue par la loi, est divorcé ou veuf, est membre d’une famille ou d’un groupe familial élargis, ou assume d’autres types de responsabilité envers des enfants et des personnes à charge ou un certain nombre d’enfants. Les différences de traitement observées dans l’accès aux prestations de sécurité sociale selon qu’un individu est marié ou non doivent être justifiées par des critères raisonnables et objectifs. Dans certains cas, il peut aussi y avoir discrimination lorsqu’un individu ne peut pas exercer un droit protégé par le Pacte en raison de sa situation familiale, ou ne peut le faire qu’avec l’assentiment de son conjoint, ou qu’avec l’accord ou la garantie d’un parent.

L’orientation sexuelle et l’identité sexuelle

32.La catégorie «toute autre situation» reconnue au paragraphe 2 de l’article 2 comprend l’orientation sexuelle. Les États parties devraient veiller à ce que l’orientation sexuelle d’une personne ne soit pas un obstacle à la réalisation des droits consacrés par le Pacte, par exemple s’agissant de l’accès au droit à la pension de réversion. En outre, l’identité sexuelle est reconnue parmi les motifs de discrimination interdits; par exemple, les personnes transgenres, transsexuelles ou intersexes sont souvent exposées à de graves atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment à du harcèlement dans les établissements d’enseignement ou sur le lieu de travail.

L’état de santé

33.L’état de santé renvoie à la santé physique ou mentale d’une personne. Les États parties devraient veiller à ce que l’état de santé réel ou perçu d’une personne ne soit pas un obstacle à la réalisation des droits consacrés par le Pacte. La protection de la santé publique est souvent citée par les États pour justifier des restrictions des droits de l’homme en raison de l’état de santé d’une personne. Or, nombre de ces restrictions sont discriminatoires, par exemple lorsque la séropositivité sert de justification à un traitement différencié en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé, aux voyages, à la sécurité sociale, au logement et à l’asile. Les États parties devraient aussi adopter des mesures pour remédier à la stigmatisation dont sont fréquemment victimes des personnes en raison de leur état de santé, notamment les personnes atteintes de maladie mentale ou de maladies comme la lèpre, ou les femmes atteintes d’une fistule obstétricale, stigmatisation qui prive souvent les individus du plein exercice des droits que leur reconnaît le Pacte. La privation de l’accès à l’assurance maladie en raison de l’état de santé sera constitutive de discrimination si aucun critère raisonnable ou objectif ne peut justifier une telle différenciation.

Le domicile

34.L’exercice des droits visés par le Pacte ne doit pas être subordonné au lieu de résidence actuel ou ancien d’une personne ou déterminé par ce lieu − selon, par exemple, qu’une personne vit ou est enregistrée comme vivant dans une commune urbaine ou rurale, ou dans des établissements formels ou informels, ou est une personne déplacée, ou observe un mode de vie nomade. Les disparités doivent être éliminées dans la pratique entre les localités et les régions, en veillant par exemple à ce que les services de soins de santé primaires, secondaires et palliatifs soient équitablement répartis et de qualité égale.

Situation économique et sociale

35.Des individus et des groupes de population ne doivent pas être traités arbitrairement en raison de leur appartenance à une certaine catégorie économique ou sociale ou à une certaine couche sociale. La situation sociale et économique d’une personne pauvre ou sans domicile fixe, peut faire qu’elle est constamment en butte à une discrimination, à une stigmatisation et à des stéréotypes négatifs, ce qui peut avoir pour conséquence qu’on lui refuse la même qualité d’éducation et de soins de santé que les autres ou le même accès à ces services, ou qu’on lui refuse l’accès aux lieux publics ou le même accès que les autres.

IV. MISE EN ŒUVRE À L’ÉCHELON NATIONAL

36.Outre s’abstenir de toute mesure discriminatoire, il incombe aux États parties de prendre des mesures concrètes, délibérées et ciblées pour mettre fin à la discrimination dans l’exercice des droits consacrés par le Pacte. Les individus et les groupes de population qui peuvent être victimes de discrimination fondée sur un ou plusieurs des motifs interdits devraient se voir garantir le droit de prendre part au processus décisionnel quant au choix des mesures en question. Les États parties devraient évaluer régulièrement si les mesures choisies sont efficaces dans la pratique.

Législation

37.L’adoption de lois visant à remédier à la discrimination est indispensable pour respecter le paragraphe 2 de l’article 2. Les États parties sont donc invités à adopter des lois spécifiques interdisant la discrimination dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Ces lois devraient viser à éliminer la discrimination formelle et concrète, imposer des obligations aux acteurs publics et privés et couvrir les motifs de discrimination interdits présentés plus haut. Les autres lois devraient être réexaminées à intervalles réguliers et si nécessaire modifiées afin de s’assurer qu’elles ne sont pas discriminatoires et qu’elles n’entraînent pas de discrimination ni sur la forme ni dans les faits, au regard de l’exercice et de la jouissance des droits visés par le Pacte.

Politiques, plans et stratégies

38.Les États parties doivent veiller à ce que des politiques, des stratégies et des plans d’action existent et soient appliqués afin de s’attaquer à toute discrimination formelle ou concrète qui est le fait d’acteurs publics ou privés dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Ces politiques, plans et stratégies devraient prendre en considération tous les groupes sociaux concernés par une discrimination fondée sur des motifs interdits, et les États parties sont invités, parmi d’autres dispositions possibles, à adopter des mesures spéciales temporaires pour parvenir plus rapidement à l’égalité. Les politiques économiques, notamment l’allocation des crédits budgétaires ou l’adoption de mesures visant à stimuler la croissance économique, devraient tenir compte de la nécessité de garantir l’exercice effectif des droits visés par le Pacte, sans discrimination. Les institutions publiques et privées devraient être tenues d’élaborer des plans d’action concernant la non‑discrimination, et l’État devrait mener des programmes de formation et d’éducation dans le domaine des droits de l’homme à l’intention des agents publics et faire bénéficier de ces possibilités de formation les juges et les candidats aux nominations judiciaires. Les principes d’égalité et de non‑discrimination devraient être inculqués dans le cadre d’un enseignement formel ou non formel, intégrateur et multiculturel, en vue de déconstruire les concepts de supériorité ou d’infériorité basés sur des motifs interdits et de promouvoir le dialogue et la tolérance entre les différents groupes de la société. Les États parties doivent aussi adopter les mesures préventives nécessaires pour éviter que ne se créent de nouveaux groupes marginalisés.

Élimination de la discrimination systémique

39.Les États parties doivent prendre des dispositions pour éliminer la discrimination et la ségrégation systémiques dans la pratique. Pour enrayer cette discrimination, il faut habituellement recourir à une approche globale comportant une série de lois, de politiques et de programmes, y compris des mesures spéciales temporaires. Les États parties devraient étudier la possibilité de recourir à des incitations pour amener les acteurs publics et privés à changer d’attitude et de comportement à l’égard des personnes et des groupes sociaux touchés par la discrimination systémique, ou d’appliquer des sanctions dans le cas contraire. L’initiative publique et des programmes publics pour sensibiliser à la discrimination systémique, et l’adoption de mesures strictes contre l’incitation à la discrimination sont souvent nécessaires. L’élimination de la discrimination systémique passe souvent, en outre, par l’allocation de ressources accrues aux groupes qui sont habituellement laissés pour compte. Compte tenu de l’hostilité persistante à l’égard de certains groupes, il faudra aussi veiller particulièrement à ce que les lois et les politiques soient appliquées dans la pratique par les agents publics et les autres acteurs.

Recours et responsabilité

40.Les lois, stratégies, politiques et plans nationaux devraient prévoir des mécanismes et des institutions qui luttent efficacement contre le caractère individuel et structurel du préjudice causé par la discrimination dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Les institutions qui traitent les allégations de discrimination comportent habituellement les cours et les tribunaux, les autorités administratives, les institutions nationales des droits de l’homme et/ou les médiateurs; elles devraient être accessibles à chacun sans discrimination. Ces institutions devraient statuer sur les plaintes ou mener des enquêtes diligentes, impartiales et indépendantes en cas de plainte, et examiner les allégations de violation du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, notamment les actes ou omissions qui sont le fait d’acteurs privés. Lorsque les faits et les événements en cause relèvent, complètement ou en partie, de la connaissance exclusive des autorités ou d’un autre défendeur, il devrait être considéré que la charge de la preuve incombe aux autorités ou à l’autre défendeur, respectivement. Ces institutions devraient aussi être habilitées à ordonner des mesures correctives efficaces − indemnisation, réparation, restitution, réhabilitation, garantie que la violation ne se reproduira pas et excuses publiques − et les États parties devraient veiller à ce que ces mesures soient effectivement appliquées. Les institutions susmentionnées devraient interpréter les garanties juridiques internes en matière d’égalité et de non‑discrimination d’une manière qui facilite et encourage la pleine protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Contrôle, indicateurs et critères

41.Les États parties ont l’obligation de contrôler efficacement la mise en œuvre des mesures prises pour appliquer le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte. Ce contrôle devrait évaluer aussi bien les mesures prises pour éliminer la discrimination que les résultats obtenus dans ce domaine. Les stratégies, politiques et plans nationaux devraient utiliser des indicateurs et des critères appropriés, qui soient ventilés en fonction des motifs de discrimination interdits.

-----