Nations Unies

E/C.12/DOM/CO/3

Conseil économique et social

Distr. générale

26 novembre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-cinquième session

Genève, 1er-19 novembre 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

République dominicaine

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le troisième rapport périodique de la République dominicaine sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/DOM/3) à ses 34e, 35e et 36e séances, les 3 et 4 novembre 2010 (voir E/C.12/2010/SR.34, 35 et 36), et a adopté, à sa 55e séance, le 19 novembre 2010, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la République dominicaine. Il se félicite également du dialogue qui a eu lieu avec la délégation de l’État partie, des réponses écrites à la liste des points à traiter ainsi que des réponses données oralement par la délégation. Toutefois, il déplore le retard de onze ans dans la présentation du rapport ainsi que le fait que les réponses écrites à la liste des points à traiter n’ont été soumises que le 29 octobre 2010, trop tard pour être traduites dans les langues de travail du Comité.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se réjouit de la ratification par l’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant (2009), du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2006), du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (2002) et du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants(2000).

4.Le Comité se félicite aussi de la promulgation de nouvelles lois et de l’adoption d’un nouveau plan en vue de faire avancer la réalisation des droits reconnus dans le Pacte, notamment:

a)La loi no 87-01 du 9 mai 2001 portant création du système de sécurité sociale dominicain;

b)La loi no 42-01 de 2001 ou loi générale sur la santé, qui a établi les fondements du système national de santé;

c)La loi no 137-03 de 2003 relative au trafic illégal de migrants et à la traite des personnes;

d)Le deuxième volet du Plan national en faveur de l’égalité des sexes (2007-2017).

5.Le Comité apprécie à sa juste valeur le rôle positif joué par l’État partie lors du séisme qui a frappé la République d’Haïti voisine en janvier 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité juge préoccupant que les tribunaux nationaux ne se réfèrent pas suffisamment aux dispositions du Pacte, en dépit du fait que les instruments internationaux font partie de l’ordre juridique interne de l’État partie.

L e Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte aux membres de l ’ appareil judiciaire comme au grand public, et de veiller à ce que les dispositions du Pacte puissent être invoquées devant les tribunaux nationaux . Il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses Observations générales n o 3 (1990) relative à la nature des obligations des États parties et n o 9 (1998) relative à l ’ application du Pacte au niveau national, et l ’ invite à faire en sorte que le processus d ’ adaptation du système juridique à la nouvelle Constitution soit conduit de manière à garantir le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels de toutes les personnes vivant dans l ’É tat partie .

7.Le Comité regrette l’absence de données statistiques ventilées dans le rapport de l’État partie, ce qui n’a pas permis au Comité d’apprécier pleinement dans quelle mesure et comment les droits énoncés dans le Pacte sont respectés dans l’État partie.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de fournir, dans son quatrième rapport périodique, des données statistiques à jour montrant comment le Pacte est appliqué dans la pratique, sur la base de comparaisons annuelles, notamment des données ventilées et des statistiques pertinentes concernant l ’ application de ses lois et les résultats concrets des plans, programmes et stratégies visant à faire respecter les divers droits consacrés dans le Pacte.

8.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’y a pas d’informations disponibles au sujet des incidences du Traité de libre-échange entre les États-Unis, les pays d’Amérique centrale et la République dominicaine (CAFTA), ainsi que des accords de partenariat économique avec l’Union européenne, sur le respect des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie. Il s’inquiète également des cas où des accords d’investissement ont été adoptés avant que les études d’impact sur l’environnement et d’impact social aient été réalisées.

Le Comité encourage l ’ État partie à tenir compte des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte dans tous les aspects de ses négociations avec les investisseurs et lorsqu ’ il négocie et signe des accords internationaux de partenariat économique. Le Comité l ’ engage à jouer un rôle actif en contrôl ant la politique économique et sociale de manière à ce que ne soit pas entravé l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier ceux des groupes les plus défavorisés et marginalisés. Il lui recommande également de veiller à ce que les études d ’ impact sur l ’ environnement et d ’ impact social précédent l’approbation d ’ accords d ’ investissement ou le début d ’ activités qui pourraient avoir des incidences négatives sur les droits économiques, sociaux et culturels, en particulier ceux des groupes les plus défavorisés et vulnérables.

9.Le Comité s’inquiète de ce que le poste de Defensor/a del Pueblo (médiateur pour les droits de l’homme) reste vacant, alors qu’il a été créé officiellement par la loi no 19-01en 2001, et ce malgré les efforts déployés récemment pour désigner un titulaire.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ appliquer la loi n o 19-01 et d ’ accélérer la nomination du Defensor del Pueblo . Il l ’ encourage aussi à doter le Bureau du Defensor del Pueblo de toutes les compétences d ’ une institution de défense des droits de l ’ homme à part entière conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris ) ou à envisager de constituer une commission nationale des droits de l ’ homme dotée de telles compétences.

10.Le Comité déplore l’absence de législation antidiscriminatoire globale en dépit du fait que les lois en vigueur contiennent des dispositions promouvant l’égalité et interdisant la discrimination dans des domaines précis. Il est également préoccupé par l’impact discriminatoire de certaines lois et pratiques, en particulier celles ayant trait à la nationalité et à l’enregistrement des naissances (art. 2, par. 2).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d’ adopter une législation antidiscriminatoire globale qui précise tous les motifs de discrimination interdits, comme le prévoit le paragraphe 2 de l ’ article 2 du Pacte et compte tenu de son Observation générale n o 20 (2009) relative à la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

11.Le Comité réaffirme son inquiétude face à la persistance de la discrimination et des préjugés raciaux à l’égard des Haïtiens et des Dominicains d’ascendance haïtienne dans l’État partie. Il déplore que cinq ans après la décision rendue par la Cour interaméricaine dans l’affaire Yean et Bosico, les enfants d’ascendance haïtienne nés dans l’État partie continuent de souffrir de discrimination, en particulier du fait qu’ils sont privés de papiers d’identité suite à l’application de la loi no 285-04 de 2004 sur les migrations, de la résolution no 017 adoptée par le Conseil électoral dominicain en 2007 et de l’article 18.3 de la Constitution de 2010. Le Comité relève que le non-renouvellement des documents de séjour a pour conséquence d’exposer davantage les enfants haïtiens et les enfants dominicains d’ascendance haïtienne, en particulier, aux pratiques discriminatoires. Il est aussi préoccupé par le fait que la loi no 285-04 sur les migrations mentionnée plus haut a élargi les groupes d’enfants qui se voient refuser le droit à la nationalité dominicaine, en faisant d’eux de fait des apatrides, et que cette loi est applicable rétroactivement. Il juge préoccupant en particulier que la procédure suivie dans la loi no 285-04 de 2004 sur les migrations ait été incorporée dans la Constitution de 2010 de l’État partie (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour prévenir, atténuer et faire disparaître les conditions et les attitudes qui engendrent ou perpétuent une discrimination de jure ou de facto à l ’ égard des Haïtiens et des Dominicains d ’ ascendance haïtienne. Il demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que les naissances soient bien enregistrées dans ces groupes et à garantir leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il lui demande aussi instamment de revoir la réglementation relative à la citoyenneté des enfants d ’ Haïtiens et de Dominicains d ’ ascendance haïtienne en particulier, en leur donnant accès sans discrimination à la nationalité dominicaine, quelle que soit leur date de naissance.

12.Le Comité réaffirme sa préoccupation devant le fait que malgré les efforts déployés dans le domaine législatif pour assurer aux hommes et aux femmes l’égalité de jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, la discrimination à l’égard des femmes persiste dans de nombreuses sphères de la vie, comme en témoignent la persistance de l’écart de rémunération entre hommes et femmes, le faible pourcentage de femmes occupant des postes de haut rang dans la vie politique et publique, la séparation entre les sexes dans le monde du travail et les tests de grossesse pratiqués comme condition préalable à l’embauche dans les zones franches (art. 3).

Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations tendant à ce que l ’ État partie continue à appliquer des politiques destinées à assurer la pleine égalité des hommes et des femmes , et appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o 16 (2005) relative au droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels. Il recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour accroître le pourcentage de femmes occupant des postes de haut rang dans la vie politique et publique. Il lui recommande aussi de redoubler d’ efforts pour promouvoir réellement une plus grande participation des femmes au marché du travail et garantir l ’ égalité dans les conditions de travail, notamment l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, ainsi que pour faire interdire la pratique des tests de grossesse. Il lui demande instamment de poursuivre les employeurs qui continuent de recourir à ces pratiques.

13.Le Comité est préoccupé par le fait que le Ministère de la condition féminine ne reçoit que 0,08 % du budget national, c’est-à-dire l’enveloppe budgétaire la plus faible allouée à un ministère, ce qui ne rend guère possible la mise en œuvre du deuxième volet du Plan national en faveur de l’égalité des sexes. Il relève également avec inquiétude les déclarations selon lesquelles le Ministère de la condition féminine pourrait subir des transformations qui affecteraient son autonomie (art. 3).

Le Comité encourage l ’ État partie à veiller à ce que des ressources humaines et financières suffisantes soient consacrées à la mise en œuvre du deuxième volet du Plan national en faveur de l ’ égalité des sexes ainsi qu ’ au renforcement des capacités du Ministère de la condition féminine.

14.Le Comité est gravement préoccupé par les mauvaises conditions de travail existant dans les zones franches, en particulier pour les femmes. Il est aussi préoccupé par les obstacles que rencontrent les travailleurs à l’exercice de leurs droits syndicaux fondamentaux dans ces zones, comme en témoignent le fait que moins de 15 % des entreprises y opérant ont un syndicat et l’absence de négociations et de conventions collectives. Il prend aussi note avec préoccupation du nombre important de travailleurs qui ont récemment perdu leur emploi dans les zones franches et du fait que nombre d’entre eux n’ont pas encore reçu de compensation et attendent de bénéficier des prestations correspondant à leurs droits acquis (art. 7 et 8).

Le Comité renouvelle sa recommandation tendant à ce que les travailleurs des zones franches soient autorisés à former des syndicats et à s ’ y affilier, et à ce que leur droit de grève et leur droit à des conditions de travail justes et favor ables soient garantis. Il rappelle à l ’ État partie le devoir qui est le sien de protéger les travailleurs et leur famille contre les violations des droits de l ’ homme par les entreprises dans les zones franches.

15.Le Comité est préoccupé par les atteintes aux normes du travail, aux libertés syndicales et à l’égalité de droits des hommes et des femmes, dont témoignent les plaintes déposées par des syndicats auprès des organes compétents. Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations sur le nombre et la nature des plaintes formées par les organisations syndicales concernant les conditions de travail et les libertés syndicales (art. 7 et 8).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire strictement respecter les normes fondamentales du travail et de continuer à multiplier le nombre des inspections du travail, d ’ encourager la formation et d ’ accroître les débouchés pour les travailleurs, de garantir la liberté syndicale et de faire en sorte que les femmes bénéficient des mêmes conditions de travail que les hommes. En vue de progresser dans ces domaines, il recommande d ’ analyser de manière approfondie les plaintes soumises par les syndicats.

16.Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par le fait que le salaire minimum reste insuffisant pour assurer aux travailleurs et à leur famille un niveau de vie suffisant. Il s’inquiète de ce que le système actuel, qui comporte 14 salaires minimum en fonction des différentes catégories professionnelles, ne couvre pas tous les secteurs d’activités, et, du fait de sa complexité, puisse entraver l’exercice du droit au salaire minimum (art. 7 a)).

Le Comité renouvelle sa précédente recommandation tendant à ce que l ’ État partie veill e à ce que le salaire minim um assure aux travailleurs et à leur famille un niveau de vie suffisant conformément à l ’ alinéa ii) du paragraphe a) de l ’ article 7 du Pacte et invite l ’É tat partie à poursuivre sa collaboration avec l ’Organisation internationale du Travail ( OIT ) sur cette question. Il recommande également à l ’ État Partie de ratifier dès maintenant la Convention n o 131 (1970) de l ’ OIT sur la fixation des salaires minima.

17.Le Comité note avec préoccupation que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail continue de toucher plus de 30 % des femmes et que seul un petit nombre d’affaires ont été réglées conformément au Code du travail. Il est aussi préoccupé par le fait que le harcèlement sexuel n’est pas reconnu comme une infraction en droit pénal (art. 7 b)).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter et d ’ appliquer une législation qui érige en infraction pénale le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et de mettre en place des mécanismes pour surveiller son application. Il recommande aussi à l ’ État partie de sensibiliser le public au caractère délictueux du harcèlement sexuel.

18.Le Comité reste préoccupé par le sort des travailleurs migrants en situation irrégulière et de leur famille, principalement ceux d’ascendance haïtienne, qui sont dans une situation vulnérable et souffrent souvent d’exploitation, de discrimination et du non-versement de leur salaire parce qu’ils sont dépourvus de papiers d’identité. Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit du fait que le Code du travail garantit le droit de former des syndicats et de s’y affilier indépendamment du statut juridique, la majorité des travailleurs concernés dans les secteurs de l’agriculture et de la construction n’exercent pas leurs droits, par crainte d’être licenciés ou expulsés (art. 7, 8 et 9).

Le Comité réaffirme qu ’ à son avis , la régularisation de la situation des travailleurs sans papiers − par la délivran ce de permis de résidence ou la naturalisa tion − est nécessaire. Il recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures particulières et efficace s pour protéger l es droits des travailleurs sans papiers, en veillant au respect des garanties établies par la législation du travail afin qu ’ ils bénéficient de la même protection que les travailleurs nationaux. Il lui recommande aussi de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les migrants et les travailleurs dominicains d ’ ascendance haïtienne peuvent pleinement exercer leurs droits syndicaux dans la pratique, et qu’ils so nt protégés en cas de représailles pour avoir exercé leurs droits.

19.Le Comité s’inquiète de ce que le sous-emploi et le chômage, qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les jeunes, notamment ceux vivant dans les zones rurales, restent élevés dans l’État partie. Il note également avec préoccupation que des emplois sont surtout créés dans l’économie informelle, qui emploie 54 % de la population active mais ne garantit pas un niveau adéquat de protection des droits des salariés (art. 6, 7 et 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces, notamment d ’ élaborer un plan d ’ action pour l ’ emploi, pour accroître les emplois dans le secteur structuré et permettre une réduction accélérée du sous-emploi et du chômage, en mettant particulièrement l ’ accent sur les femmes et les jeunes. Il lui recommande aussi de veiller à ce que tous les salariés soient respectés, quel que soit leur régime d ’ emploi.

20.Le Comité constate avec préoccupation que la mise en œuvre du système dominicain de sécurité sociale de 2003 est lente, que la couverture et les services offerts sont insuffisants et que plus des trois quarts de la population, en particulier les femmes et les personnes âgées, ne perçoivent pas de retraite et ne reçoivent pas des soins de santé appropriés. Il note avec préoccupation que, dans les zones urbaines, 12 % seulement des personnes âgées ont droit à la pension de vieillesse universelle et ont accès aux soins de santé et que ce chiffre tombe à 3,4 % de la population dans les zones rurales (art. 6, 7 et 9).

Le Comité rappelle à l ’ État partie l ’ obligation qui est la sienne d ’ assurer une couverture de sécurité sociale universelle, conformément à l ’ article 9 du Pacte, et lui recommande de s ’ employer à étendre cette couverture aux travailleurs dans les zones rurales et dans le secteur informel, conformément à son Observation générale n o  19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale. Il l ’ encourage à renforcer les contrôles pour détecter les non-déclarations ou les sous-déclarations de salariés, en vue de renforcer son système de recouvrement et de permettre ainsi le financement du système de sécurité sociale. Il lui recommande d ’ envisager dès maintenant de ratifier la Convention n o  102 de l ’ O IT concernant la sécurité sociale (norme minimum) de 1952.

21.Le Comité relève avec préoccupation que les femmes sont toujours victimes de violences, en particulier dans la famille, malgré les lois qui qualifient et répriment cette forme de violence, notamment le paragraphe 2 de l’article 42 de la Constitution et la loi no 24-97 (art. 10).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ accorder un rang de priorité élevé à l ’ adoption d ’ un large éventail de mesures pour lutter contre la violence familiale et les autres formes de violence à l ’ égard des femmes et lui demande d ’ allouer les ressources humaines et financières nécessaires pour mettre en place un plan national d ’ action destiné à combattre la violence contre les femmes. Il engage l ’ État partie à veiller à ce que les autorités compétentes appliquent dûment la loi n o  24-97 de 1997 sur la violence familiale, afin, notamment, que les victimes aient effectivement accès à la justice et que les auteurs de tels actes soient poursuivis. Il lui recommande également d ’ encourager et de faciliter la coordination entre tous les acteurs qui travaillent sur des cas de violence familiale et d ’adopter des mesures pour prendre en charge les problèmes de santé physique, mentale et sexuelle résultant de cette violence, en offrant des services de soutien et de réadaptation aux victimes. Il l ’ engage à mettre en place des programmes de sensibilisation et une formation portant sur le caractère délictueux des actes de violence familiale, à l ’ intention des responsables de l ’ application des lois et des professionnels concernés ainsi que du grand public, notamment une campagne de «tolérance zéro» qui rende ce type de violence inacceptable.

22.Le Comité est préoccupé par le problème de la traite d’être humains dans l’État partie, où des personnes, en particulier des femmes et des enfants, sont toujours victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé, que ce soit à partir du pays, à travers son territoire ou dans le pays même. Il est attentif au fait que les fonds nécessaires pour faire appliquer et respecter le «Plan national d’action contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants» font défaut, et qu’il n’existe pas de mesures de réadaptation pour les victimes de la traite et de l’exploitation (art. 10, par. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d’ efforts pour lutter contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, à des fins d ’ exploitation sexuelle et de travail forcé, notamment en poursuivant et en condamnant les auteurs d’infractions, en soutenant les programmes et campagnes de sensibilisation du public qui visent à prévenir la traite, en soulignant en particulier que la traite des femmes et des enfants à des fins d ’ exploitation sexuelle est une infraction pénale, en dispensant aux responsables de l ’ application des lois, aux procureurs et aux juges une formation obligatoire sur la législation réprimant la traite et en renforçant le soutien médical, psychologique et juridique apporté aux victimes .

23.Le Comité constate avec préoccupation que malgré les efforts faits par l’État partie, le travail des enfants est toujours largement répandu, en particulier dans l’agriculture et le secteur informel (art. 10, par. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d’ efforts pour lutter contre le travail des enfants, notamment en menant des inspections du travail dans l ’ agriculture et le secteur informel, et de veiller à ce que les employeurs qui exploitent le travail des enfants soient poursuivis. Il préconise aussi que les enfants victimes de ce tte exploitation bénéficient d ’ une réadaptation. Il engage l’État partie à mener des campagnes de sensibilisation afin que le travail des enfants ne soit plus accepté socialement.

24.Le Comité est préoccupé par le fait que malgré les efforts déployés par l’État partie pour délivrer des certificats de naissance ou des papiers d’identité aux Dominicains concernés, un grand nombre de personnes, à savoir près de 100 000, ne sont pas encore enregistrées (art. 10 et 11).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ accélérer le processus d ’ enregistrement de la naissance de s personnes qui n’ont toujours pas de papiers d’identité et le prie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations à ce sujet.

25.Le Comité note avec préoccupation que le mécanisme de détermination du statut de réfugié national en place a été très peu actif, de sorte que des demandes d’asile sont pendantes depuis des années. Il regrette également que le non-renouvellement des papiers d’identité des réfugiés et le non-enregistrement des naissances par les autorités de l’État entravent sérieusement la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au travail, le droit à la santé et le droit à l’éducation (art. 10 et 11).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d’assurer la protection des demandeurs d ’ asile et d es réfugiés conformément aux normes internationales, notamment en veillant au respect du principe de non-refoulement. Il lui demande instamment d ’ élaborer et de mettre en œuvre, en consultation avec les États concernés, des politiques migratoires viables. Il lui recommande d ’ envisager d ’ adhérer à des instruments internationaux afin de r é gler la situation des apatrides, notamment à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, et de poursuivre sa coopération avec le H aut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à cet égard.

26.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de personnes qui vivent dans la pauvreté (42 %) et dans l’extrême pauvreté (10 %) dans l’État partie. Il note avec préoccupation que la baisse du revenu réel moyen enregistrée ces dernières années a entraîné chez les ménages dominicains une diminution de la consommation d’aliments de base en deçà du niveau minimum de subsistance pour les populations les plus vulnérables, et regrette que la malnutrition chronique ait augmenté. Il note avec préoccupation que la Stratégie nationale de développement, bien qu’elle soit une initiative positive, ne repose pas sur une approche fondée sur les droits et ne traite pas suffisamment des inégalités existant entre les femmes et les hommes (art. 11).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ intégrer pleinement les droits de l ’ homme, et en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, dans ses stratégies de réduction de la pauvreté, et l ’ encourage notamment à prendre des mesures visant à réduire les inégalités sociales. À ce sujet, il le renvoie à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adoptée le 4 mai 2001 (E/2002/22-E/C.12/2001/17, annexe VII) et à son Observation générale n o  15 (2002) sur le droit à l ’ eau. Il l ’ encourage également à élaborer des indicateurs et des critères et à rassembler des données ventilées afin d ’ apprécier spécifiquement les besoins des personnes et des groupes défavorisés et marginalisés, et demande que ces informations figurent dans le prochain rapport périodique.

27.Le Comité se dit de nouveau préoccupé par la pénurie de logements qui sévit toujours dans l’État partie, tant sur le plan de la quantité que sur celui de la qualité, et par les conditions de logement dans les bateyes, notamment l’accès limité aux infrastructures d’assainissement, à l’approvisionnement en eau et aux services de santé et d’éducation. Il se dit également de nouveau préoccupé par les expulsions forcées, qui contreviennent aux obligations que le Pacte impose à l’État partie, et note qu’il n’existe pas de loi ou de décret interdisant la pratique des expulsions (art. 11).

À la lumière de ses Observations générales n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et n o  7 (1997) sur les expulsions forcées, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir à tous l’ accès à un logement suffisant et abordable et la sécurité d ’ occupation sur le plan juridique, indépendamment du revenu ou de l ’ accès aux ressources économiques, en particulier pour les personnes et les groupes les plus défavorisés et marginalisés. Il lui demande aussi instamment de prendre des mesures concrètes, notamment en adoptant un cadre juridique approprié, pour fournir aux personnes expulsées un logement de remplacement ou une compensation leur permettant d ’ acquérir un logement adéquat. Il le prie en outre de communiquer , dans un délai d ’ un an, des renseignements supplémentaires actualisés sur la suite donnée aux recommandations formulées dans le rapport de la mission effectuée dans l ’ État partie par deux membres du Comité, du 19 au 2 6  septembre 1997 (E/C.12/1997/9) .

28.Le Comité se dit préoccupé par la persistance d’un taux élevé de mortalité maternelle et la mauvaise qualité générale des soins de santé maternelle, par le nombre croissant de grossesses chez les adolescentes, par le nombre élevé d’avortements non médicalisés chez les jeunes filles âgées de 12 à 18 ans, ainsi que par le manque de services de santé et d’éducation sexuelles et procréatives adaptés et accessibles. (art. 10 et 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire baisser le taux de mortalité maternelle, notamment des mesures visant à améliorer la qualité des soins maternels, y compris les services de santé prénatals et l ’ assistance médicale à la naissance. Il l ’ encourage à garantir à tous, notamment aux adolescents, un accès abordable à des services complets de planification familiale et à sensibiliser et éduquer le public en matière de santé sexuelle et procréative.

29.Le Comité est également préoccupé par les amendements à l’article 37 de la Constitution qui incriminent l’avortement dans tous les cas (art. 10 et 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de dégager des fonds pour que des moyens contraceptifs soient disponibles, afin d ’ aider les femmes et les hommes à prévenir les grossesses non désirées et d ’ éviter aux femmes des avortements non médicalisés qui peuvent mettre leur vie en danger. Il lui demande instamment de revoir sa législation sur l ’ avortement en vue de lever son interdiction lorsque la santé ou la vie de la femme est gravement menacée et lorsque la grossesse est le résultat d ’ un viol ou d ’ un inceste.

30.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les efforts faits par l’État partie dans le domaine des soins de santé, les personnes défavorisées et marginalisées n’ont toujours pas accès dans des conditions satisfaisantes à des services médicaux de qualité. Il note également avec inquiétude que:

a)Le système de santé publique est sérieusement sous-financé par rapport à la norme recommandée à l’échelle internationale, soit 3 % du produit intérieur brut (PIB);

b)Les dépenses de santé par habitant sont réparties de manière déséquilibrée dans l’ensemble du pays;

c)Le système de santé de l’État partie n’a pas de stratégie globale de protection et de promotion de la santé et de prévention des maladies (art. 12).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ augmenter ses dépenses de santé, l ’ objectif étant d ’ atteindre au moins la norme recommandée à l ’ échelle internationale, soit 3 % du PIB, et de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer l ’ accès universel aux soins de santé à un coût abordable pour tous. Dans cette optique, il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  14 (2000) concernant le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d ’ être atteint. Il lui recommande d ’ adopter des programmes de protection et de promotion de la santé ainsi que de prévention des maladies. Il lui recommande également de faire en sorte que le personnel de santé reçoive une formation appropriée, sur le plan quantitatif et qualitatif, y compris sur les aspects des soins de santé liés aux droits de l ’ homme.

31.Le Comité note avec préoccupation que le traitement antirétroviral et les tests spécifiques liés au VIH ne sont pas couverts par le régime de santé de base. Il note également avec préoccupation que la discrimination persiste à l’égard des personnes atteintes du VIH/sida et des groupes à haut risque, notamment les hommes ayant des relations homosexuelles et les personnes transgenres, et que ces groupes, ainsi que les Haïtiens sans papiers résidant dans l’État partie, les Dominicains d’origine haïtienne et les personnes vivant avec le VIH dans les bateyes, ont de sérieuses difficultés à accéder à la prévention, aux traitements, aux soins et aux services de soutien (art. 12, par. 1 et 2 c)).

Le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre ses efforts en vue d ’ adopter des programmes complets de soins, y compris de soutien, aux personnes atteintes du VIH et à limiter la propagation du VIH/sida en menant des campagnes de prévention efficaces. Il lui recommande également de prendre des mesures efficaces pour que certains groupes ne soient pas victimes de discrimination en ce qui concerne l ’ accès à la protection contre le VIH/sida, et d ’ axer les programmes de lutte contre le VIH/sida sur les groupes qui sont touchés de manière disproportionnée par l ’épidémie.

32.Le Comité note avec préoccupation que les fonds alloués à l’éducation publique sont très insuffisants malgré les obligations énoncées par l’article 63 10) de la Constitution et la loi générale no 66‑97 sur l’éducation. D’après les données communiquées par l’État partie, alors que l’objectif de financement de l’éducation fixé par la loi est de 4 % du PIB, le budget de l’éducation a représenté 2,4 % du PIB en 2010 et le projet de budget pour 2011 est fixé à 1,98 % du PIB (art. 13 et 14).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de doter le secteur de l ’ éducation d ’ un budget suffisant , en particulier pour garantir l ’ éducation pr imaire universelle et gratuite.

33.Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants vivant dans les régions reculées, les enfants d’origine haïtienne nés en République dominicaine et les enfants de migrants éprouvent toujours des difficultés lors de la première inscription et dans l’accès à l’éducation, et que la qualité et l’offre en matière d’éducation sont généralement médiocres, en particulier pour les groupes défavorisés et marginalisés et dans les zones rurales, allant de pair avec un taux élevé d’abandon scolaire et de redoublement. Il note aussi avec préoccupation que, malgré les efforts déployés par l’État partie, le taux d’analphabétisme reste élevé chez les jeunes et les adultes (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour que l ’ enseignement dans les écoles primaires et secondaires soit dispensé, conformément à la loi sur l ’ éducation, cinq heures par jour en moyenne au lieu de trois heures actuellement. Il lui recommande également de renforcer la qualité du système éducatif public et de poursuivre ses efforts pour offrir un soutien financier ciblé et d ’ autres mesures incitatives aux familles appartenant à des groupes vulnérables et défavorisés, afin de garantir que l ’ éducation est accessible à tous dans des conditions d ’ égalité et sans discrimination.

34. Le Comité encourage l ’ État partie à signer et à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

35. Le Comité invite l ’ État partie à accélérer la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques actualisées sur la jouissance de chacun des droits énoncés dans le Pacte, ventilées par âge, sexe, origine ethnique, population urbaine/rurale et tout autre critère pertinent, sur une base comparative annuelle pour les cinq dernières années.

37. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, notamment auprès des agents de l ’ État, des membres de l ’ appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les faire traduire et connaître dans la mesure du possible et de l ’ informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures prises pour leur donner effet. Il l ’ encourage également à continuer d ’ associer les institutions nationales des droits de l ’ homme, les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la soumission de son prochain rapport périodique.

38. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre un document de base commun actualisé conformément aux directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

39. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son quatrième rapport périodique, établi conformément aux directives révisées concernant l ’ établissement de rapports que le Comité a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2), avant le 30 juin 2015.