Nations Unies

E/C.12/CHE/CO/4

Conseil économique et social

Distr. générale

18 novembre 2019

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Suisse *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Suisse (E/C.12/CHE/4) à ses 34e et 35e séances (voir E/C.12/2019/SR.34 et 35), les 1er et 2 octobre 2019, et adopté les présentes observations finales à sa 60e séance, le 18 octobre 2019.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du quatrième rapport périodique par la Suisse, ainsi que des réponses écrites à la liste de points (E/C.12/CHE/Q/4/Add.1). Le Comité accueille avec satisfaction le dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et les informations fournies lors de celui-ci. En outre, il remercie l’État partie pour les informations complémentaires soumises après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de l’engagement de l’État partie et des efforts qu’il a déployés pour continuer à assurer la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, tels que les démarches destinées à réduire les inégalités entre hommes et femmes et à favoriser la conciliation de la vie familiale et professionnelle. Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de l’Agenda Intégration Suisse, devant favoriser l’intégration des personnes réfugiées et des personnes admises à titre provisoire. Le Comité se félicite de la ratification de la Convention de 2000 sur la protection de la maternité (no 183) et de la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels

4.Le Comité prend note avec préoccupation des explications concernant la justiciabilité des droits contenus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, d’après lesquelles ils ne pourraient être invoqués devant les tribunaux que sous certaines conditions. Le Comité regrette que le Tribunal fédéral ait confirmé son interprétation sur le caractère programmatique des droits économiques, sociaux et culturels, et que seuls certains soient inscrits dans la Constitution, ce qui limite leur justiciabilité.

5. Le Comité rappelle ses recommandations faites dans ses précédentes observations finales (E/C.12/CHE/CO/2-3, par. 5) et encourage l ’ État partie à pleinement mettre en œuvre les droits consacrés par le Pacte dans son ordre juridique interne et à faire en sorte que les victimes de violations des droits économiques, sociaux et culturels aient pleinement accès à un recours effectif. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national.

Mise en œuvre des droits consacrés dans le Pacte dans le contexte confédéral

6.Le Comité reconnaît la complexité du système fédéral de l’État partie, au sein duquel la responsabilité de mise en œuvre des droits reconnus dans le Pacte est attribuée principalement aux communes et aux cantons, et finalement à la Confédération. Il est néanmoins préoccupé par certaines disparités dans la jouissance de certains de ces droits pouvant être contraires aux obligations de l’État partie établies par le Pacte.

7. Le Comité rappelle à l ’ État partie que la Confédération est responsable en dernier ressort d ’ assurer la mise en œuvre du Pacte relevant de sa juridiction. Il l ’ encourage à renforcer les mécanismes de coordination entre la Confédération, les cantons et les communes afin d ’ assurer la pleine mise en œuvre des droits reconnus dans le Pacte.

Institution nationale des droits de l’homme

8.Le Comité se félicite que l’État partie poursuive ses efforts en vue de la création d’une institution nationale des droits de l’homme. Cependant, il regrette que certains aspects de l’avant-projet de 2017 ne soient pas en conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), notamment en ce qui concerne l’indépendance et le mandat de protection.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts afin de se doter d ’ une institution nationale des droits de l ’ homme pleinement conforme aux Principes de Paris. Il le prie notamment d ’ assurer que cette institution sera dotée de mécanismes effectifs pour garantir son indépendance, des ressources suffisantes pour son bon fonctionnement, et d ’ un mandat large de protection et de promotion des droits de l ’ homme intégrant des pouvoirs de su rveillance adéquats afin de mener des enquêtes indépendantes sur les situations de violation des droits de l ’ homme , y compris les droits économiques, sociaux et culturels, dans l ’ ensemble des cantons. Le Comité encourage l ’ État partie à examiner la possibilité de doter ladite institution de la capacité de recevoir et d ’ examiner des plaintes et requêtes concernant des situations individuelles.

Entreprises et droits de l’homme

10.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les discussions concernant l’initiative pour des multinationales responsables. Il est cependant préoccupé par le fait que le Conseil fédéral se soit déclaré en faveur de l’introduction de la diligence raisonnable sur une base volontaire uniquement.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de créer des mécanismes juridiques efficaces propres à garantir que les entreprises exercent une diligence raisonnable en matière de droits de l ’ homme, afin : a) d ’ identifier, de prévenir et d ’ atténuer les risques de violations des droits énoncés dans le Pacte ; et b) de prévenir la violation des droits garantis par le Pacte dans la chaîne d ’ approvisionnement des entreprises, ainsi que de leurs sous-traitants, fournisseurs, franchisés ou autres partenaires. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour assurer l ’ accès à des mécanismes de réclamation lorsque des entreprises domiciliées dans l ’ État partie sont impliquées dans des violations des droits de l ’ homme à l ’ étranger. Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises.

Coopération internationale pour le maximum des ressources disponibles

12.Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre l’évasion fiscale transfrontière et de ses résultats en la matière. Il relève néanmoins avec préoccupation que des flux financiers illicites provenant de pays tiers continuent à être placés dans des institutions financières de l’État partie, avec des effets négatifs sur la disponibilité de ressources financières indispensables à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans ces pays (art. 2).

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures strictes pour lutter contre l ’ évasion fiscale, en particulier lorsqu ’ elle est pratiquée par des sociétés et des particuliers fortunés, et d ’ intensifier ses efforts pour combattre l ’ évasion fiscale à l ’ échelon mondial , notamment en veillant à ce que les institutions financières publiques et privées soient soumises à une réglementation appropriée afin de contribuer aux efforts dans la lutte contre les systèmes de fraude et d ’ évasion fiscale. Le Comité encourage l ’ État partie à mettre en œuvre les recommandations du Rapport établi par l ’ Expert indépendant chargé d ’ examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l ’ homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, sur la mission qu ’ il a effectuée en Suisse en 2017 (A/HRC/37/54/Add.3).

Accords de libre-échange

14.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie ne mène pas d’études d’impact sur la portée que les accords de libre-échange pourraient avoir sur les droits de l’homme dans l’État partie, ainsi que dans les pays partenaires (art. 2).

15. Le Comité rappelle ses recommandations faites dans ses précédentes observations finales (par. 24) et encourage l ’ État partie à mener, de manière systématique, des études d ’ impact pour déterminer les incidences éventuelles des accords de libre-échange sur les droits de l ’ homme, notamment les droits économiques, sociaux et culturels, dans l ’ État partie ainsi que dans les pays partenaires.

Aide publique au développement

16.Le Comité constate avec préoccupation que la contribution de l’État partie à l’aide publique au développement représentait en 2017 seulement 0,46 % du revenu national brut (art. 2).

17. Le Comité rappelle à l ’ État partie ses recommandations faites dans ses précédentes observations finales (par. 25) et l ’ encourage à redoubler ses efforts afin d ’ atteindre l ’ objectif international visant à allouer 0,7 % du revenu national brut à l ’ aide publique au développement.

Changement climatique

18.Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie n’entreprend pas les efforts requis pour atteindre l’objectif fixé de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour l’année 2020, et que l’objectif de 50 % de réduction en comparaison avec le niveau d’émissions de 1990 fixé pour l’année 2030 n’est pas compatible avec les objectifs d’atténuation du réchauffement climatique que la communauté internationale a fixés. Le Comité note également avec préoccupation les informations selon lesquelles les institutions financières publiques et privées, notamment les caisses de pensions, maintiennent des investissements significatifs dans l’industrie des combustibles fossiles, en dépit de ses impacts nuisibles au climat.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier son action pour atteindre les objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu ’ il s ’ est fixés pour 2020 et de revoir à la hausse l ’ objectif fixé pour l ’ année 2030, afin qu ’ il soit compatible avec l ’ engagement de limiter la hausse des températures à 1,5 °C. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour diminuer les investissements publics et privés dans l ’ industrie des combustibles fossiles et assurer qu ’ ils sont compatibles avec la nécessité de réduction des émissions de gaz à effet de serre. À ce propos, il le renvoie à sa Déclaration sur les changements climatiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2018/1), adoptée le 8 octobre 2018, et à la déclaration conjointe effectuée par le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels , le  Comité des travailleurs migrants, le Comité des droits de l ’ enfant et le Comité des droits des personnes handicapées le 16 septembre 2019 sur les droits de l ’ homme et les changements climatiques .

Non-discrimination

20.Le Comité prend note des explications fournies par l’État partie sur les progrès des politiques et stratégies de lutte contre la discrimination. Il regrette cependant que l’absence d’une loi générale pour lutter contre la discrimination continue à être un obstacle pour les victimes quant à l’accès à un recours effectif et à une protection adéquate contre tous les motifs interdits et les formes multiples de discrimination. Il demeure également préoccupé par la discrimination que, dans la pratique, continuent de subir certains individus et groupes tels que les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, les personnes en situation de handicap, les migrants et les personnes en situation de pauvreté (art. 2).

21. Le Comité rappelle à l ’ État partie ses recommandations faites dans ses précédentes observations finales (par. 7) et lui recommande d ’ adopter une législation générale pour lutter contre la discrimination applicable uniformément dans toute la Confédération, qui : a) couvre tous les motifs interdits de discrimination, y compris la discrimination fondée sur la situation économique et sociale, ainsi que sur l ’ identité sexuelle ; b) définit la discrimination multiple ; c) interdit la discrimination directe et indirecte ; et d) prévoit des voies de recours judiciaires ou administratifs pour les victimes, afin qu ’ elles puissent bénéficier d ’ une protection effective. En outre, le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour prévenir et combattre la discrimination dont continuent à faire l ’ objet certains individus et groupes, notamment en menant des campagnes de sensibilisation, afin de leur garantir le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte. À ce propos, le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 20 (2009) sur la non ‑ discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Égalité entre hommes et femmes

22.Malgré les nombreux efforts déployés par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, les rôles traditionnels relatifs à la place des femmes et des hommes dans la famille et la société continuent à faire obstacle à la pleine jouissance par les femmes de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité note avec préoccupation que les femmes travaillent majoritairement à temps partiel, ce qui contribue à l’écart salarial entre hommes et femmes. Le Comité est également préoccupé par la persistance des obstacles auxquels les femmes font face pour accéder à des postes de décision et de responsabilité (art. 3).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour parvenir à une réelle égalité entre hommes et femmes, et notamment :

a) De prendre des mesures concrètes pour lutter contre la perception des rôles traditionnels relatifs à la place des hommes et des femmes dans la famille et dans la société, afin de favoriser l ’ égalité des chances en matière professionnelle ;

b) De continuer de promouvoir une plus grande représentation des femmes à tous les niveaux de l ’ administration publique, en particulier aux postes de décision, ainsi que leur participation aux fonctions de direction dans le secteur privé ;

c) D ’ adopter des mesures efficaces pour éliminer l ’ écart salarial persistant entre hommes et femmes , notamment en s ’ attaquant aux causes structurelles qui font que celles-ci occupent des emplois moins bien rémunérés et se heurtent à des obstacles qui les empêchent d ’ avoir les mêmes perspectives de carrière que les hommes ;

d) De prendre en compte son observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

Droit au travail

24.Le Comité est préoccupé par le fait que la mise en œuvre exhaustive de l’inclusion des personnes handicapées constitue un défi considérable à relever et que, souvent, ces personnes continuent à faire l’objet de discrimination pour accéder au marché du travail. En outre, les personnes handicapées travaillent souvent dans des ateliers protégés et reçoivent des rémunérations insuffisantes pour leur garantir un niveau de vie décent. Le Comité note également avec préoccupation que le taux de chômage de longue durée est plus élevé pour les personnes âgées et que celles-ci rencontrent plus de difficultés à réintégrer le marché du travail (art. 6 et 7).

25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour remédier aux défis que rencontrent certains groupes de la population, notamment les personnes handicapées et les personnes âgées, pour accéder à l ’ emploi. Le Comité encourage l ’ État partie à mettre en œuvre des stratégies visant à intégrer pleinement ces groupes sur le marché du travail. En outre, il lui recommande de veiller à ce que les personnes handicapées qui travaillent dans des ateliers protégés bénéficient pleinement de mesures de protection du travail et de protection sociale, y compris d ’ une rémunération adéquate, et de prendre des mesures efficaces pour faciliter leur passage au marché du travail ordinaire. Il l ’ engage à intensifier ses efforts pour adopter, avec la participation des partenaires sociaux, des mesures efficaces pour remédier au chômage des travailleurs âgés. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  18 (2005) sur le droit au travail.

26.Tout en saluant l’amendement à la loi fédérale no 142.20 du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration, dont l’article 21 tel qu’amendé en 2016 assimile les étrangers admis à titre provisoire aux travailleurs en Suisse, le Comité demeure préoccupé par les difficultés auxquelles les personnes étrangères, notamment celles admises à titre provisoire, font face pour accéder au marché du travail (art. 6).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l ’ accès à l ’ emploi des personnes de nationalité étrangère, notamment celles admises à titre provisoire.

Salaire minimum

28.Au vu des informations faisant état de ce que les salaires indiqués dans les conventions collectives de travail ne permettent pas toujours d’assurer un niveau de vie suffisant, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie ne dispose pas d’un système de salaire minimum au niveau fédéral, et que seuls deux cantons ont introduit un salaire minimum local (art. 7).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de fixer un salaire minimum en concertation avec les partenaires sociaux, à un niveau suffisant et régulièrement indexé, afin de garantir à tous les travailleurs et aux membres de leur famille des conditions de vie décentes. Il attire l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Rémunération égale pour un travail de valeur égale

30.Le Comité reste préoccupé par les difficultés de l’État partie à appliquer le principe d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale, en particulier dues à l’absence d’une stratégie intégrale visant l’application de ce principe et de mesures contraignantes en cas de non-respect (art. 7).

31. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts afin de garantir la mise en œuvre du principe d ’ une rémunération égale pour un travail de valeur égale, notamment par l ’ élaboration d ’ un système permettant de mener des études comparatives entre les différentes catégories de professions, afin d ’ élaborer une stratégie intégrale visant à éliminer les écarts salariaux et à mettre en place des mesures contraignantes, y compris des sanctions en cas de non-respect de ce principe.

Travail domestique

32.Le Comité constate qu’environ 49 000 personnes, essentiellement des travailleuses migrantes, sont employées dans des ménages dans l’État partie, et il relève avec préoccupation que la loi fédérale du travail n’étend pas sa protection à ce type de travail. Le Comité est préoccupé par l’absence de mécanismes de protection effectifs contre l’exploitation, les abus et le harcèlement pour ces travailleurs (art. 7).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures supplémentaires pour faire en sorte que les travailleurs domestiques jouissent des mêmes conditions que les autres travailleurs en matière de rémunération, de repos et de loisirs, de limitation du temps de travail et de protection contre les licenciements abusifs. Il lui recommande également de protéger ces personnes contre toutes les formes d ’ exploitation et de mauvais traitements. Il lui recommande aussi d ’ améliorer les mécanismes de plainte afin de les rendre facilement accessibles à cette catégorie de travailleurs et de travailleuses, et de mettre en place des mécanismes d ’ inspection efficaces pour contrôler leurs conditions de travail. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  23.

Discrimination et harcèlement sur le lieu de travail

34.Le Comité note avec préoccupation les informations selon lesquelles des cas de licenciement abusif lors de la grossesse, ainsi que des cas de harcèlement sexuel et de discrimination liés à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre continuent à se produire, et le fait que les mécanismes existants ne garantissent pas une protection effective contre ces actes (art. 7 et 10).

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures législatives et administratives nécessaires, notamment en recourant aux inspections du travail, pour interdire aux employeurs de licencier des femmes, de ne pas les embaucher ou de ne pas renouveler leur contrat de travail à durée déterminée pour motif de grossesse, d ’ accouchement et de congé de maternité. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre des mesures de protection effectives pour les victimes de licenciement abusif, de harcèlement sexuel et de discrimination liés à l ’ orientation sexuelle ou à l ’ identité de genre, y compris par le renversement de la charge de la preuve dans les procédures judiciaires.

Droits syndicaux

36.Le Comité note avec préoccupation que les travailleurs licenciés en raison de leur participation à des activités syndicales, notamment à une grève, n’ont pas le droit de réintégrer leur poste de travail. Il est également préoccupé par le fait que l’indemnisation prévue pour le licenciement antisyndical n’ait pas un effet suffisamment dissuasif (art. 8).

37. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux afin de garantir une protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux, conformément à l ’ article 8 du Pacte et aux dispositions de la Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n o  87) et de la Convention de 1949 sur le droit d ’ organisation et de négociation collective (n o  98) d e l ’ Organisation internationale du Travail. En ce sens, le Comité encourage l ’ État partie à fixer une indemnisation suffisamment dissuasive qui prenne en compte la taille de l ’ entreprise concernée, et à envisager d ’ introduire dans sa législation le droit de réintégration lors de ce type de licenciement.

Droit à la sécurité sociale

38.Le Comité prend note avec préoccupation que d’après des informations reçues, la stigmatisation, les sanctions et les procédures compliquées des différents cantons constituent des obstacles à l’accès aux prestations sociales dans l’État partie. Il est préoccupé par le fait que les personnes de nationalité étrangère et les personnes avec un permis de séjour provisoire n’aient pas accès à l’aide sociale, mais à l’aide d’urgence, qui ne leur permet pas d’avoir accès à un niveau de vie suffisant (art. 9).

39. Le Comité rappelle ses recommandations faites dans ses précédentes observations finales (par. 12), et recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour harmoniser les systèmes d ’ assistance sociale entre les cantons et pour fixer des critères minimaux et communs concernant les niveaux de prestations sociales, afin d ’ assurer aux personnes vivant sur son territoire et à leur famille un niveau de vie suffisant. Le Comité exhorte l ’ État partie à fournir aux personnes disposant d ’ un permis de séjour provisoire une aide sociale, au lieu d ’ une aide d ’ urgence.

Garde des enfants

40.Le Comité note avec préoccupation l’offre insuffisante et les coûts élevés des services de garde d’enfants dans l’État partie. Le Comité prend note des informations indiquant qu’un congé de paternité de deux semaines a été adopté et que des discussions pour l’élargir sont en cours. Cependant, il s’inquiète de l’absence d’un congé parental(art. 10).

41. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour faire en sorte que les services de garde d ’ enfants soient disponibles, accessibles et abordables dans l ’ ensemble de l ’ État partie, y compris par l ’ augmentation du financement public des crèches et l ’ institution d ’ une allocation pour la garde d ’ enfants. Il lui recommande également de réviser le système de congé de paternité visant à l ’ élargir et d ’ instaurer un congé parental partagé, afin de rendre plus équitable le partage des responsabilités au sein de la famille et de la société .

Regroupement familial

42.Le Comité est préoccupé par les nombreuses entraves juridiques et pratiques qui limitent l’accès au regroupement familial pour les personnes ayant un statut de réfugié ou de réfugié provisoire, ainsi que pour les étrangers admis provisoirement. Il s’inquiète également de ce que le paragraphe 7 de l’article 85 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration pourrait décourager les étrangers admis provisoirement de solliciter l’aide sociale, et de ce que le conjoint victime de violences conjugales pourrait hésiter à quitter le foyer, par crainte de perdre son droit de séjour (art.10).

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de réexaminer sa législation et sa pratique concernant les conditions de regroupement familial applicables aux personnes ayant un statut de réfugié ou de réfugié provisoire, ainsi qu ’ aux personnes admises provisoirement, afin de donner la priorité au regroupement familial et de faciliter leur intégration dans l ’ État partie.

Personnes adoptées

44.Bien que le Comité se félicite des modifications relatives au secret de l’adoption, il relève que les enfants adoptés d’un pays tiers ne peuvent rechercher leurs origines que si les autorités dudit pays y consentent, et qu’ils ne disposent pas d’un appui adéquat et nécessaire lors de ces démarches (art. 10).

45. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour assurer un soutien adéquat, y compris un soutien psychologique et financier, ainsi que des services de traduction si nécessaire, aux personnes adoptées de pays tiers par des parents suisses et qui sont à la recherche de leurs origines, et de renforcer les moyens légaux et administratifs permettant de les accompagner dans ces démarches.

Pauvreté

46.Le Comité est préoccupé par le fait que le taux de la population touchée par la pauvreté de revenu dépasse 8 % et que certains groupes de la population courent un risque plus élevé de tomber dans la pauvreté, notamment les personnes handicapées et les personnes âgées (art. 11).

47. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, en faisant en sorte que celle-ci soit centrée sur les personnes et les groupes les plus touchés, et qu ’ elle soit mise en œuvre selon une approche fondée sur les droits de l ’ homme, avec la participation des personnes concernées. Il lui recommande également de consacrer des ressources suffisantes à l ’ application de cette stratégie et de mettre en place des mécanismes efficaces de coordination au niveau fédéral, afin d ’ éviter les disparités cantonales. À ce propos, le Comité renvoie l ’ État partie à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptée le 4 mai 2001 (E/C.12/2001/10).

Santé mentale

48.Le Comité demeure préoccupé, malgré les mesures prises, par le taux élevé de suicide dans l’État partie, notamment parmi les jeunes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (art. 12).

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre les recommandations du rapport « La santé psychique en Suisse » de l ’ Observatoire suisse de la santé, et de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les services de santé mentale adaptés sont disponibles et accessibles dans l ’ ensemble de l ’ État partie. Le Comité lui recommande également de poursuivre ses efforts tendant à prévenir le suicide, y compris en mobilisant les ressources nécessaires.

Usagers de drogues

50.Bien que le Comité reconnaisse les efforts déployés par l’État partie dans la réduction des risques pour les personnes consommatrices de drogues, il est préoccupé par les disparités régionales concernant la disponibilité et l’accessibilité de ces services (art.12).

51. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les services de réduction des risques pour les personnes qui consomment des drogues ou d ’ autres substances soient disponibles et accessibles dans l ’ ensemble du territoire de l ’ État partie, et d ’ éliminer les obstacles qui pourraient limiter leur accès, notamment pour les consommateurs de drogues issus de groupes plus défavorisés ou marginalisés.

Accès à l’éducation

52.Malgré les efforts déployés par l’État partie pour garantir une éducation de qualité, le Comité note avec préoccupation que :

a)Les enfants réfugiés et enfants requérants d’asile dans les centres d’accueil fédéraux continuent à faire face à de nombreux obstacles pour accéder à l’éducation, obstacles que rencontrent aussi les enfants migrants pour l’accès à l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle ;

b)Les jeunes requérants d’asile déboutés et les jeunes admis provisoirement ne sont pas toujours en mesure de continuer leur apprentissage ;

c)L’écart entre les taux de réussite des enfants issus de l’immigration, de familles à faible revenu et d’un milieu favorisé constitue une entrave à la mobilité sociale ;

d)Malgré l’introduction du principe d’éducation inclusive, certains enfants handicapés fréquentent encore des écoles spéciales.

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Garantir que les enfants réfugiés et enfants requérants d ’ asile dans les centres d ’ accueil fédéraux sont intégrés dans le système éducatif ordinaire dans tous les cantons et peuvent avoir accès à une éducation de qualité, culturellement appropriée et adaptée à leurs besoins linguistiques, et poursuivre ses efforts afin que les enfants migrants aient accès à l ’ enseignement supérieur et à la formation professionnelle ;

b) Éliminer les obstacles existants qui empêchent les jeunes requérants d ’ asile déboutés et les jeunes admis provisoirement de continuer leur apprentissage, et faciliter leur accès à l ’ enseignement supérieur ;

c) Poursuivre ses efforts en vue d ’ augmenter le taux de réussite scolaire des enfants issus de milieux défavorisés, notamment les enfants migrants et ceux issus de familles à faible revenu ;

d) Continuer à garantir aux enfants en situation de handicap l ’ accès à une éducation inclusive de qualité, notamment par le renforcement de la formation des enseignants.

Langues officielles

54.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour la promotion de la langue italienne et de celles qui pourront l’être dès 2020 concernant la langue romanche. Cependant, il regrette l’absence d’un mécanisme de suivi permettant d’évaluer les résultats de ces mesures (art. 15).

55. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts quant à l ’ adoption de mesures effectives pour la promotion des langues italienne et romanche, et de consacrer les moyens nécessaires pour leur mise en œuvre. Il lui recommande également d ’ envisager la mise en place de mécanismes de suivi afin d ’ évaluer les résultats de ces mesures.

Droits culturels

56.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les efforts de l’État partie pour reconnaître le droit à l’auto-identification, les Yéniches, Sintis/Manouches et Roms continuent à faire l’objet d’actes de discrimination, et que les mesures prises ne suffisent pas à promouvoir leurs traditions, leur culture et leurs langues. Le Comité demeure préoccupé par le nombre insuffisant d’aires d’accueil mises à leur disposition, ainsi que par l’absence de mesures adéquates pour faciliter l’accès à l’éducation des enfants appartenant à ces minorités (art. 2, 13 et 15).

57. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts en vue de renforcer la lutte contre la discrimination à l ’ égard des Yéniches , des Sintis /Manouches et des Roms, et de garantir la protection de leurs droits culturels et le respect de la diversité, y compris par la mise en œuvre effective du plan d ’ action «  Yéniches , Manouches, Roms ». Le Comité prie l ’ État partie de créer des conditions appropriées pour préserver, développer et diffuser l ’ identité, l ’ histoire, la culture, les traditions et les modes de vie de ces minorités. Il lui rappelle sa recommandation faite dans ses précédentes observations finales (par. 23), et l ’ encourage à mettre en place un nombre suffisant d ’ aires d ’ accueil de longue et de courte durée sur tout le territoire et à poursuivre ses efforts pour faciliter l ’ accès à l ’ éducation des enfants appartenant à ces minorités.

D.Autres recommandations

58. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

59. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

60. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s ’ il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non ‑ discrimination permettrait de garantir que nul n ’ est laissé de côté. À ce propos, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration sur l ’ engagement de ne laisser personne de côté (E/C.12/2019/1).

61. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l ’ évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HRI/MC/2008/3).

62. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons de la Confédération, des cantons et des communes, en particulier auprès des membres du Conseil fédéral, du Conseil national et du Conseil des États, des administrations publiques et des autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l ’ encourage à associer les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile, y compris le Centre suisse de compétence pour les droits humains, au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

63. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des informations sur l ’ application des recommandations faites par le Comité aux paragraphes 9 (institution nationale des droits de l ’ homme), 11 (entreprises et droits de l ’ homme) et 41 (garde des enfants) ci ‑ dessus.

64. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre, le 31 octobre 2024 au plus tard, son cinquième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l ’ invite aussi à mettre à jour, selon qu ’ il conviendra, son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).