Nations Unies

E/C.12/2010/SR.15

Conseil économique

et social

Distr. générale

12 octobre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-quatrième session

Compte rendu analytique de la 15e séance

Tenue au Palais Wilson à Genève, le mercredi 12 mai 2010 à 10 heures

Président :M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième à quatrième rapports périodiques de l’Afghanistan (suite)

La séance est ouverte à 10h10.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième à quatrième rapports périodiques de l’Afghanistan(E/C.12/AFG/2-4; E/C.12/AFG/Q/2-4 et Add.1; HRI/CORE/AFG/2007)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation afghane prend place à la table du Comité.

2.M. Hashimzai (Afghanistan), présentant les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de l'Afghanistan (E/C.12/AFG/2-4), indique que son pays, qui a émergé de plusieurs décennies de conflit dont les effets ont été dévastateurs sur tous les aspects de son développement, a opté pour un modèle centré sur le peuple comme cadre de ses efforts de développement. Sur la base de ce modèle, son gouvernement a mis au point la stratégie nationale de développement de l’Afghanistan pour 2008-2013, qui sert en même temps de document de stratégie de réduction de la pauvreté et qui englobe la stratégie poursuivie pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et les critères de base fixés dans le Pacte pour l'Afghanistan. Le pilier essentiel de cette stratégie est le développement économique et social dans les domaines de l'infrastructure et des ressources naturelles, de l'éducation, de la santé, de l'agriculture et du développement rural, de la protection sociale, de la gouvernance économique et du développement du secteur privé. Les droits de l'homme jouent un rôle clé dans cette stratégie et l’égalité entre les sexes est considéré comme une question intersectorielle. Les priorités du Gouvernement sont de réduire la pauvreté, de parvenir à un développement durable grâce à une économie de marché conduite par le secteur privé et d'améliorer les indices du développement humain. En effet, ces indices, de même que l'économie, se sont considérablement améliorés depuis 2001.

3.En 2009, l'État partie a ratifié les Protocoles I et II des Convention de Genève du 12 août 1949, et en 2010, différentes conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT). Le Parlement réexamine en ce moment la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

4.Le gouvernement afghan considère que la santé est un droit humain fondamental et a adopté deux programmes de services en 2002 pour améliorer les soins de santé de manière équitable et durable : le programme de services de santé de base et le programme essentiel de services hospitaliers. Entre 2001 et 2008, il est parvenu à faire reculer de 37 % le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, et de 33 % celui des enfants de moins d'un an, atteignant ainsi les normes de mortalité infantile telles que définies dans le Pacte pour l'Afghanistan.

5.Tous les enfants ont accès à une éducation de qualité, sans aucune discrimination. La grande majorité des écoles sont gérées par l'État. 37 % des élèves et 30 % des enseignants sont de sexe féminin. Le Gouvernement encourage l'usage des langues locales à l'école : les manuels de l'école primaire sont déjà disponibles dans les langues ouzbèke et turkmène, et la préparation des manuels de l'école secondaire est en cours. Le nouveau programme d'enseignement s'appuie sur les principes islamiques et les valeurs nationales, et reflète les normes scientifiques modernes et les besoins de la société afghane. Parmi les priorités du plan stratégique en matière d'éducation, il faut citer l'enseignement technique et professionnel, la campagne contre l'analphabétisme et la sensibilisation à l’égalité entre les sexes.

6.Le Gouvernement a formé des «faisceaux de développement» dans trois secteurs : premièrement l'agriculture et le développement rural, afin d'encourager une croissance économique licite qui soit à la fois inclusive, équitable et mue par le marché, et de favoriser le développement durable des ressources naturelles; deuxièmement la mise en valeur des ressources humaines pour donner au pays une force de travail éduquée s'accordant avec les besoins du marché et améliorer la formation professionnelle et l'enseignement supérieur de manière à réduire le chômage, à faire reculer l'analphabétisme et à améliorer l'accès à l'éducation, surtout pour les filles; et troisièmement, le développement économique et infrastructurel, en mettant plus particulièrement l'accent sur la création de partenariats stratégiques avec les industries d'extraction, en facilitant la croissance mue par le secteur privé, en fournissant l'énergie à un coût avantageux et en améliorant les services de fourniture d'énergie et d'eau, d'assainissement et de santé dans les villes.

7.La base de laquelle est parti l'examen des questions relatives aux droits de l'homme en Afghanistan a été l'Accord de Bonn de 2001, qui a instauré la Commission indépendante afghane des droits de l’homme. Le nombre de rapports périodiques soumis aux différents organes de traités a été le principal indicateur de la capacité du Gouvernement à se mettre en conformité avec ses obligations en vertu des traités, et l'État partie est en bonne voie pour se mettre en conformité avec les normes définies à cet égard. L'État partie a en outre commencé à réexaminer ses lois en vue de vérifier qu'elles s'accordaient bien avec la Constitution nouvellement établie et avec les traités internationaux auxquels l'Afghanistan est partie. C'est ainsi qu'il a amendé ou adopté des lois sur le statut personnel des chiites, l'élimination de la violence contre les femmes, la liberté de la presse et le planning familial, entre autres. Une loi a en outre été votée en vue de mettre sur pied une commission chargée de superviser la mise en œuvre de la Constitution. Au niveau institutionnel, le Ministère des affaires féminines a été créé, de même qu'une direction des droits de l'homme et des affaires féminines internationales au sein du Ministère des affaires étrangères, et plusieurs ministères comptent à présent des services ayant dans leurs attributions les droits de l'homme et les questions de genre.

8.Les principes de non-discrimination et d'égalité des droits sont inscrits dans la Constitution et dans plusieurs lois. L'Afghanistan est cependant confronté à d'énormes difficultés qui ralentissent ses progrès dans la pleine réalisation de ses objectifs en matière de droits de l'homme. L'insécurité a fait obstacle au développement économique et social, et la rareté des ressources financières a empêché la mise sur pied de programmes nationaux de protection sociale, particulièrement en faveur des personnes handicapées, des enfants et des femmes. La coopération des organes gouvernementaux, de la société civile et de la communauté internationale est essentielle pour améliorer la situation au plan des droits de l'homme en Afghanistan.

9.M. Pillay fait observer que, selon les informations en possession du Comité, les dispositions du Pacte ne sont pas invoquées par les tribunaux du pays. La mise en œuvre et l'application de la législation concernant les droits économiques, sociaux et culturels semblent limitées du fait de la faiblesse du système judiciaire et de la corruption largement répandue. Les citoyens ne semblent avoir aucune confiance dans ce système et tendent à chercher ailleurs réparation des cas de violation des droits de l'homme. Il semble que 150 seulement des 1100 cas de violation des droits de l'homme portés à l'attention du Comité aient été examinés par les autorités. Il aimerait savoir quelles mesures ont été prises pour remédier à cette situation. Il demande si le Gouvernement a l'intention de fournir des ressources suffisantes à la Commission afghane des droits de l'homme, un organe indépendant qui effectue un travail précieux en Afghanistan, conformément aux principes relatifs au statut des institutions nationales (les Principes de Paris).

10.M. Atangana dit qu'il aimerait savoir comment le Gouvernement fait face au climat d'insécurité engendré par les groupes armés se livrant au commerce de stupéfiants, qui paralysent le système judiciaire et sapent la société.

11.M. Riedel, intervenant à propos de la question 4 dans la liste des points à traiter du Comité (E/C.12/AFG/Q/2-4), dit que le Comité apprécierait d'avoir quelques exemples de situations dans lesquelles des mécanismes non étatiques de règlement des différends ont eu à traiter de questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels. Il se demande quels mécanismes de surveillance ont été mis en place pour veiller à ce que les mêmes normes en matière de protection des droits de l'homme soient garanties par tous les tribunaux mobiles. Il appelle l'attention sur le Consensus de l'Atelier de Bonn relatif à l'acquisition de capacités en ce qui concerne le développement durable et la prise en main au niveau national, qui présente un intérêt particulier dans la situation d'après-conflit que connaît l'Afghanistan. Il demande quelles mesures sont prises pour promouvoir et protéger les droits du Pacte dans cette situation, celle-ci influant profondément sur la jouissance de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

12.M . Sadidit qu'il se sent mal à l'aise pour interroger la délégation sur l'application des droits économiques, sociaux et culturels, sachant que l'Afghanistan a été ravagé par des décennies de guerre et que le Gouvernement n'a pas entièrement le contrôle du pays.Il s'agit d'une situation extrêmement grave, et la priorité doit aller à l'instauration de la sécurité, car c'est une condition préalable indispensable à l'exercice des droits de l’homme, quels qu'ils soient.

13.M. Sadi demande comment l'économie de marché peut fonctionner dans un pays connaissant des problèmes aussi graves que l'Afghanistan, et de quelle manière le passage à ce type d'économie influera sur l'application du Pacte. Il demande un complément d'information sur le statut du Pacte dans le système juridique interne et plus particulièrement s'il y a eu des cas dans lesquels les tribunaux s'y sont directement référés. Dans un pays où l'on jette de l'acide à la tête des filles qui se rendent à l'école, il y a manifestement un grave déficit d'éducation dans le domaine des droits de l'homme. M. Sadi se demande comment le Gouvernement compte s'y prendre pour sensibiliser la population aux questions des droits de l'homme et si celui-ci a l'intention d'introduire l'enseignement de ces mêmes droits à l'école. Il demande comment on peut combler les divergences existant entre les normes internationales en matière de droits de l'homme et certaines interprétations de l'islam.

14.Tout en prenant note des progrès accomplis dans le respect de la législation et de la politique de lutte contre la corruption, il fait part de son souhait d'obtenir des informations sur des cas spécifiques de corruption dont les autorités ont été saisies. Il demande dans quelle mesure les contributions de la société civile ont été prises en compte dans le rapport de l'État partie. Bien qu'une législation ait été votée sur l'élimination de la violence contre les femmes, d'autres problèmes existent dans l'État partie en rapport avec l'égalité des droits des hommes et des femmes : il s'agit notamment du mariage précoce et de la pratique consistant à céder une jeune fille en règlement d'une dette. Le Gouvernement a-t-il trouvé le moyen de remédier à ces problèmes ? L'Afghanistan est confronté à d'énormes défis sur plusieurs fronts, notamment sur les plans de la sécurité, de la corruption et du trafic de stupéfiants, et doit d'abord y donner une réponse nationale. M. Sadi demande de quel soutien bénéficient les talibans et comment on peut l'expliquer.

15.M me Barahona Riera, faisant référence aux articles 2 et 3 relatifs à la non-discrimination, estime que la situation des femmes et des enfants dans l'État partie est extrêmement grave. La violation silencieuse et largement répandue des droits des femmes est un phénomène qui s'opère de manière systématique depuis des décennies. L'Afghanistan est confronté à une situation dans laquelle les violations des droits de l'homme se conjuguent à différents trafics, dont celui des stupéfiants, et au pouvoir exercé par les seigneurs de guerre. Avant toute chose, il faut identifier les causes profondes de cette situation et instaurer la paix. Si des mesures de réglementation ont été prises, reconnaissant le droit des femmes à l'égalité de traitement — notamment l'adoption de la Constitution et d'une législation consacrant les droits des femmes et instaurant un ministère des affaires féminines — des obstacles subsistent à la jouissance des droits des femmes. Mme Barahona Riera demande où se situent les principaux obstacles de l'avis de la délégation. Elle aimerait savoir quelle partie du budget national est consacrée à la protection des droits des femmes. Notant que certains éléments de la loi sur le statut personnel des chiites contredisent les normes internationales en matière de droits de l'homme, ce qui crée un vide dans la protection des droits des femmes, elle demande quelle surveillance exercent les tribunaux en ce qui concerne le respect des droits des femmes. Si des efforts sont déployés pour agir au niveau des traditions culturelles qui violent les droits de l'homme, des moyens considérables devront être mis en œuvre pour obtenir que l'égalité des sexes devienne une priorité du système éducatif.

16.M me Bonoan-Dandan , se référant au Pacte pour l'Afghanistan et à la Stratégie nationale de développement, demande comment l'État partie comprend l'expression «modèle de développement centré sur le peuple». L'État partie a cité les rapports périodiques qu'il a soumis aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme comme un indicateur de ses accomplissements dans le domaine des droits de l'homme. Elle souhaiterait savoir quelles mesures centrées sur le peuple ont été prises pour promouvoir et protéger les droits de l'homme. À cinq années de l'échéance de 2015 fixée pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, l'Afghanistan est toujours confronté à d'énormes défis. Mme Bonoan-Dandan aimerait savoir lesquels de ces objectifs le Gouvernement pense qu'il ne sera pas en mesure d'atteindre.

17.Selon le rapport de l'État partie, les entreprises afghanes recrutent des travailleurs étrangers en raison d'une idée reçue selon laquelle les Afghans auraient un faible niveau de compétences professionnelles. Sachant cela, Mme Bonoan-Dandan demande quelle est la proportion d'Afghans dans la fonction publique et dans quels secteurs les Afghans trouvent des emplois. Elle demande aussi quel traitement reçoivent les plaintes dont est saisie la Commission indépendante afghane des droits de l’homme, si le travail de la Commission fait l'objet d'un contrôle et si ses résultats sont évalués. La Commission jouit d'une bonne réputation d'indépendance et de diligence, mais elle est tributaire de fonds d'origine étrangère. Mme Bonoan-Dandan partage l'avis exprimé par M. Pillay, selon lequel le Gouvernement devrait à l'avenir financer la Commission de manière adéquate.

18.Mme Bonoan-Dandan désire savoir quel pourcentage du budget de l'État est utilisé pour les dépenses liées aux services sociaux, comment ce budget est employé et quelle proportion de l'aide internationale atteint les bénéficiaires auxquels elle est destinée. Elle demande quelles ont été les conclusions de l'examen des lois sur le statut personnel et si l'État partie envisage d'utiliser les résultats de cet examen dans une optique d'autonomisation des femmes. Bien que l'État partie ait évoqué, dans les paragraphes 52 à 54 de son rapport, les mesures prises à l'égard des personnes handicapées, le Comité a été informé qu'en Afghanistan, le handicap était considéré comme un problème médical et une affaire de charité. Si les personnes handicapées ont le droit de bénéficier de la sécurité sociale, cette assistance est purement financière; ces personnes ne se voient offrir aucune opportunité d'intégration dans le monde du travail et ne peuvent exercer aucune liberté de choix. Il a été rapporté qu'un traitement prioritaire était réservé aux handicapés dont le handicap résultait des conflits, ce qui constitue une pratique discriminatoire. Mme Bonoan-Dandan demande si le Gouvernement a prévu d'adopter une loi nationale sur le handicap et s'il escompte que le Parlement approuvera la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

19.M me Bras Gomes fait savoir que le Comité est conscient des graves problèmes auxquels est confronté l'Afghanistan et forme le vœu que l'État partie soit à présent entré dans une phase de reconstruction. Dans ce pays, les droits économiques, sociaux et culturels ne paraissent pas aussi importants que les droits civils et politiques, et, bien que cela puisse dans une certaine mesure se comprendre compte tenu de la gravité de la situation, le fait que l'État partie ait ratifié le Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels entraîne pour lui l'obligation de respecter les droits qui s'y rattachent. Le Pacte pour l'Afghanistan et la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan mettent surtout l'accent sur les droits civils et politiques. Pourtant les droits économiques, sociaux et culturels revêtent une importance particulière dans le contexte de la reconstruction. En fait, les droits de l'homme de manière générale doivent être au cœur du développement.

20.Quoique l'on trouve des dispositions relatives à la non-discrimination dans plusieurs textes de loi, il n'existe aucune législation complète en la matière. Mme Bras Gomes se demande si le Gouvernement a envisagé d'adopter une telle législation. Tout en reconnaissant que les préjugés dont souffrent les femmes et qui sont profondément ancrés dans la société afghane ne seront pas levés avant plusieurs générations, elle considère que le Gouvernement pourrait afficher la volonté politique nécessaire pour engager ce processus et qu'il pourrait s'efforcer de promouvoir les droits des femmes. Elle se demande si le Gouvernement a envisagé d'instituer un système efficace d'enregistrement des mariages comme parade aux mariages précoces et forcés. Selon les réponses écrites à la question nº 26 de la liste des points à traiter du Comité (E/C.12/AFG/Q/2-4/Add.1), une unité spéciale chargée de poursuivre les auteurs de violences contre les femmes a été créée au sein du Bureau du Procureur général et a reçu 21 plaintes depuis son ouverture en janvier 2010. Mme Bras Gomes se demande quel résultat a donné la première plainte venue devant les tribunaux et où en sont les vingt autres plaintes.

21.M . Kedzia, notant que le Gouvernement sollicite actuellement l'assistance et la coopération internationales, demande des informations sur ses principaux objectifs dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels.

22.Sachant que jusqu'à deux tiers de la population ont choisi de porter leurs griefs devant la justice traditionnelle de préférence à la justice officielle, il demande dans quelle mesure les deux systèmes peuvent être considérés comme complémentaires. Il serait intéressant de savoir si la justice traditionnelle joue un rôle de garant des droits économiques, sociaux et culturels. M. Kedzia souhaiterait savoir si le Gouvernement ou toute autre partie prenante a entrepris de diffuser les normes et les principes relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels auprès des figures dominantes de la justice traditionnelle.

23.Le Comité apprécierait d'avoir un complément d'informations sur la manière dont le rapport périodique a été rédigé, compte tenu en particulier du fait que la société civile ne semble pas y avoir contribué. M. Kedzia demande si le Gouvernement a l'intention de coopérer avec les ONG dans le cadre de rapports futurs.

24.À en croire les informations en possession du Comité, la situation sur les plan social, économique et politique varie considérablement d'une région à l'autre et d'une province à l'autre en Afghanistan, et les gouverneurs ainsi que les autorités locales jouent un rôle important dans l'organisation sociale. Il serait utile de savoir si le Gouvernement a évalué l'incidence des droits économiques, sociaux et culturels sur les politiques et les activités des autorités locales.

25.Ajoutant sa voix à celles de ses collègues qui ont fait part de leur préoccupation face à la corruption et à la discrimination largement répandues dont sont victimes les femmes dans l'État partie, M. Kedzia demande quelles politiques sociales et éducationnelles ont été instaurées pour remédier à de telles pratiques, qui sont pour l'essentiel de nature culturelle.

26.M. Abashidze demande des éclaircissements à propos du statut du Pacte dans le système juridique de l'État partie. Plus particulièrement, il demande si le Pacte prend le pas sur la législation interne en cas de conflit entre les deux. Il serait utile de savoir quel mécanisme a été mis en place pour veiller à la conformité de la législation interne avec les instruments internationaux que l'État partie a ratifiés.

27.M. Abashidze demande s'il y a eu un recensement depuis 1979. Dans le cas contraire, il aimerait en connaître les raisons. Et s'il y en a eu un, pourquoi les données qui en ont résulté ne sont-elles pas disponibles ? Etant donné que les chiffres qui ont été fournis sont approximatifs et souvent contradictoires, ils ne peuvent certainement pas être utilisés comme base de planification.

28.L'État partie doit indiquer comment il s'y prend pour instaurer un dialogue constructif avec les ONG. Ce dialogue revêt une importance particulière car ces organisations reflètent les vues et les intérêts du public, et le Gouvernement doit obtenir l’adhésion de ce dernier, surtout en vue des actions à mener sur le plan de l'application des lois.

29.De toute évidence, l'appareil judiciaire souffre d'un financement insuffisant et d’un disfonctionnement des mécanismes en place. À la lumière de cette situation, M. Abashidze demande si le Gouvernement a entrepris quelque chose pour attirer des juristes diplômés de la Fédération de Russie et d'autres pays de la Communauté d'Etats indépendants.

30.M. Schrijver, tout en disant sa compréhension des bouleversements considérables que l'État partie a connus au cours des dernières décennies, regrette que celui-ci n'ait soumis qu'un seul rapport au Comité et que ce rapport remonte à 1992. Puisque le Gouvernement s'efforce actuellement de s'engager vis-à-vis des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, il serait intéressant de savoir quelles mesures ont été prises au niveau interne pour susciter une prise de conscience du contenu, de la portée et de l'applicabilité des droits inscrits dans le Pacte. M. Abashidze demande des éclaircissements à propos des recours efficaces dont disposent les ressortissants afghans s'ils estiment que l'État a violé leurs droits humains. La délégation devrait expliquer quels mécanismes formels et informels existent pour les personnes qui tentent de faire appliquer leurs droits. Enfin, M. Abashidze souhaiterait davantage de détails concernant l'applicabilité des droits contenus dans le Pacte pour ce qui est des personnes qui vivent dans des régions se trouvant sous le contrôle des forces d'opposition ou de facto sous celui de troupes étrangères, et aussi des nombreux Afghans vivant en dehors de l'État partie, dont certains sont des réfugiés.

31.M . Dasgupta demande si l'État partie peut véritablement être considéré comme un pays ayant émergé d'une période de conflit, comme le chef de la délégation l'a affirmé dans son introduction liminaire au Comité. Il souhaiterait avoir davantage de détails sur le Pacte pour l'Afghanistan et la Stratégie nationale afghane de développement, notamment en ce qui a trait aux critères de base qu'ils contiennent. À la lumière de l'affirmation déchirante contenue dans le rapport périodique, selon laquelle certaines familles en seraient réduites à vendre leurs enfants à des trafiquants pour cause de pauvreté extrême, il aimerait avoir l'assurance que l'éradication de la pauvreté est au centre du Pacte pour l'Afghanistan.

32.M. Abdel-Moneim fait observer que, comme le manque de sécurité dans l'État partie est le principal obstacle au développement économique, il importe de souligner que l'observation stricte des règles du droit international humanitaire est la clé du droit international des droits de l'homme. Il demande des détails concernant le statut de la Déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam du point de vue du système juridique de l'État partie, compte tenu en particulier du fait que la résolution de l'Organisation de la Conférence islamique par laquelle la Déclaration a été adoptée précisait que les articles de la Déclaration avaient simplement valeur d'orientation. Enfin, il dit qu'il serait utile de savoir si l'État partie a trouvé sur son territoire des gisements de pétrole ou de gaz.

33.M. Tirado Mejía complimente l'État partie pour les efforts qu'il déploie dans le but d'améliorer une situation extrêmement difficile. Le problème le plus frappant dans l'État partie semble être celui de la discrimination dont les femmes sont victimes, comme en atteste leur espérance de vie, qui est la plus faible au monde, et aussi le fait que, contrairement à la tendance mondiale, les femmes dans ce pays ont une espérance de vie plus courte que les hommes. En plus des mesures administratives et législatives, il conviendrait que l'État partie mène une campagne culturelle vigoureuse pour éradiquer la discrimination entre les sexes.

34.Le Président, s'exprimant en sa qualité de rapporteur pour le pays, demande si l'État partie a entrepris de mener des recherches approfondies et complètes afin de déterminer lesquelles des normes de la justice traditionnelle violaient les principes des droits de l'homme. Si tel est le cas, il serait intéressant de savoir quel organisme a mené cette étude est quelle était sa composition. Il demande en particulier si les parties intéressées, et spécialement les femmes, étaient représentées en son sein. Il demande aussi si l'État partie a instauré une procédure devant permettre d'apporter des amendements à ces normes.

La séance est suspendue à midi ; elle est reprise à 12 h 20.

35.M. Hashimzai (Afghanistan) s'exprimant à propos des questions portant sur la possibilité d'invoquer le Pacte dans les tribunaux et sur la corruption et l'impunité, indique que, dès l'instant où l'Afghanistan a adhéré à un instrument international, celui-ci est incorporé au droit interne, à l'instar de la Convention des Nations Unies contre la corruption. Il convient de ne pas oublier que l'Afghanistan est passé d'une société en conflit à une société ayant émergé d'un conflit, mais qu'il se trouve à nouveau dans une situation de conflit, de sorte qu’on observe inévitablement des cas de corruption et d'impunité. Cependant, lorsqu'une personne fait l'objet de poursuites, il est très difficile d'interrompre ce processus.

36.S'agissant des plaintes en violation des droits de l'homme faites par certaines ONG, sa délégation ne peut parler que de celles qui sont fondées. Par exemple, une organisation s'est plainte sans en apporter la preuve qu'il y avait eu 1100 cas de violence contre les femmes. Le Gouvernement fait de son mieux. Il a signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et une loi interdisant spécifiquement la violence contre les femmes a été adoptée par le Parlement. Les personnes qui se rendent coupables de violence contre les femmes sont sanctionnées et le Gouvernement met à disposition des moyens pour révéler les cas de ce type. Lorsqu'ils sont identifiés, les coupables sont poursuivis. Sur la question des recours dont disposent les victimes, il fait observer que les ressources publiques sont limitées, mais que les auteurs de violence sont tenus de dédommager leurs victimes.

37.Sur la question du manque de confiance dans les tribunaux, M. Hashimzai rappelle qu'il y a dix ans, le Gouvernement s'est donné une feuille de route pour le développement des tribunaux et la mise en place d'un appareil judiciaire indépendant, reposant sur la sécurité, la bonne gouvernance, la priorité du droit, les droits de l'homme et le développement économique et social. Des progrès considérables ont été accomplis en la matière : le système carcéral a été amélioré, de nouvelles prisons ont été construites et celles qu'ont laissées les forces étrangères seront remises aux autorités afghanes.

38.Les trafiquants de stupéfiants ne jouissent d'aucune impunité; au contraire, ils s'exposent à des sanctions sévères. La loi veut qu'un prisonnier purge sa peine à proximité de sa famille, mais cette règle ne s'applique pas à ceux qui s'adonnent au commerce de la drogue, lesquels sont détenus dans une prison spéciale de Kaboul si leur peine dépasse cinq ans.

39.Sur la question de la justice traditionnelle ou informelle, M. Hashimzai reconnaît que celle-ci prévaut sur la justice officielle dans l'usage, mais ce n'est pas toujours une mauvaise chose. Dans chacun des 50 000 villages de l'Afghanistan, on trouve une personne ayant l'autorité de trancher différentes questions telles que les litiges portant sur des biens fonciers, pour autant que les parties concernées s'en remettent à elle. Cette dernière doit agir en conformité avec la loi et ne peut traiter que des cas relevant du droit civil. Pour ceux qui l'acceptent, la justice informelle est facile d'accès, rapide et peu coûteuse. Mais elle crée aussi des difficultés parfois. Il arrive que des décisions rendues soient contraires à la loi ou préjudiciables au bien-être des personnes, en particulier des femmes. Pour autant que les forces de l'ordre en aient connaissance, de tels cas peuvent être portés devant les tribunaux. Le Gouvernement a entrepris d'explorer la question et tente d'établir un lien entre le système de justice informelle et les tribunaux, de telle façon que ceux-ci puissent convaincre les acteurs de cette justice informelle de ne pas porter atteinte aux femmes. De plus en plus, on voit d'ailleurs les villages se tourner directement vers l'appareil judiciaire officiel.

40.Quant à la question de savoir comment l'économie de marché peut fonctionner si le gouvernement central ne contrôle pas le pays, M. Hashimzai indique que le Gouvernement contrôle pratiquement toutes les capitales de province et de district, encore que cela ne soit pas toujours le cas en zone rurale.

41.M me Burhani (Afghanistan) indique que les droits des femmes sont une priorité pour le Gouvernement. Conformément à la disposition de la Constitution qui garantit des droits égaux aux femmes, le Gouvernement a créé le Ministère de la santé publique et le Ministère des affaires féminines. Une loi sur la violence contre les femmes a été adoptée en 2009 et une commission a été établie pour combattre la discrimination dont les femmes font l'objet. Un organe consultatif supervise toutes les activités relatives aux droits des femmes et une règle budgétaire a été introduite selon laquelle les ministères et autres administrations concernées doivent, pour disposer de leur budget, accorder la place voulue aux questions de l’égalité entre les sexes. C'est ainsi que le budget de certains projets est consacré pour moitié aux questions relatives à la condition de la femme. Dans certains cas, c'est l'intégralité du budget qui est consacrée à la santé des femmes ou à des campagnes de sensibilisation aux droits des femmes, sous la houlette des ministères de l'éducation, de l'enseignement supérieur, des affaires féminines et de la santé publique. Le pays observe en outre la Journée de la maternité sans risques et la Journée internationale de la femme.

42.De nombreuses difficultés se posent néanmoins. Par exemple, une enquête nationale a montré que le taux d'alphabétisation chez les femmes était de 12 %. Bon nombre de femmes vivent en deçà du seuil de pauvreté et sont en outre confrontées aux barrières sociales et culturelles érigées par la tradition. La Cour suprême et les divers ministères s'emploient toutefois à faire bouger les choses, étape par étape.

43.Cas unique dans le monde, l'espérance de vie en Afghanistan est plus élevée chez les hommes que chez les femmes, puisqu'elle se situe respectivement à 47 et 45 ans. Les explications sont essentiellement d'ordre social et économique, notamment l'accès médiocre aux services de santé maternelle et le taux élevé de violence contre les femmes. Ce n'est pas une coïncidence si le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est lui aussi élevé. La priorité du Gouvernement est donc de réduire la mortalité maternelle et infantile et d'améliorer la santé maternelle. L'évaluation nationale des risques et vulnérabilités de 2007/2008 a révélé une baisse de 7 % de la mortalité infantile et des progrès en matière de soins prénatals, de santé mentale et d'usage de services de contraception. Une autre enquête doit être réalisée en juin 2010 et l'on espère qu'elle révélera de nouvelles améliorations sur les plans de la santé et de l'espérance de vie.

44.M. Hashimzai (Afghanistan) relève que des membres du Comité se sont émus de l'adoption de la loi sur le statut personnel des chiites, estimant que cette loi était porteuse de discriminations contre les femmes. En fait, la Constitution permet aux minorités d'avoir leur propre loi de la famille. Toutefois, lorsque la communauté internationale a émis des objections sur la base de leur caractère discriminatoire, les dispositions controversées ont été abandonnées et la loi a été amendée. On constate parfois un écart entre l'adoption d'une loi et sa mise en œuvre, mais de tels écarts sont habituellement corrigés lorsque les tribunaux jugent qu'un principe donné est contraire aux droits de l'homme.

45.M. Hashimzai a utilisé l'expression «développement centré sur le peuple» en reconnaissance du fait que la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan est une création démocratique : le Gouvernement a émis des propositions qui ont été débattues dans chaque province, et les vues des habitants ont été prises en considération dans la version finale de la stratégie.

46.M. Muhmand (Afghanistan) explique que, lorsque le Gouvernement a commencé à mettre en œuvre la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan en 2008, il a décidé, au vu des difficultés sociales et culturelles, de mettre spécialement l'accent sur la réduction de la pauvreté. Cette stratégie repose sur trois piliers : la sécurité, la bonne gouvernance et la protection sociale. Pour cette dernière, les critères de base sont la lutte contre les activités liées au trafic de stupéfiants sur le territoire, la création d'emplois pour les jeunes, le règlement de la question des réfugiés, et la prise en compte des besoins des femmes vulnérables et des intérêts des enfants. Un organe de planification a été affecté à la réalisation de chaque critère et une législation sera adoptée dans chaque cas. Le Rapport sur le développement humain de l'Afghanistan publié par le Programme des Nations Unies pour le développement(PNUD) a noté que des progrès considérables avaient été accomplis dans la réalisation des piliers sociaux et économiques de la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan. Les droits de l'homme constituent un sous-secteur distinct et la question de l’égalité entre les sexes est intersectorielle. La majeure partie du budget alloué à la stratégie va à la santé et à l'éducation.

47.M. Hashimzai (Afghanistan) fait observer, à propos du manque de moyens à la disposition de la Commission indépendante afghane des droits de l’homme, qu'au départ, lorsque le pays a émergé de la période de conflit, le Gouvernement manquait de fonds, mais aujourd'hui, la communauté internationale aide à mobiliser, par l'impôt, davantage de recettes en faveur de la Commission. Une nouvelle commission a été nommée et le PNUD prend ses dépenses à sa charge jusqu'à ce que le Gouvernement soit en mesure de les assumer lui-même. Cette commission est effectivement indépendante : ses rapports n'épargnent pas le Gouvernement et contiennent des données détaillées qui se sont révélées utiles dans la préparation des deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques de l'Afghanistan au Comité. Elle a des antennes dans les provinces et est habilitée à connaître de plaintes concernant des violations des droits de l'homme. D'ores et déjà, elle bénéficie déjà d'une influence réelle et, à mesure qu'elle gagnera en expérience, deviendra bientôt un puissant porte-voix de la société. Son intention est de créer une unité des droits de l'homme au sein du Ministère de la justice, qui rendra compte du bilan des autres départements gouvernementaux dans le domaine des droits de l'homme. En fin de compte, il y aura une unité des droits de l'homme dans chaque ministère.

48.M. Muhaqqique (Afghanistan) indique qu’un nouveau programme moderne a été préparé à des fins d'enseignement des droits de l'homme dans les écoles primaires et secondaires, traitant des droits des femmes, des parents, des enseignants, des voisins, des personnes âgées, des enfants et même des animaux. L'éducation est un droit inaliénable : les enfants doivent avoir un accès équitable à l'éducation, sur un pied d'égalité, sans distinction de race, d'appartenance ethnique, de religion, de langue, d'origine géographique ou de statut social. La Constitution dispose que l'enseignement doit être dispensé gratuitement à tous les Afghans jusqu'au niveau de l'enseignement universitaire supérieur. L’objectif est de voir se développer la transparence islamique dans le domaine des droits de l'homme par l'accès à une éducation de qualité pour tous, permettant de participer activement au développement durable, à la croissance économique et à la sécurité nationale.

La séance est levée à 13 heures.