Nations Unies

E/C.12/GIN/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

30 mars 2020

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial de la Guinée *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Guinée (E/C.12/GIN/1) à ses 3e et 4e séances (voir E/C.12/2020/SR.3 et 4), les 18 et 19 février 2020, et adopté les présentes observations finales à sa 30e séance, le 6 mars 2020.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, bien que ce dernier ait été soumis avec beaucoup de retard. Il se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et des informations fournies lors de celui-ci. Rappelant qu’en 1996, il avait été contraint d’examiner la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par la Guinée en l’absence d’un rapport, le Comité apprécie les efforts déployés par l’État partie pour assurer la présence d’une délégation et instaurer un dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures adoptées par l’État partie qui contribuent à la réalisation des droits contenus dans le Pacte, telles que les nombreuses lois, politiques et stratégies citées dans son rapport initial (par. 31 à 56), en particulier l’adoption du Plan national de développement économique et social 2016-2020 et la révision du Code minier en 2013.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte

4.Le Comité note que, selon l’article 151 de la Constitution, les traités internationaux font partie de l’ordre juridique interne dès leur entrée en vigueur, sans qu’il y ait besoin d’une loi pour les transposer, et que le droit international prime sur le droit interne. Cependant, il regrette l’absence d’information concernant les mesures prises par l’État partie pour sensibiliser la population ainsi que les juges, les avocats et les autres agents publics aux droits issus du Pacte et à leur justiciabilité.

5. Rappelant son observation générale n o 9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national, le Comité engage l ’ État partie à améliorer la formation des agents de l ’ État aux droits consacrés dans le Pacte et à leur justiciabilité.

Institution nationale des droits de l’homme

6.Le Comité relève que la loi organique no L/08/CNT/2011 du 14 juillet 2011 portant organisation et fonctionnement de l’Institution nationale indépendante des droits humains n’est pas conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), en particulier en raison de la participation de représentants de l’exécutif à la prise de décisions.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie de réformer l ’Institution nationale indépendante des droits humains afin qu’elle soit conforme aux Principes de Paris et puisse se faire accréditer auprès de l ’ Alliance globale des i nstitutions n ationales des d roits de l ’h omme.

Défenseurs des droits de l’homme

8.Le Comité est préoccupé par les informations relatives aux conditions dans lesquelles opèrent les défenseurs des droits de l’homme.

9. Rappelant sa déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques , sociaux et culturels (E/C.12/2016/2) , l e Comité recommande à l ’ État partie de protéger de manière effective les défenseurs des droits de l’homme contre tout acte de harcèlement, d ’ intimidation et de représailles. À cet effet, il l ’ encourage à consulter largement les défenseurs des droits de l’homme sur l ’ avant-projet de loi visant à modifier la l oi n o L /2005 /013 /AN du 4  juillet 2005 fixant le régime des associations en République de Guinée, et à accélérer le travail sur l ’ avant-projet de loi sur l ’ accès à l ’ information et sur le projet de loi organique relative à la promotion et à la protection des défenseurs des droits de l ’ homme. Il le prie également de mener des campagnes d ’ information et de sensibilisation sur l ’ importance du travail réalisé par les défenseurs des droits de l’homme , afin d ’ instaurer un climat de tolérance leur permettant de s ’ acquitter de leur mission sans avoir à craindre toute forme d ’ intimidation, de menace ou de représailles.

Corruption

10.Le Comité déplore l’absence d’informations dans le rapport initial de l’État partie sur les mesures prises pour lutter contre la corruption. Il est préoccupé par le manque d’efficacité des mesures existantes, par le manque de moyens alloués aux mécanismes de surveillance, et par le manque de protection adéquate des personnes qui dénoncent des faits de corruption ou enquêtent sur ces pratiques.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de  mettre en œuvre des mesures efficaces pour combattre la corruption, en s’attaquant à ses causes et en protégeant les lanceurs d’alerte, les victimes et les témoins.

Maximum des ressources disponibles

12.En dépit d’une croissance économique forte au cours des dernières années, une large partie de la population ne jouit pas de l’ensemble de ses droits économiques, sociaux et culturels, principalement dans les domaines de la santé et de l’éducation. Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles l’État partie est confronté, le Comité est préoccupé par le manque de ressources allouées à la réalisation des droits du Pacte et par le fait que les choix budgétaires semblent conditionnés davantage par les échéances électorales que par les besoins de la population.

13. Rappelant son observation générale n o 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties, le Comité recommande à l ’ État partie d’ allouer les ressources budgétaires requises pour la mise en œuvre des droits du Pacte , en mobilisa nt à cet égard les ressources nationales et en faisant appel, là où cela s ’ avère nécessaire, à l ’ assistance et à la coopération internationales.

Collecte et analyse de données

14.Le Comité regrette que le rapport initial de l’État partie contienne peu de données chiffrées et que, lorsqu’elles sont citées, ces données soient rarement récentes. Il déplore également l’absence de données ventilées.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a méliorer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes et comparables, afin de déterminer dans quelle mesure les groupes et personnes défavorisés et marginalisés, notamment les personnes vivant dans les zones rurales, les personnes handicapées, les femmes et les jeunes , jouissent de leurs droits économiques, sociaux et culturels ;

b) De f aire figurer dans son prochain rapport périodique les statistiques comparatives annuelles les plus récentes, ventilées en fonction du sexe, de l ’ âge, de la zone géographique, du handicap, de la religion , de l’origine ethnique et d ’ autres paramètres nécessaires, afin de permettre l’évaluation des progrès accomplis dans la réalisation des droits énoncés dans le Pacte.

Exploitations minières

16.Le Comité note la révision en 2013 du Code minier ainsi que le rôle du Fonds de développement économique local visant à assurer une meilleure distribution des revenus miniers dans l’État partie. Il reste cependant préoccupé par les effets négatifs des activités extractives sur l’environnement et la santé des communautés locales. Il est de plus très inquiet de rapports faisant état de déplacements de populations sans compensation adéquate, ycompris par les entreprises minières et hydroélectriques, et des lenteurs constatées dans la validation des conventions de développement local prévues à l’article130 du Code minier.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De g arantir le respect du Code minier, notamment des dispositions concernant les conventions de développement local, le bon fonctionnement des c omités de concertation dans les localités minières, et l ’ activation du Fonds de développement économique local dans toutes les zones minières, afin de s ’ assurer que les communautés bénéficient des retombées économiques de l ’ industrie minière, notamment par la création d ’ emplois stables et bien rémunérés, ainsi que par une meilleure transparence et une traçabilité accrue des revenus ;

b) De p réparer des études indépendantes sur les effets des activités extractives et hydroélectriques sur les droits économiques, sociaux et culturels avant le commencement et au cours de la mise en œuvre des projets d ’ investissement ;

c) D’e ffectuer des inspections régulières sur les sites d ’ exploitation minière et hydroélectrique , et d’ allouer des ressources humaines, techniques et financières adéquates aux entités chargées de ces inspections, en particulier au niveau local, en portant une attention particulière à la lutte contre la corruption ;

d) D’a ccentuer ses efforts pour garantir la qualité des sources d ’ eau, y compris en engageant la responsabilité des entreprises ou des individus impliqués dans les activités d ’ extraction minière causant des pollutions des sources hydriques ;

e) De r especter les garanties légales en faveur des personnes expropriées, qu’il s’agisse de propriétaires fonciers ou de bénéficiaires de droits d ’ usage, et d ’ assurer qu ’ elles soient consultées, indemnisées et dédommagées d ’un e manière adéquate reflétant la valeur réelle des terrains.

Non-discrimination

18.Tout en reconnaissant que le cadre constitutionnel et législatif de l’État partie contient des dispositions contre la discrimination, notamment dans les domaines de l’emploi, de la santé et de l’éducation, le Comité relève l’absence d’une législation générale contre la discrimination. En outre, la discrimination basée sur l’orientation sexuelle ne figure pas parmi les motifs de discrimination prohibés, et l’article 274 du Code pénal criminalise les rapports sexuels entre adultes consentants du même sexe. Le Comité note également que les personnes atteintes d’albinisme ne sont pas protégées contre les discriminations.

19. Rappelant son observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels , l e Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a dopter une législation générale contre la discrimination, prohibant toute discrimination directe et indirecte, quel qu ’ en soit le motif, y compris en lien avec l ’ orientation sexuelle ;

b) D’a broger l ’ article 274 du Code pénal ;

c) De p romulguer le projet de loi portant promotion et protection des droits des personnes atteintes d ’ albinisme , et d’adopter les textes d ’ application de cette loi ;

d) De g arantir l ’ application effective des dispositions législatives existantes relatives à la discrimination , et l ’ accès des victimes à des recours eff ectifs  ;

e) De m ener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les stéréotypes touchant les personnes et les groupes risquant d ’ être discriminés, comme les personnes vivant avec le VIH ou le sida et les personnes atteintes d ’ albinisme.

Égalité entre les hommes et les femmes

20.Tout en notant avec satisfaction l’adoption, le 2 mai 2019, de la loi sur la parité, le Comité constate néanmoins que :

a)Les femmes et les filles sont toujours victimes de discrimination dans l’accès à la propriété foncière, dans l’emploi et l’éducation, ainsi que dans le mariage ;

b)Les cas de violence à l’égard des femmes, en particulier la violence domestique et la violence sexuelle, demeurent très fréquents.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De c ontinuer à prendre des mesures pour prévenir efficacement toute forme de discrimination envers les femmes et les filles, y compris en matière d ’ accès à la propriété, au travail et à l ’ éducation ainsi que de polygamie, et de s ’ attaquer aux pratiques coutumières et aux attitudes patriarcales et stéréotypées ;

b) De c riminaliser le viol conjugal ;

c) De v eiller à ce que les cas de violence envers les femmes et les mutilations génitales féminines fassent l ’ objet de poursuites diligentes et impartiales, que les auteurs soient poursuivis et que les victimes obtiennent réparation , et de conduire des campagnes d’information à cet égard ;

d) De se référer à l’observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels .

Personnes ayant un handicap

22.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no L/2018/021/AN du 15 mai 2018 portant protection et promotion des personnes handicapées. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que les textes d’application de cette loi n’ont pas encore été adoptés, et que l’article 23 de la loi n’impose pas explicitement une exigence d’aménagement raisonnable. Le Comité est également préoccupé par le fait que les personnes handicapées sont défavorisées en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi, et aux biens et services publics (art. 2).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a dopter les textes d ’ application de la loi n o  L/2018/021/AN  ;

b) De c onsacrer les ressources nécessaires et de former les enseignants afin de garantir aux enfants ayant un handicap l ’ accès à un enseignement inclusif ;

c) D’a dopter un calendrier et d’ allouer les ressources nécessaires pour améliorer l ’ accessibilité et la disponibilité des biens et des services publics en faveur des personnes ayant un handicap.

Droit au travail

24.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’emploi. Il regrette cependant le manque de participation des partenaires sociaux et des travailleurs − y compris les travailleurs ruraux et du secteur informel − à la définition des politiques de l’emploi. Il note par ailleurs le manque de données actualisées et ventilées sur l’emploi, et demeure préoccupé par les taux élevés de chômage et de sous-emploi, qui touchent les femmes et les jeunes de manière disproportionnée (art. 6).

25. L e Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De r edoubler d ’ efforts pour réduire le s taux de chômage et de sous ‑ emploi, en adoptant des stratégies assorties de plans d ’ action comprenant des objectifs précis et identifiant les ressources financières et techniques requises pour leur mise en œuvre ;

b) D’a ccorder la priorité aux investissements dans des secteurs à forte intensité de main-d ’ œuvre , en vue de la création d’emplois décents conformes à l’observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables  ;

c) D e d onner priorité aux groupes de population les plus touchés, en particulier les femmes et les jeunes ;

d) De r éformer et de diversifier les offres de formation professionnelle et technique, afin de favoriser l ’ acquisition des compétences nécessaires sur le marché du travail ;

e) D’a méliorer son système de collecte de données sur le chômage et le sous ‑ emploi , afin d ’ en faire un outil pour combattre efficacement ce phénomène, en produisant des données ventilées par facteurs relatifs aux groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés  ;

f) De se référer à l’ observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail .

Économie informelle

26.Le Comité note avec préoccupation que les travailleurs employés dans le secteur informel de l’économie sont insuffisamment protégés par la législation du travail et ne sont pas couverts par le système de sécurité sociale (art. 7 et 9).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour accélérer la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle et, dans l’intervalle, d’étendre la législation du travail, dans toute la mesure possible, notamment en matière de lutte contre l’exploitation économique, de salaire minimum et de santé et sécurité au travail, aux travailleurs de l’économie informelle .

28. Le Comité renvoie l ’ État partie à ses o bservations générales n o 18 (2005) sur le droit au travail, n o 19 (200 7 ) sur le droit à la sécurité sociale et n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables, ainsi qu ’ à sa déclaration intitulée « Les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des o bjectifs de développement durable » (E/C.12/2015/1). Il le renvoie également à la R ecommandation de 2015 sur la transition de l ’ économie informelle vers l ’ économie formelle (n o  204) de l’Organisation internationale du Travail .

Exploitation économique des enfants

29.Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’enfants qui sont exploités dans des activités économiques, notamment dans le secteur informel, y compris dans des conditions dangereuses (art. 10).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De r enforcer sa législation, d ’en assurer l’application effective et de punir les auteurs d ’ infractions liées au travail des enfants , en particulier les pires formes de travail des enfants ;

b) De prendre des mesures de réadaptation et d’intégration sociale des enfants qui travaillent , et de garantir l ’ accès de ces derniers à l ’ éducation, y compris en renforçant les mesures de soutien aux familles défavorisées .

Enregistrement des naissances

31.Tout en prenant note de la réforme prévue pour améliorer la gestion de l’état civil, le Comité relève avec préoccupation que le taux d’enregistrement des naissances reste faible, particulièrement dans les communautés rurales, privant ainsi les enfants de la possibilité de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier leurs droits à la santé et à l’éducation.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour augmenter le taux d ’ enregistrement des naissances et de garantir la délivrance des actes de naissance, en tenant compte du haut taux d ’ analphabétisme dans le pays. Il le prie notamment :

a) D’a ssurer la gratuité de l ’ enregistrement des naissances et de la délivrance des actes de naissance  ;

b) De g arantir l ’ accessibilité du bureau de l ’ état civil chargé d e l’ enregistrement des naissances sur l ’ ensemble du territoire, y compris par des équipes mobiles ;

c) De r éaliser des campagnes de sensibilisation à l ’ importance d e l’ enregistrement des naissances et aux procédures associées , en particulier dans les zones rurales.

Mariages précoces

33.Tout en prenant note que la législation de l’État partie n’autorise pas les mariages précoces, le Comité note avec inquiétude que ces derniers demeurent courants, notamment dans les milieux défavorisés.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures né cessaires , notamment culturelles et é ducativ es, pour éliminer les mariages pré coces , spécialement dans les foyers à bas revenu.

Traite des personnes

35.Le Comité note avec inquiétude que la traite des enfants demeure un problème majeur et reste trop fréquemment impunie.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D’ enquêter efficacement sur les faits de traite afin d’ en poursuivre les auteurs et de l es punir  ;

b) De créer des centres d ’ accueil pour les victimes et de veiller à ce que celles ‑ ci aient accès à des programmes d ’ aide, de réadaptation et de réinsertion.

Pauvreté

37.Le Comité est préoccupé par les taux de pauvreté élevés dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales, chez les femmes et chez les enfants, malgré la mise en œuvre de programmes de réduction de la pauvreté comme le Plan national de développement économique et social 2016-2020.

38. L e Comité recommande à l ’ État partie de continuer à lutter contre la pauvreté, notamment en adoptant des mesures spécifiques ciblant les zones rurales, les femme s et les enfants. Rappelant le premier objectif de développement durable, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte adoptée en 2001 (E/C.12/2001/10) , et engage l ’ État partie à intégrer une approche basée sur les droits de l’homme dans les stratégies de lutte contre la pauvreté .

Droit à l’alimentation

39.Le Comité prend note du Programme accéléré de sécurité alimentaire et nutritionnelle et de développement agricole durable de la Guinée, 2016-2020, mais relève avec préoccupation qu’un grand nombre de personnes souffrent d’anémie ou demeurent confrontées à l’insécurité alimentaire, et que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement reste un problème majeur, en particulier dans les zones rurales. Il regrette également le faible taux d’allaitement.

40. L e Comité engage l ’ État partie à :

a) Garantir progressivement à tous les paysans et toutes les paysannes l ’ accès sans discrimination aux programmes de soutien ainsi qu ’ aux solutions agro écologiques, dans le respect du choix de chacun, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (A/RES/73/165 , annexe ) ;

b) Favoriser l ’ accès des paysans et des paysannes aux marchés locaux, afin de réduire la pauvreté rurale ;

c) Favoriser la résilience de l ’ agriculture face aux chocs climatiques, en tenant compte de la cible 1.5 des o bjectifs de développement durable ;

d) Prendre des mesures pour assurer l ’ accès à l ’ eau potable et à l ’ assainissement dans tout le pays ;

e) Encourager l ’ allaitement exclusif au cours des six mois suivant la naissance , y  compris en imposant des aménagements aux employeurs  ;

f) Améliorer l ’ accès aux cantines scolaires et aux soupes populaires, ainsi que la qualité des aliments servis dans ces établissements dans l ’ ensemble du pays  ;

g) Se référer à son observation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante .

Droit au logement

41.Le Comité est préoccupé par le difficile accès à un logement convenable pour les personnes les plus vulnérables. Il note avec préoccupation que nombre d’expulsions forcées auxquelles a procédé l’État partie ont privé d’abri beaucoup de personnes sans qu’elles puissent faire valoir leurs droits, et souvent sans compensation adéquate, voire sans appui humanitaire.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts afin d ’ assurer l ’ accès à un logement convenable pour tous. I l l ’ engage à prendre les mesures nécessaires pour garantir que les expulsions, lorsqu’elles sont inévitables , respectent les voies légales, sont précédées de concertations avec les intéressés et d’un examen des mesures de substitution, peuvent faire l’objet de recours, et donnent lieu à une indemni sation appropriée ou à la mise à disposition d’un logement de remplacement suffisant. Le Comité rappelle à cet égard son observation générale n o 7 (1997) sur les expulsions forcées .

Droit à la santé

43.Le Comité note les nombreux programmes adoptés par l’État partie pour améliorer le niveau de santé des habitants, notamment la formulation d’une politique nationale de santé. Il note également que l’épidémie de maladie à virus Ebola survenue en 2014 et 2015 a eu un effet dévastateur sur le système de santé de l’État partie. Il reste préoccupé par les taux élevés de mortalité maternelle et infantile, la prévalence élevée du VIH et du sida ainsi que le manque d’accès aux traitements antirétroviraux, le manque d’infrastructures médicales et la vétusté des infrastructures existantes, le manque de formation du personnel médical, le faible taux de personnel médical par habitant et le poids excessif des dépenses en soins de santé pour les foyers à bas revenu.

44. L e Comité engage l ’ État partie à se référer à son observation générale n o 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint , et à prendre toutes les mesures qui s ’ imposent pour  :

a) L utter efficacement contre la mortalité maternelle et infantile ;

b) Accroître l ’ accès aux traitements antirétroviraux et diminuer la prévalence du VI H et du sida ;

c) A méliorer les structures de santé et la formation du personnel soignant ;

d) A ugmenter le nombre de médecins et de membres du personnel paramédical .

Santé sexuelle et procréative

45.Le Comité est préoccupé par le taux élevé de grossesses précoces et de grossesses non désirées, la faible éducation sexuelle et reproductive, le faible taux d’accès aux moyens de contraception et les conditions très restrictives dans lesquelles l’avortement peut être pratiqué.

46. Rappelant son observation générale n o 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative , l e Comité recommande à l ’ État partie :

a) De r edoubler d ’ efforts pour assurer la disponibilité et l ’ accessibilité des services de santé sexuelle et procréative, ainsi que l’ accès à des moyens de contraception abordables, sûrs et efficaces, et aux contraceptifs d ’ urgence, y compris pour les adolescentes, en particulier dans les zones rurales ;

b) De r enforcer l ’ éducation à la santé sexuelle et procréative, y compris la contraception, dans les programmes d’enseignement primaire et secondaire pour filles et garçons, de façon à ce que l ’ éducation soit complète et adaptée à chaque tranche d ’ âge ;

c) D’assouplir les conditions dans lesquelles l ’ avortement est permis.

Droit à l’éducation

47.Le Comité prend note des informations contenues dans le rapport initial de l’État partie concernant les défis en matière d’éducation et accueille avec satisfaction les nombreuses mesures adoptées pour les surmonter. Toutefois, il est préoccupé par :

a)L’insuffisance des fonds alloués à l’éducation ;

b)La persistance d’inégalités dans l’accès à l’éducation touchant particulièrement les enfants vivant en zone rurale ou ayant un handicap ;

c)Le taux élevé d’abandon scolaire dans l’enseignement primaire et secondaire, en particulier chez les filles, dû entre autres aux mariages précoces et à la perception que l’éducation des filles constitue une charge pour les familles ;

d)La faible qualité de l’enseignement en raison du nombre insuffisant d’enseignants qualifiés et de matériels pédagogiques, et du manque d’infrastructures, en particulier en milieu rural ;

e)L’accès limité à l’eau et au système d’assainissement dans les écoles ;

f)Le taux élevé d’analphabétisme, principalement dans les zones rurales et en particulier parmi les femmes.

48. L e Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a ugmenter les ressources allouées à l ’ éducation ;

b) De r enforcer ses mesures et ses programmes divers en vue de remédier au x problème s d ’ accès à l ’ école des enfants vivant en zone rurale ;

c) De r emédier d ’ urgence au taux élevé d ’ abandon scolaire dans l ’ enseignement primaire et secondaire, particulièrement concernant les filles ;

d) D’améliore r la qualité de l ’ enseignement dispensé et d’ investir davantage dans la formation des enseignants, en particulier en augmentant la capacité des é coles n ormales d ’i nstituteurs , afin de pouvoir former adéquatement les enseignants nécessitant un renforcement de capacité ;

e) D’a méliorer les infrastructures scolaires et les matériels d ’ apprentissage, en particulier dans les régions rurales, et de veiller à ce que tous les établissements scolaires disposent d ’ installations de distribution d ’ eau et d ’ assainissement adéquates, en particulier d ’ installations sanitaires séparées pour les filles et les garçons ;

f) De r enforcer les mesures de mise en œuvre de la politique nationale d ’ alphabétisation et d ’ éducation non formelle  ;

g) D’encadrer adéquatement les établissements d’enseignement privé et de s’assurer que le développement de l’enseignement privé ne débouchera pas sur un enseignement à deux vitesses, au détriment des enfants défavorisés ou vivant dans les zones rurales ;

h) De se référer à son observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l ’ éducation .

D.Autres recommandations

49. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030, avec l ’ aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s ’ il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non ‑discrimination permettrait de garantir que nul n ’ est laissé de côté. À ce propos, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration sur l ’ engagement de ne laisser personne de côté (E/C.12/2019/1).

51. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l ’ évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HRI/MC/2008/3).

52. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons national et régional, en particulier auprès des membres de l ’ Assemblée nationale, des responsables publics et des autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l ’ encourage à associer l ’ Institution nationale indépendante des droits humains , les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

53. Conformément à la procédure concernant la suite à donner aux observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans u n délai de vingt ‑ quatre mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des informations sur l ’ application des recommandations faites par le Comité aux paragraphes 17 (exploitations minières), 23 a) ( personnes ayant un handicap) et 32 (enregistrement des naissances) ci ‑dessus.

54. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre, le 31  mars 2025 au plus tard, son deuxième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l’invite aussi à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).