Nations Unies

E/C.12/2010/SR.2

Conseil économique et social

Distr. générale

10 mai 2010

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante ‑quatrième session

Compte rendu analytique de la deuxième partie (publique)* de la 2 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 3 mai 2010, à 15 heures

Président: M. Marchán Romero

Sommaire

Questions de fond concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels: documents soumis par des organisations non gouvernementales

La séance est ouverte à 16 heures.

Questions de fond concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels: documents soumis par des organisations non gouvernementales (point 3 de l’ordre du jour)

1.M. Barett (International Harm Reduction Association) évoque les mesures de contrôle des drogues appliquées dans quatre des États parties dont les rapports sont examinés par le Comité à sa quarante-quatrième session, à savoir l’Afghanistan, la Colombie, le Kazakhstan et Maurice, et les questions de droits de l’homme et de santé qui en découlent.

2.Souvent considéré − à tort − comme un problème national, le contrôle des drogues intéresse les travaux du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Les mesures prises en la matière ont en effet des répercussions sur l’exercice des droits de l’homme. Elles ont donné naissance à un véritable marché parallèle de dimension macroéconomique, qui a favorisé la corruption des responsables de l’application des lois et des autres agents de l’État. Les moyens qui devaient être consacrés à la santé publique (VIH/sida, réduction des risques) sont mobilisés pour la répression (Kazakhstan et Maurice, notamment). Les mesures de contrôle des drogues ont également entraîné un déplacement géographique − dit «effet de déplacement» −, en particulier en Colombie où l’on compte désormais 4 millions de personnes déplacées. Il serait intéressant à cet égard que la délégation colombienne renseigne le Comité sur la proportion de cette population qui s’est déplacée à la suite de la fumigation des cultures de coca. En outre, les mesures adoptées ont entraîné la stigmatisation des consommateurs de drogues et leur mise au ban de la société, les exposant davantage aux violations de leurs droits fondamentaux.

3.M. Barett évoque ensuite les programmes dits «de développement alternatif» menés en Afghanistan et en Colombie, qui visent à remplacer la culture de plantes servant à fabriquer des drogues illicites (pavot, coca) par la culture de produits licites. La régression constatée à la suite des mesures prises dans ces deux pays montre bien qu’il faut impérativement veiller au bon enchaînement des interventions de développement et tenir compte des moyens en place, notamment de l’existence des infrastructures nécessaires aux populations pour accéder aux marchés et vendre les produits issus des cultures licites.

4.M. Ferkal (Tamazgha) relève les contradictions dans la démarche de l’État algérien qui, d’une part, a déclaré la langue amazighe langue nationale à la faveur d’un amendement de la Constitution et, de l’autre, poursuit sa politique d’exclusion de cette langue dans l’ensemble de l’appareil administratif et judiciaire du pays. Malgré les annonces de mesures gouvernementales en faveur des différentes formes d’expression en langue amazighe (théâtre, chanson, cinéma, littérature, presse), rien ne semble évoluer et aucune information n’est disponible quant aux montants alloués aux associations chargées de défendre de telles initiatives.

5.De même, l’alphabétisation des amazighophones se fait en langue arabe, ce qui dénote une politique d’arabisation des Amazighs: seulement 2,5 % des élèves scolarisés en Algérie bénéficient d’un enseignement en langue amazighe, et à Alger, où plus de 50 % de la population est amazighophone, cet enseignement n’est dispensé qu’à 63 élèves. Il convient donc de geler la loi d’arabisation dans le pays, dans l’attente de son abolition, et de modifier sans tarder la Constitution algérienne de façon à y inscrire la langue amazighe comme langue officielle.

6.M. Tirado Meija demande confirmation du fait qu’en Kabylie, les documents en langue amazighe ne sont pas reconnus en tant que documents officiels. Il souhaite par ailleurs savoir si l’inscription dans la Constitution de la langue amazighe comme langue nationale n’a eu aucun effet perceptible.

7.M. Ferkal (Tamazgha) dit que si l’inscription de la langue amazighe comme langue nationale constitue un véritable pas en avant, les pourcentages communiqués montrent bien l’insuffisance des efforts de l’État algérien en faveur de cette langue. S’agissant des documents officiels, la réalité actuellement est que la seule langue officielle du pays demeure l’arabe, et que la loi d’arabisation favorise un véritable impérialisme linguistique de l’arabe.

8.M me  Rodriguez (Plataforma Colombiana de Derechos Humanos, Democracia y Desarollo) indique qu’en Colombie, différents paramètres − malnutrition et insécurité alimentaire, proportion de jeunes non scolarisés, précarité des travailleurs et surtout des femmes, inégalités institutionnelles en matière de santé, pratiques discriminatoires envers différents groupes de population − dénotent un important recul dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par l’ensemble de la population. Le nombre record de personnes déplacées à l’intérieur du pays témoigne d’une grave crise humanitaire, et l’adoption de mesures régressives a accentué la concentration des richesses et, à terme, freiné les investissements en faveur de la santé, de l’éducation et de l’eau potable.

9.La situation sanitaire se dégrade comme le montrent l’affaiblissement du réseau hospitalier, la résurgence de maladies telles que la tuberculose, la mortalité maternelle et le faible poids des nourrissons à la naissance. L’absence de politiques publiques en matière d’emploi et d’alimentation atteste que les obligations découlant du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas respectées. Le Gouvernement colombien continue de reporter de façon injustifiée la mise en place de l’éducation gratuite, les seules avancées en la matière relevant de politiques régionales. Outre l’absence de garanties juridiques d’occupation, les logements, en quantité insuffisante, sont souvent construits avec des matériaux de mauvaise qualité et n’offrent pas les services de base. Bien que le droit international l’interdise, la Colombie continue d’avoir recours aux expulsions forcées.

10.Sous l’effet de mécanismes légaux et illégaux, la propriété terrienne s’est concentrée, au détriment des communautés autochtones et d’ascendance africaine et des familles paysannes. Faute de consultation préalable de ces populations, la nouvelle politique agraire a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle mais les autorités nationales continuent de l’appliquer sous d’autres formes. Des lois ont récemment été adoptées qui restreignent le droit d’accès à la propriété terrienne des peuples autochtones exigeant, par exemple, leur sédentarisation.

11.Par ailleurs, il est très préoccupant de constater la persistance de la violence sexuelle exercée contre les femmes comme fait de guerre et de l’impunité à l’égard de telles pratiques. On assiste parallèlement à un appauvrissement de la population féminine. Enfin, des personnes continuent d’être la cible d’actes de violence en raison de leur orientation sexuelle.

12.M me  Rodriguez (Commission colombienne de juristes) dit qu’en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Colombie s’était engagée à ne pas prendre de mesures délibérément régressives, engagements qu’elle n’a pas tenus si l’on en juge par certains exemples. La loi no 789 de 2002 revient sur certaines garanties accordées aux travailleurs par le Code du travail en réduisant leurs revenus et en modifiant les horaires de travail. De même, en 2001 et en 2007, des réformes constitutionnelles concernant le transfert de ressources du budget national vers les départements et les régions ont porté atteinte aux droits à l’éducation, à la santé, à l’accès aux services d’assainissement et à l’eau potable en réduisant considérablement les sommes affectées à ces services. En outre, l’Accord de libre-échange entre la Colombie et les États-Unis a eu par exemple pour conséquence, en renforçant notamment les normes de protection de la propriété intellectuelle, de rendre plus difficile l’accès aux médicaments puisque les prix de ces derniers ont augmenté de près de 40 %.

13.La Commission colombienne de juristes demande à l’État colombien de respecter ses obligations au titre du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de se conformer à l’Observation générale no 3 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels relative à la nature des obligations des États; de satisfaire à ses obligations constitutionnelles consistant à donner la priorité aux dépenses publiques en matière sociale et d’adopter des mesures favorables aux personnes en situation de vulnérabilité. Pour ce faire, elle invite l’État colombien à modifier la législation du travail en consultant les acteurs concernés, en particulier les travailleurs et les organisations syndicales; à modifier le régime actuel de transfert de ressources budgétaires et à revenir aux dispositions prévues par la Constitution de 1991 afin que la décentralisation administrative se traduise par une augmentation permanente des ressources octroyées aux régions; à solliciter l’envoi, par le Comité, d’une mission d’évaluation de la mise en œuvre de ces recommandations et des observations finales que celui-ci formulera à l’issue de l’examen du cinquième rapport périodique de la Colombie.

14.M. Rosado (Commission colombienne de juristes) dit qu’en dépit de la ratification, par l’État colombien, des principaux instruments internationaux relatifs aux droits du travail et des dispositions de la Constitution de 1991, la Colombie connaît la situation la plus dramatique du continent américain en matière d’emploi, les chiffres officiels faisant état d’un taux de chômage de 12 % en 2009.

15.Pour contourner le droit du travail, une loi autorisant la création de coopératives d’emploi («cooperativas de trabajo asociado») a été adoptée. Ce sont des bourses à l’emploi qui fournissent de la main-d’œuvre à des entreprises privées et à l’État et qui n’offrent ni droits, ni protection des autorités à ceux qu’elles font travailler. Le nombre de ces coopératives a triplé depuis 2002; le nombre de travailleurs qu’elles emploient a quant à lui quintuplé pour atteindre 540 000 personnes.

16.Les femmes sont les premières victimes de la crise de l’emploi, leur salaire restant inférieur à celui des hommes. Les «mères communautaires» ne sont toujours pas reconnues comme des travailleuses. La moitié des chômeurs sont des jeunes et la situation est pire pour les jeunes femmes, dont le taux de chômage s’élève à 28 %.

17.La persécution des syndicalistes et les violences à leur égard persistent de même que l’impunité vis-à-vis de tels actes. Le droit aux négociations collectives n’existe plus: en 2008 et en 2009, on a enregistré 30 % de négociations de conventions collectives de moins par an. Le taux de syndicalisation en Colombie est le plus bas d’Amérique latine.

18.M me  Suárez Franco (FIAN International) dit que son organisation soutient l’élaboration de rapports de surveillance sur la situation du droit à l’alimentation dans plusieurs pays. En Colombie, 41 % des foyers connaissent une insécurité alimentaire, ce chiffre se montant à 58,3 % dans les zones rurales. 45 % des femmes en état de procréer et 33 % des enfants de moins de 5 ans sont anémiés. Cette situation nutritionnelle a des causes structurelles, parmi lesquelles une répartition inégale de l’accès aux ressources productives. L’État n’a pas adopté de mesures efficaces pour remédier au défaut d’accès aux ressources des plus marginalisés. Au contraire, la politique agricole à visée exportatrice a favorisé les plus forts politiquement et économiquement.

19.Les paysans sont sans défense face aux propriétaires terriens, aux entreprises transnationales et à la criminalité organisée. Certains sont obligés de s’associer à de grandes entreprises avec tous les risques que cela comporte en matière de production ou d’acquisition d’aliments et de relations commerciales ou de travail. La restitution de leurs terres aux victimes du confit armé est très lente et s’accompagne parfois de conditions qui ne leur garantissent nullement d’avoir le contrôle de leurs ressources. Parallèlement, sous couvert de mesures de santé publique, l’État a interdit la commercialisation de certains aliments de base en Colombie comme le lait et le poulet; les prix ont donc augmenté, rendant l’acquisition de ces produits impossible pour certaines personnes.

20.M. Obregon (Coordinación Regional del Pacífico Colombiano) dit que les grands projets qui affectent la région du Pacifique se poursuivent, modifiant au passage l’utilisation des terres, les coutumes et la vie des communautés. Les politiques de l’État donnent la priorité aux ouvrages d’infrastructures qui mettent en péril les droits économiques, sociaux et culturels de la population. Sont particulièrement préoccupants les projets concernant l’exploitation des ressources énergétiques, minières, forestières et visant à produire des biocombustibles. C’est dans cette région qu’ont eu lieu 18 % des déplacements forcés enregistrés dans le pays, les populations les plus affectées étant celles d’ascendance africaine. À ce problème vient s’ajouter celui de la monoculture pour la production d’huile de palme dont la promotion a été assurée par l’État dans l’optique de favoriser le développement mais sans consultation des populations concernées, et qui a entraîné des usurpations illégales de terres collectives.

21.De plus, suite à la construction du canal Naranjo en 1973, le niveau du fleuve a considérablement augmenté, endommageant les maisons et les infrastructures. Depuis février 2009, la population n’a plus accès à l’eau potable. Dans ces conditions, l’organisation Coordinación Regional del Pacífico Colombiano demande au Comité d’assurer un suivi de la situation des populations d’ascendance africaine et autochtones en Colombie et d’appuyer les initiatives de la population civile visant à s’assurer qu’elle sera consultée avant la mise en œuvre de normes internationales la concernant.

22.M me  Ojeda Jayariyu (Comunidad indigena Wayuu de Wepiapaa) explique qu’elle fait partie de la communauté autochtone Wayuu qui a été obligée de quitter Alto San Jorge, dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en novembre 2005 lorsque des groupes paramilitaires ont fait disparaître son oncle, Oleotero Jayariyu. Trente-six familles ainsi déplacées se sont installées à Dibulla, dans le nord du pays. Cette population ne jouit pas de ses droits à l’alimentation, à la santé, à l’éducation et à une vie digne. Les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les enfants souffrent toujours plus de dénutrition. La communauté Wayuu de Wepiapaa est reconnaissante de l’appui du Programme alimentaire mondial et d’Action contre la faim dont elle a pu bénéficier mais déplore que les entités étatiques n’assument pas leurs responsabilités. L’Institut colombien de protection de la famille (ICBF) ne fournira plus de petits-déjeuners aux enfants. Les déjeuners pour les enfants ne sont fournis que les jours d’école.

23.La communauté de Wepiapaa demande essentiellement sa réinstallation et l’octroi d’un territoire pour qu’elle puisse exercer des activités économiques et productives pour assurer son autosuffisance. Elle veut également que ses enfants aient le droit à l’éducation pour éviter, comme actuellement, d’avoir à leur donner une éducation occidentale. Les cours qu’elle dispense actuellement aux enfants ne sont pas reconnus par les autorités. Les groupes paramilitaires continuent à surveiller la communauté, fait que la Defensoría del Pueblo a reconnu en 2009. La communauté Wayuu demande donc au Comité de recommander au Gouvernement colombien d’améliorer ses conditions de vie, notamment en indemnisant totalement et collectivement les 36 familles concernées, en leur octroyant un territoire où se réinstaller et en leur garantissant la jouissance, entre autres, de leurs droits à l’alimentation, à la santé et à l’éducation.

24.M me Ortegon(Colectivo de abogados − Federación internacional de derechos humanos) constate que la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels en Colombie est loin d’être garantie et que les chiffres, y compris les chiffres officiels, sont très proches de ceux de 2002. Cela montre que les recommandations du Comité n’ont pas été suivies d’effet et, notamment, que la réforme agraire de fond, l’exercice des droits des personnes déplacées, la baisse du chômage, la diminution des écarts salariaux entre hommes et femmes, la réduction des inégalités dans le système de santé et l’accès à un enseignement primaire gratuit ne sont pas encore une réalité.

25.Le Gouvernement colombien a adopté des mesures clairement régressives, en contravention de l’article 2 du Pacte. Les ONG demandent que l’État colombien applique les recommandations formulées dans les observations finales du Comité sur le quatrième rapport périodique (E/C.12/1/Add.74) et ratifie le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Elles ont aussi soumis par écrit au Comité un certain nombre de recommandations qu’elles souhaitent voir adresser au Gouvernement colombien.

26.M. Alonso Velez (Corporación Grupo Semillas) déclare que la Colombie est un pays d’une grande richesse biologique, où de nombreuses variétés végétales traditionnelles − de maïs, notamment − sont cultivées et conservées par les peuples autochtones et d’autres agriculteurs depuis des siècles. Or, l’introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM) sur le territoire colombien présente des risques avérés pour ces cultures traditionnelles qui seront contaminées d’une manière irréversible, pour la santé animale, et donc probablement humaine, ainsi que pour l’environnement et la chaîne alimentaire, par le sol et l’eau notamment. Il est prouvé scientifiquement que les plantes transgéniques développent des résistances à certains insectes ravageurs ainsi qu’à certains herbicides, rendant nécessaire l’emploi de produits plus toxiques.

27.Les décisions prises par le Gouvernement colombien en matière d’OGM s’appuient sur les études incomplètes et insuffisantes réalisées par l’Instituto Colombiano Agropecuario (ICA) et par les entreprises intéressées. Elles n’ont fait aucun cas des avis techniques émis par le Ministère de l’environnement et du développement du territoire et ont été prises de manière unilatérale, sans égard pour les dispositions du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatives à l’information et la participation du public au processus décisionnel et à la prise en compte des considérations socioéconomiques.

28.Les politiques et les décisions du Gouvernement colombien concernant les OGM violent les droits des peuples autochtones du pays, en particulier leur droit à disposer d’eux-mêmes, leur droit de participer aux décisions afin de protéger les droits qu’ils ont sur leur culture, leurs biens et leur environnement (Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux), leur droit à l’alimentation et leur droit à la santé.

29.En conclusion, M. Alonso Velez demande au Comité d’envisager de formuler un certain nombre de recommandations à l’intention du Gouvernement colombien. Premièrement, le Gouvernement colombien devrait reconnaître les preuves scientifiques concernant les menaces de contamination qui pèsent sur les semences traditionnelles et les incidences négatives sur la santé et l’environnement, et déclarer un moratoire complet sur les nouvelles plantations d’OGM jusqu’à ce que la sécurité et l’innocuité de ces organismes soient scientifiquement établies. Deuxièmement, il devrait apporter au public des informations complètes et sincères sur les OGM dont la culture est envisagée; en particulier, organiser des concertations préalables avec les peuples autochtones conformément aux règles internationales et nationales en vigueur. Troisièmement, il devrait réaliser des études scientifiques, socioéconomiques et culturelles pour évaluer pleinement les risques et les effets que les cultures d’OGM peuvent faire peser sur les droits de tous les Colombiens, et en particulier des peuples autochtones et des populations d’ascendance africaine; évaluer les résultats de ces études et prendre les décisions en tenant compte du principe de précaution, comme l’exigent le droit international et la législation colombienne; donner également à tous les citoyens accès aux résultats de ces études et évaluations et les diffuser. Quatrièmement, il devrait révoquer toutes les autorisations relatives à l’introduction et la commercialisation des semences et des aliments génétiquement modifiés accordées sur le territoire national, et adopter toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits de tous les Colombiens, notamment des peuples autochtones, de participer à la prise des décisions liées à l’introduction des OGM. Cinquièmement, il devrait reconnaître, au niveau des autorités publiques et dans la loi, le droit des peuples autochtones de déclarer leurs territoires exempts d’OGM et appuyer ces initiatives citoyennes en veillant à leur application.

30.M. Kerdounsouhaiterait savoir quel est le nombre exact de personnes déplacées en Colombie, car les chiffres dont il dispose diffèrent selon les sources. En dehors de la violence, quelles sont les raisons essentielles de ces déplacements?

31.M. Schrijver, évoquant les renseignements selon lesquels les normes internationales relatives aux droits de l’homme prévalent sur le droit interne, demande aux organisations non gouvernementales (ONG) ce qui se passe lorsqu’elles invoquent directement des dispositions du droit international relatif à ces droits devant un tribunal colombien.

32.M me Bonoan - Dandannote que la plupart des observations finales du Comité sur le quatrième rapport périodique de la Colombie (E/C.12/1/Add.74) n’ont pas été suivies d’effet.

33.M. Riedelsouhaiterait connaître le point de vue des ONG sur le recours à la violence physique, sexuelle et psychologique contre les femmes et les enfants en tant que stratégie de guerre. Il s’interroge aussi sur les mesures prises par les pouvoirs publics pour protéger les bâtiments scolaires contre l’occupation par des groupes armés et remédier à l’interruption des cours qui en résulte.

34.M. Sadi demande aux ONG quelles mesures prioritaires elles souhaiteraient voir le Comité recommander au Gouvernement colombien. En ce qui concerne les personnes déplacées pour cause de conflit armé, il voudrait savoir ce que les ONG attendent précisément du Gouvernement colombien, qui est en guerre contre des groupes illégaux.

35.M me Ortegon (Colectivo de abogados − Federación internacional de derechos humanos), répondant à la question sur le nombre de personnes déplacées, reconnaît qu’il existe d’importantes différences entre les chiffres officiels et les chiffres des ONG, qui sont toutefois tous très élevés. Cette année, le Gouvernement colombien fait état de 110 000 personnes déplacées et les ONG du double, les différences tenant, de l’aveu même du Gouvernement, au fait que certaines catégories de personnes ne sont pas prises en compte dans les chiffres.

36.En ce qui concerne la faiblesse du système de protection en faveur des personnes déplacées, la Cour constitutionnelle a fait savoir que la situation de ces personnes était inconstitutionnelle; elle a également constaté le non-respect par l’État de ses obligations à cet égard et ordonné que des mesures concrètes soient prises. Après cet arrêt, rendu en 2004, elle a suivi la situation, rendant d’autres décisions relatives aux incidences du déplacement sur les populations, notamment les populations d’ascendance africaine et les peuples autochtones, en particulier les femmes, qui établissaient le lien entre déplacements et violences sexuelles. Les politiques publiques ne sont pas parvenues à mettre en place un système capable de prévenir ces déplacements; de plus, ce sont des politiques d’aide d’urgence à court terme qui ne garantissent pas durablement − et de ce fait violent − les droits à la santé, à l’éducation, au logement, etc., de ces populations, dont la Cour constitutionnelle a déclaré qu’elles étaient victimes de discrimination.

37.Les autorités ont aussi adopté une politique de retour qui, pour les ONG, dépend de la restitution aux populations déplacées de leurs terres et de leurs biens. Cette nécessité renvoie à la cause des déplacements qui sont évidemment imputables, en premier lieu, au conflit armé, mais aussi à un conflit social et à la spoliation des terres utilisées pour la réalisation d’ambitieux projets industriels, touristiques ou miniers. Quelque 4 millions de personnes en sont victimes.

38.M me  Rodriguez (Commission colombienne de juristes) explique que la Cour constitutionnelle colombienne est un exemple non seulement pour les systèmes judiciaires d’Amérique latine mais pour d’autres aussi en raison de sa doctrine fondée sur l’harmonisation systématique des normes internationales relatives aux droits de l’homme, des droits constitutionnels et du droit applicable. Cette doctrine est très utile lorsque la loi nationale porte atteinte aux droits de l’homme ou lorsqu’elle n’est pas claire et qu’il faut invoquer les normes internationales en la matière et les recommandations du Comité.

39.En ce qui concerne la liste des priorités à présenter au Gouvernement, les ONG considèrent que les politiques doivent être centrées sur les personnes vulnérables, et non sur un petit groupe de nantis, qu’elles doivent rompre avec l’assistance qui crée la dépendance et donner aux personnes les moyens de prendre leur destin en main.

40.M. Rosado(Commission colombienne de juristes) ajoute que la redistribution des richesses doit également figurer parmi les priorités car si la Colombie a enregistré une forte croissance au cours de ces dernières années, l’emploi dans le secteur formel n’a pas progressé. Les dépenses militaires de la Colombie, qui sont les plus élevées d’Amérique latine, sont un autre sujet de préoccupation.

41.M. Rosado dit qu’un autre sujet prioritaire est l’aggravation des inégalités au cours des dernières années. Les politiques menées n’ont pas contribué à la redistribution des richesses. Les cinq années de croissance économique soutenue jusqu’à l’année 2008 n’ont pas entraîné de diminution de la pauvreté ni d’augmentation de l’emploi structuré. Les autres sujets de préoccupation de la Commission colombienne de juristes sont en particulier les suivants: des politiques centrées sur l’assistanat qui n’aident pas la population à sortir de la pauvreté et se limitent au versement de petites allocations de survie; des dépenses militaires très élevées en proportion du produit intérieur brut, situant la Colombie au deuxième ou troisième rang mondial dans ce domaine et au premier rang régional; l’absence de politiques visant à promouvoir l’emploi structuré et de politiques progressistes dans le domaine de la santé.

42.M. Yip Tong (Collectif Urgence Toxida) dit que d’après l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Maurice se situe actuellement au deuxième rang mondial en matière de consommation d’opiacés. Cela se traduit par un taux de séropositivité alarmant, quatre fois plus élevé que celui d’un pays comme la France. Le Collectif Urgence Toxida représente des ONG de lutte contre le VIH/sida et de prévention de la toxicomanie. Il mène actuellement un programme de prévention des risques et d’administration de traitements à la méthadone. Le Gouvernement mauricien est conscient de l’urgence de la situation et a adopté une loi-cadre sur les programmes d’échange de seringues et de traitement à la méthadone.

43.La drogue a des conséquences pour l’économie tout entière. Afin de réduire la demande, il est indispensable d’aborder le problème sous l’angle social en améliorant l’accès à l’éducation et aux loisirs. L’augmentation de la consommation s’accompagne d’une hausse spectaculaire de la criminalité, ce qui peut avoir des incidences sur le tourisme. M. Yip Tong déplore les positions favorables au rétablissement de la peine de mort pour les trafiquants exprimées par le Premier Ministre sortant dans le contexte des prochaines élections législatives. Une telle mesure ne réglerait pas le problème de la criminalité liée au trafic de drogues. La drogue deviendrait plus rare et son prix augmenterait, ce qui en rendrait le trafic encore plus lucratif. Ce serait également un mauvais signal pour le reste de l’Afrique où les programmes d’assistance aux toxicomanes appliqués à Maurice font figure d’exemple.

44.M me Terlikbayeva (Global Health Research Center of Central Asia) dit qu’il y a environ 174 000 toxicomanes au Kazakhstan. L’approche classique des anciens pays de l’URSS, qui tend à considérer les toxicomanes comme des délinquants, prévaut encore, et ces personnes ont peu accès à des traitements de substitution. Global Health Research Center of Central Asia préconise l’utilisation de ces traitements, qui sont plus humains et plus efficaces. Bon nombre de toxicomanes ne parviennent pas à cesser leur consommation en raison de leurs conditions de vie ou de leur état de santé fragilisé par des maladies ou des troubles psychiques. Il est très important que des médecins aient accès à cette population. Il arrive que les patients se trouvent dans un état de santé tel, quand un médecin les prend en charge, qu’il est trop tard pour les sauver. La mort par surdose est l’une des principales causes de mortalité chez les toxicomanes, notamment les jeunes. Les programmes d’aide aux toxicomanes sont encore très limités au Kazakhstan. L’obligation d’enregistrement des toxicomanes dissuade ces derniers de se déclarer par crainte des autorités et empêche les médecins de travailler sereinement. Un médicament pour le traitement des surdoses comme la naloxone, très sûr et simple d’utilisation et qui permet de sauver des vies, est difficile à administrer du fait de cette situation. Global Health Research Center of Central Asia préconise de supprimer l’obligation d’enregistrement des toxicomanes et d’informer ces derniers de l’existence du traitement à la naloxone afin de prévenir la mortalité par surdose.

45.M. Dawoodzei(Bureau for Reconstruction and Development) dit que l’ONG qu’il représente se donne pour mission de renforcer les capacités de la société civile en matière de promotion des droits de l’homme et soutient actuellement la création de réseaux de défense des droits de l’homme animés par la société civile dans six provinces de l’Afghanistan. Un certain nombre d’occasions de promouvoir les droits économiques et sociaux, liées notamment à la participation de la communauté internationale au processus de reconstruction, ont été manquées ces dernières années en raison d’un gouvernement faible et inefficace. Pauvreté, chômage et sous-développement: les difficultés du pays sont multiples. Si les obligations des États parties au Pacte ont un caractère progressif et sont fonction des ressources disponibles, l’État ne doit pas prendre prétexte de ressources insuffisantes pour justifier la négligence et l’inaction.

46.Le cadre juridique existant pour la réalisation des droits économiques et sociaux repose principalement sur le Pacte et sur la Constitution afghane, complétés par les objectifs du Millénaire et la stratégie nationale de développement. Ce cadre crée un certain nombre d’obligations pour le Gouvernement afghan, qui doit protéger les droits des citoyens, promouvoir la sécurité sociale et un niveau de vie suffisant, permettre aux rapatriés et aux personnes déplacées de retrouver leur place dans la société, protéger la vie familiale et assurer des services d’éducation et de santé. Le Gouvernement afghan attribue à l’insécurité croissante le fait que les citoyens soient privés de leurs droits économiques et sociaux, mais les conditions de vie difficiles sont aussi une cause majeure d’insécurité dans tout le pays. L’insurrection armée ne peut être vaincue par les seuls moyens militaires, et pour améliorer la situation en matière de sécurité, le Gouvernement afghan et la communauté internationale doivent se préoccuper aussi du développement socioéconomique et de l’amélioration des conditions de vie des Afghans.

47.Si le Gouvernement afghan a pris des dispositions en vue de réaliser l’objectif du Millénaire concernant l’élimination de la pauvreté et a présenté un rapport à ce sujet, il n’a pas donné suite aux engagements qu’il avait souscrits auprès des populations locales au moment de l’adoption de la stratégie nationale pour le développement en 2007. Si des facteurs multiples empêchent l’État de s’acquitter des obligations prévues par le Pacte, l’absence de société civile dynamique, capable de demander des comptes à l’État et de l’inciter à respecter ses obligations conventionnelles, constitue aussi un facteur majeur. Outre le manque de moyens et de ressources, la société civile afghane n’est pas suffisamment soutenue par les autorités nationales et la communauté internationale. Un autre obstacle tient au fait que chaque activité dans le domaine des droits de l’homme doit être approuvée par la Commission nationale des droits de l’homme, ce qui empêche les défenseurs des droits de l’homme d’accomplir leur travail librement.

48.M. Sadi souhaiterait en savoir davantage sur les causes des problèmes liés à la drogue qui existent aujourd’hui à Maurice et au Kazakhstan.

49.M. Yip Tong (Collectif Urgence Toxida) dit que d’après une étude menée par son association, le phénomène s’explique d’abord par la possibilité de gagner facilement des sommes d’argent importantes avec le trafic de drogues. La deuxième raison est d’ordre social. Si les franges les plus pauvres de la population ont été touchées en premier, toutes les classes sociales sont désormais concernées. Enfin, l’île Maurice est un point de transit dans le trafic de drogues en provenance de pays producteurs comme l’Afghanistan et le Pakistan vers l’Afrique et l’Europe.

50.M me Terlikbayeva  (Global Health Research Center of Central Asia) dit que le phénomène a pris une telle ampleur du fait que le Kazakhstan est un point de passage du trafic de stupéfiants vers la Russie et l’Europe. La crise économique, le chômage et la crise des années 90 après l’effondrement de l’URSS ont aussi favorisé la progression de la consommation de drogues.

La séance est levée à 17 h 55.