Nations Unies

E/C.12/ISL/CO/4

Conseil économique et social

Distr. générale

11 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Islande, adoptées par le Comité à sa quarante-neuvième session (12-30 novembre 2012)

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport périodique de l’Islande sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/ISL/4) à ses 43e et 44e séances, le 21 novembre 2012 (E/C.12/2012/SR.43-44), et a adopté, à sa 58e séance, le 30 novembre 2012, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’Islande (E/C.12/ISL/4) et les réponses à sa liste de points à traiter (E/C.12/ISL/Q/4/Add.1). Il apprécie aussi le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction:

a)Du degré élevé d’égalité entre les sexes dans l’État partie;

b)De la nouvelle loi no 10/2008 relative à l’égalité des sexes;

c)De l’adoption, le 17 mars 2009, du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains;

d)De la ratification, en 2011, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité note avec préoccupation que le projet de constitution, présenté au Parlement à la suite d’un processus de révision mené depuis 2010 par le Conseil constitutionnel, ne traite pas de tous les droits consacrés par le Pacte (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre la révision du projet de constitution afin d’y englober tous les droits consacrés par le Pacte, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 2 de cet instrument.

5.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore adopté une loi générale contre la discrimination. Il s’inquiète en particulier de ce que les personnes handicapées soient victimes de discrimination en ce qui concerne leurs droits à l’éducation, au logement et à l’assistance sociale (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour adopter une loi générale contre la discrimination. Il lui recommande aussi de veiller à ce que des mesures soient prises pour combattre et prévenir la discrimination, surtout à l ’ égard des personnes handicapées, en particulier en ce qui concerne leurs droits à l ’ éducation et au logement, ainsi qu ’ à l ’ assistance sociale au titre de l ’ article 9 du Pacte.

6.Le Comité est préoccupé par les effets négatifs que la crise économique et financière a eus sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier en ce qui concerne les droits au travail, à la sécurité sociale, au logement et à l’éducation, malgré les mesures prises par l’État partie.

Le Comité rappelle à l ’ État partie l ’ obligation qui lui incombe en vertu du Pacte de respecter, protéger et mettre en œuvre progressivement les droits éco nomiques, sociaux et culturels, au maximum de s es ressources disponibles . Le Comité est conscient que des ajustements dans la mise en œuvre de certains droits consacrés par le Pacte sont parfois inévitables, comme durant les crises économiques, mais il recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les changements ou ajustements de politique proposés suite à la crise économique: a) soient de nature temporaire; b) soient nécessaires et proportionnés à la situation; c) ne soient pas discriminatoires et comprennent toutes les mesures possibles , y compris sur le plan fiscal, pour favoriser les transferts sociaux afin d ’ atténuer les inégalités et faire en sorte que les droits des personnes et des groupes défavorisés et marginalisés ne soient pas touchés de façon disproportionnée; et d )  définissent un seuil de protection sociale et le contenu fondamental minimum des droits, en veillant à les protéger en toutes circonstances. Le Comité renvoie l ’ État partie à sa lettre ouverte sur les droits économiques, sociaux et culturels, et la crise économique et financière, datée du 16 mai 2012.

7.Le Comité note avec inquiétude que l’État partie n’a pas encore créé une institution nationale des droits de l’homme unique conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour créer une institution nationale des droits de l ’ homme dotée d ’ un vaste mandat dans le domaine des droits de l ’ homme, notamment des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte, conformément aux Principes de Paris, et lui allouer des ressources humaines et financières suffisantes.

8.Le Comité reste préoccupé par les inégalités de salaire importantes entre les hommes et les femmes. Il s’inquiète aussi de ce que les femmes continuent d’être sous-représentées aux postes de décision, en particulier dans le corps diplomatique, l’appareil judiciaire et les milieux universitaires (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures, notamment en veillant à l ’ application stricte de la loi n o  10/2008 relative à l ’ égalité des sexes, pour éliminer les inégalités de salaire importantes et persistantes entre les hommes et les femmes, en garantissant le principe d ’ un salaire égal pour un travail de valeur égale , conformément à l ’ article 7 du Pacte. Il lui recommande aussi de prendre des mesures pour accroître la représentation des femmes aux postes de décision, en particulier dans le corps diplomatique, l ’ appareil judiciaire et les milieux universitaires.

9.Le Comité note avec inquiétude que le taux de chômage est encore élevé par rapport au taux d’avant la crise de 2008, et que les jeunes et les immigrés sont tout particulièrement touchés par le chômage de longue durée (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour remédier au chômage élevé, notamment au moyen d ’ une vaste politique de l ’ emploi, mettant particulièrement l ’ accent sur les groupes touchés par le chômage de longue durée tels que les jeunes et les immigrés.

10.Le Comité constate avec préoccupation que des permis de travail temporaires sont délivrés pour un employeur spécifique et que ce système peut accroître la vulnérabilité et la dépendance du titulaire du permis à l’égard de son employeur. Il note aussi avec préoccupation que l’employé ne peut à lui seul faire appel d’une décision par laquelle la Direction de l’emploi a rejeté une demande de permis de travail temporaire ou a révoqué un permis (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que des permis de travail temporaire s soient délivrés pour un type d ’ emploi/d ’ activité rémunérée et une durée déterminés , plutôt que pour un employeur spécifique. Il lui recommande aussi de veiller à ce que les employés puissent faire appel seuls, sans avoir besoin de l ’ approbation de leur employeur, des décisions par lesquelles la Direction de l ’ emploi a rejeté un permis de travail temporaire ou a révoqué un permis.

11.Le Comité note avec inquiétude que l’État partie n’a toujours pas établi de salaire minimum national (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures législatives et autres pour établir un salaire minimum national. Il lui recommande aussi de veiller à ce que ce salaire soit régulièrement réexaminé et à ce que son montant soit suffisant pour permettre à tous les travailleurs et aux membres de leur famille d ’ avoir un niveau de vie décent.

12.Le Comité note avec inquiétude que l’État partie a imposé l’arbitrage obligatoire par le biais de la loi en ce qui concerne les procédures de négociation collective visant à définir les conditions d’emploi des pêcheurs (art. 8).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour améliorer les procédures actuelles de négociation collective afin de promouvoir des négociations collectives libres et volontaires et d ’ éviter le recours à l ’ arbitrage obligatoire.

13.Le Comité note avec inquiétude qu’en dépit des efforts déployés depuis la crise économique et financière, le système de prestations sociales n’offre pas des prestations d’un montant suffisant pour permettre à certains groupes, en particulier aux familles monoparentales, d’avoir un niveau de vie décent (art. 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que le système de prestations sociales garantisse un montant minimum de prestations sociales, permettant ainsi à tous les bénéficiaires, y compris aux familles monoparentales, d ’ avoir un niveau de vie décent. Il lui recomman de aussi de veiller à ce que le montant des prestations soit régulièrement réexaminé et ajusté en fonction du coût de la vie.

14.Le Comité s’inquiète de ce que les conditions d’accès à l’assurance chômage prévues dans la loi no 54/2006 restent trop restrictives (art. 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élargir la couverture de l ’ assurance chômage à l ’ ensemble des chômeurs, surtout à ceux appartenant aux groupes vulnérables et défavorisés.

15.Le Comité note avec préoccupation que la violence familiale n’est pas expressément érigée en infraction, malgré les explications fournies par l’État partie au paragraphe 43 de ses réponses à la liste des points à traiter. Il s’inquiète de la persistance de comportements et de stéréotypes qui contribuent à la violence contre les femmes. Le Comité note aussi avec inquiétude que les femmes immigrées restent insuffisamment informées des modifications apportées à la loi relative aux étrangers, en vertu de laquelle un permis de regroupement familial peut encore être prorogé s’il est mis fin au mariage ou à la cohabitation pour des raisons de violence familiale (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ ériger expressément en infraction la violence familiale, de préférence dans le Code pénal. Il lui recommande aussi de poursuivre ses efforts pour mener des campagnes nationales d ’ information et favoriser le débat public afin de s ’ attaquer aux comportements et stéréotypes qui contribuent à la violence contre les femmes. Il lui recommande en outre d ’ intensifier ses efforts pour que les femmes immigrées soient informées de leurs droits en cas de violence familiale.

16.Le Comité note avec préoccupation que, malgré les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la pauvreté, la crise économique et financière a, depuis 2008, entraîné une augmentation du nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, en particulier parmi les familles avec des enfants et les familles monoparentales (art. 11). Il note aussi avec préoccupation que les personnes handicapées rencontraient des difficultés à exercer leur droit à un niveau de vie suffisant, en particulier à une nourriture suffisante (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour combattre la pauvreté et l ’ exclusion sociale, en particulier parmi les familles avec des enfants, les familles monoparentales et les personnes handicapées. Il renvoie l ’ État partie à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et lui rappelle son obligation, même en temps de grave pénurie de ressources, de protéger les groupes vulnérables de la société, comme indiqué au paragraphe 12 de l ’ Observation générale n o  3 (1990) sur la nature des obligations des États parties.

17.Le Comité note avec inquiétude que les importantes coupes opérées depuis 2008 dans le budget de la santé ont entraîné une réduction de la qualité et de l’offre de services publics de soins de santé, y compris la fermeture d’installations de santé et la réduction de personnel. Le Comité constate aussi avec inquiétude que les familles avec des enfants handicapés ont financièrement du mal à avoir accès aux services de soins de santé dont elles ont besoin, tels que les dentistes ou les orthophonistes, et que les immigrés rencontrent des problèmes d’ordre linguistique pour avoir accès aux soins de santé (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour remédier aux effets négatifs de la crise financière sur le secteur de la santé, notamment en augmentant le budget alloué à ce secteur. Il lui recommande aussi de veiller à ce que tous, y compris les immigrés et les enfants handicapés, aient pleinement accès aux services de soins de santé dont ils ont besoin. À cet égard, il renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint.

18.Le Comité note avec inquiétude que les importantes coupes budgétaires réalisées dans le secteur de l’éducation depuis 2008 ont entraîné une réduction des effectifs, la fusion de classes et l’abandon de programmes pédagogiques, mesures qui ont particulièrement touché les enfants ayant des besoins spéciaux. Il demeure aussi préoccupé par le taux élevé d’abandon scolaire dans le deuxième cycle du secondaire, en particulier parmi les élèves issus de l’immigration (art. 13).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour accroître son budget consacré à l ’ école publique à tous les niveaux, en particulier le primaire et le premier cycle du secondaire, et pour remédier aux réductions récentes de personnel, à la fusion de classes et à l ’ abandon de programmes pédagogiques. Il recommande à l ’ État partie de continuer à prendre des mesures pour améliorer les installations scolaires à la disposition des enfants ayant des besoins spéciaux, en particulier dans le deuxième cycle du secondaire. Il recommande aussi à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour remédier au taux élevé d ’ abandon scolaire des élèves issus de l ’ immigration dans le deuxième cycle du secondaire. Le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o  13 (1999) sur le droit à l ’ éducation.

19.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour veiller à ce que tous les groupes et personnes défavorisés et marginalisés, notamment les personnes handicapées, les enfants de migrants, les enfants is sus de familles à faible revenu et les personnes âgées puissent exercer pleinement leur droit à prendre part à la vie culturelle. Il lui recommande aussi de prendre des mesures pour que les personnes handicapées puissent participer à des manifestations culturelles en leur garantissant un accès suffisant et en temps voulu aux moyens de transport. Le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises pour garantir le droit de chacun de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications, conformément à l ’ alinéa b du paragraphe 1 de l ’ article 15 du Pacte.

20. Le Comité encourage l ’ État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

21. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les d isparitions forcées, ainsi qu’à envisager de signer et de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

22. Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès de l ’ administration, de l ’ appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les traduire et de leur donner la plus large publicité possible, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il invite aussi l ’ État partie à associer tous les intervenants concernés, y compris les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile, au processus de discussion au niveau national avant la soumission de son prochain rapport périodique.

23. Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son cinquième rapport périodique, établi conformément aux directives révisées concernant l ’ établissement de rapports que le Comité a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2), avant le 30 novembre  2017.