NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/SLV/CO/227 juin 2007

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELSTrente‑septième sessionGenève, 6‑24 novembre 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

EL SALVADOR

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le deuxième rapport périodique d’El Salvador sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1990/6/Add.39) à ses 36e et 37e séances, tenues les 8 et 9 novembre 2006, et a adopté à sa 53e séance, tenue le 21 novembre 2006, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie et prend note de ses réponses écrites à la liste des points à traiter. Il regrette toutefois que, comme en 1996, ses réponses n’aient pas été soumises à temps pour pouvoir être traduites dans les autres langues de travail du Comité.

3.Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a pu engager avec la délégation de l’État partie.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié plusieurs instruments internationaux pendant la période à l’examen, notamment le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador), la Convention no 87 de l’OIT (1948) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical et la Convention no 98 de l’OIT (1949) concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective.

5.Le Comité prend note avec satisfaction des différents programmes et mécanismes mis en place par l’État partie, comme le Programme présidentiel «Oportunidades», le Plan et le Conseil national pour l’élimination des pires formes de travail des enfants, ainsi que des activités menées par la direction générale de l’Inspection du travail et des différentes mesures d’assistance aux Salvadoriens émigrés.

6.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption en 1996 de la loi sur la violence dans la famille, de même que de l’article 200 du nouveau Code pénal de 1998, qui détermine la nature juridique de ce fait.

7.Le Comité se félicite que dans la politique nationale du logement adoptée en juin 2005, le droit au logement soit explicitement réputé être un droit humain.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

8.Le Comité note que l’État partie a été touché pendant la période à l’examen par plusieurs catastrophes naturelles (l’ouragan Mitch en 1998, des tremblements de terre en 2001, la tempête tropicale Stan et l’éruption du volcan Santa Ana en 2005), qui ont freiné la pleine application du Pacte.

D. Principaux sujets de préoccupation

9.Le Comité est préoccupé par des informations qu’il a reçues, selon lesquelles des membres du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme, y compris la Procureure elle‑même, ont reçu des menaces dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’inquiète en outre de l’absence apparente de coordination et de communication entre cette institution et le Gouvernement.

10.Tout en notant avec satisfaction la création, en 1996, de l’Institut salvadorien pour la promotion de la femme (ISDEMU), le Comité constate avec préoccupation que la discrimination à l’encontre des femmes perdure, entretenue par les préjugés et les structures sociales traditionnelles, nonobstant les nombreux instruments juridiques et programmes adoptés par l’État partie.

11.Le Comité note avec préoccupation que, malgré la baisse du taux de chômage ces dernières années, le nombre de personnes travaillant dans le secteur informel demeure à un niveau alarmant.

12.Le Comité s’inquiète de ce que le salaire minimum ne permette pas aux travailleurs et à leur famille de vivre décemment, au sens des dispositions de l’article 7 du Pacte.

13.Le Comité note avec préoccupation que, bien que la Constitution et le Code du travail reconnaissent la liberté syndicale et le droit de grève, l’exercice de ces droits est entravé par une série d’obstacles. Il s’inquiète de ce que les restrictions apportées au droit de grève font que, dans la majorité des cas, les grèves sont déclarées illégales.

14.Bien que le nombre d’inspections du travail ait augmenté, le Comité se déclare préoccupé par la situation précaire de certains travailleurs, en particulier les femmes employées dans des usines de montage, dont beaucoup ne respectent pas les règles d’embauche et les conditions de travail fixées par le Code du travail.

15.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la gestion du fonds de pension a été confiée à des organismes privés dans le cadre du régime de sécurité sociale adopté en 1998, ce qui met à bas le principe de solidarité du système redistributif. Il note de plus avec préoccupation que le nouveau régime institué ne prévoit pas de mécanisme qui en garantirait l’accès aux ouvriers agricoles et aux employés de maison et qu’il ne bénéficie pas de manière équitable aux hommes et aux femmes. Le Comité regrette de n’avoir pas reçu de réponse aux questions qu’il a posées à ce sujet à la délégation.

16.Le Comité note avec préoccupation que la couverture minimale prévue dans le nouveau régime de sécurité sociale n’est pas suffisante pour permettre aux retraités et à leur famille de subvenir à leurs besoins essentiels.

17.Tout en notant que l’État partie a pris quelques mesures pour lutter contre la pauvreté, telles que l’établissement d’une carte de la pauvreté et l’adoption de différents plans d’action en faveur de secteurs spécifiques de la population, le Comité déplore que les richesses soient très inégalement réparties et que l’écart entre les pauvres et les riches tende à s’accentuer. Il est par ailleurs préoccupé par les disparités qui existent entre les zones rurales et les zones urbaines, s’agissant en particulier des services de santé, de l’éducation, des salaires et de la qualité du panier de produits essentiels.

18.Le Comité s’inquiète de ce que, bien que les peuples autochtones soient reconnus dans la Constitution, leurs droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas garantis dans la pratique. Il s’inquiète notamment de ce que l’État partie n’ait procédé, depuis 1930, à aucun recensement des populations autochtones et, de ce que, faute de statistiques, il ne soit pas possible d’apprécier dans quelle mesure ces peuples autochtones exercent effectivement les droits inscrits dans le Pacte.

19.Le Comité est préoccupé par les incidences négatives que l’application de l’Accord de libre‑échange entré en vigueur en El Salvador le 1er mars 2006 a sur l’exercice par les secteurs les plus vulnérables de la population des droits consacrés par le Pacte.

20.Le Comité s’inquiète de la situation précaire d’un nombre croissant de familles qui n’ont pas de logement décent, et en particulier de celles qui s’installent le long de voies ferrées, de fleuves et dans des régions volcaniques.

21.Le Comité note avec préoccupation que, faute de débouchés économiques, près d’un Salvadorien sur trois émigre et que ce phénomène a des conséquences défavorables, comme l’éclatement des familles, l’absence de protection pour les familles, notamment pour les femmes qui se voient obligées d’assumer le rôle de chef de famille monoparentale et pour les enfants et adolescents qui se retrouvent quelque peu livrés à eux‑mêmes, ou encore la montée de la violence et la multiplication des bandes («maras»).

22.Le Comité s’inquiète de ce que, malgré le plan «País Seguro», la violence soit en augmentation et que les femmes en soient les principales victimes. De même, il note avec inquiétude que les bandes («maras») sont constituées essentiellement de jeunes marginalisés au plan social et économique et que, dans la majorité des cas, elles sont la conséquence de problèmes comme le chômage, le recours au travail des enfants, la violence urbaine et la désintégration des familles.

23.Le Comité déplore que, malgré les efforts déployés par l’État partie pour éliminer le travail des enfants, en particulier dans le secteur de la canne à sucre, cette pratique continue d’exister en El Salvador, singulièrement dans le service domestique. Le Comité est particulièrement alarmé par les rapports qui indiquent que des petites filles, même très jeunes, sont employées comme domestiques et regrette de n’avoir obtenu de l’État partie aucune information à ce sujet.

24.Le Comité estime que le budget consacré au secteur de la santé n’est pas suffisant pour garantir une couverture adéquate à la population, en particulier les groupes vulnérables. Il note que l’accès aux services de santé est limité du fait de l’insuffisance des moyens financiers affectés par l’État au secteur public et de la préférence accordée au secteur privé en matière de gestion, financement et prestation de services, au détriment de ceux qui n’ont pas les moyens de payer.

25.Le Comité constate avec préoccupation qu’au regard du droit salvadorien l’avortement est illégal, quelles que soient les circonstances, même lorsque la vie de la mère est en danger, et que les avortements clandestins et le VIH/sida figurent parmi les principales causes de mortalité chez les femmes.

26.Le Comité note avec préoccupation que les familles doivent acquitter des frais de scolarité dans le primaire, même public, et que le fait que l’enseignement secondaire et supérieur soit dispensé principalement par des établissements privés peut amener des élèves à abandonner leurs études.

E. Suggestions et recommandations

27.Le Comité encourage l’État partie à procéder à des enquêtes en vue d’identifier et de sanctionner les auteurs des menaces reçues par des membres du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme. Il lui recommande en outre d’adopter les mesures voulues pour garantir le bon fonctionnement de cette institution, par exemple en lui allouant suffisamment de ressources et en renforçant la coopération entre cet organe et le Gouvernement, en particulier par l’échange d’informations.

28.Le Comité invite l’État partie à garantir l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux, en particulier en prenant des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination dans le domaine de l’éducation des fillettes et des adolescentes, de l’accès à l’emploi, de l’égalité de rémunération pour un même travail et des conditions de travail. Il recommande à l’État partie d’adopter une loi sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et de veiller à ce que les activités de l’ISDEMU permettent d’améliorer réellement la vie des femmes.

29.Le Comité invite l’État partie à adopter des mesures efficaces, par exemple un plan d’action en faveur de l’emploi, pour réduire progressivement l’ampleur du travail informel et le taux de chômage.

30.Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le salaire minimum permette aux travailleurs et à leur famille de jouir d’un niveau de vie suffisant.

31.Le Comité encourage l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour garantir la liberté syndicale et éliminer les obstacles administratifs à l’exercice du droit de grève. Il recommande que les restrictions à l’exercice du droit de grève ne soient pas généralisées.

32.Le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que les lieux de travail, en particulier les usines de montage, soient inspectés régulièrement et à ce que les victimes de violations des normes garantissant des conditions de travail justes et favorables disposent des moyens et de l’information nécessaires pour pouvoir dénoncer ces violations.

33.Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une évaluation du système de sécurité sociale adopté en 1998. Il lui demande de mettre en place les mécanismes nécessaires pour étendre le bénéfice de la couverture sociale aux ouvriers agricoles, aux employés de maison et à ceux qui en ont été exclus et d’assurer l’égalité en la matière entre les hommes et les femmes. Il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les progrès réalisés dans ce domaine.

34.Le Comité demande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour établir des mécanismes efficaces de nature à garantir que la couverture minimale de sécurité sociale permette aux retraités et à leur famille, qu’ils soient affiliés à l’ancien système de sécurité sociale ou au nouveau, d’avoir un niveau de vie décent.

35.Le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour lutter contre la pauvreté et à améliorer ses stratégies de développement social, notamment par des mesures de coordination entre les différentes institutions et par des mesures d’évaluation permettant de déterminer les effets des plans et de cerner leurs insuffisances. Ces mesures doivent tendre à garantir en toute égalité, dans les zones rurales et dans les zones urbaines, l’exercice des droits consacrés dans le Pacte. À ce sujet, le Comité invite l’État partie à prendre en considération sa Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, approuvée le 4 mai 2001 (E/C.12/2001/10).

36.Le Comité encourage l’État partie à élaborer des indicateurs et à fixer des objectifs annuels, ventilés par sexe, âge, population urbaine et population rurale et groupe ethnique, en vue de définir précisément les besoins des individus et des groupes défavorisés et marginalisés, et lui demande de faire figurer ces renseignements dans son prochain rapport périodique.

37.Le Comité encourage l’État partie à organiser le plus tôt possible un recensement démographique des peuples autochtones, qui permette de connaître la situation actuelle concernant l’exercice réel de leurs droits économiques, sociaux et culturels, et à lui donner dans son prochain rapport périodique des informations sur les progrès accomplis en la matière.

38.Le Comité recommande vivement à l’État partie de tenir compte de toutes les obligations que le Pacte lui impose dans ses négociations et accords bilatéraux, et de veiller à ce que ceux‑ci n’amputent pas l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande de procéder à une évaluation des incidences de l’Accord de libre‑échange, entré en vigueur le 1er mars 2006, sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par sa population, en particulier les secteurs les plus vulnérables, et d’adopter les mesures correctives qui s’imposent. Il lui recommande également d’envisager la possibilité de relancer le Forum de concertation économique et sociale, en tenant compte des principes qui ont guidé sa création. Il lui demande de faire figurer dans son troisième rapport périodique des informations précises et détaillées à ce sujet.

39.Le Comité encourage l’État partie à prendre les mesures voulues pour garantir l’exercice du droit au logement, en s’attachant particulièrement aux zones à risque. Il l’exhorte à prendre des mesures efficaces de prévention, en veillant à ce que la construction des logements respecte les normes parasismiques et paracycloniques, et à se doter d’un plan national d’aménagement du territoire de façon à éviter d’élever des constructions dans les zones exposées au risque de catastrophe naturelle. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 4 (1991): le droit à un logement suffisant (art. 11, par. 1, du Pacte), ainsi que sur son Observation générale no 7 (1997): le droit à un logement suffisant: expulsions forcées (art. 11, par. 1, du Pacte).

40.Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour encourager la population à rester dans le pays, principalement par la création d’emplois et le versement de salaires justes. De même, le Comité exhorte l’État partie à prendre des mesures en faveur des femmes chefs de famille monoparentale et à mettre en œuvre des programmes d’assistance aux enfants et aux adolescents dont les parents ont émigré.

41.Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts dans la lutte contre la violence, à travers des mesures d’intégration et de développement en faveur des enfants et des jeunes issus de familles éclatées, en les identifiant dès leur plus jeune âge. Le Comité demande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour assurer la protection des victimes de violences, spécialement des femmes, et de procéder à une évaluation des résultats du programme «País Seguro». Il lui demande également d’inclure des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

42.Le Comité demande instamment à l’État partie d’intensifier ses efforts pour lutter contre le travail des enfants, en particulier dans le service domestique. De même, il l’encourage à prendre les mesures voulues, y compris sous forme de soutien financier, en faveur des familles en situation de pauvreté, afin qu’elles puissent dûment prendre soin de ces enfants et assurer leur protection. Le Comité invite l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des informations à ce sujet.

43.Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour renforcer un système national de santé fondé sur l’équité et l’accessibilité, conformément à l’article 12 du Pacte, en garantissant les soins de santé essentiels à l’ensemble de la population, en particulier les groupes vulnérables, à travers l’accroissement du budget de la santé.

44.Le Comité prie instamment l’État partie de réformer sa législation sur l’avortement et d’envisager d’assortir l’interdiction générale de l’avortement d’exceptions en cas d’impératif thérapeutique et de grossesse par suite de viol ou d’inceste. De même, il l’encourage vivement à prendre les mesures voulues pour lutter contre le VIH/sida et à garantir un traitement médical adéquat aux personnes séropositives ou atteintes du sida. Il lui recommande de traiter ouvertement de l’éducation sexuelle et des méthodes de planification familiale dans les programmes scolaires, ce qui contribuerait à prévenir les grossesses précoces et la transmission du VIH/sida.

45.Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir le droit à l’éducation de tous les groupes de population, sans discrimination, et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur ce point, y compris des données statistiques ventilées sur l’abandon scolaire.

46.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales auprès de tous les secteurs de la société et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qu’il aura prises pour y donner suite. Il encourage également l’État partie à associer les organisations non gouvernementales et d’autres acteurs de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

47.Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base conformément aux Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

48.Le Comité demande à l’État partie de soumettre ses troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques en un seul document, au plus tard le 1er décembre 2010.

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